Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
Aux XVIIe-XVIIIe siècles, Saint-Domingue, joyau de l'empire colonial français, grâce à son énorme production de denrées tropicales (sucre, café, indigo, etc.) fondée sur le travail des esclaves, a été à l'origine d'un vaste mouvement commercial régi par le système de l' Exclusif. Les bénéficiaires de ce régime, principalement les négociants des ports, les propriétaires coloniaux et leurs procurateurs qui ont survécu à la Révolution de Saint-Domingue, en ont conservé un souvenir tenace longtemps après l'accession d' Haïti à l'indépendance en 1803.
1. On trouve de pareils souvenirs jusque dans les Mémoires et Correspondance du Comte de Villèle (t. I, Paris, 1888, pp. 213 et 222), où l'ancien Président du Conseil, qui avait visité la colonie dans sa jeunesse, disait : « Rien au monde n'était comparable au spectacle qu'offrait alors [en 1789-1790] à Saint-Domingue le développement de la culture et du commerce, fruit d'une bonne administration (…). Moins de la moitié de la colonie était cultivée, et non seulement elle suffisait à l'approvisionnement de la France en sucre, café, indigo et au débouché des vins et objets manufacturés de la métropole, mais encore elle fournissait à celle-ci des moyens d'échange avec le reste de l'Europe. »
2. Ordonnance royale du 27 mars 1816, aux Archives du Ministère des Affaires Étrangères, Correspondance Commerciale Port-au-Prince (AE, CC Paup), vol. 2, fol. 4-5.
3. Voir Laujon, , Souvenirs de trente années de voyage à Saint-Domingue, dans plusieurs colonies et au continent d'Amérique, Paris, 1833, t. I, p. 320 Google Scholar ss.
4. Au Roi. Pétition pour le rétablissement des relations commerciales avec Saint- Domingue, Paris 1825 (BN, Lk 12 616).
5. Mémoire sur Haïti, 9 février 1820, aux Archives du Ministère des Affaires Étrangères, Correspondance Politique Haïti (AE, CP HAÏTI), vol. 1, fol. 19-21.
6. AE CP HAÏTI, vol. 1, fol. 49-79. Voir aussi d'autres projets allant dans le même sens, même volume, fol. 22-31, 36-42, etc.
7. Moniteur universel, 12 août 1825.
8. Cf. Schiller Thébaud, L'évolution de la structure agraire d'Haïti de 1804 à nos jours, Paris, Faculté de Droit et des Sciences économiques, 1967. Thèse de doctorat ès-sciences économiques.
9. Cf. Benoît Joachim, Aspects fondamentaux des relations de la France avec Haïti de 1823 à 1874. Le néo-colonialisme à l'essai. Thèse de doctorat de troisième cycle d'histoire, Paris, Sorbonne (E.P.H.E.), 1968, 1re partie, chap. 1, p. 3.
10. Robertson, D. H., «The future of international trade», dans Essays in monetary theory, Londres, 1914, p. 214 Google Scholar, cité par Nurkse, Ragnar, Structures du commerce international et développement économique, Paris, Éd. Cujas, 1968, p. 162 Google Scholar.
11. Cf. Palloix, Christian, Problèmes de la croissance en économie ouverte, Paris, François Maspero, 1969, p. 16 Google Scholar.
12. Titre d'un des récents ouvrages de Gunter Frank.
13. Compte rendu de la mission du baron de Mackau à Port-au-Prince, juillet 1825, AE, CP HAÏTI, vol. 1, et aux Archives Nationales, BB 4466 (série Marine).
14. Relevés spéciaux d'après le résultat des déclarations en détail des cargaisons des navires expédiés pour Saint-Domingue, année 1825, aux Archives Nationales (AN, F12 2696).
15. Compte rendu de la mission du baron de Mackau, déjà cité.
16. Laujon, op. cit., p. 320.
17. Benoît Joachim, op. cit., II e partie, chap. 11, 3.
18. Voir en Annexe IV le tableau des prix courants du café haïtien à l'entrepôt du Havre de 1821 à 1859.
19. Wiet, Mémoire sur le commerce d'Haïti, au Ministre des Affaires Étrangères, Port-au-Prince le 7 novembre 1851, AE, CC Paup, vol. 6.
20. Relevés spéciaux…, déjà cité.
21. Mémoire du 7 novembre 1851, déjà cité.
22. Wiet, Rapport commercial, Port-au-Prince, le 25 mai 1852, AE, CC Paup, vol. 6.
23. Relevés spéciaux…, déjà cité.
24. Balardelle, Observations sur la situation agricole et commerciale d'Haïti en 1830, AN, Fl a 7129.
25. Rapports commerciaux de Wiet du 7 novembre 1851 et du 25 mai 1852.
26. Coustelin, , Contre la reconnaissance de Saint-Domingue, Paris, 1825, p. 32 Google Scholar.
27. Relevés spéciaux…, déjà cité.
28. D E Meslay (capitaine de vaisseau), Rapport du 8 mai 1826, AE, CC Paup, vol. 1, fol. 53.
29. États de la navigation avec Haïti, année 1855, dans AN, F1» 7129.
30. D'après Wiet, Rapport du 7 novembre, déjà cité.
31. Chambre de Commerce du Havre, Lettre au Ministre des Affaires Étrangères, 6 janvier 1841, AE, CP HAÏTI, vol. 9, fol. 4-5.
32. Voir, outre les rapports commerciaux déjà cités, ceux du 22 janvier et 17 mai 1853, du 4 septembre 1857, etc.
33. Voir G. T. Mollien, Observations sur la Province du Nord d'Haïti, Cap-Haïtien, le 15 décembre 1826, AN, Aff. Étr. B111 458.
34. Wiet, Rapport commercial du 4 septembre 1857, déjà cité. — Il est à noter que pendant les années 30 c'est par le Cap que le consul général de France à Port-au-Prince communiquait régulièrement avec les gouverneurs de la Martinique et de la Guadeloupe et avec le commandant des forces navales françaises des Antilles, par courrier (d'après le rapport de Levasseur du 12 août 183g, dans AE, CC Paup, vol. 4, fol. 133).
35. Wiet, Rapport commercial du 4 septembre 1857, déjà cité.
36. Annales du Commerce Extérieur, n° 2. Haïti, Faits commerciaux ; —• Prax, Notes sur les Gonaives, dans AN, F12 6328.
37. Voir par exemple le Tableau des exportations dans AE, CC Paup, vol. 8, fol. 128.
38. Voir le Recueil des vues des lieux principaux de la colonie française de Saint- Domingue. Gravées par les soins de M. Ponce. Accompagnées des cartes et plans de la même colonie gravées par les soins de M. Phelipeau, 2e édition, Paris, chez L. Guérin et C1», 1875.
39. Levasseur, Rapport commercial du 20 février 1846, AE, CC Paup, vol. 5. — Autres rapports sur le commerce et la navigation d'Haïti, AN, F12 7129-7130.
40. Ce n'est pas par hasard que les paysans insurgés de 1843-1846 réclamaient «la hausse du prix du café et la baisse du prix de la collette ». Nous retrouverons plus loin ces deux produits, l'un pour l'importation, l'autre pour l'exportation.
41. On trouve les diverses lois sur le commerce d'Haïti dans Fl a 6327-6328, aux Archives Nationales.
42. L'exagération des prix est notée par le consul Wiet dans son rapport détaillé sur le commerce de l'Empire haïtien pendant l'année 1855, p. 25 (manuscrit), AN, F12 7129.
43. Cf. Antoine Michel, L'avènement du général Fabre Nicolas Geffrard à la présidence d'Haïti, Port-au-Prince, 1932, pp. 96 et 120.
44. Wiet, Rapport commercial du 7 mai 1853, AE, CC Paup, vol. 6, fol. 298.
45. La quantité de papier-monnaie en circulation en Haïti est passée de 15 105 390,70 gourdes en 1849 à 38 341 150,70 gourdes en 1852.
46. 1 doublon = 85,33 francs = 178 à 287 gourdes de 1850 à 1858.
47. Wiet, Mémoire du 4 septembre 1857, AE, CC Paup, vol. 7, fol. 124.
48. Par exemple, une loi de juillet 1839 fixe le montant de la patente à 1 000 gourdes (à l'époque, 1 gourde = 5,33 francs) pour les consignataires étrangers et 120 gourdes pour les Haïtiens.
49. Maler, Rapport du 14 février 1826, AE, CC Paup, vol. 1, fol. 99-100.
50. D'après G. T. Mollien, Rapport du 15 février 1826, AN, Aff. Étr. B111 458.
51. Rapport du commandant de la Victorieuse sur la situation du commerce d'Haïti en février 1840, AN, Fl a 6328.
52. Même source.
53. Levasseur, Rapport commercial du 8 février 1840, AE, CC Paup, vol. 5.
54. Linstant Pradines, Nos fils ou la Néotocratie en Haïti, Paris, 1876, p. 14.
55. Wiet, Rapport du 25 mai 1852, déjà cité.
56. Raybaud, Rapport du 2 avril 1,851, AE, CC Paup, vol. 6, fol. 27.
57. Rapports consulaires sur Haïti. Etats du commerce et de la navigation et mémoires explicatifs. AN, F12 7129-7130.
58. Dans le rapport du 10 janvier 1859 (AN, F12 7129), Wiet décrit de façon admirable les perturbations occasionnées dans les milieux d'affaires à Port-au-Prince par la faillite et la fuite de Raimbaud, à un moment où la place était déjà secouée par la crise internationale.
59. Administration des Douanes, Tableau décennal du commerce de la France, 1877- 1886, Paris, 1887, pp. CLIII et cxvii.
60. Jules Doazan (chargé d'affaires français), Lettre au Ministre des Relations Extérieures d'Haïti (copie), 24 février 1870, AN, F12 7130.
61. Comte Méjan (chargé d'affaires français), Lettre au Ministre des Affaires Étrangères, Port-au-Prince le 7 novembre 1866, AN, F12 6544. — Les navires à voiles battant pavillon anglais venaient surtout des États-Unis ; c'étaient des navires yankees qui avaient été dénationalisés lors de la Guerre de Sécession pour échapper aux corsaires de la Confédération sudiste.
62. En 1857, ils songèrent à fonder une société au capital de 80 000 piastres (environ 42 640 000 francs) pour établir un service de vapeurs entre Port-au-Prince et les autres ports haïtiens, et qui prolongerait une ligne française transatlantique dont il était question ; mais l'incendie qui ravagea le quartier commercial le 11 juin 1857 ne permit pas de réunir alors le capital nécessaire (Wiet, Rapport du 2 septembre 1857, AE, CC PAUP, vol. 7, fol. 107). Ce projet fut repris, sans succès, deux années après la création de la Compagnie Générale Transatlantique (Comte Méjan, Lettre du 7 novembre 1866, déjà citée).
63. J. Doazan, Lettre du 24 février 1870, déjà citée.
64. Les plus gros caboteurs jaugeaient entre 60 et 76 tonneaux (Copie d'un rapport commercial du 19 décembre 1855, AN, F12 6328).
65. Chaque année les consuls et les journaux (Feuilles du Commerce, en Haïti), signalaient les ravages de cette maladie. Un exemple : la Jeune Léonie, trois-mâts de Nantes, jeta l'ancre à Port-au-Prince le 4 mai 1855, avec une charte-partie selon laquelle son affréteur devait le faire décharger et recharger dans quarante jours. Dix jours après son arrivée, le 15 mai, le capitaine décéda. Le lendemain, ce fut le tour du second. La chartepartie fut suspendue. Le capitaine ne put êtrre remplacé que le 19 juin. Poursuivant ses ravages, la fièvre jaune réduisit l'équipage à 4 hommes : le maître d'équipage et 3 matelots. Le 29 juillet, la frégate la Pénélope et l'aviso à vapeur la Chimère, envoyées de la Martinique pour combler ces vacances, détachèrent 5 marins, dont 4 provenant de la Pénélope périront.
66. AN, Fl a 6327-6328.
67. AN, F12 6328.
68. La loi du 9 juillet 1838 assimile au vol toute frustration de droit de douane supérieure à 26 gourdes (138 francs) ; la sanction était la confiscation et la vente de la cargaison au profit de la République, avec expulsion du coupable s'il était un étranger.
69. « Tout le monde sait ici que les capitaines qui arrivent dans les ports d'Haïti ne présentent jamais leurs factures et leurs manifestes tels qu'ils les ont reçus au port d'expédition », note le consul général français Levasseur dans son rapport commercial du 17 novembre 1842 (AN, Fl a 6328). — Son successeur, Raybaud, arrivé à Port-au- Prince, en 1847, écrit le 18 avril 1851 que « plus de trente navires auraient été confisqués si on leur eut fait une équitable application des lois locales destinées à réprimer la contrebande ». (AN, CC PAUP, vol. 6).
70. Souvent, les capitaines étaient dénoncés par leurs propres matelots qu'ils avaient maltraités pendant la traversée, d'après Raybaud.
71. Wiet, Rapport du 7 novembre 1851, AE, CC PAUP, vol. 6, fol. 112.
72. Annales du Commerce Extérieur, n° 3, 1856. Haïti, Faits commerciaux.
73. Note sur la valeur des importations à Port-au-Prince en 1825-1836, AN, AfL Étr. B1 “ 458.
74. Les chiffres sont tirés du Tableau décennal du commerce de la France, divers volumes, publiés par l'Administration des Douanes.
75. Note…, ci-dessus citée.
76. Même source.
77. Tableau décennal du commerce de la France, 1877-1886.
78. Même source.
79. Observations…, déjà cité, p. 36.
80. Voici un tableau basé sur les chiffres du « commerce spécial », pour aider à fixer la place respective des textiles, soies, vins, objets en cuir et peau, dans les importations de produits français en Haïti :
81. Balardelle, Observations..
82. Dans les années 60, la progression des textiles allemands sur le marché haïtien ne manqua pas d'inquiéter le chargé d'affaires français à Port-au-Prince ; voir Méjan, Observations sur le commerce et la navigation de Port-au-Prince de 1864 à 1866, Portau- Prince 20 août 1867, AN, F12 7130.
83. « Personne ne peut faire une concurrence sérieuse aux États-Unis sur les marchés d'Haïti pour la fourniture des farines, biscuits, beurre, mantègues, salaisons, riz, etc. », disait le consul général Levasseur dans son rapport du 20 février 1846 déjà cité. Vingt ans plus tard, Méjan opinait dans le même sens.
84. Cf. Gille, Bertrand, La formation de la grande entreprise capitaliste, Paris, Sevpen, 1959, p. 33– 85 Google Scholar. Sur les exportations de textiles français et la concurrence anglaise, voir Claude Fohlen, L'industrie textile au temps du second Empire, pp. 153-157.
86. D'après divers rapports commerciaux, notamment celui de Jules Doazan du Ie r juin 1870, AN, F12 7130.
87. Levasseur, Rapport du 20 février 1846, déjà cité.
88. Balardelle, Observations…, déjà cité.
89. Coup d'oeil sur les importations effectuées au Port-au-Prince, 1836 (?), AN, Aff. Étr. B111 458.
90. Voici un témoin pour cinq années-témoins : Image 7 91. Voir comparaison plus loin à propos du campêche.
92. Wiet, Mémoire du 4 septembre 1857, déjà cité.
93. D'après le Tableau décennal du commerce de la France.
94. Plus tard, selon une Circulaire du 31 janvier 1863, le Comité consultatif des Arts et Métiers (français), auquel le gouvernement impérial de Napoléon III avait demandé son avis sur le moyen de remplacer le coton, aurait répondu que ce filament était indispen sable à l'industrie et qu'il fallait encourager sa culture dans les pays producteurs (Cité par Forbin-Janson dans son rapport commercial du 24 avril 1868, AE, CC PAUP, vol. 8, fol. 164).
95. Tableau décennal du commerce de la France, 96. Les prix sont régulièrement publiés par les journaux d'Haïti.
97. Rapport commercial du 7 février 1861, AE, CC PATJP, vol. 8, fol. 13.
98. Mémoire du 4 septembre 1857, AE, CC PAUP, vol. 7, fol. 122.
99. Rapport du 20 février 1846, déjà cité.
100. Note du 9 septembre 1826, AE, CC PAUP, vol. 1, fol. 197.
101. AE, CC PAUP, vol. 4, fol. 116-118, 124-126.
102. Le maréchal Soult au consul Levasseur, Paris, 14 mai 1839, AE, CC PAUP, vol. 4.
103. D'après les tableaux trouvés dans F12 6327.
104. Tableau général du commerce de la France, année 1875.
105. Tableau décennal du commerce de la France.
106. Direction générale des Douanes, Documents statistiques sur les sucres, cafés, etc., Tableau n° 21, Paris, 1860.
107. Voir le Tableau alphabétique des marchandises dénommées au tarif des douanes de France, Paris, 1835 (p. 7 pour le café). — Par exemple, pour des marchandises importées en France s'élevant à 4,09 millions de francs, Haïti payait 4,08 millions de droits de douane, tandis que les États-Unis payaient 6,81 millions pour des importations en France de 67,01 millions, le Mexique 270 000 francs pour 16 millions, le Brésil 1,11 millions sur 10 millions, Buenos Ayres 170 000 francs pour 3,70 millions. Tout le poids de ces droits, en ce qui concerne Haïti, pesait sur le café, comme le montre le tableau suivant que nous avons dressé pour les années 1860, 1875, 1880, 1890 : 108. Voir Annexe I, Tableau général.
108. Voir Annexe I, Tableau général.
109. Voir Annexe III, Tableau décennal.
110. Voir Annexe II, Tableau quinquennal.
111. Voir Annexe I, Tableau général, principalement les colonnes « Exportations, Commerce spécial » et « Importations, Commerce spécial ».
112. Cf. Tableau général du commerce de la France et Tableau décennal du commerce de la France, à la Bibliothèque Nationale.
113. Cf. Benoît Joachim, « L'indemnité coloniale de Saint-Dominique et le problème des rapatriés », 30 p., à paraître prochainement dans la Revue historique.
114. Contre-amiral Pénaud, Rapport du commandant en chef de la division navale des Antilles au Ministère de la Marine, Fort-de-France le 11 janvier 1960, AN, BB4 765 série Marine.