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Pratiques Successorales et Rapport a la Terre : Les Sociétés Paysannes D'Ancien Régime

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

Bernard Derouet*
Affiliation:
Centre de Recherches Historiques-CNRS

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Dans les recherches sur l'histoire de la famille, un intérêt croissant se porte sur les problèmes de la transmission du patrimoine et de la reproduction sociale. Mais la multiplication des études de cas, en nous offrant l'image d'une extrême diversité des pratiques régionales — non seulement à l'échelle de l'Europe, mais même à l'échelle d'un seul pays comme la France —, pose finalement autant de questions qu'elle apporte de réponses.

Summary

Summary

The apparently disconcerting geography of French successional practices, combined with the inability of traditional interpretations to truly account for them, constitutes an invitation to investigate the relation of these practices to social environments, and to different contexts. Without having recourse to a deterministic approach necessarily linking the nature of theses practices with some economic or ecological constraint, a better comprehension of social reproduction in peasant societies necessitates a clarification of factors opposing such contraints: land ties, the nature of patrimonies, and their size and use in each particular regional or social situation.

Type
Histoire Rurale
Copyright
Copyright © Les Éditions de l'EHESS 1989

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References

Notes

* Cet essai reprend une partie des développements d'un article paru dans Études rurales (1988). Il intègre ici plusieurs données supplémentaires et a subi d'importantes modifications par rapport à cette première version. La nature du sujet abordé justifierait de multiples références et une bibliographie de plusieurs centaines de titres, ce qui est bien sûr impossible dans le cadre de la présente publication. Aussi a-t-il été choisi de ne faire apparaître en note que les titres des ouvrages auxquels il est fait expressément référence dans le texte.

1. Cette référence globale aux régions de l'Ouest, constante tout au long de cet essai, ne signifie pas que ce groupe de dix à quinze départements doive être tenu pour un bloc homogène. Ce sont évidemment des tendances dominantes qui sont ici en cause.

2. Yver, Jean, Essai de géographie coutumière. Égalité entre héritiers et exclusion des enfants dotés, Paris, Sirey, 1966, 310 pGoogle Scholar.

3. De Brandt, A., Droit et coutumes des populations rurales de la France en matière successorale, Paris, 1901.Google Scholar

4. Enquête agricole du ministère de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics, Paris, 1867-1872, 38 vols.

5. Ces cartes sont empruntées à la thèse de Michel Demonet, Tableau de l'agriculture française au milieu du XIXe siècle. L'enquête de 1852, Paris, 1985 (en cours de publication aux Éditions de l'EHESS). Je remercie l'auteur de ces cartes d'en avoir permis ici la reproduction.

6. Cette corrélation entre les systèmes inégalitaires et les agricultures à revenu médiocre n'a pas cependant en soi une valeur absolument générale, ni en France, ni dans les pays voisins (cf. par exemple, la région de l'Emmenthal en Suisse). De telles pratiques peuvent exister aussi dans le cadre d'agricultures performantes et à taux élevé de commercialisation de la production. En revanche, dans presque tous les cas, on se trouve en présence de types d'économie rurale permettant l'existence d'une société de petits ou moyens producteurs indépendants, autonomes dans leur activité, propriétaires et enracinés, que l'on qualifie volontiers de « démocratie rurale » : c'est-àdire en fait des sociétés paysannes à faibles différenciations sociales, sans agriculteurs aux moyens considérables ni beaucoup de prolétariat rural, où les plus aisés et les plus pauvres des paysans ne diffèrent pas fondamentalement par leur type d'activité ou par des places différentes dans le processus de production et où les uns et les autres emploient à peu près les mêmes techniques, même si ce peut être à des échelles différentes.

7. Jean Meuvret, Le problème des subsistances à l'époque de Louis XIV, 1. La production de céréales dans la France du XVIIe et du XVIIIe siècle, 2 vols, Paris-La Haye, Mouton, « Civilisations et sociétés », 1977, 223 p. et 222 p.

8. Bernard Derouet, « Famille, ménage paysan et mobilité de la terre et des personnes en Thimerais au xviiie siècle », Études rurales, avril-juin 1982, pp. 47-56.

9. L'utilisation du concept de « cycle familial » donne lieu souvent à une confusion entre deux types de dynamique, de signification et de portée très différentes. En pays d'ostal et de transmission intégrale, on a souvent mis en évidence l'existence de processus cycliques concernant le groupe domestique et qualifiés pour cette raison, là aussi, de « cycles familiaux ». Toutefois, ce phénomène d'alternance entre phases différentes concerne dans ce cas essentiellement la structure ou la morphologie du groupe domestique, appréciée selon des critères inspirés des catégories de P. Laslett (ménage nucléaire, multiple, « élargi » à un collatéral, ou à un ascendant, etc.). Le déroulement de tels cycles peut très bien s'effectuer — et s'effectue même le plus souvent — sans modifications importantes ni du patrimoine de ce groupe domestique, ni de son volume d'activité, ni même souvent de la force de travail dont il dispose (dans la mesure notamment où les phénomènes soit de rétention, soit d'expulsion de certains enfants ont pour effet de maintenir un équilibre relatif entre la dimension du groupe domestique, ses possibilités en travail et ses besoins de consommation). Il s'agit donc d'une dynamique essentiellement interne, qui ne remet pas en cause la fixité du cadre dans lequel elle s'inscrit. Il en va bien différemment pour les « cycles familiaux » dont nous parlons ici, qui paraissent propres à beaucoup de sociétés à transmission égalitaire, notamment dans l'Ouest de la France. Ils concernent des ménages dont la structure reste le plus souvent de type nucléaire ; pour chacun de ces ménages se succèdent, de leur formation jusqu'à leur disparition, des phases différentes à la fois du point de vue de la force de travail, des besoins de consommation, et du volume d'activité ou de la dimension d'exploitation (et même parfois du point de vue du statut social ou socioprofessionnel). Ce contraste entre phases opposées est d'ailleurs d'autant plus marqué que le groupe domestique reste effectivement de type nucléaire, puisque dans ce cas l'absence de cohabitation inter-générationnelle entre couples mariés empêche que soit atténuée, pour les couples encore « jeunes » ou au contraire âgés, la faiblesse de leurs moyens et de leurs besoins. C'est à des cycles familiaux de ce genre qu'est consacré le travail de Chayanov ( Chayanov, A. V., The Theory of Peasant Economy, Homewood, Illinois, American Economie Association, 1966 Google Scholar).

10. Paul Bois, Paysans de l'Ouest, Paris, Flammarion, « Science », 1971, 320 p.

11. Sion, Jules, Les paysans de la Normandie orientale, Paris, 1909 Google Scholar.

12. Cf. notamment les travaux de G. Bouchard sur le Saguenay.

13. Joseph Goy, « Transmission successorale et paysannerie pendant la Révolution française », Études rurales, numéro spécial sur « Patrimoine et problèmes fonciers », 1988. Lamaison, Pierre et Claverie, Elisabeth, L'impossible mariage. Violence et parenté en Gévaudan, XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles, Paris, Hachette, 1982, 360 pGoogle Scholar.

14. « Parenté et stratégies familiales dans l'Antiquité romaine », colloque organisé par J. Andreau et H. Bruhns, octobre 1986, Paris, Maison des Sciences de l'Homme.

15. Cf. entre autres Hilaire, J., Le régime des biens entre époux dans la région de Montpellier du début du XIIIe siècle à la fin du XVIe siècle, Paris, 1957 Google Scholar.

16. Lorcin, Marie-Thérèse, Vivre et mourir en Lyonnais à la fin du Moyen Age, Paris-Lyon, CNRS, 1981 Google Scholar.

17. L'époque contemporaine n'échappe pas non plus, bien sûr, à ces possibilités d'infléchissement des pratiques en fonction de contextes changeants. La dimension croissante de l'optimum d'exploitation rendue nécessaire par les transformations économiques actuelles ne peut qu'entraîner des tendances plus accentuées vers des modes de succession inégalitaires.