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Contre l'Econométrie

Published online by Cambridge University Press:  11 October 2017

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Il n'est pas possible, on s'en doute, de dresser un inventaire même succinct des progrès réalisés par la science économique au cours de ces dernières années. Tout l'interdit : la diversité même des recherches, le caractère extrêmement technique de leur méthode et de leur mode d'exposition, la multiplicité des solutions proposées. Puisque aussi bien nous ne manquons pas de mises au point partielles ou générales, il m'a semblé plus fructueux de soulever quelques-uns des grands problèmes que pose l'état présent de la pensée économique.

Chacun sait qu'il n'existe pas une science unique des phénomènes économiques, mais bien deux conceptions de la vie économique qui, par leurs méthodes comme par leurs résultats, s'opposent radicalement. D'une part les pays soumis à un régime capitaliste ou semi-capitaliste se réclament d'une économie politique hypothético-déductive fondée sur une théorie de la valeur subjective, d'autre-part les pays de planification socialiste leur opposent une analyse historique fondée sur une théorie objective de la valeur travail, d'inspiration marxiste.

Type
Débats et Combats
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1958

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References

page 308 note 1. L'Histoire de la Pensée économique au XXe siècle, de E. JAMES (2 vol., Paris, (1955) et le Survey of Contemporary Economies (2 vol., Homewood, 4e éd., 1954), me dispensent de fournir une bibliographie détaillée des travaux parus ces dernières années dans les différentes branches de la science économique. Le Survey, édité par Howard S. ELLIS, en particulier, contient des monographies de premier ordre sur la valeur et la distribution, la théorie de la monnaie, du cycle de la planification. Je prie donc le lecteur de s'y reporter.

page 308 note 2. La mise au point la plus récente reste encore le Manuel d'Economie politique de l'Académie des Sciences de l'U.R.S.S. (Paris, 1956). Il existe aussi une édition allemande publiée à Berlin-Est en 1955. On peut se reporter également à Varga, L., Grundfragen der OEkonomie und Politik des Imperialismus (Berlin, 1955)Google Scholar, qui applique la méthode marxiste à l'analyse des faits actuels.

page 309 note 1. L'expression est de Klein, Laurence : The Keynesian Révolution (Macmillan, 1947)Google Scholar. Cf., pour l'ensemble des problèmes posés par la parution de la théorie générale, Post Keynesian-Economies (Londres, 1955), où l'on trouvera d'excellents articles : Don Patinkin, Laurence R. KLEIN, Shigito TSUHU, F. Modigliani, etc. Sur la théorie monétaire striclo-sensu, Marget, A. W., The Theory of Priées (vol. 2, New York, 1942).Google Scholar

page 310 note 1. Cf. en particulier l'essai de généralisation de Hicks, J. R., Value and Capital (Oxford, 1re édition, 1939)Google Scholar, traduit en français avec une préface de l'auteur, sous le titre Valeur et Capital (Paris, 1956).

page 310 note 2. Signalons entre autres Kalecky, M., Essays in the Theory of Economie Fluctuations (Londres, 1939), p. 116149 Google Scholar ; — N. KALDOR, « A Model of the Trade Cycle » (Economie Journal, 1940, p. 78-92) ; — R. M. Goodwin, « Econometrics in Business Cycle Analysis » (in A. H. HANSKN, Business Cycles and National Income [1951], p. 417- 468) ; — P. A. Samuklson, « Interaction between the Multiplier Analysis and the Principle of Accélération » (Review of Economie Statistics, 1939, p. 75-78) et J. R. RICKS, A Contribution to the Theory of the Trade Cycle (Oxford, 1950). Le travail de Paul A. Samuelson est particulièrement important et a soulevé de nombreuses diseussions. Cf. Hoberler, G., Prospérité et Dépression (Genève, 1943)Google Scholar. Cf. enfin l'admirable travail de Fallner, W., Trend and Cycles in économie activity, New York, 1956.Google Scholar

page 311 note 1. Et, bien entendu, la diminution d'utilité comme décroissance. Pour une formulation en termes de taux marginal décroissant de substitution introduite par Hicks et Allen, cf. Bernard F. HALEY, « Value and Distribution » (in Survey of Contemporary Economies, p. 3 et suiv.).

page 311 note 2. Les aspects proprement méthodologiques sont discutés par F. Kaufmann, Methodenlehre der Sozialwissenschaften (Vienne, 1936) et Granger, G., Méthodologie économique (Paris, 1955).Google Scholar Ce dernier livre ne tient malheureusement pas compte des travaux les plus récents. Cf. aussi S. Schoeffler, , The Failures of Economies (Cambridge, 1955)CrossRefGoogle Scholar, très important pour la critique de la théorie des modèles.

page 312 note 1. Cf. Samuelson, Paul A., « Dynamic Process Analysis », in A Survey of Contemporary Economies (vol. I, p. 352387).Google Scholar

page 312 note 2. Jevons, Stanley, Theory of Political Economy (Londres, 1871, p. 90 et suiv.).Google Scholar

page 313 note 1. Dans son livre Capitalism, Socialism and Democracy, Goodwin a lui-même présenté une version littéraire de ses théories dans l'article « A Model of Cyclical Growth » dans l'ouvrage collectif The Business Cycle in the Post-War World, édité par E. Lundberg (Londres, 1955), p. 203-221.

page 313 note 2. L'auteur se borne à indiquer qu'il faut, pour que la reprise d'un cycle se manifeste (ou encore sa phase initiale d'expansion), « qu'une pression suffisante s'exerce sur l'investissement d'innovations » (Goodwin, op. cit., p. 209). Mais il n'indique pas quelle est la nature et l'ampleur de cette pression.

page 313 note 3. Goodwin, op. cit., p. 207 : « To imagine any connection between such a model ;tnd économie history seems grotesque and yet if there is no relation, there seems little use in çonstructing it. » Un tel modèle n'a en effet qu'une utilité bien restreinte.

page 314 note 1. On prendra plus sérieusement conscience des limites très graves de la théorie générale de la valeur et du prix et de son incapacité à fonder une théorie de la distribution unifiée en lisant l'excellent livre de Zeuthen, F., Economie theory and method (Londres, 1955), p. 130139.CrossRefGoogle Scholar

page 315 note 1. Il faudrait, ce qui n'est pas possible ici, montrer qu'en fin de compte l'analyse causale débouche dans le probabilisme de Cournot.

page 315 note 2. Cf. en particulier le tome I de Business Cycles, de Schumpeter, J. (New York, 1939).Google Scholar

page 316 note 1. Cf. tout l'exposé de l'accumulation primitive dans le capital et les réflexions qu'il inspire à l'économiste anglais M. DOBB dans ses Studies in Capitalist development.

page 316 note 2. Maurice DOBB n'a pu, semble-t-il, dans son très bon livre sur l'évolution du capitalisme, échapper à cette dichotomie. Le chapitre ultime qu'il consacre au capitalisme lui-même est désespérément abstrait par contraste avec les chapitres sur la genèse du système qui sont passablement empiriques. Cf. Studies in the development of Capitalism (Londres, 1942), passim.

page 317 note 1. Dialectiquement en effet, ces objets fabriqués apparaîtront à la classe dirigeante (producteurs et consommateurs) comme des idéalités sur lesquelles s'exercent de simples pouvoirs de combinaison, d'ajustement, d'évaluation. A un certain niveau de développement, la jouissance elle-même se hiérarchise en « échelles de préférence », de sorte que, tout comme les activités de production, la consommation s'universalise dans la catégorie du pur choix. L'économiste généralise abusivement cette forme d'universalité valable uniquement dans l'horizon de la classe dirigeante à la classe (ou aux classes) dépendante, d'où, e.g., la théorie de la désutilité marginale de travail. Keynes mieux au contact du réel, a dévoilé cette mystification (comme aurait dit Marx) et présente (General Theory of Employment, chap. 2) une théorie monétaire du comportement des ouvriers qui lui restitue une partie de sa spécificité. Il y ajoute (chap. 4) une théorie monétaire de la valeur travail, qui ne semble guère (non plus d'ailleurs que sa théorie de la monnaie, version générale de la théorie quantitative) avoir attiré l'attention des commentateurs.

page 318 note 1. Schumpeter, J., History of Economie Analysis (New York, 1954).Google Scholar Un tel ouvrage mériterait une large recension. Je note en passant que Schumpeter a conscience du caractère limité de toute théorie abstraite lorsqu'il montre que l'assimilation des rapports de classes de la société à une triade de facteurs de production (travailleurs et salariés, propriétaires fonciers, capitalistes) réduit les conflits de classes à une simple allocation des rendements entre facteurs coopérants, et de ce fait mutile la réalité capitaliste (cf. History of Economie Analysis, p. 559). Schumpeter rappelle ici Marx, et fort à propos.

page 318 note 2. F. Zeuthen (op. cit., p. 331-333) se rend bien compte qu'une théorie véritable de la distribution ne saurait se réduire à une simple théorie des prix des facteurs de la production, c'est-à-dire à une simple théorie de la distribution fonctionnelle. Il admet l'idée qu'une théorie de la distribution de la propriété elle-même soit du ressort de l'économiste et non de l'historien ou du sociologue. Il reconnaît qu'une véritable théorie dynamique « devait inclure l'explication de la montée et de la disparition de la propriété dans la période prise en considération, compte tenu de la liaison directe entre ce qui se produit durant cette période et la dimension des formes de la propriété au début et à la fin de celle-ci… Car les fluctuations dans la valeur et le transfert dans la propriété peuvent quelquefois affecter le développement économique » (Economie Theory and Method, p. 332). Le souhait de F. Zeuthen n'a jamais été jusqu'ici réalisé. Aucun néokeynesien (Kalecky ou Mrs Robinson) n'a entrepris ce travail, de sorte que leurs constructions, si séduisantes qu'elles soient, ne nous satisfont qu'à moitié.

page 318 note 3. C'est encore à F. Zeuthen qu'il faut se référer pour avoir pleinement conscience du caractère artificiel de l'opposition statique-dynamique. La simple prise en considération du temps ne suffit pas à fonder une dynamique véritable (cf. Economie theory and Method, p. 139.

page 319 note 1. Marchal, André, Méthode scientifique et science économique, 2 vol., Paris, s.d. [1955], p. 279300.Google Scholar

page 319 note 2. Les Grundlagen der Nationalokonomie, de Euchen, W. (Iéna, 1941) traduits en anglais sous le titre The foundations of économies (Londres, 1950)Google Scholarconstituent l'essai le plus vigoureux de coordination de la théorie économique et de l'histoire. Cette coordination est faite dans l'optique de la sociologie de Weber, de sorte qu'il s'agit surtout pour l'auteur de constituer les « types idéaux » du système économique. Tout en demeurant réservé à l'égard de cette problématique, il faut féliciter l'auteur pour sa critique très pertinente (et je crois décisive) de l'historicisme allemand (celui de Bûcher, Schmoller, etc.). Il apporte ainsi une conclusion définitive à la Methodenstreit qui avait si violemment agité l'Allemagne à la fin du siècle dernier. Il est d'autre part symptomatique que les Anglo-Saxons, si peu perméables à des tentatives du genre de celles d'Euchen, l'aient finalement fait traduire avec, il est vrai, dix ans de retard et de graves coupures qui rendent l'édition anglaise à peu près inutilisable.

page 319 note 3. Marchal, Jean, Deux essais sur le marxisme (Paris, 1955).Google Scholar

page 319 note 4. Jean Mahchal, op. cit., p. 232. Il faut toutefois reconnaître que Marx recherchait moins à formuler une théorie de la distribution comme telle qu'à dévoiler les lois qui régissent le processus d'ensemble de la production capitaliste. Il n'y a aucune préoccupation sociologique dans son oeuvre. C'est un pur logicien, mais ce qui l'intéresse ce n'est pas de thématiser le « savoir absolu » de Hegel sous la forme d'une logique de l'être, de l'essence et du concept, mais bien de formuler la logique contradictoire d'un système fondé sur une forme déterminée de la plus-value.

page 320 note 1. En attendant l'ouvrage que l'auteur consacrera à la répartition, on consultera «Contribution à une théorie moderne de la répartition” (Revue économique, juillet 1950) ; « Approches et catégories à utiliser pour une théorie réaliste de la répartition » (Ibid., mars 1952) et en dernier lieu « Théorie moderne des salaires et théorie générale de la répartition » (Ibid., juillet 1955).

page 320 note 2. Robinson, J., The Accumulation of Capital (Londres, 1956).Google Scholar L'auteur résume un certain nombre de. ses conclusions dans un « synopsis » extrêmement commode (p. 17;! et 89).

page 320 note 3. J. Robinson, op. cit., p. 14 : “ Thus the classes of society do not correspond exactly, though they do in the maib, to the catégories of income ”.

page 321 note 1. Il serait intéressant (mais malheureusement impossible ici) de se livrer à une critique en forme des travaux de Fellner, W., Compétition among the few (New York, 1949)Google Scholar ; Duesenberry, , Jncome, saving and the theory of consumer behavior (Cambridge, 1952)Google Scholar ; Dunlop, J. T., Wage détermination under Trade-Unions (Oxford, 1950)Google Scholar. Tous ces travaux constituent des contributions très suggestives à l'examen de domaines imparfaitement connus de l'analyse économique. Ils se caractérisent tous par un souci très grand de réalisme, qui leur permet d'apporter des correctifs très graves aux théories antérieures (je songe en particulier à Fellner et sa théorie du quasi-agreement et à Duesenberry pour son analyse de la propension à consommer), mais ils ne dépassent jamais le plan de l'empirisme.