Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
La Période de L'Histoire Soviétique au cours de laquelle s'est situé le séjour en U.R.S.S. qui nous a incité à écrire ces pages, est loin d'être achevée et nul ne pourrait actuellement en prédire les développements.
Mais quels que soient sa durée et son aboutissement, quel que soit le jugement que les historiens porteront sur elle, on peut dès maintenant affirmer qu'elle méritera d'être appelée l'ère khrouchtchevienne, caractérisée par la mise en branle, sur certains points, de cet immense et relativement stable complexe qu'avait été, sous Staline, la société soviétique, où l'observateur discerne des mouvements (ou seulement peut-être, des pulsations, des vibrations) à la fois dans la structure, les institutions, les idées, les opinions naguère refoulées, les attitudes et les valeurs.
* Cet article a été précédé par deux études qui en sont le complément, l'une sur « Les salaires et le travail dans l'U.R.S.S. de Khrouchtchev» (Lanef, juillet-août 1958), l'autre sur « Pompage et brassage : la formation professionnelle en U.R.S.S. » (Arguments, novembre 1958). Ils sont tous les trois destinés à une réédition de mon livre : De la Sainte Russie à l'U.R.S.S., .Paris, 1938. D'octobre 1958 à février 1959, Khrouchtchev a fait adopter par les diverses instances du Parti, Présidium, Comité central et XXIe Congrès, une réforme de l'enseignement qui, après la création des sovnarkhozes et la vente des M.T.S. (stations de machines et tracteurs) aux kolkhozes, constitue la troisième grande réforme conçue et adoptée sous son inspiration. Elle est caractérisée par le souci d'assurer le recrutement de la main-d'oeuvre, dans les usines, les chantiers, les mines, les « terres vierges pour tous les travaux difficiles et lointains, par l'abandon de l'école polytechnique de dix ans, l'orientation technique de l'enseignement secondaire au détriment de la culture littéraire, la défiance à l'égard des diplômés de l'Université, la sélection professionnelle et politique des futurs étudiants au cours de stages d'au moins deux ans dans les entreprises. Il est actuellement (mars 1959) encore impossible de savoir dans quelle mesure cette réforme pourra être effectivement appliquée mais vraisemblable qu'elle sera, à son tour, et peut-être dans un proche avenir, réformée.
1. A. M. Roumiantsev est membre du Comité Central et rédacteur en chef de la revue Komnunmist, organe théorique du Parti.
1. Cette usine de Kiev, où travaillaient en tout 3 000 personnes, n'en comptait que 70 classées dans la catégorie « employés », exclusivement utilisés dans les services financiers et comptables. Tous les autres employés des bureaux, qu'ils soient répartis dans l'usine ou concentrés autour de la direction, étaient considérés comme « techniciens ». Le licenciement des employés et leur reclassement, grâce à des cours spéciaux, dans des professions « nécessaires à l'industrie » s'expliquent par la crise de la maind'oeuvre en U.R.S.S. Celle-ci éclaire, par ailleurs, la réforme de l'enseignement adoptée par le XXIe Congrès et surtout l'institution d'un stage professionnel pour les jeunes gens après sept années d'études secondaires (cemilietka). Cf. l'intéressant article de A. Popluiko dans Problèmes Soviétiques, 1958, n° 1, et particulièrement p. 127-131 : « Le problème de la main-d'oeuvre dans le siXIème quinquennat ».
2. République socialiste fédérative des Soviets russes.
1. Par exemple, Komsomoloskaia Pravda, 11 avril 1957.
2. Izvestia, 7 avril 1957.
1. Les seules modifications notables traduisent des compromis entre Khrouchtchev et certains de ses collègues (cf. Le Monde, 12-13 mai 1957).
2. Dans le gouvernement central, dix ministères fédéraux et quinze ministères fédéraux républicains étaient supprimés. Par contre les huit ministères contrôlant les industries de la Défense, au sujet desquels une vive discussion semble avoir eu lieu parmi les dirigeants du Parti, étaient finalement maintenus.
1. Il est intéressant de noter que Sabourov et Pervoukhine ont été, en février 1959, associés aux conspirateurs du «groupe anti-parti» et violemment attaqués comme tels au cours des débats du XXIe Congrès (intervention de Spiridonov, secrétaire du P.C. de la régionde Leningrad). Baïbakov est, lui aussi, en disgrâce.
1. Il a toutefois exprimé des vues sur le dépérissement de l'Etat dans un entretien avec le chef des services étrangers du Times, et sa politique des grandes réformes implique une certaine conception de l'évolution du communisme qui ne concorde pas toujours avec celle de Staline (cf. là-dessus les commentaires de Michel Tatu dans un fort bon article du Monde, 28 janvier 1959 : « DU XXe au XXIe Congrès »).
2. Du 22 au 26 avril 1958. Le programme de la Ligue des Communistes de Yougoslavie, présenté par Edouard Kardelj et adopté par le Congrès, est un document médité, d'une grande importance (publié dans la Collection des « Temps Modernes », Paris, Julliard, 1958). Cf. les réactions de l'organe du P.C. de l'U.R.S.S., Kommounist, et particulièrement l'article de A. M. Roumiantsev dans le n° d'avril 1958.
1. En même temps on continue, comme la pratique s'en est instituée depuis le début de la planification quinquennale, à élaborer un plan à longues perspectives, dit c plan de quinze ans ».
1. Même augmentation pour l'année 1958 d'après une déclaration de la Direction de la Statistique (Moscou, 19 janvier 1959) : la prévision établie par le plan était un accroissement de 7,6 %.
1. Il en a repris les thèmes dans un important article de la Pravda du 25 avril suivant.
1. D'après l'article de la Pravda, déjà cité (25 avril 1950), 82,7 % des kolkhozes comptaient alors moins de 60 foyers. Dans la région de Moscou, les kolkhozes possédant de 300 à 400 hectares de terres labourables réalisaient 2,5 fois plus de bénéfices que les kolkhozes de 100 hectares tout en dépensant proportionnellement trois fois moins pour l'administration et le personnel d'entretien.
1. Cf. la réforme de l'enseignement adoptée par le XXIe Congrès et évoquée plus haut.
2. Pravda, 25 janvier 1954.
1. Comme celle qui siégea dans la salle du Soviet Suprême du 11 au 15 février 1954.
2. En 1954, d'après le recueil Narodnoïe Khoziaîstvo SSSR (p. 149), 35 600 sur 89 000 kolkhozes ne disposaient pas de l'électricité.
1. Cette mesure a été annoncée par Khrouchtchev, au cours de la conférence présidée par lui à Voronèje (29-81 mars 1955), en ces termes : « Le Comité Central du Parti et le Conseil des Ministres de l'U.R.S.S. ont décidé de choisir et de recommander pour le poste de président de kolkhoze et avant tout pour les kolkhozes retardataires quelques dizaines de milliers de travailleurs particulièrement expérimentés pris au sein des organisations du Parti et des soviets, des instituts de recherche scientifique et d'autres entreprises. » Quelques dizaines de milliers… Khrouchtchev n'y allait pas de main morte, puisqu'on comptait en tout à cette date environ 90 000 kolkhozes, il s'agissait, en fait, d'une vaste « épuration ».
1. Ou auraient dû être… Car leurs dirigeants et cadres les géraient souvent- fort mal, allant jusqu'à laisser à l'abandon un matériel précieux : il y a là des faits bien connus et reconnus en U.R.S.S., que Khrouchtchev n'a fait que dénoncer officiellement avec éclat.
2. Dans le cadre de cette même réforme s'inscrit la décision du C.C. du 20 juin 1958 qui supprime (en principe) les livraisons obligatoires des kolkhozes à l'Etat. Désormais, dit le texte du décret, « il convient d'adopter une forme unique pour les livraisons : l'achat par l'Etat », étant bien entendu que celui-ci « aura la faculté d'acheter le blé, la viande et d'autres produits dans les régions où ils sont les moins chers, parce que leur prix de revient est le plus bas ». Certes, les achats seront planifiés et les kolkhozes s'engagent à livrer, en moyenne, chaque année, une certaine quantité de produits. Néanmoins, la décision va bien dans le sens d'une économie de marché.
1. A la suite de cette nouvelle orientation, déterminée par la réforme des M.T.S., le kolkhoze cesse de correspondre à la notion d'exploitation agricole visant à la satisfaction des besoins de ses membres et se rapproche de celle de l'entreprise « définie par la recherche d'un profit monétaire maximum et par l'application de méthodes plus ou moins rationalisées » ( Nacou, Démosthène, DU Kolkhoze au Sovkhoze, Paris, Ed. de Minuit, 1958, p. 264–265 Google Scholar). Parmi ces méthodes, le khozrastchot a une importance toute particulière. Introduit dans l'industrie au début de l'ère des plans quinquennaux, le khozrastchot doit permettre une comptabilisation rigoureuse de la production et du financement des kolkhozes. Soumis aux critères de la rentabilité, ils se trouvent ainsi assimilés aux entreprises industrielles et agricoles (sovkhozes) de l'Etat.
2. « Un nouveau héros : le producteur moyen », France-Observateur, 17 avril 1958.
1. Cf. la K Réponse aux camarades A. Sanina et V. Venger » dans J. Staline, Les Problèmes économiques du socialisme en U.R.S.S., n° spécial de Etudes Soviétiques, novembre 1952, et particulièrement p. 57 et 58.
1. A la suite de cette nouvelle orientation, déterminée par la réforme des M.T.S., le kolkhoze cesse de correspondre à la notion exploitation agricole visant à la satisfaction des besoins de ses membres et se rapproche de celle de Ventreprise « définie par la recherche d'un profit monétaire maximum et par l'application de méthodes plus ou moins rationalisées » ( Nacou, Démosthène, DU Kolkhoze au Sovkhoze, Paris, Ed. de Minuit, 1958, p. 264–265 Google Scholar). Parmi ces méthodes, le khozrastchot a une importance toute particulière. Introduit dans l'industrie au début de l'ère des plans quinquennaux, le khozrastchot doit permettre une comptabilisation rigoureuse de la production et du financement des kolkhozes. Soumis aux critères de la rentabilité, ils se trouvent ainsi assimilés aux entreprises industrielles et agricoles (sovkhozes) de l'Etat.
2. « t Un nouveau héros : le producteur moyen », France-Observateur, 17 avril 1958.
1. Cf. la « Réponse aux camarades A. Sanina et V. Venger » dans J. Staline, Les Problèmes économiques du socialisme en U.R.S.S., n° spécial de Etudes Soviétiques, novembre 1952, et particulièrement p. 57 et 58.
1. Dans Le Problème agraire en France et en Allemagne.
2. Pravda, 3 mars 1958.
3. Editorial de la Pravda, 22 mars 1958 (cf. D. Nacou, op. cit., p. 274).
1. Discours aux ouvriers de Riazan, 13 février 1959 (cf. Le Monde des 15-16 février 1959).
2. Du Kolkhoze au Sovkhoze, op. cit. Le grand intérêt que nous trouvons à ce livre nous fait regretter qu'il ait été publié sous une forme aussi négligée. Les passages incorrects et même obscurs abondent (ex., p. 238,1. 14 à 22 et p. 240,1. 20 à 25) ainsi que les coquilles typographiques. Il y a de nombreuses erreurs dans les références et les tableaux (ex. p. 255). M. Nacou est d'origine étrangère et l'on ne saurait lui faire grief de son style. Mais pourquoi les éditeurs n'ont-ils pas relu le manuscrit et les épreuves ?
3. L'évolution du rendement et de la productivité de l'agriculture soviétique, pour la culture et pour l'élevage, confirment, jusqu'ici, l'eXIstence de ces tendances centrifuges et l'insuffisance des stimulants personnels dans la masse des kolkhoziens. Pour l'élevage, où le rôle du facteur individuel est plus important que pour la culture, le rendement qualitatif des kolkhozes demeure néanmoins supérieur à celui des sovkhozes : le prix du quintal de lait et de viande y est respectivement de 364 et 97 roubles contre 808 et 127 dans les sovkhozes, d'après les évaluations de Khrouchtchev dans son discours de Minsk (Pravda, 25 janvier 1958).
1. Rapport au Soviet Suprême, Pravda, 28 mars 1958.
1. D. Nacou, op. cit., p. 258.
2. Editorial, Pravda, 7 mare 1958.
3. Khrouchtchev, Discours de clôture, Pravda, 1e r avril 1958.
1. D. Nacou, op. cit., p. 5-6.
2. Ibid.