Published online by Cambridge University Press: 11 October 2017
L'Homme Moderne accepte comme évidente l'idée d'un jour de repos hebdomadaire. Sa nécessité lui semble tellement naturelle ! Il en oublie presque qu'elle repose surtout sur des conceptions irrationnelles essentiellement religieuses. Il a fallu des siècles de pratiques religieuses souvent accidentelles pour en imposer le principe, même au sein de la communauté d'où il est issu. La majeure partie de l'humanité n'a d'ailleurs adopté cette création juive héritée par le christianisme qu'à la suite de la législation sociale moderne.
page 488 note 1. A vrai dire, il a pu arriver que les bureaux de l'Etat aient été fermés le vendredi, même à l'époque des Califes. Il semble que le Calife al-Mu'tatid ait donné l'ordre de fermer les bureaux le vendredi et le mardi, « le vendredi parce que c'était le jour de prière et qu'il aimait ce jour, car son précepteur avait coutume de le libérer de ses cours en ce jour, et le mardi afin de permettre aux fonctionnaires de se reposer et de s'occuper de leurs affaires personnelles » ( Mez, A., Die Renaissance des Islams, Heidelberg, 1922, p. 79 Google Scholar) — Al-Iahchiyari, Kitab al-Wazarà, p. 141, rapporte que les bureaux de l'Etat étaient fermés le jeudi et le vendredi. Le fait que l'institution d'un jour de repos hebdomadaire n'ait pas découlé de ces usages anciens, caractérise assez bien la conception musulmane du jour du culte hebdomadaire. Plusieurs Etats musulmans ont récemment fait du vendredi un jour de repos officiel. Cette évolution répond aux exigences de la vie moderne et imite le précédent de l'Occident. Il est intéressant de noter dans ce contexte que la jeune république turque de Kemal Ata Turk a fait du dimanche, et non du vendredi, son jour de repos officiel.
page 489 note 1. Qastallani, 2,176, cité par Wensinck, A. J., Mohammed en de Joden te Médina, Leyde, 1908, p. 112.Google Scholar La partie de l'étude de Wensinck relative aux emprunts faits par les Musulmans au judaïsme a été traduite du hollandais en français par G.-H. Bousquet et G.-W. Bousquet-Mirandolle, sous le titre : « L'influence juive sur les origines du culte musulman », Revue Africaine, n° 98 (1954), p. 85-112.
page 489 note 2. Ces récits ont été étudiés par Wensinck dans sa thèse citée plus haut. Ils ont été examinés d'une manière approfondie par C. H. Beckek dans ses études sur le développement du culte musulman, Islamstudien, I, p. 476 et suiv., publiées à l'origine dans Der Islam, 3 (1912), p. 374-399. Cf. également Buhx, Frants, Dos Leben Muhammeds, Leipzig, 1930, p. 214–215 Google Scholar, et watt, W. Montgomery, Muhammad at Médina, Oxford, 1956, p. 198.Google Scholar
page 489 note 3. Le fait qu'un auteur postérieur ait pu décrire un Mahomet prêchant à sa tribu à La Mecque en ce jour, est d'une importance négligeable. Cf. Lisan al'Arab, 1300 H, vol. 2, p. 82-83, s.v. V6. Voir également ci-dessous p. 493, n. 4.
page 489 note 4. Les renseignements relatifs à ce problème ont été rassemblés et discutés par A. J. Wensinck dans l'article « Khutba » de Y Encyclopédie de d’lslam.
page 490 note 1. Ibn Sa'd, vol. III , partie 1 (et non 2 comme il est indiqué par erreur dans Becker, C. H., Islamstudien, t. I, p. 477 Google Scholar, n. 3, qui suit Wensinck, , Moh. en de Joden, t. III, p. 59 Google Scholar, qui porte déjà la même erreur), p. 83, écrit yajharu : rendre public. Les Juifs sonnaient le Shofâr le vendredi après-midi afin d'avertir tous les intéressés de la proximité du Sabbat (il commence le vendredi après-midi, environ une heure avant l'entrée de la nuit). Cf. Talmud Babli, Hullin, f ° 266. Une source postérieure (Kashani, BadaH as-sanaH, Le Caire 1827, 28, 1.1, p. 268 ; cf. Becker, op. cit.) porte ici yalajahhazu : acheter des provisions. Quel que soit le texte original, le sens est identique : à la veille du Sabbat. Il est cependant presque certain qu'Ibn Sa'd lisait également Yatajahhazu, comme le suggère Becker, ou plutôt tajahhazu (Franz Rosenthal, dans une lettre à l'auteur).
page 490 note 2. Gaudefroy-demombynes, M., Mahomet, Paris, 1957, p. 522.Google Scholar
page 490 note 3. Margoliouth, D. S. : « Comme les Chrétiens s'étaient emparés du jour suivant le samedi, il ne put [!] que choisir le jour qui le précédait » (Mohammed, Londres-New York, 1905, p. 248–249).Google Scholar Un tel argument rappelle les polémiques médiévales d'un Simon ben Zemah Duran (1361-1444) ou du fameux poète hébreu, Halevi, Yehuda : « Telles des dames de compagnie entourant leur reine, le vendredi précède et le dimanche suit la reine Sabbat » (Diwan, vol. IV, Berlin, 1930, p. 3).Google Scholar
page 490 note 4. Ibn Sa'd, III, 3e partie, p. 83 et les parallèles. Cf. plus haut, n. 1.
page 490 note 5. Tosefta, Babba MesVa, chap. 8, paragr. 20 ; éd. Zuckermandel, p. 377, 1. 20 : «le marché (hébreu shùq, arabe sàg)alieu dans les petites villes le vendredi». Cf. également Krauss, S., Talmudische Archaeologie, Leipzig, 1911, vol. II, p. 690 Google Scholar, n. 340, et G. Allon, Tarais, 4, 1934, p. 290 (le professeur E. Urbach m'a indiqué cette dernière référence).
page 491 note 1. Arabian Highlands, Cornell University Press, 1952.
page 491 note 2. A Nimran, p. 36 ; Najrân, p. 233, 238, 274-275 ; Mushait, p. 130 ; Dhahran, p. 387 ; Aiban, p . 485-487 ; Khauba, p. 597. Au Yémen, de nombreux marchés ont lieu le jeudi. L'un d'entre eux, le Sùq al-Khamis, situé sur la route de la mer Rouge à la capitale (entre Manakha et San'a), est devenu une véritable ville qui a adopté ce nom. La meilleure étude des marchés hebdomadaires du Yémen se trouve dans Braver, E., Ethnologie der Jemenitischen Juden, Heidelberg, 1934, p. 255–258.Google Scholar
page 491 note 3. Talmud Babli, Pesahim, 506, au bas de la page. Cité par Krauss, op. cit. Il est cependant possible que la relation entre les jours de marché phéniciens et juifs soit fortuite.
page 491 note 4. Cf. Goitein, S. D., Jews and Arabs, their contacts through the âges, New York, Schocken Books, 1955, p. 179 Google Scholar et suiv.
page 492 note 1. La relation entre le jeûne et le jour de marché est fort ancienne. Le peuple du pays tout entier se rassemblait dans la capitale les jours de jeûne] public (Jérémie, XXXVI, 9). Le fameux discours d'Isaïe au sujet des jeûnes (chap. LVIII, versets 3-4) ne devient compréhensible que sous l'aspect suivant : « Au jour de votre jeûne vous vaquez à vos affaires et réclamez l'argent aux débiteurs dans le besoin. »
page 492 note 2. Arablan Highlands, p. 312-313.
page 493 note 1. « Coup d'oeil sur l'histoire des foires à travers l'Islam », Recueils de la Société Jean Bodin, vol. V, Bruxelles, 1953. Voir également l'article « Suk » dans le Supplément de l'Encyclopédie de l'Islam.
page 493 note 2. Cf. Wellhausen, J., Médina vor dem Islam, Berlin, 1889, p. 10 Google Scholar, n. 4.
page 493 note 3. Vol. 19, p. 98, 3, au bas de la page : « Les Arabes avaient coutume de s'arrêter dans son château. Il les recevait avec hospitalité, et ils prenaient des provisions dans son château et y établissaient des marchés. » Les savants modernes, arabes et occidentaux, se sont longuement interrogés sur la personnalité et la religion d'Al-Samau'al. Pour notre sujet, il suffit de préciser que le récit qui contient le passage que nous avons mentionné le décrit clairement comme un Juif, et plus précisément comme un Kohen.
page 493 note 4. Cf. A. Fischer, Die altarabischen Namen der sieben Wochentage, Zeitschrift der deutschen Morgenlaendischen Gesellschaft, 50, p. 224, qui utilise une riche documentation qui ne concerne pas notre sujet.
page 493 note 5. Ed. Bùlàq, 1321 H, vol. 1, 67.
page 494 note 1. Littéralement : mélangent. Le poète désire louer ceux qui, au jour du marché, lui font présent de nombreuses provisions qu'il y ont acquises.
page 494 note 2. Historiae, éd. Houtsma, Leyde, 1883, p . 272.
page 494 note 3. Les commentaires du Coran relatent des faits similaires (chap. 62, v. 9, Beidawi). Il est certain qu'aux premiers temps de l'Islam, notre Ka'b b. Lu'ayy était considéré comme l'ancêtre d'un groupe de familles éminentes de La Mecque. Tabari (Annales, lre partie, 1153, 3-4) et Ya‘ qubi, op. cit., écrivent que les Arabes avaient coutume de compter les années à partir de sa mort. Il est improbable cependant qu'une tradition authentique ait pu être conservée au cours de tant de générations. Son sermon, longuement rapporté par Ya’ qubi en prose rimée et en vers, n'est pas plus historique que l'élégie composée par Adam en souvenir de son fils Abel, que Tabari nous a fidèlement transcrite.
page 494 note 4. 1, 373, s. v. V6.
page 494 note 5. Cf. Mishna Megilla, I, 1, Tosefta, Ibid., I, 2. Pour kenisa, au sens d'assemblée, cf. Bereshit Rabba, chap. 49, § 2 (éd. Berlin, 1912, p. 514, 1. 6).
page 494 note 6. Pour plus de détails, voir l'article de G. Aixon cité à la note 5, p. 490.
page 495 note 1. Le discours est adressé au Prophète. Comme partout ailleurs dans le Coran, c'est Allah qui parle.
page 495 note 2. Telle est l'opinion commune. Par voie de conséquence, Joseph J. Rivlin, Dos Gesetz im Koran, Jérusalem, 1034, p. 19, propose, non sans hésitation, l'hébreuaraméen Keneset, kenishta (communauté religieuse) comme prototype de la jwttCa.
page 495 note 3. Cf. Jeffery, A., Materials for the history of the text of the Qur'ân, Leyde, 1937, p. 170 Google Scholar ; — R. Blachère, Le Coran, Paris, 1950, p. 825. L'authenticité de la recension d'Ibn Ubayy a été démontrée par la découverte d'une inscription omeyade qui cite un verset du Coran selon la recension d'Ibn Ubayy et non comme le tendus receptus. Le texte d'Ibn Ubayy est également remarquable en raison de l'épithète « grand » appliqué à YArùba. Il y a lieu de rapprocher cet adjectif de celui qui est utilisé dans un vers cité dans le Jamharà d'Ibn Doreid. Cf. Fhaenkel, S., Die Aramaeischen Fremdwoerter im Arabischen, Leipzig, 1886, p. 277 Google Scholar : « Un jour comme le jour prolongé (mvtaiawil) de 1’ ‘Aruba ». Peut-être y avait-il deux genres de marché du vendredi, les premiers courts et d'une importance locale, et les autres d'un caractère régional et se prolongeant tard dans l'après-midi.
page 496 note 1. Selon certains, il est également permis de le célébrer tôt dans l'après-midi. En fait, il a lieu à midi dans tout le monde musulman.
page 496 note 2. Ceci peut également arriver sous des climats plus doux et à des heures plus favorables. En règle générale, le sermon musulman est très court et consiste surtout en une série de dictons religieux.
page 496 note 3. Voir Bbauer, Die Ethnologie der Jemenitischen Juden, p. 257 ; — Philby, Arabian Highlands, p. 234 : « Vers la prière de midi, le sùq [du lundi] prenait généralement fin », et passim.
page 496 note 4. Goitbin, S. D., Jemenica, Sprichwoerter und Redensarten aus Zentral-Jemen, Leipzig, Harrassowitz, 1934, p . 46 Google Scholar, n. 249. De nombreux autres proverbes ont une portée similaire.
page 496 note 5. Islamstudien, I, p. 463 et suiv.
page 497 note 1. Chap. IX (Jum'ah), § 28, éd. Krehl, Leyde, 1862, 1. 233.
page 497 note 2. Zunz, , Die gottesdienstlichen Vortraege der Juden, Francfort-sur-le-Main, 1892, p. 350 Google Scholar, note kk, p. 358, note d, p. 359, note b.
page 497 note 3. Alors que le Hadith mentionné plus haut décrit un Prophète parlant à la communauté, assis sur une estrade, un autre précise : « Quiconque vous dit que le Prophète prêchait assis est un menteur » (Baihaqi, 3, 197, citant Musl-im [7, 33-35]).
page 498 note 1. Sauf les femmes, ce qui démontre également que l'office du vendredi était plus qu'un service religieux. En effet, dans l'Islam ancien, hommes et femmes sont égaux du point de vue religieux : la femme était tenue de réciter les prières quotidiennes, et même d'étudier la loi religieuse. Elle ne faisait cependant pas partie du corps politique, dont seuls les hommes libres portant des armes étaient membres.
page 498 note 2. Shafi'i, Kitab al-Umm, 1321 H, 1, 169, ligne 10.
page 498 note 3. Ibid., 171, ligne 4.
page 498 note 4. Le jugement suivant de Shafi'i, Ibid., 170, ligne 8, montre les liens naturels entre le marché et l'office du vendredi : « Quand un village, qui a un office du vendredi, est entouré par d'autres villages contigus et que ceux-ci y font la majeure partie de leurs achats, je ne permets pas à un seul [de ces villageois] de ne pas assister à l'office [du village central, où l'office a lieu]. »
page 499 note 1. Sauf toutefois certains travaux habituels, comme la traite des chamelles, qu'il fallait faire tous les jours. Cf. Weixhausen, J., Reste arabischen Heidentums, Berlin, 1897, p. 87 Google Scholar ; — Goitein, S. D., Jews and Arabs, New York, 1955, p. 39–40.Google Scholar
page 499 note 2. « Nous [c'est Allah qui parle] avons soulevé la montagne [du Sinaï] au-dessus d'eux [les enfants d'Israël], alors que nous concluions avec eux l'alliance » (Sourate 4, v. 154 [Fluegel, 153]). Le Coran rapporte également des légendes, inconnues sous cette forme dans les sources juives, à propos des profanateurs du Sabbat, qui furent transformés en singes (2, 65, Fluegel 61 ; 4, 47, FI. 50) et en poissons qui approchaient d'un certain village côtier seulement quand ses habitants observaient le Sabbat (7, 163). Cf. H. Speier, Die biblischen Erzaehlungen im Qur'àn, p. 313. — Ces références démontrent que l'idée du Sabbat préoccupait quelque peu Mahomet. Il est normal que ses fidèles, qui constataient l'importance du Sabbat dans une religion monothéiste voisine, se soient demandés si Allah ne leur destinait pas un commandement similaire. Mahomet répondit ainsi à ces questions : « Le Sabbat a été imposé uniquement à ceux qui sont en désaccord à son sujet [c'est-à-dire aux juifs et aux chrétiens] ; votre Seigneur connaîtra de leur différend au jour de la Résurrection » (16, 14, Fluegel 123). Voir la note suivante.
page 499 note 3. Cf. notre article : « The controversies of the Banù Isra'il, a Qur'anic Study », Tarbis, n° 3 (1932), p. 410-422.
page 499 note 4. Il est intéressant de noter que dans de nombreuses villes chrétiennes, le marché avait lieu le dimanche. La petite ville de Sùq al-Ahad (” marché du dimanche ») en Mésopotamie Septentrionale, décrite par Ibn Hauqal, 217, était certainement chrétienne à l'origine. Cf. Brunschvio, Histoire des Foires à travers l'Islam, p. 49. A l'époque biblique, ainsi que nous l'apprend le livre de Néhémie ( x m , 15-21), le Sabbat servait de jour de marché à Jérusalem, aussi bien pour la production agricole locale que pour le poisson importé par les marchands phéniciens. Néhémie mit fin par la force à cet état de chose, « privant ainsi la population de son jour de marché naturel », ainsi que l'a écrit avec une certaine causticité un historien célèbre.
page 499 note 5. Sourate 2, v. 198 (Fluegel 194), où nous retrouvons l'expression « implorez la bonté d'Allah », déjà employée dans le passage relatif à l'office du vendredi dars la Sourate 62.
page 499 note 6. L'homme qui participe au saint pèlerinage s'entend souhaiter : « Hajj mabrùr watijàra là tabùr » (Que ton pèlerinage soit agréé par Dieu et que tes marchandises ne restent pas invendues).
page 499 note 7. Cf. notre étude à paraître : « The honorific epithets of Friday ».
page 500 note 1. Comme la recommandation de se baigner et de se parfumer, de revêtir les meilleurs vêtements et de consommer une nourriture de choix…
page 500 note 2. Lane, E. W., Manners and Customs of the Modem Egyptians, Londres, Dent, 1936, p. 85 Google Scholar (chap. in). Ce livre a été écrit en 1835. Le même auteur remarque que « le musulman ne s'abstient d'occupations profanes le vendredi qu'au moment de l'office » (op. cit., p. 81).