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Perception et réalisation de l'espace dans la société merina

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Jean-Pierre Raison*
Affiliation:
O.R.S.T.O.M.

Extract

L'importance du peuplement des Hautes Terres centrales de Madagascar a toujours surpris l'observateur. Pourquoi, dans une île sous-peuplée, ce rassemblement humain sur des terres réputées pauvres, quand tant de régions plus riches, dont certaines ne sont guère éloignées, attendent encore des défricheurs ? Les justifications classiques, par une position de refuge ou une plus grande salubrité du climat (qui n'est pas toujours évidente) n'ont jamais pleinement satisfait, et on a, de longue date, souligné la remarquable capacité d'organisation de l'espace dont ont fait preuve Merina et Betsileo, qui purent ainsi capitaliser leurs excédents de population : la mise en valeur des plaines de Tananarive avant l'époque coloniale en est la marque la plus frappante. Triomphe de l'organisation sur une nature hostile ? L'explication semble un peu facile. En fait, les Hautes Terres centrales, sans pittoresque tropical, ne sont pas des terres pauvres, et les fortes densités qu'elles portent nous ont semblé, en définitive, raisonnables.

Summary

Summary

The Imerina offer a striking example of a “geographical society” in which individuals and social groups are defined principally by their relation to space. Space is perceived as a differienciated reality, interpreted according to astrological data as well as in terms of sacred place cults. To fix one's gaze upon a space is both the instrument and the sign of domination.

Every Merina situates himself simultaneously In time (generations) and in the space wherein is inscribed his foko, or group of relatives on his mother's side. This group is highly endogamous; its members are defined by residence or at least by their tomb site.

The Merina System of lineage does not necessarily imply this situation which is the result of chosing a mode of functioning (generalized endogamy and the construction of collective tombs). This choice was imposed neither by agricultural necessity (irrigated rice paddies) nor by marriage between Merina immigrants and the original inhabitants. It seems linked to political circumstances which brought about the apparently contradictory combination of two strategies: that of a class of bandit-lords concerned with acquiring subjects; and that of groups of peasants who, threatened by raids, reinforced their solidarity. The variations in local situations can be accounted for by the different rapports de force between the two groups.

This territorial definition of groups was taken over by a unifying monarchy which federated the foko and integrated them into a hierarchy defined with respect to the sovereign.

Type
l'Espace Géographique
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1977

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References

Notes

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2. Cf. Raison, J.-P., « Potentialités agricoles et peuplement sur les Hautes Terres malgaches », dans Espaces naturels et développement rural : un travail collectif de cartographie sur Madagascar. Principes, méthodes, applications, Paris, O.R.S.T.O.M., pp. 2037 Google Scholar.

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5. Dieu créateur.

6. Cf. Faublée, J., Les Esprits de la vie à Madagascar, Paris, P.U.F., 1954, 144 p.Google Scholar

7. Ainsi, entre Andina et Tsarasaotra, à l'ouest d'Ambositra, où un grand témoin du niveau méso-tertiaire rassemble les eaux et, quoique dépourvu d'habitants, est le centre véritable d'une petite région de peuplement.

8. T.A., t. I, pp. 284-285.

9. F. Callet, Pages oubliées. Nouveau dictionnaire malgache-français par le P. Callet, Tananarive, Bulletin de l'Académie malgache, 1902-1904.

10. Le premier Malgache devenu frère des Écoles chrétiennes, responsable de la communauté catholique lorsque les missionnaires durent quitter Madagascar lors de la guerre de 1895, remarquable linguiste et connaisseur de la civilisation malgache.

11. Archives des frères des Écoles chrétiennes, Tananarive, Registre du patronage Rafiringa, 6 juillet 1905.

12. Autre nom d'Andrianampoinimerina, souverain mort en 1809, qui réunit définitivement l'Imerina, et, étendant son pouvoir sur l'essentiel des Hautes Terres centrales, prépara les conquêtes de son fils Radama, ou Rakotondradama (1809-1828), et l'unification de Madagascar sous l'égide de Tananarive.

13. « Nahita an'Amboatany, ka nahatsiaro and'Ramboasalama nikabary hamory ny tany, ka nilaza fa ny ranomasina no valamparihiny ; nanopy atsinanana kely indray, ka nahajery an'iley Bevato, dia nahatsiaro and'Radama sy ny hiran'ny taloha manao hoe : Aiza, hono, no ley Bevato ? Ka ary avaratra ary ! Atsinanan'ny Amboatany, ao andrefan'iley Mangave ! Bevato, hoy aho, ry zareo, ka tendrombohitra manerinerina, filalaovan'dRakotondRadama, ley fanaovany kodia vato. »

14. « Eny, ry zareo zay mihaino, ny toetra toy izany hay no nanaovan'i Davida ny hira psaume CXXXII, 1, 2, 3 hoe : “Soa endrey ! sy mahafinaritra, ny firaisan'ny mpirahalahy izay monina miaraka !”. »

15. Bloch, M., Placing the dead. Tombs, ancestral villages and kinship organization in Madagascar, Londres, Seminar Press, 1971, 247 p.Google Scholar Citation p. 7.

16. Terme adopté par R. Waast, dans Plaine de Tananarive. La parenté, Tananarive, O.R.S.T.O.M., 1967, 125 + 26 p. ronéo.

17. Terme retenu par M. Bloch, op. cit.

18. R. Waast, op. cit.

19. La disposition quasi géométrique de ces unités — quatre toko au centre, disposés comme en carré, deux aux extrémités nord et sud —, symboliquement reproduite dans les grands rassemblements populaires provoqués par le roi, ou dans les camps militaires, donne une impression d'harmonie quelque peu fallacieuse. En fait, Vonizongo et Vakinankaratra, les toko les plus éloignés, n'étaient pas considérés à l'égal des autres, qui formaient la véritable Imerina historique. Les toko, d'autre part, ne couvraient pas la totalité de ce qu'on peut désigner sous le terme d'Imerina : les territoires de l'ouest (Imamo, Mamolakazo, Mandridrano, Valalafotsy) avaient un statut minoré, soumis qu'ils étaient à la tutelle des toko centraux, et principalement du préféré, l'Avaradrano.

20. Cf. notamment T.A., t. IV, p. 353.

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23. Terme couramment traduit par « noble » ; on peut en fait distinguer parmi eux des groupes supérieurs, parents des derniers rois, et des groupes inférieurs, descendants d'anciens seigneurs pillards, fixés à la fin du XVIIIe siècle sur des territoires limités, à l'instar des paysans hova, mais toujours soucieux de justifier leurs privilèges, rituels ou fiscaux, par leur parenté avec d'anciens souverains : d'où leur attachement à la connaissance généalogique.

24. Waast, R., op. cit., p. 103 Google Scholar.

25. Le reste du pays betsileo ne semble pas foncièrement différent.

26. Le fils aîné sera généralement particulièrement responsable du tombeau et, plus qu'aux autres, il lui incombera de maintenir le « rang » social et économique de la famille : le dernier-né demeurera auprès de ses parents, dont il assurera l'entretien, et y perdra souvent des chances de promotion personnelle.

27. Des exemples significatifs sont donnés par Wurtz, J. dans Structures foncières et rapports sociaux dans la plaine de Tananarive, Paris, O.R.S.T.O.M., 1973, 281 pGoogle Scholar. ronéo + annexes.

28. R. Waast, op. cit.

29. Bloch, M., « Property and the end of affinity », dans Marxist analyses and Social Anthropology, Bloch, M. éd., Londres, Malaby Press, 1975, pp. 203228 Google Scholar.

30. Sur ce point cependant, l'opinion d'auteurs comme M. Bloch et R. Waast diffère assez sensiblement. Pour le premier, le choix paraît plus ouvert qu'au second entre différents tombeaux. R. Waast tend à considérer que l'appartenance au tombeau du père est à peu près automatique.

31. Voir Raison, J.-P., « Utilisation du sol et organisation de l'espace en Imerina ancienne », dans Études de géographie tropicale offertes à P. Gourou, Paris-La Haye, Mouton, 1972, pp. 407425 Google Scholar.

32. T.A., t. I, pp. 21-23.

33. T.A., t. IV, pp. 806-807.

34. T.A., t. I, pp. 22-23.

35. T.A., t. I, p. 15.

36. Sorte de hérisson.

37. J. FaubléE, op. cit.

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39. Bloch, M., Notes sur l'organisation sociale de l'Imerina avant le règne de Radama Ier, Tananarive, Annales de l'Université de Madagascar, Série lettres et sciences humaines, 7, 1968, pp. 119132 Google Scholar.

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43. On s'aidait, il est vrai, de l'érosion, la force des eaux étant canalisée pour approfondir les fossés.

44. Selon J.-M. Filliot (La Traite des esclaves vers les Mascareignes au XVIIIe siècle, Paris, Mémoire O.R.S.T.O.M., n° 72, 1974, 274 p.), la première mention d'esclaves merina sur la côte orientale est de 1775, mais l'auteur estime qu'il y avait déjà eu des envois sporadiques quelques décennies auparavant.

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46. « Où les Merina sont abandonnés. »

47. Voir sur ce point J.-P. Raison, art. cit. (1972).

48. T.A., t. IV, p. 559.

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52. T.A., t. I, p. 288.

53. N. Mayeur, « Voyage au pays d'Ancove ».

54. Archives de la L.M.S., Bl F2 : Rapport annuel, district du Vonizongo. 1871.

55. Voir J.-P. Raison, art. cit. (1972).

56. La «terre des ancêtres ».