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En Caroline du Sud : marronnage et culture servile

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Philip D. Morgan*
Affiliation:
The Johns Hopkins University Baltimore

Extract

Quelle histoire ! Des chevaux et des nègres, des nègres et des chevaux ! » : telle est déjà la conclusion de Samuel Coleridge, peut-être l'un des premiers auteurs traitant de l'esclavage à avoir rassemblé les avis de recherche concernant les marrons (et les chevaux) pour — dans son cas — mettre le système en accusation. Plus récemment, de nombreuses études ont porté sur des populations coloniales de marrons. Mais elles aussi ont sans doute été inspirées, en partie au moins, par la politique, car l'évasion y est largement conçue comme un acte de résistance. Aucune ne tente de faire le lien entre la communauté des fugitifs et l'ensemble de la population servile ; aucune n'examine convenablement l'importance des formes de mobilité des esclaves pour comprendre leur culture. Notre travail vise à combler cette double lacune. Le nombre, le lieu de naissance et l'activité permettent d'évaluer la représentativité de la population des esclaves fugitifs. Le nombre de marrons signalés dans les journaux de la Caroline du Sud à l'époque coloniale est impressionnant, si on le compare à celui des journaux de Virginie pour l'ensemble du xviiie siècle (tableau 1). Ce qui frappe aussi, c'est le fait que ces 5 599 marrons ne représentent qu'une faible proportion du nombre réel d'esclaves fugitifs.

Summary

Summary

Rather than assuming a simplistic correspondence between running away and resistance, this essay explores the phenomenon of slave flight and absenteeism for what it can tell us about colonial slave culture. First, the runaway population (the part ofit which can be discerned in advertisements for both fugitives and captives in colonial newspapers) is compared to the wider slave population in terms of numbers, birthplaces and occupations. Second, the patterns of mobility of the runaways are analyzed: the runaways' occupations, birthplaces, linguistic ability and sex are correlated with their motives and destinations. The results ofthis analysis indicate an overwhelming preference for visiting among ail slave runaways. This preference is then explored and explained, for it reveals, above ail, the development of a cohesive slave community and the emergence of slave kin networks among late colonial South Carolina slaves

Type
Les États-Unis : Histoire Sociale
Copyright
Copyright © Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1982

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References

Notes

3. Exemples d'inventaires cataloguant les marrons de John Hays, 8 mai 1731, Archives du Secrétaire de la Province, I ; Daniel McPherson, 8 juin 1737, Inventaire Livre II ; Josiah Baker, 1 “ sept. 1743, Inventaire Livre KK, Département des Archives et d'Histoire de la Caroline du Sud (ciaprès, Scdah).

4. Voir George C. Rogers et al. Éds, The Papers of Henry Laurens, Columbia, S. C, 1968, IV, pp. 645 et 656. Les journaux conservés de la Caroline du Sud ne révèlent en 1764 et 1765 aucune annonce pour marrons appartenant à Henry Laurens. De même, quatre esclaves de l'une des plantations de George Austin se sont Évadés pendant environ 6 mois, mais on n'en trouve aucun signalement. Voir Josiah Smith à George Austin, 31 janv., 11 avr. et 22 juil. 1774, Josiah Smith Letterbook, Southern Historical Collection, University of North Carolina at Chapel Hill.

5. South Carolina Gazette (ci-après SCG), 28 juin 1735, Isaac Chardon ; ibid., 31 déc. 1763, Rachael Russ.

6. Royal Gazette, 18 juil. 1781, Job Colcock.

7. La proximité de Charlestown Était significative : des marrons que l'on a pu localiser (c'està- dire 70 % de tous les fugitifs ou captifs), 1 /5 Étaient de la ville. Cette proportion demeure assez constante entre les années 1730 et les années 1770. Le prix d'une récompense et les frais de transport et de geôle, sans compter l'annonce elle-même, pouvaient être considérables. Des exemples d'avis passés seulement lorsque plusieurs marrons Étaient absents, se trouvent dans SCG, 13 oct. 1761, James Parsons. L'exemple du propriétaire sur le point de quitter la province est SCG, 19 mars 1763, William Henderson. Pour des exemples d'avis passés lorsqu'un maître voulait vendre ou retrouver des esclaves récemment achetés, voir SCG, 13 mars 1775, William Flud ; Gazette of the State of South Carolina, 20 janv. 1779, Josiah Smith et Edward Darrell. Les annonces avec mention d'apparitions récentes se trouvent dans SCG, 20 nov. 1762, William Killingsworth ; ibid., 30 avr. 1763, Robert Williams et ibid., 17 août 1765, Stephen Miller et Isaac Legare.

8. Non seulement la publication des listes de captifs par la prison devient plus régulière, mais vers les années 1770, les esclaves captifs Étaient désormais décrits par les geôliers de Georgetown, Camden et Orangeburg.

9. Au milieu du siècle, dans une paroisse typique du bas-pays—la paroisse St. George — près de 90 % de la population est constituée d'esclaves noirs. Voir Morgan, Philip D., 77ze Development of Slave Culture in Eighteenth-Century Plantation America, University Collège London, Ph. D., 1977, pp. 710.Google Scholar

10. South Carolina and American General Gazette (ci-après SCG & AGG), 18 nov. 1774, Elias Robert. On signale que 119 marrons avaient les dents limées.

11. Les « marques du pays » de 634 marrons sont décrites. Parmi les exemples de croquis, l'Ibo « marqué ainsi sur les tempes :iin »,SCG, 30 nov. 1755, Geôle ;” le «nouveau nègre… marqué ainsi que les tempes et les joues : >>> », ibid., 4 nov. 1756, Geôle ; l'esclave d'Angola qui avait « les marques du pays sur les bras et le sein marqué de la sorte :«S », ibid., 14 sept. 1765, Geôle.

12. South Carolina Gazette and Country Journal (ci-après SCG & CJ), 2 juin 1772, Geôle ; SCG, 1er nov. 1759, Geôle ; SCG& CJ, 28 févr. 1775, Geôle ; SCG, 19 janv. 1738, William Martin ; ibid., 1er sept. 1752, Geôle ; ibid., 1 avr. 1772, Geôle. Pour des signalements de colliers et de bracelets, voir SCG, 22 nov. 1760, Geôle ; SCG & CJ, 22 déc. 1772, Geôle ; SC & AGG, 27 nov.

13. SCG, 10 oct. 1754, Geôle ; ibid., 8 nov. 1773, prison de Camden ; ibid., 5 juin 1736, prison de Charlestown.

14. SCG, 1er nov. 1759, Geôle ; ibid., 26 mars 1763, Geôle ; ibid., 23 mars 1765, Geôle.

15. SC & AGG, 17 févr. 1775, Thomas Ladson ; SCG, 13 août 1737, Isaac Porcher; ibid., 30 août 1773, John Champneys. Pour un exemple d'identification par les marques, voir SCG, 25 août 1757, Geôle.

16. Voir Rogers et al. Éds, Laurens Papers, I, pp. 252, 258, 295 ; II, pp. 93, 186, passim ; et Darold D. WAX, « Préférences for Slaves in colonial America », JNH, LVIII, 1973, pp. 394-395. 17. Pour l'inventaire de St. James, Goose Creek, voir notre article : « A profile of a mideighteenth- century Carolina parish » : the tax return of Saint James', Goose Creek », South Carolina Historical Magazine, 81, 1980, pp. 51-65. Pour celui de St. John, Berkeley, voir les dossiers des commissaires des routes de la paroisse de St. John, 1760-1853, South Carolina Historical Society.

18. Pour ceci et d'autres variantes, voir Morgan, The Development of Slave Culture, pp. 117- 135.

19. Herbert G. Gutman, « The World Two Cliometricians made », JNH, LX, 1975, p. 99.

20. Morgan. The Development of Slave Culture, pp. 26-31, 107-108.

21. Fogei, Robert W.. et Engerman, Stanley L., Time on the Cross, Boston, 1974, 1.pp.Google Scholar 38-43 et II, pp. 37-43. Les chances d'ascension sociale ont certainement augmenté à la fin du xviiie siècle, voir notre article, « Black Society in the Lowcountry, 1760-1810 », R. Hoffman et L Berlin Éds., Slavery in the Revolutionarv Age (à paraître). Elles paraissent avoir baissé au xixc siècle, voir Genovese, Eugène D.. Roll, Jordan, Roll, New York, 1974, p. 389.Google Scholar

22. Higman, B. W., Slave Population and Economv in Jamaica, 1807-1834, Cambridge, 1976, pp. 212232.Google Scholar

23. SCG, 30 mars 1738, Benjamin Godin ; ibid., 26 mai 1733, Alexander Vanderdussen ; ibid., 11 mai 1738, Thomas Drayton ; ibid., 12 sept. 1741.

24. SCG & CJ, 25 avr. 1769, John Champneys et ibid., 3 août 1769, John Champneys ; SCG, 14 sept. 1769, Robert Lewis et SCG & CJ, 3 oct. 1769, Geôle.

25. L'hypothèse est que, là où un propriétaire ne précisait pas le métier, le marron Était un travailleur de la terre. Vu que les maîtres cherchaient à identifier leurs esclaves le plus précisément possible, il serait surprenant que le métier de l'un d'eux ait Été omis. Il faut remarquer que notre analyse des motifs et des destinations des marrons est semblable à celle de Russell L. Blake, qui a groupé des signalements de marrons dans Slave Runaways in Colonial South Carolina (non publié), University of Michigan, 1972.

26. La grande majorité des esclaves à Charlestown Étaient des domestiques et, à part les valets de chambre, la plupart des activités domestiques Étaient réservées aux femmes esclaves. Voir Morgan, The Development of Slave Culture, pp. 136-139. Vu la proportion inégale d'hommes et de femmes, et le fait que les Blancs Étaient plus enclins à reconnaître les liens mère-enfant que les liens père-enfant, il est probable que les femmes en général avaient des liens de parenté plus forts que les hommes. Cela semble être confirmé par le fait qu'un seul marron Était accompagné par son enfant, tandis que 77 femmes emmenaient un enfant avec elles, 24 femmes Étaient accompagnées de 2 enfants, 9 de 3 enfants et 2 de 4 enfants.

27. I 075 fugitifs de la Caroline du Sud Étaient signalés comme ayant eu au moins un ancien maître et 146 autres comme ayant eu deux anciens propriétaires ou plus — soit plus d'un tiers de tous les marrons à propos desquels on pouvait s'attendre à une pareille indication. Pour des exemples de marronnage le jour de la vente de l'esclave ou peu après, voir SCG, 22 mars 1760, John Narney ; ibid., 16 avr. 1754, James Michie ; ibid., 24 sept. 1753. Christopher Gadsden.

28. SCG, 14 mars 1774, Philip Tidyman.

29. Ibid., 28 mai 1753. Alexander Frazer.

30. Ibid., 28 juin 1760, McCarton et Campbell; pour des exemples d'esclaves antillais s'embarquant pour les îles, voir SCG, 22 sept. 1766, George McKintosh et SC & AGG, 5 mai 1775, Nathan Savage ; SCG & CJ, 29 avr. 1766, Geôle.

31. SCG, 3 août 1769, William Burrows ; SC & AGG, 1 3 avr. 1772, John Mathews.

32. Des signalements Évoquant l'aide des « nègres pêcheurs » se trouvent dans SCG, 15 nov. 1737, Kennedy O'Brien ; ibid., 26 févr. 1763, Nathaniel Blundell ; SC & AGG, 12 déc. 1768, John Rose. Pour des exemples d'esclaves de marché et de cuisine supposés héberger des marrons, SCG, 3 févr. 1757, Mary Ellis ; ibid., 1 mai 1763, John Forrester ; SC & AGG, 27 août 1778, William McKinny. La nature communautaire de la société esclave en Caroline du Sud est aussi suggérée par le grand nombre d'esclaves s'évadant en groupes, l e., 710 cas, impliquant I 999 esclaves ou 36 % de tous les marrons signalés. Un peu moins de la moitié de ces I 999 s'étaient Évadés par groupes de deux.

33. SCG, 27 avr. 1738, Roger Saunders ; ibid., 15 janv. 1750, John McQueen ; ibid., 1er sept. 1767, Geôle.

34. SCG, 25 août 1757, Rawlins Lowndes ; ibid., 14 août 1762, John-Paul Grimke ; ibid., 17 févr. 1759, Thomas Tucker ; Gazette of State of South Carolina, 3 oct. 1779, John Dawson.

35. SCG, 12 juin 1753, Andrew Letch ; SCG & CJ, 20 oct. 1767, Francis Roche ; SCG, 24 oct. 1775, Richard Lamput.

36. Pour une justification plus complète, voir Morgan, The Development of Slave Culture, pp. 282-311. Des preuves du développement de liens de parenté sont données par les signalements de marrons. Dans les années 1730, il n'y avait que cinq cas d'une famille ou d'un couple s'évadant ensemble, c'est-à-dire 8 % de tous les groupes marrons de cette décennie. Dans les années 1770, ces cas sont passés à 70, formant 30 % de tous les groupes marrons.

37. LaslEtt, Peter, Family Life and Illicit Love in Earlier Générations, Cambridge, 1977, p. 252.CrossRefGoogle Scholar

38. Voir Morgan, The Development of Slave Culture, pp. 1 -20. De meilleures communications peuvent aussi expliquer les distances plus grandes parcourues par les marrons. Les avis signalant le lieu de résidence du marron et l'endroit de capture sont disponibles pour 19 esclaves dans les années 1730, 30 dans les années 1740, 37 dans les années 1750, 134 dans les années 1760, 124 dans les années 1770. La distance moyenne couverte, à vol d'oiseau, Était pour ces décennies consécutives de 49,24, 46,5, 63,07, 68,87 et 83,02 kilomètres.

39. Voir Morgan, The Development of Slave Culture, pp. 313-328 et 374-410. Voir aussi Gutman, Herbert G., The Black Family in Slavery and Freedom, 1750-1925, New York, 1976, particulièrement pp. 327360.Google Scholar