Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Entre l'attitude de refus de la guerre et de la violence qui semble caractériser les premiers temps de l'Église apostolique et la prédication de la croisade par Urbain II en 1095, reprise et amplifiée plus tard par Bernard de Clairvaux, le contraste est si manifeste qu'il s'apparente à une totale contradiction, à une complète volte-face.
Les historiens, pour rendre compte de cette surprenante révolution, ont souvent décomposé le mouvement en plusieurs étapes successives, rendant ainsi moins brutal le virage finalement accompli. L'ouvrage classique et magistral de C. Erdmann illustre bien ce phénomène.
In opposition to C. Erdman, who emphasized the links between the policy of holy war and the first Crusade, recent historians have brought their attention to bear on more novel traits of the Crusade preached for by Urban II : its pilgrimage-aspect and spontaneous character, escaping from the limits imposed on it by the papacy. Nevertheless, the question may be put as to whether this reaction has not been pushed a bit too far. From the Pax Dei to the Crusade, we may in fact trace a guiding line followed by the Church and by the monastic movements most closely linked to the papacy. Their policy was above all to limit, for Christendom, the catastrophic effects of war by sacralizing it and directing it themselves. For this purpose they sought to define the conditions under which wars could be legitimized, sacralized or even sanctified. The role of the papacy in this process of ideological development seems to have been fundamental, even if it was not entirely crowned with success.
1. Sur l'attitude de l'Église primitive, voir Flori, J., L'idéologie du glaive, Genève, 1983, p. 9–24 Google Scholar ; Bayet, A., Pacifisme et christianisme aux premiers siècles, Paris, 1934 Google Scholar ; Hornus, J.M., Evangile et labarum, Genève, 1960 Google Scholar ; J. Fontaine, Les chrétiens et le service militaire dans l'Antiquité, Concilium, U, 1965, p. 95-105 ; Morisi, A., La guerra nelpensiero christiano dalle originialla crociata, Florence, 1963 Google Scholar et plus récemment Swift, L. J., The Early Fathers on War andMilitary Service, Wilmington, 1983.Google Scholar
2. Surtout frappante dans la formulation du De laude : celui qui tue un infidèle au combat ne commet pas de faute car, ce faisant, il n'est pas homicide mais malicide. Bernard de Clairvaux, De laude novae militiae, J. Leclercq et H.M. Rochais éds., S. Bernardi opéra, vol. 3 : Tractatus et opusculae, Roma, 1963, p. 217. Cette formulation quelque peu choquante a fait récemment l'objet de tentatives d'atténuations. Voir par exemple P. Zerbi, « La militia Christi per i cisterciensi », Militia Christi e crociata nei sec. XI-X11I, Xla Settimana internazionali di Studi Medievali, Voir aussi sur ce point Delaruelle, E., «L'idée de croisade chez saint Bernard», Mélanges saint Bernard, Dijon, 1953, pp. 53–67 Google Scholar ; P. Derumeaux, Saint Bernard et les Infidèles, ibid., pp. 68-79 et B. Flood, St. Bernard's View of Crusades, Cistersian Studies, 9, 1974, pp. 22-35.
3. Voir les mises au point de Hartigan, R.S., « St. Augustin on War and Killing. The Problem of the Innocent », Journal of the History of ldeas, 27, 1966, p. 195–204 Google Scholar et Helgeland, J., Christians and the Roman Army, A.D. 173-337, Church History, 43, 1974, pp. 149–163 Google Scholar et surtout Markus, R.A., « Saint Augustine's View on the Just War », Studies in Church History, 20, 1983, pp. 1–13 Google Scholar, et Russel, F.H., «Love and Hâte in Médiéval Warfare: the Constribution of St. Augustin» Nothingham médiéval studies, 31, 1987, pp. 108–124.Google Scholar
4. Erdmann, C., Die Entstehung des Kreuzzugsgedankens, Stuttgart, 1935 Google Scholar ; l'ouvrage a été traduit en anglais par Baldwin, M.W. et Goffart, W., The Origin of theldea of Crusade, Princeton, 1977.Google Scholar
5. Burchard de Worms, Liber decretorum, VI, 23 et XIX, 5, P.L. 140, co. 770 et 952. Voir aussi, quelques années auparavant, Fulbert DE Chartres, Depeccatis capitalibus, P.L. 141, col. 339. J'ai moi-même abondé dans ce sens. Cf. J. Flori, op. cit., pp. 18-19, en supposant à tort, après beaucoup d'autres, que la mentalité antimilitariste l'emportait chez les ecclésiastiques de la fin du ixe siècle et du xc siècle, comme l'affirmaient C. Erdmann, op. cit., ou Dévisse, J., Hincmar, archevêque de Reims (845-882), Genève, 1975-1976 Google Scholar. Cette idée, fort généralement répandue, a été justement critiquée par Gilchrist, J., «The Erdman's Thesis and the Canon Law 1083-1141 », Crusade and Seulement, P.W. Edbury éd., Cardiff, 1985, p. 38 Google Scholar ss.
6. Rousset, P., Les origines et les caractères de la première croisade, Neuchâtel, 1945.Google Scholar
7. C'était déjà l'opinion d' Fliche, A., L'Europe occidentale de 888 à 1125, Paris, 1930, p. 550 ss,Google Scholar ou de J. Calmette, Le monde féodal (coll. Clio), p. 372, qui parle à leur propos de « précroisades », ou de C. Erdmann, op. cit., p. 124, qui les nomme «croisades espagnoles», de P. Bois- Sonnade, Du nouveau sur la Chanson de Roland, Paris, 1929, p. 5, qui mentionne 27 croisades françaises en Espagne entre 1017 et 1148. Prawer, J., Histoire du royaume latin de Jérusalem, Paris, 1975 (2e éd.), p. 167,Google Scholar parle encore (mais entre guillemets) de « croisades d'Espagne ».
8. Voir déjà Rousset, P., op. cit. ; Wiley, M., La croisade, essai sur la formation d'une théorie juridique, Paris, 1942.Google Scholar
9. H.E. Mayer, The Crusades, trad. anglaise par J. Gillingham, Oxford (2e éd.), 1988, p. 30 ss, qui se refuse à admettre qu'Urbain II ait pu faire de plus larges promesses spirituelles, s'opposant sur ce point à Cowdrey, H. E. J., «Popes Urban II's preaching of the First Crudade», History, 55, 1970 (repris dans Popes, Monks and Crusaders, Londres, 1984,Google Scholar désormais noté «Popes… ». pp. 77-188.
10. H.E.J. Cowdrey, op. cit. ; c'était déjà, contre C. Erdmann, la thèse de P. Rousset, op. cit., et même, plus anciennement encore, de P. Riant, Inventaire critique des croisades, A.O.L., 1, 1880, p. 4ss.
11. Cf. Riley-Smith, J., The First Crusade and the Idea of Crusading, Cambridge, 1986,p. 13–30.Google Scholar L'auteur nie, par exemple, qu'Urbain II ait prêché le martyre des guerriers ou énoncé le thème de la militia Christi. Ce sont là, pour lui, des notions qui sont nées ultérieurement, au sein même de l'armée des croisés. Cf. Riley-Smith, J., « Death on the First Crusade », The End of Strife, Loades, M.D.éd., Edinburgh, 1984, pp 14–31.Google Scholar Pour une critique de ce point de vue, voir J. Flori, «Mort et martyre des guerriers vers 1100: l'exemple de la première croisade», Cahiers de Civilisation Médiévale, 34, 1991, 2, pp. 121-139. Voir aussi Cowdrey, H.E.J., « Martyrdom and the first Crusade » Crusade and Seulement, Edbury, P.M. éd., Cardiff, 1985, pp. 47–56.Google Scholar
12. C'était l'idée qui prévalait jusqu'à la caricature chez L. Gautier, La chevalerie, Paris, 1884, et que l'on retrouve encore souvent exprimée, par exemple chez J. Prawer, op. cit., p. 188 ss, ou par Platelle, H., L'Eurasie, XIe siècle-XIIIe siècle, t. VI de la collection « Peuples et Civilisations », dir. Duby, G. et Mantran, R., Paris, 1982, p. 132 ss.Google Scholar
13. Voir par exemple Gosman, M., « La propagande de la croisade et le rôle de la chanson de geste comme porte parole d'une idéologie non-officielle », Actes du XIe Congrès International de la société Rencesvals, Barcelone, 1990, pp. 291–306;Google Scholar J. Riley-Smith souligne la rupture qui existe selon lui entre militia sanci Pétri et militia Christi. Voir J. Riley-Smith, op. cit. et, du même, « The First Crusade and St. Peter», Outremer, Mélanges… J. Prawer, éd. B.Z. Keddar, H.E. Mayer et R.C. Smail, Jérusalem, 1982, p. 41-63.
14. Voir sur ce point M. de Boüard, «Sur les origines de la trève de Dieu en Normandie», Annales de Normandie, 9, 1959, p. 169-189 ; A. Grabois, « de la trêve de Dieu à la paix du roi », Mélanges… R. Crozet, Poitiers, 1966, t. I, p.585-586; E.I. Strubbe, «La paix de Dieu dans le nord de la France», La Paix, Recueil de la société Jean Bodin, 1.14, Bruxelles, 1962, p. 489-501 ; R. Bonnaud-Delamare, « Les institutions de paix dans la province ecclésiastique de Reims au XIe siècle», Bulletin Philologique et Historique, 1955-56 p. 48 ss.
15. Les meilleures études sur les institutions de paix demeurent celles de Hofmann, H., Goltesfriede und Treuga Dei, (Schriften der M.G.H., 20), Stuttgart, 1964;Google Scholar Duby, G., « Les laïcs et la paix de Dieu », I laïci nella « societa Christiana» deisec. Xl et XII, Milano, 1968, p. 448–469;Google Scholar R. Bonnaud- Delamare, « Les institutions de paix en Aquitaine au XIe siècle », La Paix, op. cit., p. 415- 487 et, du même, «Fondements des institutions de Paix au XIe siècle», Mélanges…L. Halphen, Paris, 1951, p. 19-26; Cowdrey, H.E.J., «The peace and the Truce of God in the eleventh Century » Past and Présent, 46, 1970, p. 42–67 Google Scholar (repris dans « Popes… », op. cit.), Topfer, B., Volk und Kirche zur Zeit der beginnenden Gottesfriedensbewegung im Frankreich, Berlin, 1957;Google Scholar Callahan, D.F., « Adémar de Chabannes et la paix de Dieu », Annales du Midi, 89, 1977, pp. 21–43;Google Scholar MC.Kinney, L.C., « The People and Public Opinion in the Eleventh Century Peace Movement », Spéculum, 5, 1930, pp. 181–206 Google Scholar, Head, Th. et Landes, R. eds., Essays on the Peace of God. The Church and the People in Eleventh Century France, Waterloo, 1987, pp. 381–549, etc.Google Scholar
16. Raoul Glaber, Historiarum, Lib. IV, c. 4, éd. M. Prou, Raoul Glaber, les cinq livres de ses histoires, (900-1044), Paris, 1886, p. 99 ss, résume bien le climat psychologique ambiant. Voir aussi Ademar DE Chabannes, Chronicon, Lib. III, c. 35, J. Chavanon éd., Adémar de Chabannes, Chroniques, Paris 1897, p. 158 ss. A propos du concile de Limoges, voir Ademar DE Chabannes, Sermones, I, II, P.L. 141, col. 115-118.
17. Le concile de Charroux (989) prend soin de préciser que l'anathème porte sur ceux qui pillent des églises et attaquent des ecclésiastiques lorsqu'ils ne portent pas d'armes, ainsi que d'autres inermes ne pouvant assumer leur propre défense. Cf. Mansi, 19, col. 90.
18. Cf. J. Flori, L'idéologie du glaive, op. cit., p.29 ss.
19. C'est ce que l'on voit apparaître, pour nous limiter aux régions de l'Aquitaine, aux endroits mêmes où se tinrent les conciles, par exemple au Puy, à Poitiers, Limoges, Périgueux, Bourges, etc. Voir Miracula sancti Benedicti, M. de Certain éd., Paris, 1858, p. 192 ss ; Yves de Chartres, Epistolae, p.L. 162, col 181 ; Richer, , Historiae, II, Latouchè, R. éd., Paris, 1967, p. 10;Google Scholar Voir aussi Magnou-Nortier, E., La société laïque et l'église dans la province ecclésiastique de Narbonne, de la fin du VIIIe à la fin du XIe siècle, Toulouse, 1974, p. 526 Google Scholar et J. Semmler, «Facti sunt milites domni Ildebrandi omnibus.. .in stuporem », Das Ritterbild im Mittelalter und Renaissance, Dùsseldorf, 1985, p. 28 ss.
20. Voir sur ce point Flori, J., « Chevalerie et liturgie », Le Moyen Age, 1978, 2, pp. 247–278 Google Scholar et 1978, 3-4, pp. 409-442; du même, à propos de l'adoubement des chevaliers au XIe siècle: le prétendu Pontifical de Reims et Vordo ad armandum de Cambrai, Frùhmittelalterliche Studien, 19, 1985, pp. 330-349; du même, «Du nouveau sur l'adoubement des chevaliers XIe-XIIIe siècle», Le Moyen Age, 1985, 2, pp. 201-226; du même, «Le origini dell’ ideologia cavaleresca», Archivio Storico Italiano, 1985, 2, pp. 1-13.
21. Sur cet aspect de codification des activités guerrières en temps de paix, voir J. Flori, L'idéologie du glaive, op.cit. p. 135 ss, où sont analysés les canons des différents conciles de paix de la fin du Xe au milieu du XIe siècle.
22. L'échec lamentable de la tentative isolée d'Aimon de Bourges montre bien que la guerre doit rester aux mains des milites, c'est-à-dire un sport aristocratique. Le commentaire qu'en fait André de Fleury souligne le désaveu que rencontrait la création d'une sorte de « milice populaire » dirigée par l'Église pour s'opposer aux violateurs de la paix. Cf. André de Fleury, Miracula sanction Benedicti, Lib. V, c. 2, M. de Certain éd., Paris, 1858, p.192-194. Voir sur ce point le commentaire de Duby, G.. Les trois ordres ou l'imaginaire du féodalisme, Paris, 1978, p. 230 ss.Google Scholar
23. C'est ce qui ressort des textes des conciles. Voir, pour Charroux (989) : Mansi, 19, col. 89- 90; pour le Puy (994): MANSI, 19, col. 265-268; pour Limoges (1031): MANSI, 19, col. 529-532; pour Arles (1037): M.G.H. Constitutiones I, p. 596-597 et MANSI, 19, col. 594-596; pour Saint- Gilles du Gard (1042) : MANSI, 19, col. 843-844 ; pour Narbonne (1054) : MANSI, 19, col. 827-832 ; pour Verdun-sur-Doubs (1021-1022): Hefele-Leclercq, , Histoire des conciles, t. IV, 2, Paris, 1911, p. 1409.Google Scholar Sur la date de ce dernier concile (1021-1022 plutôt que 1016), voir Poly, J. P. et Bournazel, E., La mutation féodale, Paris, 1980, p. 254 note 2.Google Scholar
24. MANSI, 19, col. 483-484.
25. Cf. Bonnassie, P., La Catalogne du milieu du Xe à la fin du XIe siècle, Toulouse, 1975, p. 657.Google Scholar Texte dans MANSI, 19, col. 1073-1075.
26. MANSI, 19, col. 593-596. Voir aussi J.P. Poly et E. Bournazel, op. cit., p. 195.
27. MANSI, 19, col. 827 : « Quia qui christianum occidit, sine dubio Christi sanguinem fundit ». Il s'agit probablement des chrétiens «véritables” conformes à l'orthodoxie romane, et non des hérétiques qui ne sauraient bénéficier d'une telle protection, comme nous le verrons plus loin.
28. C'est ainsi que le concile de Saint-Gilles-du-Gard (1042) interdisait déjà à tous les milites de prendre les armes pendant la période de Trêve de Dieu, « pour quelque raison que ce soit », MANSI, 19, col. 844.
29. Cette conclusion a été particulièrement bien démontrée par Cowdrey, H.E.J., « The Peace and Truce of God in the Eleventh Century », Past and Présent, 46, 1970, pp. 42–67 CrossRefGoogle Scholar (Popes… , VII). Cf. aussi P. Rousset, op. cit., qui insiste surtout sur la croisade comme moyen d'exporter les problèmes posés par les violateurs de la paix. J. Riley-Smith, op. cit., p. 14, souligne également que la Paix de Dieu a conduit évêques et abbés à s'opposer, par la force de leurs chevaliers, aux violateurs de la paix.
30. Brown, P., « Saint Augustine's Attitude to Religious Coercion », Journal of Roman Studies, 54, 1964, p. 107–116.Google Scholar Markus, R.A., « Saint Augustine's Views on “Just War”», Studies in Church History, 20, 1983, pp. 1–13.Google Scholar Johnson, J.T., Just War Tradition and Restraint of War, Princeton, 1981.Google Scholar Regout, P., La doctrine de la guerre juste de saint Augustin à nos jours, Paris, 1935;Google Scholar Vanderpol, A., La doctrine scolastique du droit de guerre, Paris, 1925.Google Scholar Sur la thèse d'Erdmann, voir H.E. J. Cowdrey, « The Genesis of the Crusades : the Springs of the Holy War », The Holy War, Th. P. Murphy éd., Columbus, 1976, pp. 9-31 (Popes…, XIII).
31. Cf. Bainton, R.H., Christian attitudes towards war and peace, New York, 1960, p. 112 ss.Google Scholar H.E. Mayer, The Crusades, op.cit., p. 16, souligne les difficultés d'interprétation de la théorie dite « augustinienne » et les divergences d'opinions auxquelles elle a donné lieu.
32. «Justifiable War», Tooke, J.D., The just war in Aquinas and Grotius, London, 1965, p. 11.Google Scholar Voir sur cette question Gilchrist, J., «The Papacy and War against the Saracens», The International History Review, 10, 2, 1988, pp. 174–197.Google Scholar
33. Voir sur ce point J.D. Tooke, op. cit. , p. 11 ; Contamine, La guerre au Moyen Age, Paris, 1980, p. 425 et J. Gilchrist, op. cit., pp. 176-177 et notes 12 à 19.
34. Etienne II, M.G.H. Epistolae, III, p. 488 ; Léon IV, Epistolae et Décréta, P.L. 115, col. 656-657 ; Jean VIII, Epistolae et Décréta, P.L. 126, col. 816.
35. Voir les expressions employées par les narrateurs qui rapportent l'expédition montée par Léon IX, quand bien même tous ne seraient pas favorables au rôle direct que joua le pape dans cette opération. Voir Pierre Damien, Epistolae, IV, 9, P.L. 144 col. 313-316; Bruno DE Segni, Libellus de Symoniacis, 5, M.G.H., Libelli de Lite…, II, p. 550-551 ; Bonizo DE Sutri, Liber ad Amicum, M.G.H., Libelli de Lite…, I, p. 589 et p. 620; Libuin, De obitu sancti Leonis IX, P.L. 143, col. 527; Wibert, Vita Leonis IX, J.M. Waterich éd., Pontificum Romanorum vitae, I, Leipzig, 1862, p. 165 ; voir sur ce point J. Flori, « Guerre sainte et rétribution spirituelles dans la 2ème moitié du XIe siècle : Lutte contre l'Islam ou pour la papauté ? », Revue d'Histoire Ecclésiastique, 85, 1990, 3-4, pp. 617-649.
36. Alexandre II, Epistolae, P.L. 146, col. 1386-1387 et S. Loewenfeld, Epistolae pontificum romanorum ineditae, 1885 (Reprint 1959), p. 43. Voir sur ce point Cowdrey, J., Popes…, X, 40 note 59;Google Scholar P. Rousset, op. cit. , p. 50 et C. Cahen, Orient et Occident au temps des croisades, Paris, 1983, p. 55.
37. Registrum I, 7, Caspar, E. éd., M.G.H., Epistolae selectae II, Berlin, 1967 (3e éd.), t. I, pp. 11-12.Google Scholar L'influence de la fausse donation de Constantin semble ici manifeste.
38. C'est ce qu'à bien démontré G. Gilchrist, «The Erdman's Thesis… », op. cit., et «The Papacy and War against the Saracens », op. cit., p. 182 ss.
39. Sur cette évolution des ambitions pontificales, voir par exemple Ullmann, W., A short History of Papacy in the Middle Ages, London, 1972;Google Scholar Barraclough, G., The Médiéval Papacy, London, 1968;Google Scholar Partner, P., The Land of St. Peter, London, 1972;Google Scholar Noble, T.F.X., The Republic of St. Peter, Philadelphia, 1983.Google Scholar Ce mouvement s'accompagne de nombreuses tentatives, souvent couronnées de succès, pour attirer des princes territoriaux dans la vassalité du Saint-Siège. Voir sur ces points J. Flori, « Guerre sainte et rétributions spirituelles… », op. cit.
40. Voir par exemple Grégoire VII, The Epistolae Vagantes of Pope Gregory VII, H.E.J. Cowdrey éd., Oxford, 1972, n°13 (1076), p. 10 et n°54, pp. 128-131.
41. Registrum, III, 15, p. 277 et Registrum I, 21, pp. 44-45. Sur l'intérêt de l'expression miles Christi appliquée à ces guerriers, voir Flori, J., « Croisade et chevalerie, convergence idéologique ou rupture ? » dans Femmes, Mariages, Lignages, XIIe-XIVe siècles, mélanges offerts à Georges Duby, Bruxelles, 1992, pp. 157–176.Google Scholar
42. Registrum I, 27, p. 45. Voir aussi H.E.J. Cowdrey, « Martyrdom and the First Crusade », op. cit., pp. 48-49 et « The Papacy, the Patarenes and the Churchof Milan», Popes… V, pp. 25-48.
43. Comparer, par exemple, les promesses faites par Alexandre II (Cf. note 36 et Jaffe, Regesta, n°4530) à celles de Grégoire VII, Registrum I, 46, pp. 70-71, I, 49, pp. 75-76, P.L. 148, col. 390. Voir aussi Robinson, I.S., « Gregory VII and the Soldiers of Christ », History, 58, 1973, pp. 169–192,CrossRefGoogle Scholar malgré quelques excès. Sur le projet de Grégoire VII, voir H.E.J. Cowdrey, « Pope Gregory VII's «crusading» Plans of 1074», Popes…, X.
44. Pour Urbain II, voir les textes dans P.L. 151 col. 299-300 et 302-303, 483, et dans Pflug-Harttung, J. Von, Acta Pontificum Romanorum ineditae, II, Stuttgart, 1884 Google Scholar et Kehr, P., Papsturkunden in Spanien, I, Katalanien, Gottingen, 1926, pp. 286–288;Google Scholar pour Pascal II, Lettres 25, 26,
44. et 88, P.L. 163 col. 45-46 et 108.
45. Les rares campagnes en Afrique eurent probablement les mêmes aspects si l'on en juge par les bénédictions et rémissions des péchés qui accompagnèrent le départ de l'expédition contre Mahdia en 1087 et la couronne de martyr qu'y aurait gagné son chef. Cf. Chronica monasterii Casinensis, Lib. III, c. 71, M.G.H. SS. VII, p. 551 et le poème composé à ce propos, texte dans Sclia, G., « il carme pisano sull’ impresa contro i saraceni del 1087 », Studi di Filologia offerti a S. Pellegrini, Padoue, 1971, p. 565 Google Scholar ss et dans H.E.J. Cowdrey, Popes…, XII, pp. 1-29.
46. Notons en passant que le concile de Clermont fut également un « concile de Paix » ; il fait écho, quarante ans plus tard, aux idées exprimées à Narbonne en 1054.
47. Voir par exemple, pour nous limiter aux témoins directs du discours d'Urbain II, les abominations commises par les Turcs selon Robert LE Moine, Hierosolomytana expeditio, R.H.C., Hist. Occid. III, pp. 727-728 : souillure et profanation des lieux saints, tortures innommables, prostitution forcée des femmes chrétiennes, viol d'évêques, massacres et destructions de toutes sortes. Foucher de Chartres, plus concis, insiste davantage sur le péril que les Turcs font courir à toute la chrétienté, menacée par leur avance. Cf. Foucher DE Chartres, Historia Hierosolymitana, R.H.C., Hist. Occid. III, pp. 321-324. Voir aussi Baudri DE Dol, Historia Hiérosolymitana, R.H.C. Hist. Occid. IV, pp. 12-14.
48. Voir par exemple Leonard, E.G., « Les croisades et le royaume franc de Jérusalem », Histoire Universelle, t. II, Pléiade, Paris, 1957, p. 880 Google Scholar ss.
49. Voir par exemple J. Prawer, op.cit., p. 158 ss ou, sous une forme renouvelée, Cahen, C. dans plusieurs articles de son recueil Turco-Byzantina et Oriens christianus, London, 1974, ou, du même, Orient et Occident au temps des croisades, Paris, 1983, pp. 54–58.Google Scholar Voir les nuances qu'apporte H.E.J. Cowdrey, «The Gregorian Papacy, Byzantium and the First Crusade», Byzantium and the West, J.D.Howard-Johnston éd., Amsterdam, 1988, pp. 145-167.
50. H. Platelle, op. cit., p. 211. Ajoutons que les sources arabes reflètent la même conception et attribuent au pape la responsabilité et la direction de la croisade. Cf. Gabrieli, P., Chroniques arabes des croisades, Paris, 1977.Google Scholar
51. Soulignons que les canonistes contemporains d'Urbain II établissent à la même époque que l'Église a le droit d'user de la force pour contraindre les infidèles, les hérétiques et les schismatiques, et que tuer un infidèle ou un ennemi de la foi n'est pas un homicide. On note toutefois une nuance, significative : on peut chasser ou tuer les Sarrasins, alors qu'il faut se contenter d'asservir les juifs. Voir par exemple Yves de Chartres, p.L. 161, col. 322, 824, 1311, 1312; Bonizo de Sutri, Liber ad amicum, op. cit., et Liber de vita christiana, E. Perelsed., Berlin, 1930, Lib. II, 43, p. 56 et Lib. VII, 17, p. 102. Anselme DE Lucques, Collectio canonica, Lib. XIII, inédit, in ms. Vat. lat. 4983, f°231 v° et ss. et Vat. lat. 1363. Voir sur ce point J. Flori, L'essor de la chevalerie, XI'-XIIesiècle, Genève, 1986, p. 181 ss. et Stickler, A., «Il potere coativo materiale délia chiesa nella Riforma gregoriana secondo Anselmo di Lucca », Studi Gregoriani, II, 1947, pp. 235–285.Google Scholar
52. Lettre des princes croisés à Urbain II, texte dans Hagenmeyer, H., Die Kreuzzugsbriefe ausden Jahren 1088-1100, Innsbruck, 1901, pp. 161–163.Google Scholar
53. Notons que l'appel d'Urbain II ne s'adressait pas à tel ou tel prince particulier, mais que partout, aussi bien à Clermont que lors de sa tournée de propagande en France, il s'adressa aux guerriers en général, et à eux seuls, par dessus la tête des rois et des princes. Voir par exemple Chronique des comtes d'Anjou et des seigneurs d'Amboise, L. Halphen et R. Poupardin éds, Paris, 1913, pp. 237-238 : Urbanus…ammonuit gentem nostram ut irent Jérusalem…
54. Je ne conteste pas l'aspect nouveau que revêt la croisade par rapport aux autres guerres sacrées : elle est aussi un pèlerinage vers Jérusalem. Mais elle est surtout une expédition guerrière, une guerre sainte comme la Reconquista, une entreprise d'extension de la chrétienté et d'affermissement de l'autorité pontificale sur celle-ci. Les récompenses spirituelles qui l'accompagnent (remissio peccatorum pour ceux qui partent et couronne du martyre pour ceux qui mourraient) doivent être rattachées selon moi à son caractère de guerre sacrée plus qu'à son aspect de pèlerinage. Pour un avis contraire, voir J. Riley-Smith, « Death on the First Crusade », op. cit., pp. 14- 31 et The First Crusade and the Idea of Crusading, London, 1986, ainsi que H.E. Mayer, op. cit., p. 32 ss. Réfutation de ce point de vue dans J. Flori, «Mort et martyre des guerriers vers 1100», op. cit., et «Guerre sainte et rétributions spirituelles…», op. cit.. Dans la perspective que je défends ici, la croisade contre les hérétiques cathares ou albigeois n'est nullement une « déviation » ou une perversion de la croisade, comme on le dit généralement. Elle obéit à la même logique interne, quelque contestable que soit cette logique.
55. Dès son origine, la croisade rencontra des critiques qui s'accentuèrent au cours du xne siècle. Voir Throop, P., Criticism ofthe Crusade. A Study of Public Opinion and Crusade Propaganda, Amsterdam, 1940;Google Scholar Sibery, E., Criticism of Crusading, 1095-1274, Oxford, 1985;Google Scholar G.B. Flahiff, «Deusnon vult: A Criticof the Third Crusade », Médiéval Studies, 9,1947, pp. 162-188.
56. Je reviendrai sur cet aspect dans un autre ouvrage, La chevalerie, de Roland à Lancelot du Lac, à paraître aux éditions Droz, Genève.
57. Jean DE Salisbury, Policraticus, C I . Webb éd., Oxford, 1905, Lib. VI c. 4, p. 15, c.5, p. 16 et Lib. II c. 9, p. 23. Voir sur ce point J. Flori, « La Chevalerie selon Jean de Salisbury», Revue d'Histoire ecclésiastique, 1982, 1-2, pp. 35-77.