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L'ethnicité comme volonté et comme représentation : à propos des Peul du Wasolon

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Jean-Loup Amselle*
Affiliation:
EHESS (Centre d'Études africaines)

Extract

La notion d'ethnie qui a été empruntée aux Grecs (ethnos) désignait chez eux les peuples qui n'étaient pas organisés en cités-États (polis) et de façon générale des groupes d'animaux ou des groupes d'humains vivant ensemble et partageant la même culture bien que n'appartenant pas forcément au même clan ou à la même tribu. Reprise par les théoriciens modernes, cette notion a toujours été utilisée en référence à une problématique raciale.

C'est Vacher de Lapouge qui le premier a introduit la notion dans la langue française mais il ne faisait que s'inscrire dans tout un courant dont le nom le plus marquant est celui de Gobineau.

Summary

Summary

In this article we retrace the history of the expression “Peul of Wasolon”, pointing to the simultaneous birth of an ethnic group and ethnological knowledge. Several phases can be distinguished in the process: that involving voyagers for whom only “nations” exist, that of colonial administrators who espouse the notion of “race”, and that of researchers who introduce the notion of “ethnic group”.

On the basis of our own material, we then attempt to define the recording procedures in use during the pre-colonial epoch, examining the conditions for the possibility of the existence of an ethnic group at that time.

In the second part of the article we show that the expression “Peul of Wasolon” is a recent creation related to urban migrations as well as to the existence of a specific type of state apparatus in Mali.

Type
Les Sociétés Plurielles
Copyright
Copyright © Copyright © École des hautes études en sciences sociales Paris 1987

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References

* Je remercie Lucette Valensi, François Pouillon et Jean Bazin de leurs conseils éclairés. Je signale aux lecteurs que lorsque j'utilise moi-même les ethnonymes je ne mets pas les s pour le pluriel mais que lorsque je me réfère aux auteurs j'utilise leur propre graphie.

1. Cf. sur ce point l'article « Ethnie » dans Encyclopaedia Universalis sous la signature de Rohan-Czermak, Geza De ; Ehrenberg, V., L'État grec, Paris, François Maspero, 1976 Google Scholar (1960) et Smith, A., The Ethnie Origins of Nations, Oxford, Basil Blackwell, 1986.Google Scholar

2. Dans ses cours à l'Université de Genève de 1906 à 1911.

3. Cf. également R. Verneau qui emploie concurremment les notions de tribu, de groupe ethnique, et de race dans Résultats anthropologiques de la mission de M. de Gironcourt en Afrique occidentale, Paris, Masson, 1918.

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6. Voir à ce sujet le travail de P. Skalnik, « The Soviet etnos “theory” and its South African Parallel », à paraître dans Cahiers d'Études africaines.

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13. A propos des Alur d'Ouganda, il s'exprime de la façon suivante : « Discuter de l'unité culturelle alur, c'est discuter du problème de l'ethnicité en Afrique. Quand j'écrivai sur les Alur en 1952, j'utilisai encore le concept de tribu, n'en connaissant pas de meilleur. Mais, en fait, ce sont les Alur eux-mêmes, comme je l'ai appris d'eux, à propos de la nature de leur culture, qui pour la première fois me firent découvrir l'absurdité du concept de tribu, de telle sorte que je l'ai abandonné, après y avoir réfléchi à travers ce que j'avais appris d'eux et ayant acquis assez de confiance en moi pour désavouer un concept que la majorité de mes collègues utilisaient et utilisent encore ». « Partitioned Alur », dans Asiwaju, A. I. éd., Partitioned Africans, Ethnie Relations Across Africa's International Boundaries 1884-1984, Londres, University of Lagos Press, 1985, p. 89.Google Scholar

14. Pour de plus amples détails voir Amselle, J.-L., et M'Bokolo, E. éds, Au cŒur de l'ethnie ; ethnies, tribalisme et État en Afrique, Paris, La Découverte, 1985, pp. 1148.Google Scholar

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16. Cf. par exemple, Delafosse, M., Haut-Sénégal-Niger, t. I, Paris, Maisonneuve et Larose, 1972 (1912), pp. 198215.Google Scholar

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18. Ibid., pp. 258, 310.

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20. Journal d'un voyage à Tombouctou et à Jenné dans l'Afrique centrale, t. I, Paris, Anthropos, 1965 (1830), pp. 380-472 ; J.-L. Amselle, « Qu'est ce qu'un kafo ou jamana ? Le cas du Gwanan ou les faux archaïsmes de l'histoire africaine », Cahiers Orstom, série Sciences humaines, vol. XXI, n° 1, 1985, pp. 43-55.

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33. Ibid., p. 233.

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39. Ibid., p. 17, n. 1.

40. Ibid., p. 28.

41. M. de Lavergne de Tressan, chef de bataillon d'infanterie coloniale, Inventaire linguistique de l'Afrique occidentale et du Togo, Mémoire de l'Ifan, n° 30, Dakar, IF AN, 1953.

42. Ibid., p. 177.

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46. Ibid., p. 6.

47. Ibid., p. 7.

48. Cartes ethno-démographiques de l'Afrique occidentale, n° 1, Dakar, Ifan, 1952 ; n° 5, Dakar, Ifan, 1954 ; n° 2, Dakar, 1960 ; n° 3 et 4 Nord, Dakar, Ifan, 1963.

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52. Cf. denyanÂré, khassonÂté, malinAté, sonin^éetc. Notons que Mungo Park, op. cit., p. 326 utilise l'expression jallonkas pour désigner les gens du Jallon.

53. Selon C. Monteil, le terme français peul serait d'origine wolof. Le terme pullo qui signifie « rouge » serait quant à lui d'origine mandé. Réflexion sur le problème des Peuls, Journal de la Société des Africanistes, t. XX, fasc. 2, 1950, p. 156.

54. Cf. Amselle, op. cit.

55. Sur les différentes acceptions du terme bambara, voir J. Bazin, « A chacun son Bambara », dans J.-L. Amselle et E. M'Bokolo éds, op. cit., pp. 87-127. Notons que ce terme a pu également être utilisé par les lettrés musulmans de Kankan pour désigner les Fula du Wasolon. E. Peroz, op. cit., p. 383, caractérise ainsi Jeri, un grand guerrier du Wasolon comme Bambara ou Cafri, c'est-à-dire comme païen.

56. Cf. Mota, A. Texeira Da, « Un document nouveau pour l'histoire des Peuls au Sénégal pendant les XVe et XVIe siècles », Boletim Cultural da Guiné Portuguesa, 1969, vol. XIV, n° 96, pp. 782859 Google Scholar et Person, Y., « Nyaani Mansa Mamadu et la fin de l'Empire du Mali », dans Le sol, la parole et l'écrit, Mélanges en hommage à Raymond Mauny, t. II, Paris, L'Harmattan, 1981, pp. 613653 Google Scholar. Sans vouloir entrer dans un débat pour lequel nous n'avons pas de compétence particulière, remarquons une fois de plus que la transcription Foui, Fulos ou Fulas renvoie à la catégorie manding fula, ce qui permet de penser que ces Fula étaient déjà malinkisés ou que ces Malinké étaient déjà fulanisés ou bien encore que le fait de poser cette question n'a aucun sens.

57. Cf. Mamadou Saliou Baldé, L'esclavage et la guerre sainte au Fuuta-Jalon, dansC. Meillassoux éd., L'esclavage en Afrique précoloniale, Paris, François Maspero, 1975, pp. 183-184. Ces termes sont au demeurant très vagues et demanderaient à eux seuls toute une analyse.

58. Op. cit.

59. E. Leach analyse de la même façon la transformation des Kachin en Shan et inversement, op. cit., pp. 339-341.

60. J.-L. Amselle, « Ethnies et espaces : pour une anthropologie topologique », dans J.-L. Amseixe et E. M'Bokolo éds, op. cit., pp. 11-48.

61. Sur tous ces points, voir Amselle, J.-L., Les négociants de la Savane, Paris, Anthropos, 1977.Google Scholar

62. Voir à ce sujet l'analyse que Geertz, C. consacre aux nisba marocains, Local Knowledge, Further Essays in Interpretive Anthropology, New York, Basic Books, 1983, pp. 5570 Google Scholar (trad. frse, Savoir local, savoir global, Paris, PUF, 1986).

63. Cf. J.-L. Amselle et al., « Littérature orale et idéologie, la geste des Jakite Sabashi du Ganan (Wasolon, Mali) », Cahiers d'Études africaines, 1979, 73-76, XIX, 1-4, pp. 381-433.

64. « Le Ouassoulou est devenu le principal pourvoyeur des marchés d'esclaves de cette région », J. Gallieni, op. cit., p. 598.

65. Notice sur le cercle de Bamako, 1884-1885, Archives nationales, Koulouba (Mali).

66. Y. Urvoy, op. cit., p. 28, déclare qu'il existe 1 600 Ouassoulounkés dans le cercle de Nioro et 2 600 dans celui de Bafoulabé. Le recensement de 1950 indique les chiffres suivants : Bafoulabé 3 200, Kayes 8 790, Nioro 1 675 (V. Pâques, op. cit., p. 6).

67. Meillassoux, C., Urbanization of an African Community, Voluntary Associations in Bamako, Seattle-Londres, University of Washington Press, 1968, p. 12.Google Scholar

68. Ibid., p. 14.

69. Pour tout ce qui concerne les associations d'originaires, je suis C. Meillassoux, ibid., pp. 57-142.

70. On retrouve cette danse sous d'autres noms dans toute l'aire culturelle mandé, C. Meillassoux, ibid., note 14, p. 98.

71. Daouda Diakité, Contribution à la connaissance des Peuls du Wasolon. Étude de cas : « le Gouanan », Mémoire de fin d'études, DER Histoire et Géographie, Bamako, École Normale Supérieure, 1985. Face aux militants de l'ethnicité, l'anthropologue se trouve pris au piège car en affirmant que ces Peul sont de faux Peul, il admet implicitement qu'il en existe de vrais. Or il s'agit précisément de montrer que la question de l'ethnie comme substance est une absurdité.

72. Race de petite taille qui a la réputation d'être résistante à la mouche tsé-tsé.

73. Dans le même ordre d'idées, ces militants de l'ethnicité pourraient tout aussi bien reprendre à leur compte, l'argumentation des Pères Blancs qui se sont installés au Wasolon en estimant que cette région présentait des différences linguistiques et culturelles notables par rapport aux pays bambara et malinké environnants où leur présence était ancienne.

74. En particulier le livre de E. Peroz, op. cit.

75. Y. Person, op. cit.

76. Cf. par exemple Watson, W., Tribal Cohésion in a Money Economy, A Study of the Mambwe People of Northern Rhodesia, Manchester, Manchester University Press, 1958.Google Scholar

77. Cf. J.-L. Amselle, « Socialisme, capitalisme et précapitalisme au Mali (1960-1982) », dans Bernstein, H. et Campbell, B. éds, Contradictions of Accumulation in Africa, Beverly Hills, Sage, 1985, pp. 249266.Google Scholar

78. Cf. Amselle, J.-L., « Le wahabisme à Bamako (1945-1985) », Revue canadienne des Études africaines, vol. 19, n° 2, 1985, pp. 345357.Google Scholar

79. V. Descombes, « Les mots de la tribu », dans La traversée de l'Atlantique, Critique, mai 1985, t. XLI, n° 456, p. 444.

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81. Sur cette notion, voir Sartre, J.-P., Critique de la raison dialectique, t. I, « Théorie des ensembles pratiques », Paris, Gallimard, « Bibliothèque de philosophie », 1985 (1960), p. 360 ss.Google Scholar