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Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
Il y a plus de vingt-cinq ans, Lucien Febvre, présentant la nouvelle — et déjà quatrième — formule des Annales, écrivait « qu'elles changent parce que tout change autour d'elles ». Aux aguets devant l'avenir, « comme on voudrait prévoir ! — avouait-il — et sinon savoir, deviner ». Évoquant « la digestion des civilisations les unes par les autres », annonçant les « excursions dans l'infini »,’ son regard se portait vers les laboratoires autant que vers les peuples en travail. Avec quel contentement, aujourd'hui, il eût accueilli La Logique du Vivant : un biologiste, au lendemain d'une découverte de très grande portée, s'est donné le loisir nécessaire pour reconsidérer l'Histoire de la biologie.
1. Jacob, François, La Logique du Vivant, Paris, 1970 Google Scholar. Dans les citations que nous en ferons le titre de l'ouvrage sera abrégé en LV.
2. L'histoire du vitalisme ramène l'attention sur les aspects trop dédaignés de l'époque médiévale. Bien qu'un Marcelin Berthelot ou un Cari Jung y aient consacré d'importants ouvrages, on ignore presque tout des astrologies et alchimies, activités mentales si importantes. Peut-être cette méconnaissance est-elle l'héritière des dédains du positivisme. Le besoin de substituer la science à Dieu a fait méconnaître que le véritable substitut de la Foi fut ce que les premiers bourgeois appelèrent la Civilisation. Cette captation de Dieu par la science eut sans doute pour effet de mettre en oubli que Kepler était astrologue et de minimiser l'importance de l'ai Chimie, science du Chyme, c'est-à-dire du réel, chez les Arabes. Il serait bien intéressant aussi de savoir si les spéculations d'alchimistes comme Van Helmont ne retrouvaient pas, sans toujours les reconnaître, les spéculations gnostiques qui eurent tant d'importance dans la définition du dogme chrétien. La scolastique apparaîtrait alors avec un statut différent de celui qu'on lui prête. Elle résulte surtout d'une expérimentation sur les phrases, elle est corrélative à des expérimentations plus concrètes et ayant, elles, recours à des images. Scolastique et alchimie ont cherché un objet commun sans pouvoir trouver autre chose qu'une logique commune tant que l'image put être fabuleuse.
3. Charles Morazé, Cf., Le Général de Gaulle et la République, Paris, 1973 Google Scholar, chap. Ier. Et: « Existe-t-il une civilisation européenne ? », Défense Nationale, janvier 1974, pp. 3 à 14.
4. Les lignes qui suivent résument ce que François Jacob expose à la fin de son second chapitre, L'organisation, puis dans les chapitres terminaux iv et v: Le Gène, La Molécule
5. Pour les besoins de notre propre conclusion ajoutons ce qui suit au texte de François Jacob. Traitant de la dissymétrie moléculaire, Pasteur note que « les produits artificiels des laboratoires sont à l'image superposables »; au contraire, ceux qui jouent « un rôle essentiel dans les phénomènes de la vie (…) sont dissymétriques ». Cette différence, rien de moins mais rien de plus, établit le passage entre le minéral et le vivant à partir des mêmes atomes régis par les mêmes lois. Inutile donc de chercher quelle substance hypothétique, désignée de noms aussi variés que vite oubliés, eût pu produire une génération spontanée. Il suffit d'apprendre ce qu'est la symétrie et comment elle se modifie. L'étude des « microbes », si importante pour la médecine, l'a moins été pour la biologie que celle des substances ayant, selon le mot de Schroedinger (Qu'est-ce que la vie, p. 107) une structure apériodique, alors que les minéraux construisent eux une structure périodique à partir de ce que le même auteur appelle le « germe d'un solide ». Question qui se ramène à celle-là: comment naît, se développe, se reproduit un ensemble rendu complexe par le fait qu'on n'y recoure pas « au procédé monotone de la répétition » ? Et soulignons, avec François Jacob, que les biologistes parlèrent d'enzymes avant que les chimistes n'utilisent le mot catalyseur, preuve que les deux sciences désormais se chevauchent.
Rappelons que c'est le processus enzymatique qui permet à la respiration analysée par Lavoisier de procurer du chaud sans brûler. Un corps vivant témoigne qu'il a besoin de calories pour construire son ordre complexe aux dépens de Tordre simple que son environnement lui fournit et qu'il détruit. La nature minérale tend au désordre, descend du complexe au simple, du chaud au froid, et subit l'entropie; le vivant procède à l'inverse, utilise la chaleur que la nature lui laisse et invite à parler, pour ce qui le concerne, d'entropie négative. Évoquant à nouveau la thermodynamique, le calcul statistique et Boltzman, François Jacob est donc en droit de rappeler l'importance de la chaleur solaire (LV, p. 117); l'univers physique passe du moins probable au plus probable; la vie, selon les mêmes concepts et les mêmes lois, agit en sens contraire. Et les deux univers se rencontrent dans ce qui détruit les molécules de premier type pour en construire d'autres du second.
6. Cf. Charles Morazé, « Pensée sauvage et logique géométrique », dans Mélanges offerts à Claude Lévi-Strauss, pp. 964 à 980, et Charles Morazé, « Logique et histoire dans l'événement et l'expression », dans L'homme, année 1968, vol. VIII, Cahier 2, pp. 19 à 35.
7. Certains de ces aspects ont été mis en lumière par Robert Jaulin, dans La Géomancie, Cahiers de l'homme, Paris-La Haye, 1966, et dans Calcul et formalisation dans les Sciences de l'homme, Paris, 1968, pp. 60 à 78.
8. Cf. Ernest Coumet, « La notion du hasard est-elle née par hasard ? », Annales, mai-juin 1970, pp. 574-598.
9. Lucien Goldmann, Cf., Introduction à la philosophie de Kant, Paris, 1967 Google Scholar.
10. Charles Morazé, Cf., La Logique de l'Histoire, Paris, 1967 Google Scholar.