Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Lorsqu'ils étudient l'immigration en France, historiens et sociologues ne manquent pas de faire référence implicitement ou explicitement aux États- Unis, exemple type d'une société formée par l'immigration. L'essentiel de cette comparaison s'organise en général autour de deux pôles, l'un positif, l'autre négatif. Il s'agit ainsi de montrer la puissance centralisatrice de l'État français en soulignant le caractère « silencieux » et absolu de l'assimilation des étrangers en France qui, contrairement au cas américain, ne laisse pas de trace de l'ethnicité d'origine. La notion d'ethnicité n'a d'ailleurs pas lieu en France, la seule catégorie nationale étant française et indivisible. Le modèle américain sert alors surtout de contre-exemple ou d'illustration a contrario du bienfait de l'assimilation républicaine. En revanche, à propos du phénomène contemporain de la « deuxième génération », issue de l'immigration nord-africaine notamment, dont la résistance au schéma que l'on croit classique d'assimilation semble indiquer un dysfonctionnement (ou une mise en échec) du pouvoir assimilateur de la culture et des institutions françaises, c'est encore vers les États-Unis que l'on se tourne. Cette fois-ci l'exemple américain est invoqué de manière positive : il illustre le cas d'une société qui aurait su préserver le caractère ethnique des immigrants au-delà de la première génération tout en favorisant leur intégration à la nation.
The comparative approach is justified when enough similar variables in the subject studied in the two countries can be analysed. Allowing for time discrepancies—mass migration to the US mainly occurred before World War I, while it took place in the 1920's in France—in both cases it was a labor migration that contributed to working class formation. It is also justified because French political leaders looked to the US as the model of administrative regulation of immigration and integration. Yet the comparison is most fruitful when it reveals different paradigms in the process of integration in the two countries. Set against the absence of state intervention in the US to direct or plan immigration in function of the labor market, the collective and contractual nature of immigration policy in France linked as it was to diplomatie relations with friendly nations brings into light a sharp contrast in the relation of the immigrant to the host society. Although immigration to the US was politically interpreted and valued as the individual migrants' voluntary decision only one step removed from citizenship, the absence of state regulation in the labor market reinforced the rôle of ethnie groups as mediators of the migration and integration process. In France, conversely, immigrants, assisted as they were and directed to their place of work by the joint effort of employers ans state agencies with the consent of organized labor, found themselves direct wards of the State which developped its administrative functions to intervene on behalf of the migrants, of employers and of the "national" labor force to prevent the formation of dual labor markets. This analysis has been used to emphasize the historical construction of the silent and complète assimilation process within the working class in pre- World War II France, and that of ethnicity as an enduring category in the American society resulting from the vacuum of state run industrial relations.
* Une première version de cet article a été présentée au séminaire d'histoire sociale comparative, France-États-Unis, de Nancy Green et François Weil à l'École des Hautes Études, je les remercie de leurs critiques constructives pour la rédaction définitive de ces données et réflexions.
1. Pinto, Diana, « Immigration. L'ambiguïté de la référence américaine », Pouvoirs, 47,1988, pp. 93–103 Google Scholar; Nancy L. Green, , « L'immigration en France et aux États-Unis, Historiographie comparée », Vingtième Siècle, 29, janv.-mars 1991, pp. 67–81 Google Scholar.
2. L'expression est de Georges Mauco, Les étrangers en France, Paris, Armand Colin, 1932, p. II
3. Ce fait n'est pourtant que très relatif : John Higham a bien montré que les historiens américains n'ont commencé de célébrer l'immigration européenne qu'une fois que les pouvoirs publics en eurent considérablement réduit le volume et la diversité par la loi des quotas, « The Transformation of the Statue of Liberty », dans Send These to Me, Immigrants in Urban America, 1984, Baltimore, Johns Hopkins University Press, p. 76.
4. Donald D. Horowitz, « Immigration and Group Relations in France and America », dans Donald D. Horowitz et Gérard Noiriel eds, Immigrants in Two Democracies, French and American Experience, New York University Press, 1992, pp. 3-35 ; Gérard Noiriel, Le creuset français, Paris, Le Seuil, 1988. Sur un exemple de la dissymétrie entre les modes d'intégration des immigrants dans les deux pays, voir Schnapper, Dominique, « Centralisme et fédéralisme culturels : les émigrés italiens en France et aux États-Unis », Annales ESC, 1974, n° 5, pp.1141–1160 Google Scholar. Sur le mouvement de political correctness : Éric Fassin, « La chaire et le canon. Les intellectuels, la politique et l'université aux États-Unis », Annales ESC, 1993, n° 2, pp. 265-303 ; et les articles de Lacorne, Denis, Granjon, Marie-Christine et Fassin, Éric dans Vingtième Siècle, 43, juilletseptembre 1994, pp. 4–43 Google Scholar.
5. Lapeyronie, Didier, L'individu et les minorités. La France et la Grande-Bretagne face à leurs immigrés, Paris, Puf, 1993 Google Scholar.
6. Nancy L. Green, « L'histoire comparative et le champ des études migratoires », Annales ESC, 1990, n” 6, pp. 1335-1350 ; pour une comparaison systématique, voir aussi Green, Nancy L., La mode en production : la confection et les immigrés, Paris, New York, 1880–1980 Google Scholar, thèse d'État, Université de Paris VII, 1996 ; Bloch, Marc, « Pour une histoire comparée des sociétés européennes », 1928, Mélanges historiques, Paris, Editions de l'EHESS, 1983, vol. I, pp. 16–40 Google Scholar.
7. Noiriel, Gérard, La tyrannie du national. Le droit d'asile en Europe, 1793-1993, Paris, Calmann-Lévy, 1991 Google Scholar.
8. Marc Bloch, cf. supra note 6.
9. Peter Evans, D. Rueschmeyer, Theda Skocpol, Bringing the State Backin, Cambridge University Press, 1985. Bright, Charles and Harding, Susan, Statemaking and Social Movements. Essays in History and Theory, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1987 Google Scholar.
10. Cette problématique générale pourrait conduire aussi à étudier le rôle de l'école publique dans ce contexte, mais ce sujet est bien connu et à notre sens, concernant la première génération d'immigrants, c'est à propos de l'emploi que la différence est la plus pertinente entre la France et les États-Unis.
11. L'on trouvera une synthèse récente sur l'immigration aux États-Unis, dans Nancy L. GREEN, L'odyssée des émigrants. Et ils peuplèrent l'Amérique, Paris, Gallimard, « Découvertes », 1994.
12. Noiriel, Gérard, Les ouvriers dans la société française, Paris, Le Seuil, 1986, p. 124 Google Scholar.
13. Cité dans ibid., p. 133.
14. Ibid., pp. 133-135 ; Immigration Commission (dite Dillingham Commission), Abstract of Reports, Washington, Government Printing Office, 1911, vol. I, pp. 297-313.
15. Thèse de Oualid, William, « L'immigration ouvrière en France et ses causes », Revue d'Économie politique, nov.-déc. 1928, vol. 42, pp. 1455–1480 Google Scholar.
16. Cross, Gary, Immigrant Workers in Industrial France, the Making of a New Laboring Class, Philadelphie, Temple University Press, 1983 Google Scholar, semble indiquer (p. 60) une certaine corrélation entre le pourcentage d'immigrants se dirigeant vers la France par rapport à l'immigration transocéanique ; mais, si celle-ci s'amenuise réellement en 1922, elle reprend du volume vers la fin de la décennie quand l'immigration vers la France continue d'augmenter. Par ailleurs seules des études locales effectuées dans les pays de départ pourraient contribuer à préciser si l'immigration vers la France n'aurait été qu'une alternative à l'émigration vers les Etats-Unis. Pierre Georges indique que l'immigration italienne de masse pendant les années 1920 amplifie l'immigration frontalière, saisonnière, qui s'acheminait déjà vers la France depuis le milieu du 19e siècle : « L'immigration italienne en France de 1920 à 1939 : aspects démographiques et sociaux », dans Pierre Milza, Les Italiens en France de 1914 à 1940, Ecole Française de Rome, 1986, pp. 47-67. Dans le même ordre d'idée on peut remarquer que l'émigration espagnole se dirigea toujours de manière prépondérante vers la France. Janine Ponty, en revanche, note que la Société Générale d'Immigration (française) qui recrute en Pologne à partir de 1924 établit un de ses centres de recrutement à Milowisce dans des locaux construits avant 1914 par une officine qui dirigeait les paysans de Galicie vers l'Amérique. Ponty, Janine, Polonais méconnus, Histoire des travailleurs immigrés en France dans l'entre-deux-guerres, Paris, Publications de la Sorbonne, 1988, p. 69 Google Scholar.
17. Albert Thomas, préface à Marcel Paon, L'immigration en France, Paris, Payot, 1926 ; en 1916, Albert Thomas, alors ministre de l'Armement, avait organisé l'immigration de 180 000 travailleurs coloniaux. Pairault, André, L'immigration organisée et l'emploi de la main-d'œuvre en France, Paris, Puf, 1926, pp. 299–303 Google Scholar.
18. Lambert, Charles, La France et les étrangers, dépopulation, immigration, naturalisation, Paris, Delagrave, 1928, p. 96 Google Scholar. La préface d'Edouard Herriot, ministre de l'Instruction publique, à cet ouvrage est aussi dithyrambique à l'égard des méthodes américaines. Charles Lambert parlait aussi de «l'exemple merveilleux de la grande République américaine qui a constitué un grand peuple, l'unifiant dans un même creuset, pour en faire demain une grande race », préface à Lidji, Jacques, le Moal, A., Manuel de l'étranger en France, Paris, Sirey, 1928, p. 11 Google Scholar.
19. Sur cette discussion voir Jean-Charles Bonnet, Les pouvoirs publics français et l'immigration dans l'entre-deux-guerres, Centre d'Histoire économique et sociale de la région lyonnaise, 1977.
20. Par « gauche » entendons ici socialistes et radicaux : Albert Thomas, ancien collaborateur de Jean Jaurès et fondateur du BIT, Charles Lambert, député radical de Lyon, haut commissaire à l'Immigration nommé en 1926 par Edouard Herriot ; ce dernier, radical, forme le premier gouvernement du Cartel des gauches. Marcel Paon, chef de cabinet de Charles Lambert, membre du Conseil national de la main-d'oeuvre. Toutes ces personnalités furent membres de la Ligue des droits de l'homme, dont J.-C. Bonnet souligne le rôle fondamental dans l'inspiration idéologique de la politique d'immigration en France. Beaucoup d'administrateurs de l'immigration participaient à la Ligue ou à des associations semblables, tels le Foyer français fondé par Paul Painlevé ou l'Amitié française dirigée par Charles Lambert, J.-C. Bonnet, Les pouvoirs publics…, op. cit., pp. 70-85. L'ouvrage de Marcel PAON, L'immigration en France reflète les positions de la Ligue sur les questions de l'immigration, voir aussi Les Cahiers des Droits de l'Homme.
21. Il faudrait nuancer quelque peu cette affirmation générale ; les États locaux adoptent certains éléments de législation sociale, mais jusqu'au New Deal, l'Etat fédéral ne propose aucune législation sociale nationale. L'immigration étant du ressort de la compétence fédérale, elle s'inscrit dans un vide législatif car elle n'est pas reliée à la question sociale en son ensemble.
22. G. Noiriel, La tyrannie du national…, op. cit., p. 63.
23. Selon la Dillingham Commission en moyenne, la proportion d'ouvriers étrangers dans l'industrie était de 57 % en 1910.
24. C'est seulement à partir de 1908 que les autorités américaines commencent à comptabiliser les retours migratoires. Elles sont alors étonnées de constater l'ampleur du phénomène, Neil Shumsky, « Historians and the Study of Return Migration », dans Robert Rougé, Les immigrations européennes aux États-Unis, 1880-1910, Presses de l'Université Paris Sorbonne, 1987, pp. 85-98 ; Wyman, Mark, Round-Trip to America : The Immigrants Return to Europe, 1880-1930, Ithaca, Cornell University Press, 1993 Google Scholar.
25. Le décret du 2 avril 1917 instaurait pour les travailleurs étrangers l'obligation de porter une carte d'identité spécifique, verte pour l'industrie, chamois pour l'agriculture, délivrée par les commissaires spéciaux des postes frontières. Il est intéressant de noter que l'identification de la population en France a commencé par la mise en carte des étrangers et plus particulièrement par la désignation des travailleurs étrangers.
26. Georges Mauco, Les étrangers en France, op. cit., en. VI, pp. 129-132.
27. Voir Mauco, G., op. cit. ; Cross, G., op. cit. ; Bonnet, J.-C., Les pouvoirs publics…, op. cit. ; André Pairault, L'immigration organisée et l'emploi de la main-d'oeuvre étrangère en France, Paris, Puf, 1926 Google Scholar ; Lequin, Yves, La mosaïque France. Histoire des étrangers et de l'immigration en France, Paris, Larousse, 1988, pp. 343–352 Google Scholar.
28. La relation entre cycles économiques aux États-Unis et le flux ou le reflux de l'immigration a clairement été démontrée, Jerome, Harry, Migration and the Business Cycle, New York, National Bureau of Economie Research, 1926 Google Scholar ; Thomas, Brinley, Migration and Economie Growth, Cambridge University Press, 1954 Google Scholar.
29. Bodnar, John, The Transplanted. A History of Immigrants in Urban America, Bloomington, Indiana University Press, «Networks of Migration», 1985, pp. 57–71 Google Scholar, notons par exemple cette remarque d'un immigrant polonais au tournant du siècle : « The only way you got a job, was through somebody at work who got you in », p. 61 ; Hoglund, William, « Finnish Immigrant Letter Writers : Reporting from the US to Finland », dans Finnish Diaspora II : United States,Toronto, Multicultural History Society of Ontario, 1981 Google Scholar.
30. Une convention avec l'Allemagne est ainsi rejetée, la CGT notamment avait préconisé de recruter des travailleurs allemands, juste forme de réparation de guerre, mais les Affaires étrangères s'opposèrent à ce choix qui avait d'ailleurs soulevé l'opposition de la droite politique, J.-C. Bonnet, Les pouvoirs publics…, op. cit., p. 102.
31. G. Mauco, op. cit., ch. VI, pp. 113-115.
32. La seule exception à cette généralisation est celle du « bracero program » entre les États- Unis et le Mexique, convention qui organisa la venue de travailleurs mexicains de 1942 à 1964. Le système des contrats des années 1864-1885 dont nous parlons plus loin n'impliquait pas d'accords entre États.
33. Léon Jouhaux, Le Peuple, 4 mars 1925 ; Comité national de la CGT, mars 1925, reference dans G. Mauco, op. cit., p. 117.
34. L'Office d'émigration polonais, la Direction de l'émigration à Rome, les Offices de placement tchèques ou slovaques, le Commissariat royal d'émigration en Yougoslavie, l'Office d'émigration autrichien, le gouvernement fédéral suisse se mettaient en rapport avec la SGI et transmettaient leur demande aux centres régionaux d'émigration. Ceux-ci assuraient le recrutement des ouvriers candidats à l'émigration ; organisaient le transport jusqu'aux postes frontières français ou en laissaient la charge à la SGI.
35. G. Mauco, op. cit., p. 115 ; J. B. Guitera, Le contrat type pour l'emploi des travailleurs étrangers en France, thèse de droit, Paris, Jouve et Cie, 1924 ; Henri Ripert, Le contrat de travail et la main-d'oeuvre étrangère en France, thèse, Marseille, Jules Vrin, 1921. Aux États-Unis, en revanche, l'immigration a renforcé la nature « segmentée », inégale et concurrentielle des marches du travail : Gordon, David M., Reich, M. et Edwards, R., Segmented Work, Divided Workers : The Historical Transformation of Labor in the United States, New York, Cambridge University Press, 1982 Google Scholar.
36. G. Mauco, op. cit., p. 132. Il faut cependant reconnaître, comme l'a montré Janine Ponty, que beaucoup d'immigrants en France se sont temporairement soumis aux conditions imposes par le régime des contrats pour ensuite rejoindre un parent ou ami déjà installé en France, comme ils l'auraient fait dans le contexte américain, Polonais méconnus…, op. cit., pp. 83-87, 98-99.
37. Charlotte Erickson, American Industry and the European Immigrant, 1865-1885, New York, Russel and Russel, 1957; Catherine Collomp, Syndicats ouvriers et immigration aux États-Unis, 1881-1900, thèse de doctorat d'État, Université de Paris VIII, 1985, ch. VI.
38. Il s'agissait alors de l'Ordre des Chevaliers du Travail (Knights of Labor), l'organisation la plus nombreuse, et de la première fédération de syndicats de métiers, la Fédération of Organized Trades and Labor Unions, qui précéda l'American Fédération of Labor ayant la foundation de cette dernière en 1886. Les Bureaux of Labor, institués au niveau des États locaux à la demande des organisations ouvrières, reflétaient souvent le point de vue de celles-ci sans avoir cependant de pouvoir de décision ; leur mission principale consistait à publier des statistiques sur la situation des travailleurs.
39. Abraham S. Hewitt, Presidential Address at the New York Meeting of the American Institute of Mining Engineers, September 1890, opuscule conservé au Musée Social, Paris.
40. Cf. supra, note 28, H. Jérome et B. Thomas.
41. C. Collomp, thèse, op. cit., ch. VI.
42. La demande d'abrogation du système des contrats faisait partie de la plate-forme de revendications de l'une et l'autre fédération ouvrière : Preamble to the Constitution of the Noble and Holy Order of the Knights of Labor, 1878 ; Preamble to the Constitution of the Federation of Trades and Labor Unions, 1881, les statuts de cette dernière organisation seront repris par l'American Fédération of Labor en 1886 qui poursuit l'action législative contre le régime des contrats. Jusqu'à cette date l'action avait surtout été menée par l'Ordre des Chevaliers du Travail, fédération plus nombreuse qui rassemblait ouvriers qualifiés ou non qualifiés alors que la Fotlu puis L'afl s'adressèrent principalement aux hommes de métier.
43. T. V. Powderly, Knights of Labor, General Assembly, 1884, pp. 575-578. Ce discours de 1884 prononcé à l'issue d'un voyage dans une région minière de Pennsylvanie, fut reproduit maintes fois ; il faisait suite à d'autres formes d'action législative auprès du Congrès des États- Unis ; sur la continuité de cette politique restrictionniste : C. Collomp, « Les organisations ouvrières et la restriction de l'immigration aux États-Unis à la fin du XIXe siècle », dans Debouzy, M. (Sous la direction de), A l'ombre de la statue de la Liberté. Immigrants et ouvriers dans la République américaine, 1880-1920, Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 1988, pp. 231–246 Google Scholar.
44. American Federation of Labor, 1891 Convention, p. 15.
45. Tomlins, Christopher, Labor, Law and Ideology in the Early American Republic, Cambridge University Press, 1993 Google Scholar ; Montgomery, Davi, Citizen Worker, the Expérience of Workers in the United-States with Democracy and the Free Market during the XIXth Century, Cambridge University Press, 1993 Google Scholar.
46. On ne peut pas parler de patronat organisé à cette époque : après le vote de la loi de 1864, l'American Emigrant Company avait tenté de centraliser la venue des immigrants sous contrat. Ceux-ci auraient dû être placés par un Bureau d'Immigration à New York, mais la procédure ne fonctionna pas de manière coordonnée ; c'était en général les représentants individuels des entreprises qui réalisaient l'embauche et s'en remettaient aux compagnies de navigation pour le transport. Par ailleurs, même au début du 20e siècle, si le patronat commence à s'organiser (National Association of Manufacturers), il ne l'est jamais complètement et ne cherche pas à orienter l'immigration vers les besoins de l'industrie
47. L'AFL déclarait à son 14e congrès (1894) qu'il était « inutile d'adopter des mesures visant à restreindre davantage l'immigration, à l'exception d'amendements renforçant la loi d'exclusion des ouvriers sous contrat », AFL, 1894 Convention, p. 51. En 1897, cependant, l'AFL adoptait une motion pour que le Congrès impose un test d'alphabétisation comme moyen de sélection des immigrants, test qui « fermerait la porte à un nombre considérable d'Italiens du Sud, de Slaves et d'autres immigrants également ou plus indésirables et malfaisants », AFL, 1897 Convention, pp. 51-53 ; 1902 Convention, p. 21. Cette forme de sélection prônée par le sénateur du Massachussetts, Henry Cabot Lodge, depuis 1891, fut finalement adoptée par le Congrès des États- Unis en 1917.
48. La loi de 1885 resta en vigueur jusqu'en 1924, les immigrants pendant la traversée transatlantique savaient bien, paradoxalement, qu'ils ne devaient surtout pas déclarer aux agents d'Ellis Island savoir où ils iraient travailler ou que le prix de leur voyage avait été avancé par des parents, amis, ou relations (voir les exemples cités sur les immigrants juifs dans Howe, Irving, World of Our Fathers, New York, Simon and Schuster, 1976, pp. 44–45 Google Scholar).
49. Saxton, Alexander, The Indispensable Enemy. Labor and the Anti-Chinese Movement in California, Berkeley, University of Califomia Press, 1971 ; Coixomp, C., « Les organisations ouvrières… »Google Scholar, art. cité.
50. Marcus Lee Hansen, The Immigrant in American History et The Atlantic Migration, 1607- 1860: A History of the Continuing Seulement of the United States, les deux ouvrages ont été édités de manière posthume par. A. M. Schlesinger, Cambridge, Harvard University Press, 1940 ; Handlin, Oscar présenta aussi l'immigrant comme une figure allégorique de la nation américaine, The Uprooted : The Epic Story of the Great Migration that Made the American People, Boston, Little Brown, 1951 Google Scholar.
51. Sur l'évolution de l'historiographie de l'immigration aux États-Unis, voir Weil, François, « Migrations, migrants et ethnicité », dans Heffer, Jean et Weil, François,Chantiers d'histoire américaine, Paris, Belin, 1994, pp. 407–432 Google Scholar.
52. La classe ouvrière ne détenait pas le monopole de l'hostilité à l'égard des « nouveaux immigrants », les classes moyennes furent souvent sensibles au discours populiste en particulier lorsque grèves ou soulèvements ouvriers semblaient menacer l'ordre établi : Higham, John, Strangers in the Land, Patterns of American Nativism, 1860-1925, Rutgers University Press, 1925 Google Scholar. Le rôle du mouvement ouvrier dans l'adoption du contrôle ethnique de l'immigration est cependant central car en accédant à cette requête, l'État favorisait l'unité nationale et dans le meme temps déplaçait les revendications ouvrières des questions proprement sociales vers la composition ethnique de la population nationale. L'opposition à cette politique est venue, en milieu ouvrier, des syndicats à direction ou orientation socialiste, minoritaires dans l'AFL et dans le mouvement ouvrier dans son ensemble ; elle s'est aussi manifestée dans les associations des groupes ethniques les plus récents aux États-Unis, notamment en milieu juif.
53. Les Chevaliers du Travail ou l'AFL sont plus actifs à demander la restriction de l'immigration que l'interdiction du travail des enfants par exemple. Par ailleurs, ces lois sociales n'ont été votées dans les États locaux que graduellement à partir des années 1910 et 1920, donc postérieurement à l'agitation relative à la restriction de l'immigration.
54. James Barret, suggère qu'« en forçant un peu le trait on peut considérer qu'il n'était pas incompatible d'être un bon syndicaliste tout en étant profondément raciste, xénophobe et chauvin», , « Americanization from the Bottom Up : Immigration and the Remaking of the WorkingClass in the United States, 1880-1930», Journal of American History, vol. 79, n° 3, déc. 1992, pp. 996–1020 Google Scholar, citation p. 1002.
55. Gallissot, René, Boumaza, Nadir, Clément, Ghislaine, Ces migrants qui font le prolétariat, Paris, Méridiens-Klincksieck, 1994 Google Scholar.
56. Fédération d'inspiration anarcho-syndicaliste, fondée en 1905, qui s'adressa surtout aux ouvriers non qualifiés (majoritairement des immigrants récents) dans l'industrie de masse. Les IWW voyaient dans la classe ouvrière d'origine étrangère l'avant-garde du mouvement proletarian international. Ils ne demandèrent jamais la restriction de l'immigration, sujet sur lequel ils s'opposaient comme sur la plupart des politiques syndicales au trade-unionisme conservateur de l'AFL. En revanche les deux fédérations furent marquées par une méfiance commune à l'égard de l'action politique et des relations avec l'État. Les IWW furent pratiquement éliminés de la scène syndicale par les lois contre « la sédition et l'espionnage » votées lors de l'entrée en guerre des États-Unis pour interdire et réprimer l'activité des opposants à l'effort de guerre. Tous les dirigeants IWW furent emprisonnés pour leurs idées pacifistes ou anti-militaristes. Le movement décapité ne se redressa jamais.
57. Perrot, Michelle, Les ouvriers en grève. France 1871-1890, Paris, Mouton, 1974, t. I, pp. 164–175 Google Scholar, citation de Jules Guesde dans Le Citoyen, 7 mai 1882, ibid., p. 175.
58. Gemähling, Paul, Travailleurs au rabais, la lutte syndicale contre les sous-concurrences ouvrières, Paris, Bloud, 1910, p. 218 Google Scholar ; Dr Martial, René, Traité de l'immigration et la greffe interraciale, Paris, Larose, 1931, p. 154 Google Scholar ; Schor, Ralph, L'opinion française et les étrangers, 1919-1939, Paris, Publications de la Sorbonne, 1985, pp. 257–259 Google Scholar. R. Schor note aussi que l'hostilité aux étrangers est d'abord le fait d'ouvriers non organisés ou de syndicats libres.
59. Ralph Schor, ibid., ch. VII, pp. 247-248.
60. R. Gallissot, op. cit., pp. 42-46.
61. R. Schor, op. cit., et R. Gallissot, ibid.
62. Sur les pratiques culturelles du mouvement syndical juif aux État-Unis, voir C. Collomp, « Identité ethnique et américanisation dans le mouvement ouvrier juif aux Etats-Unis », dansS. Ullmo (sous la direction de), L'immigration américaine, exemple ou contre-exemple pour la France ?, Paris, L'Harmattan, 1994. La comparaison entre mouvement ouvrier juif en France et aux États-Unis, impliquerait bien sûr de plus amples considérations. Green, Nancy L. indique des caractéristiques similaires pour les organisations syndicales en milieu juif en France : « Le mouvement ouvrier juif à Paris se constitua en partie en opposition à certains aspects du movement ouvrier français, mais aussi en osmose avec les besoins propres de la communauté immigrée», Les travailleurs immigrés juifs à la Belle Époque,Paris, Fayard, 1984, p. 242 Google Scholar. La resemblance est frappante pour les communautés juives de part et d'autre de l'Atlantique, car l'immigration juive en France était venue de manière spontanée. Elle ne présente donc pas les mêmes caractéristiques que l'immigration organisée des Italiens, Polonais ou autres nationalités après-guerre. Les communautés polonaises aux États-Unis et en France présentent dès lors des divergences qui se reflètent dans l'organisation syndicale ; les Polonais ou les Italiens en France se sont intégrés dans les mouvements existants de la CGT ou de la CGTU, contrairement aux juifs d'avant-guerre en France, ou plus tard aux États-Unis, ils n'ont pas eu l'autonomie de leur syndicalisation
63. Une des raisons de la faiblesse ou du succès seulement éphémère des IWW tient précisément en leur mépris du travail quotidien de l'organisation sociale. Actifs en milieu immigré lors de grèves, les militants IWW ne purent faire des adeptes durables parce qu'ils se désintéressaient de la gestion des caisses d'entraide et de secours mutuel une fois la grève finie.
64. R. Gallissot, op. cit., p. 50.
65. Voir à ce sujet Ira Katznelson, « Working Class Formation and the State : XIXth Century England in American Perspective », dans P. Evans, D. Rueschmeyer, T. ]\Skocpol, op. cit., pp. 256-284.
66. En 1942 les États-Unis négocient avec le Mexique le programme «bracero» pour la venue de travailleurs agricoles et industriels et, en 1943, dans le contexte de l'alliance avec la Chine, contre le Japon, les autorités américaines reviennent pour la première fois sur les lois d'exclusion anti-chinoises.
67. John Higham, Strangers in the Land..., op. cit., pp. 254-260.