Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
Sans faire violence aux mots, je serais assez tenté, de prime abord, d'écrire noblesse ou bourgeoisie, ou mieux, donnant au trait d'union sa valeur pleine d'unicité : noblesse-bourgeoisie, escamotant sans vergogne l'intervalle. Certes en 1789 la noblesse n'est pas un mythe. Elle a même, avec la convocation des États Généraux, une occasion exceptionnelle de manifester son existence avec plus de force qu'il lui a été donné de le faire depuis deux siècles. Mais une autre réalité se cache sous les apparences : la noblesse qui se réunit dans les bailliages au printemps 89 pour rédiger ses doléances, c'est à peine forcer les termes que de la définir comme la bourgeoisie qui a réussi. Évidence qu'il n'est pas dans mon projet de vérifier ici.
1. Elles ne représentent qu'une partie des lettres accordées au XVIIIe siècle, les autres furent enregistrées en province.
2. L'opinion abusivement répandue que le traité de La Roque constituait le livre de chevet et la nourriture quotidienne de la noblesse au XVIIIe siècle n'est pas confirmée par les inventaires de bibliothèque que j'ai consultés où je l'ai souvent cherché en vain.
3. Voir, entre autres, Denis Richet, «Élite et despotisme», Annales ESC, 1969, n° 1 ; Cobban, , The social interprétation of the French Révolution , Cambridge University Press, 1964 Google Scholar ; A. Soboul, Histoire de la Révolution Française, 1962, et La Civilisation et la Révolution Française, t. I : La crise de l'Ancien Régime, 1970 ; F. Furet, « Le catéchisme de la Révolution Française», Annales E.S.C., 1971, n° 2.
4. A. Soboul, Histoire de la Révolution Française, I, 1962, pp. 29-30.
5. Bureaucracy, democracy and the French Révolution, P.H.D. of the Washington University, 1968 (inédit). Je ne peux rendre compte ici du travail de S. Weitman. Il s'agit d'un travail capital non seulement par son volume (près de 1 000 pages dactylographiées) mais par l'originalité de la démarche et l'ampleur de la documentation utilisée. Souhaitons que ce très beau livre soit rapidement publié et, pourquoi pas, publié en France.
6. L'attitude de la majorité de la noblesse aux États Généraux peut paraître en contradiction avec les voeux exprimés dans les cahiers. Les raisons en sont multiples. Les plus importantes ressortissent à des considérations qui n'ont pas ou peu d'implications politiques. Le problème qui se pose d'abord est celui de la représentativité des députés. L'enquête que je fais actuellement sur ce sujet apportera, je l'espère, quelque lumière sur cette question complexe. Pour l'instant il semble d'une part que les députés aient interprété leurs mandats dans un sens très restrictif. Avant que le Roi ait déclaré que les mandats ne devaient en aucun cas être impératifs, beaucoup de députés ont hésité à interpréter des voeux souvent contradictoires et parfois sibyllins. De toute façon il semble bien que le refus de se joindre au tiers n'impliquait pas le refus du vote par tête. Une partie de la noblesse ne comprenait pas la nécessité de supprimer le caractère spécifique de la représentation. L'obstination, d'ailleurs vite surmontée, d'une partie de la noblesse ne présente pas à mon sens de signification politique. Il s'agit d'un conflit de préséance en quelque sorte routinier. La résistance ne fut pas opiniâtre. Il suffit de la déclaration royale du 27 juin pour que la noblesse rejoignît le tiers. Elle ne fit aucune opposition, sous la réserve d'obtenir de ses commettants des pouvoirs illimités que ceux-ci accordèrent sans hésitation.
7. Je n'insiste pas ici sur les détails ; je m'en suis expliqué ailleurs. On se reportera à Gens de finance au XVIIIe siècle, Paris, Bordas/Connaissance, 1972, et «Une entreprise française en Espagne : Guadalcanal », Rev. Hist. Mod. et Cont., 1973. Voir aussi les articles de Guy Richard dans les Actes des Congrès des Sociétés Savantes (1962 et 1963) et la Revue d'Histoire de la sidérurgie (1964 et 1968). Le livre de Guy Richard, Noblesse d'affaires au XVIIIe siècle, Colin, 1974, laisse sur l'impression, inexacte à mon sens, que la «noblesse d'affaires» est essentiellement composée de négociants et d'industriels nouvellement anoblis. J'espère montrer prochainement qu'il n'en est rien et que la noblesse, grande et moins grande, des gentilshommes n'est pas restée en retrait.