Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Idéal nomologique pas mort dans les sciences sociales. Telle est, en style télégraphique, la nouvelle qu'on se doit d'annoncer sitôt refermé Y Essai d'épistémologie d'Alain Testart*. On imaginait, en effet, à peu près admise par tous, quoique pour des motifs différents, l'idée que la connaissance de l'homme social par l'homme relevait d'un autre genre de savoir que la connaissance par ce même homme des phénomènes de la nature. Cela allait, nous semblait-il, de nos jours presque sans dire, pas toujours pour de bonnes raisons. On s'abandonnait donc à croire que prévalait, dans la communauté savante, le sentiment d'une dualité insurmontable de régime épistémologique entre sciences déductives et expérimentales d'une part, sciences humaines et sociales de l'autre. Le véritable combat à mener, à l'intérieur des sciences ni déductives ni expérimentales, paraissait consister à faire reconnaître, pièces en mains, aux utilisateurs du modèle physicaliste (et aux gestionnaires de la recherche qui se recrutent parmi eux) la dignité des procédures intellectuelles mises en oeuvre dans les disciplines appliquées à l'étude des actions et des oeuvres de l'homme. De quel droit le discours de la généralité naturelle s'arrogerait-il le monopole de l'intelligibilité scientifique ? Or voici que, venue de l'anthropologie, une voix s'élève pour affirmer le plus simplement possible, par l'intermédiaire d'un court ouvrage au ton alerte, peu encombré de références bibliographiques, que le monde social constitue bien une nature au sens kantien du terme: quelque chose qui doit être conçu comme existant sous des lois. Elle nous somme de nous débarrasser au plus vite de toutes sortes de préjugés, de renouer avec l'inspiration du xixe siècle et l'espèce de raideur qui la caractérisa, de reprendre le projet d'une « physique sociale » comme laissé en plan depuis l'époque des pères fondateurs.