Published online by Cambridge University Press: 20 January 2017
Pour comprendre la montée de l’antisémitisme en Allemagne, il convient de saisir ce phénomène dans des termes sociologiques. Les causes de l’antisémitisme ont toujours été structurelles bien qu’il ait pris des formes différentes selon les époques. L’article retrace la manière dont l’hostilité à l’égard des juifs est un effet des luttes de pouvoir entre groupes, produisant à chaque fois des constellations singulières et des visions du monde où le groupe particulier des juifs apparaît parfois comme le support d’une revendication d’émancipation générale, mais figure aussi comme une extériorité dont la proximité et la concurrence sont redoutées. Revenant sur la conjoncture actuelle de 1929, marquée par une crise économique et politique aiguë, le sociologue constate que l’antisémitisme ne peut que croître, de sorte qu’il ne demeure aux juifs que l’option d’une émigration en Palestine ou, à défaut, de faire face à la situation avec lucidité.
In order to understand the rise of anti-Semitism in Germany, the phenomenon must be understood in sociological terms. Although it has assumed different forms in different periods, the causes of anti-Semitism have always been structural. This article traces the ways in which hostility toward Jews results from power struggles between groups. Each struggle produces unique circumstances and worldviews: while the particular group of the Jews sometimes appears to offer a framework for general revindications of freedom, they also represent an Other whose proximity and antagonism are feared. Considering the contemporary context of 1929, marked by acute economic and political crisis, the sociologist observes that anti-Semitism will only become more widespread. He concludes that the only option left to Jews is to emigrate to Palestine. Failing that, they must face the situation with lucidity.
Norbert ELIAS, « Soziologie des deutschen Antisemitismus », Israelitisches Gemeindeblatt. Offizielles Organ der Israelitischen Gemeinde Mannheim und Ludwigshafen [Journal de la communauté israélite. Organe officiel de la communauté israélite de Mannheim et Ludwigshafen], 13, 1929, Kislev 5690, 7-12, p. 3-6; réédité in Norbert ELIAS, Gesammelte Schriften, vol. 1, Frühschriften, Francfort-sur-le-Main, Suhrkamp, 2002, p. 117-126.
1 - Plus précisément, sur cette posture conservatrice et ce genre de perspective sociologique en général, voir Mannheim, Karl, « Das konservative Denken. Soziologische. Beiträge zum Werden des politisch-historischen Denkens in Deutschland », Archiv für Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, 57, 1927, p. 470–495 Google Scholar; Id., Ideologie und Utopie, Bonn, Cohen, 1929.
2 - Arthur Mahram (1890-1950), le fondateur du Jungdeutsche Ordnen, appela à la fusion du volksnationale Reichsvereinigung et du Deutsche Demokratische Partei, ce qui aboutit à la création du Deutsche Staatspartei en 1930 [note de l’éditeur allemand du volume].
3 - Bernhard, Ludwig, Der « Hugenbergkonzern ». Psychologie und Technik einer Grossorganisation der Presse, Berlin, J. Springer, 1928, p. 27 sq Google Scholar.
4 - Ce n’est finalement pas un hasard si les nationaux-socialistes combattent précisément les juifs, les sociaux-démocrates et les communistes.