Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
L'histoire des relations entre droit et sciences sociales est agitée par des critiques réciproques, au nom de la méconnaissance de la spécificité du droit ou, en sens inverse, au nom du formalisme des catégories juridiques par trop éloignées des pratiques sociales. Les critiques précédentes se prolongent dans des tentatives d'englobement de l'adversaire : on fera valoir que la société est, en droit, coiffée par les institutions juridiques, ou, symétriquement, que les règles sont, en fait, fondées sur les moeurs et les régularités sociales. Mais ces relations tendues ont aussi connu leurs moments d'apaisement, de compromis, voire de fusion. L'alliance scellée dans le droit social n'a-t-elle pas permis une extension du champ couvert par l'activité juridique et consolidé dans le même temps la position de la sociologie en offrant une assise juridique au « social » ?
In a converging fashion, sociologists and economists have been increasingly interested in the diversity of the modes of interaction and transaction. They have consequently paid more and more attention to the judgement cognitive or normative agents make concerning a situation and the actions of others. In attributing an important role to interpretation and its limits, these social-scientific fields draw close to the legal field and its juridical reflections on the rule and its use. A confrontation between these domains is therefore called for: by considering the function of judgement in coordinating actions, the Author takes stock of the most legitimate ordinary judgements (those aiming at adjustments endowed with broad validity) in order to initiate a confrontation with legal judgements.
1. E. Freidson, Professional Powers. A Study of the Institutionalization of Formai Knowledge, Chicago, University of Chicago Press, 1986.
2. P. Bourdieu, «La force du droit. Éléments pour une sociologie du champ juridique», Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 64, sept. 1986, pp.3-19. 3. M. Weber, Sociologie du droit, Paris, PUF (préface de P. Raynaud, introduction et traduction de J. Grosclaude), 1986.
4. D.M.Trubek, « Where the action is : critical légal studies and empiricism », StandfordLaw Review, vol.36, n° 1-2, pp.575-622, 1984.
5. Y. Dezalay A. Sarat et S. Silbey, « D'une démarche contestataire à un savoir méritocratique. Eléments pour une histoire sociale de la sociologie juridique américaine», Actes de la Recherche en Sciences Sociales, n° 78, juin 1989, pp.79-93.
6. Soulignons que la vérité du collectif est établie à l'aide de deux types d'instruments qui renvoient à deux constructions fondamentalement différentes du collectif et à deux formes de preuve : le sondage d'opinion et l'enquête statistique sur la régularité des comportements.
7. E. Durkheim, Textes, Paris, Ed. de Minuit, 3 tomes (présentation de V. Karady), 1975.
8. G. Gurvitch, L'idée de droit social, Sirey, 1931.
9. H. Lévy-Bruhl, Sociologie du droit, Paris, PUF, 1961.
10. J. Le Goff, « La naissance des conventions collectives. Retour sur un débat doctrinal significatif », Droits, n° 12, 1990, pp.67-79.
11. id.
12. F. Ewald, L'État providence, Paris, Grasset, 1986.
13. M. Foucault, Naissance de la clinique. Une archéologie du savoir médical, Paris, PUF, 1963 ; F. Ewald, op. cit., pp.524-525.
14. L'étroite relation entre les catégories élémentaires de la sociologie et certaines constructions politiques du bien commun se prolonge d'ailleurs au-delà du moment fondateur de la discipline et l'on peut en suivre l'évolution dans l'instrument majeur d'élaboration du social que sont les statistiques sociales : L. Thévenot, « La politique des statistiques : les origines sociales des enquêtes de mobilité sociale», Annales ESC, nov.-dec.1990, n° 6, pp. 1275-1300.
15. H.L.A. Hart, Le concept de droit, Bruxelles, Université Saint-Louis (trad. par M. van de Kerchove), 1976.
16. Perelman, Logique juridique, Paris, Dalloz, 1979.
17. J. Lenoble et A. Berten, Dire la norme; droit, politique et énonciation, Bruxelles, E. Story-Scientia, Paris, L.G.D.J, 1990.
18. P. Amselek, Méthode phénoménologique et théorie du droit, Paris, L.G.D.J, 1964. A. Jeammaud, « La règle de droit comme modèle », Revue Interdisciplinaire d'Etudes Juridiques, 1990, pp. 125-164.
19. Même dans les étapes préalables à un jugement, les parties, éclairées par le juge, peuvent s'accorder entre elles pour appliquer la règle de droit, sans attendre le jugement : A. Supiot, « Déclin de la conciliation prudhommale », Droit social, n° 3, 1985.
20. E. Serverin P. Lascoumes et T. Lambert, Transactions et pratiques transactionnelles, Paris, Economica, 1987.
21. M. Mauss, «Esquisse d'une théorie générale de la magie” republié dans Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, 1950; É. Durkheim, Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, PUF, 1960; M. Weber, Économie et société, t . l , Paris, Pion (traduction sous la direction de J. Chavy et E. de Dampierre), 1971. Pharo s'inspire d'une approche compréhensive pour aborder le « droit ordinaire » en mettant l'accent sur le parti normatif qu'accompagne la compréhension, et en critiquant les théories politiques qui repose sur le « préjugé conventionnaliste » d'un accord préalable réglant l'accord : P. Pharo, Politique et savoir-vivre ; enquête sur les fondements du lien civil, Paris, L'Harmattan, 1991.
22. G.H. Mead, L'esprit, le soi et la société, Paris, PUF (trad. de J. Cazeneuve, E. Kaelin et G. Thibault, préface de G. Gurvitch), 1963.
23. A. Schùtz, The Phenomenology of the Social World, Northwestern University Press, 1966; A. Cicourel, Method and Measurement in Sociology, New York, Free Press, 1964. Ces recherches ont souvent impliqué une analyse de la typification dans les procédures judiciaires : D. Sudnow, «Normal Crimes», Social Problems, 12, 1965, pp.255-276; D. Sudnow, (éd.), Studies in Social Interaction, New York, Free Press, 1972 ; A. Cicourel, Method and Measurement in Sociology, op.cit. 24. H. A. Simon, The sciences of the Artificial, Cambridge, MIT Press, 1981.
25. G. Akerlof, «The Market for “Lemons” : Quality Uncertainty and the Market Mecanism », Quaterly Journal of Economies, vol.LXXXIV, n° 3, 1970, pp. 488-500; J. Stiglitz, «The Causes and Conséquences of the Dependence of Quality on Price», Journal of Economie Literature, vol.25, mars 1987, pp. 1-48 ; C. Azariadis et R. Guesnerie, «Prophéties créatrices et persistance des théories », Revue économique, 33 (5), septembre 1982, pp.787-806.
26. D. Kreps, P. Milgrom, J. Roberts et R. Wilson, « Rational Coopération in the Finitely Repeated Prisoners’ Dilemma», Journal of Economie Theory, vol.27, 1982, pp.245-252.
27. L. Thévenot, «Rationalité ou normes sociales: une opposition dépassée?», dans L.-A. Gérard-Varet et J.-C. Passeron, (dir.), Principes de rationalité dans les sciences sociales, Paris, Ed. de l'EHESS, 1992.
28. Pour une présentation de certains de ces travaux, voir notamment le numéro de Critique intitulé «Sciences humaines: sens social», n° 529-530, juin-juillet 1991 (sous la direction de V. Descombes), et le numéro «Economie des conventions” de la Revue économique, n° 2, mars 1989. Notons d'emblée, pour éviter un malentendu, que la notion de convention réélaborée dans ces travaux ne s'apparente pas, comme c'est le cas dans le droit, à celle de contrat. Elle se rapproche davantage du sens commun des conventions sociales et s'oppose au modèle du contrat comme accord de deux volontés, modèle qui constitue un lieu d'articulation classique de l'économie au droit.
29. J. Magaud et K. Sugita, «Angers-Nagano. Une comparaison France-Japon», 1989; J. Magaud et K. Sugita, « France-Japon. Un produit, deux façons de faire», Dossier de recherche n° 43, Centre d'Etudes de l'Emploi, 1992. L THÉVenot, « Nouvelles approches du travail », Lettre du Centre d'Études de l'Emploi, n° 25, 1992.
30. L. Boltanski et L. Thévenot, De la justification, Paris, Gallimard, 1991.
31. N. Ferreyrol, « Les normes dans l'entreprise», rapport au Ministère de la Recherche et de la Technologie, 1989.
32. Cette réduction topographique de l'action est d'ailleurs adoptée dans des situations extrêmes impliquant des êtres humains avec qui la communication est problématique. Dans la démarche originale de Deligny à l'égard des autistes, dont les activités particulièrement erratiques mettent en échec les procédures courantes d'interprétation des actions d'autrui, les ustensiles impliqués dans la réalisation d'activités ordinaires sont largement étalés dans l'espace. Les verres et les assiettes se trouvent par exemple rangés dans un meuble, près d'un bâtiment, alors que les couverts sont placés dans un autre meuble situé à l'intérieur d'un second bâtiment : M. Barthélémy, « Voir et dire l'action », in P. Pharo, L. QUÉRÉ, (eds.), Les formes de l'action, série « Raisons pratiques», Paris, Editions de l'EHESS, pp.195-226. 1991. Grâce à ce dispositif, les autistes « donnent à voir au permanent ce qu'il font ».
33. Confronté au second atelier, un cadre qui travaille dans le premier s'est écrié, pour traduire sa perplexité devant le défaut d'ordre et d'organisation qu'il constatait : « Ça je connais, c'est la Tunisie… ». Sans doute faut-il préciser ici que le premier atelier est français et le second japonais.
34. M. Aoki, Économie japonaise. Information, motivation et marchandage, Paris, Economica (traduction par H.P. Bernard), 1991.
35. Bien entendu, cette petite communauté n'est pas indépendante de l'entreprise et d'un système d'évaluation général, par des « rangs » qui marquent la réputation des employés comme celle des sous-traitants : O. Favereau et L. Thévenot, « Règles, coordination et apprentissage. Relecture de trois théories intitutionnalistes de l'entreprise (Doeringer et Piore, Williamson, Aoki) », communication au 4e colloque de l'association Charles Gide pour l'Etude de la Pensée Economique, Marseille, sept. 1991.
36. A. Gorgeu et R. Mathieu (avec la collaboration de B. Gomel), « Les fournisseurs de l'industrie: politiques de produit et gestion de la main d'œuvre», dans Entreprises et produits, Cahiers du Centre d'Etudes de l'Emploi, n° 30, pp. 31-63.
37. N. Dodier, « Le travail d'accommodation des inspecteurs du travail en matière de sécurité », dans Cahiers du Centre d'Etudes de l'Emploi n° 33, PUF, 1989, pp.281-306,. 38. A. Magaud ET Sugita, 1989, «Angers-Nagano. Une comparaison France-Japon», op. cit.
39. B. Reynaud et V. Najman, Les règles salariales au concret: enquête auprès des grandes entreprises en France, Paris, Documentation Française, Chap. V, 1992.
40. A. Lyon-Caen, Note sous Cass., 16 mars 1990, D1999, 21e cahiers-jurisprudence, 1990; G. Lhuilier, « La construction d'un paradigme juridique : l'entreprise », communication à la journée «Les sciences sociales et l'entreprise» organisée par l'Association pour la Recherche à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, 28 oct. 1991.
41. A. Jeammaud, «La règle de droit comme modèle», op.cit. ; B. Reynaud, Le salaire, la règle et le marché, Paris, Bourgois, 1992.
42. O. Favereau, 1989, «Marchés internes, marchés externes», Revue Économique, n° 2, mars 1989, pp.273-327.
43. La qualification n'a pas la même importance dans les traitements juridiques des désaccords qui n'aboutissent pas à un jugement, comme les actes de la conciliation prud'hommale. Le style d'interactions peut y emprunter une tournure juridique marquée par le rôle actif des avocats et par des appréciations et qualifications légales suivies de propositions apparaissant comme des déductions quasi syllogistiques, voir Serverin, Lascoumes et Lambert, Transactions et pratiques transactionnelles, op cit, p. 111, ce qui peut être considéré comme une « juridicisation » de la transaction, voir A. Jobert et P. Rozenblatt, « Les conseils des prud'hommes », Credoc, 1978. Mais l'interaction prendra souvent une tournure toute différente, se fondant sur des récits suivis de propositions qui n'en sont pas déduites (id.). On voit clairement s'opposer, dans la saisie de l'action, la forme narrative du récit à celle, intemporelle, du jugement qui est une mise en règle de qualifications.
44. Jeammaud s'appuie sur de tels exemples pour montrer que les règles de droit ne sont pas réductibles à des prescriptions d'action : « En fait de meubles, la possession vaut titre » ; « L'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari», op.cit., p. 134.
45. Nous recherchons ainsi le dépôt d'orientations normatives dans des objets ou des personnes qualifiés, et non pas seulement dans des normes abstraites, ou dans des cadres de référence : E. Goffman, Les cadres de l'interprétation, Paris, Minuit (trad. d'I. Joseph avec M. Dartevelle et P. Joseph), 1991. Comme le suggère Me Evoy, on pourrait rapprocher cette démarche de celle engagée en linguistique par Ducrot, dans sa recherche de topoï intrinsèques au lexique qui rendraient compte de la redondance d'énoncés tel « le terrorisme doit être condamné » : S. Me Evoy, « La question de l'arrêt : le cas de l'argumentation dans le droit », dans D. Bourcier (éd.), Lire le droit, Paris, LGDJ, « Story Scientia », 1992 ; O. Ducrot, « Topoï et formes topiques », Bulletin de linguistique française, n° 22,1988, pp.1-14. Toutefois notre investigation porte sur des objets et donc des repères objectivables par des épreuves qui ne se limitent pas à la communication langagière. D'autre part, la dynamique des disputes fait ressortir les possibilités de qualifications multiples, en dehors même des différences d'évaluation qui s'affrontent à l'intérieur d'un même ordre de grandeur.
46. Ghestin, 1.1, n° 56. La tradition rhétorique classique aborde ces questions de manière systématique, présentant en outre l'avantage de s'étendre, au-delà du droit, à des argumentations ordinaires. Elle propose une mise en ordre des lieux de l'argumentation dans des « états de cause », c'est-à-dire des questions susceptibles de recevoir des solutions opposées dans les débats, et distingue l'«état de cause conjectural” (qui concerne les faits) et l'«état de cause judiciaire» (qui traite de l'illégal ou de l'injuste). Me Evoy, « Le système des états de cause. L'argumentation défensive», Poétique, n° 74, avril 1988, pp. 183-209. Le retour de la qualification sur les faits, et les confusions qui en résultent, se voient dans les hésitations de cette rhétorique sur la question du classement de l'« état de cause de définition » (qui correspond à la qualification).
47. Cette double appréhension des repères conventionnels se retrouve dans les débats sur les catégories et les statistiques. Des investissements de forme coûteux sont nécessaires pour constituer les repères d'un espace public, mais ces formes se prêtent en retour à un usage stratégique, servant d'instruments de pouvoir et de discipline, comme on peut le voir dans le cas du premier atelier ; A. Desrosières, «Discuter l'indiscutable: raison statistique et espace public», dans Ladrière, P. (éd.), L'espace public, série « Raisons pratiques », Paris, Ed. de l'EHESS. 1992 ; P. Corcuff, «Le catégoriel, le professionnel et la classe. Usages contemporains de formes historiques», Genèses, n° 3, mars, 1991, pp.55-72.
48. P. Corcuff,, « Sécurité et expertise psychologique dans les chemins de fer », dans Justesse et justice dans le travail, Cahiers du Centre d'Etudes de l'Emploi n° 33, PUF, 1989, pp.307-321. Analysant la pluralité des modèles d'expertise, Dodier a mis en évidence le changement de régime qu'implique le fait que le médecin du travail cesse de rendre à lui seul un jugement, dans un cadrage statistique, admnistratif ou clinique de l'individu, pour le laisser intervenir lui-même dans le jugement : N. Dodier, « Expérience privée des personnes et expertises médico-administratives. Une enquête dans la médecine du travail », Sciences sociales et santé, vol.IX, n° 2, 1992, pp.79- 122.
49. Article 1915 du Code civil ; J. Carbonnier, Flexible droit, Paris, LGDJ (6e édition), 1988, p.296.
50. A. Cottereau, « Justice et injustice ordinaire sur les lieux de travail d'après les audiences prud'homales (1806-1866)», Le Mouvement Social, n° 141, oct-déc. 1988, pp.25-59; «Droit et bon droit : la constitution d'un droit local du travail et son invisibilité publique, durant la première moitié du xixe siècle français», communication à la table-ronde des Annales, «Droit, histoire, sciences sociales», Paris, 29 nov, 1991.
51. L. Boltanski ET L. Thévenot, De la justification, Paris, Gallimard, 1991, op. cit.
52. Sur les rapports entre ces exigences et celles qui sont explicitées dans des théories de la justice, voir Thévenot, « Un pluralisme sans relativisme ? Théories et pratiques du sens de la justice » dans J. Affichard et de J.-B. Foucauld, (eds.), Justice sociale et inégalités, Paris, Ed. Esprit. 1992.
53. F. Chateauraynaud, « La construction des défaillances sur les lieux de travail. Le cas des affaires de faute professionnelle » dans Justesse et justice dans le travail, Cahiers du Centre d'Etudes de l'Emploi n° 33, PUF, 1989, pp. 247-280 ; F. Chateauraynaud, La faute professionnelle, Paris, Ed. Métailié, 1991.
54. L. Thévenot, «Economie et politique de l'entreprise; économies de l'efficacité et de la confiance », dans Justesse et justice dans le travail, Cahiers du Centre d'Etudes de l'Emploi n° 33, PUF, pp.135-207, 1989; L. Thévenot, «Entreprises et coordination», dans Reynaud, J.-D. et alii, (eds.), Les systèmes de relations professionnelles, Lyon, Editions du CNRS, 1990c.
55. A. Wissler, « Prudence bancaire et incertitude », Innovation et ressources locales, Cahiers du Centre d'Etudes de l'Emploi n° 32, PUF, 1989, pp.201-237 ; A. Wissler, « Les jugements dans l'octroi de crédit», Justesse et justice dans le travail, Cahiers du Centre d'Etudes de l'Emploi n° 33, PUF, 1989, pp.67-119.
56. I. Astier, «Chronique d'une commission d'insertion», dans J. Donzelot, (éd.), Face à l'exclusion. Le modèle français, Paris, Editions Esprit, pp.59-81, 1991; I. Astier, «Qu'est-ce qu'un contrat?», dans «Des cas d'innovation dans l'administration», GSPM, rapport de recherche Pirttem (sous la direction de L. Boltanski), 1992; L. Thévenot, «Un pluralisme sans relativisme? Théories et pratiques du sens de la justice” dans J. Affichard et J.-B. de Foucauld (eds.), Justice sociale et inégalités, Paris, Ed. Esprit, 1992.
57. L. Boltanski et L. Thévenot, De la justification, Paris, Gallimard, 1991, op. cit.
58. V. Delamourd, « ‘Monsieur le Président…’ Les formes de justification de l'état de chômeur », Groupe de Sociologie Politique et Morale, EHESS, 1988.
59. G. Lyon-Caen, Les libertés publiques et l'emploi. Rapport pour le ministre du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle, 1991.
60. B. Reynaud et V. Najman, Les règles salariales au concret: enquête auprès des grandes entreprises en France, Paris, Documentation Française, 1992.
61. K. Polanyi, La grande transformation, Paris, Gallimard (trad. par C. Malamoud et M. Angeno, intr. de L. Dumont), 1983 ; O. Granovetter, « Economie Action and Social Structure : theProblemof Embeddedness », American Journal ofSociology, vol.91,n° 3, 1985, pp. 481-510.
62. O. Willlamson, «Crédible commitments: using hostages to support exehange», American Economie Review, 73 (4), septembre 1983, pp. 519-540.
63. D. Kreps, « Corporate Culture and Economie Theory », communication à la « Mitsubishi Bank Foundation Conférence on Technology and Business Strategy, 1988.
64. E. Hoshino, «L'évolution du droit des contrats au Japon», dans Etudes de droit japonais, Paris, Société de législation comparée (préface de J. Robert et X. Blanc-Jouvain), 1989.
65. L. Karpik, « L'économie de la qualité », Revue Française de Sociologie, vol.XXX, 1989, pp. 187-210.
66. A. Wissler, « Prudence bancaire et incertitude», op. cit., p.217.
67. C. Lafaye, « Les communes dans tous leurs états. L'espace local à la croisée d'exigences contradictoires», Thèse de doctorat de sociologie, Paris, EHESS, 1991 ; «Situations tendues et sens ordinaire de la justice au sein d'une administration municipale», Revue Française de Sociologie, vol.XXXI, 1990, pp. 196-223.
68. Distinction entre les « coutumes notoires », pratiquées depuis 40 ans selon le Grand coutumier de France, ou de temps immémorial selon Baumanoir, les coutumes reconnues en justice dans un procès, les coutumes approuvées par le roi et les seigneurs, les styles propres à chaque parlement, les coutumes privées : E. Serverin, De la jurisprudence en droit privé. Théorie d'une pratique, Lyon, Presses Universitaires de Lyon. 1985, p.31. Le « turbe », composé de dix témoins pris parmi les hommes sages et expérimentés de la région — et surtout parmi les gens de loi — doit voter, à l'unanimité, sur l'existence de cette coutume (id.). Sur la codification des coutumes, voir L. Assier-Andrieu (éd.), Une France coutumière. Enquête sur les ‘usages locaux’ et leur codification, XIXe XXe siècle, Paris, Ed. du CNRS, 1990.
69. H. Lévy-Bruhl, La preuve judiciaire. Essai de sociologie juridique, Paris, Librairie Marcel Rivière et Cie, 1963. Pour les raisons mentionnées plus haut, les justifications d'ordre domestique menacent de se clore sur une localité qui contreviendrait aux exigences de justice. Les liens personnels entretenus entre le prévenu et des membres du jury sont à l'origine d'acquittements dénoncés comme scandaleux: E. Claverie, «De la difficulté de faire un citoyen: les ‘acquittements scandaleux’ du jury dans la France provinciale du début du xixe siècle», Etudes rurales, n° 95-96, pp. 143-166 1984, pp. 143-166. La sensibilité des jurés à l'enquête effectuée, pour les affaires criminelles, auprès de l'entourage de l'inculpé, de sa famille et de son voisinage, se traduit dans des indulgences et sévérités différentielles des jurys par rapport aux juristes professionnels : Gruel: Pardons et châtiments, Paris, Nathan, 1991. Sur la tension entre la preuve par le témoignage et la preuve par l'opinion publique, voir C. Lemieux, « L'invention de l'objectivité. Eléments pour une sociologie de l'excellence journalistique», Groupe de Sociologie Politique et Morale, EHESS. 1991.
70. J. Carbonnier, Flexible droit, op. cit., p. 288
71. C. Paradeise et P. Porcher, « Le contrat ou la confiance dans la relation salariale », Travail et Emploi, n° 46, 1990 pp.6-14. Antoine Jeammaud m'indique toutefois, par de précieuses remarques, que cet élément de droit jurisprudentiel est douteux. Un attendu de principe, régulièrement énoncé dans les arrêts récents de la Chambre sociale, stipule que « le licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs » et « la perte de confiance alléguée par l'employeur ne constitute pas en soi un motif de licenciement ». Il reste que la perte de confiance peut impliquer le caractère « sérieux » de la cause de licenciement qui doit être « réelle et sérieuse ».
72. Gaudu, « Fidélité et rupture », Droit social, n° 5, mai, 1991.
73. C. Bessy, « L'ordre des licenciements économiques », Dossier de recherche n° 38, Centre d'Etudes de l'Emploi, 1988.
74. F. Eymard-Duvernay, « Droit du travail et lois économiques : quelques éléments d'analyse », Travail et Emploi, n° 33, sept. 1987, pp.9-14.
75. A. Jeammaud et A. Lyon-Caen, «Droit et direction du personnel», Droit social, n° 1, pp.56-69, 1982. L'entreprise est elle-même un lieu de création de règles, notamment par le truchement des directions du personnel. Voir Jeammaud et A. Lyon-Caen, chapitre «France” dans Jeammaud, A., Lyon-Caen, A. (eds.), Droit du travail, démocratie et crise, Actes Sud, 1982, règles qui peuvent s'ouvrir sur des justifications plus diverses et épouser la variété des formes de coordination entre lesquelles l'entreprise établit des compromis ; G. Lhuillier, « La construction d'un paradigme juridique: l'entreprise», communication à la journée «Les sciences sociales et l'entreprise » organisée par l'Association pour la Recherche à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, 28 oct. 1991.
76. L.-H. Choquet, « Un dispositif qui déplace la frontière entre profanes et professionnels de la justice en rappochant les agents administratifs et les magistrats», Recherches et prévisions, n° 21, CNAF, 1990, pp.83-99.
77. Par exemple, une Caisse d'allocations familiales se substituant aux créancières dans le recouvrement des pensions alimentaires, au moyen de l'allocation de soutien familial.
78. P. Livet, «Les limitations de la communication», Les Etudes philosophiques, n° 2-3, 1987, pp.255-275; P. Livet et L. Thévenot, «L'action collective», contribution au colloque « L'économie des conventions », Paris, 27-28 mars, 1991 (à paraître, PUF).
79. L. Boltanski et L. Thévenot, De la justification, op. cit., p. 286.
80. L. Thévenot, «L'action qui convient», dans P. Pharo, L. QUÉRÉ (eds), Les formes de l'action, série «Raisons pratiques», Paris, Éditions de l'EHESS, pp. 39-69. Notons que la tolérance devient infinie lorque l'exigence du repère, et donc du jugement, est repoussée elle-même à l'infini pour laisser toute la place à la reconnaissance de la singularité de la personne : L. Boltanski, L'amour et la justice comme compétences, Paris, Ed. Métailié, 1990.
81. Carbonnier, Flexible droit, op. cit. p. 21.