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Pierre Noreau. Le droit. Une forme du lien social. Québec: Presses de l’Université Laval, 2023, 360 pp.

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Pierre Noreau. Le droit. Une forme du lien social. Québec: Presses de l’Université Laval, 2023, 360 pp.

Published online by Cambridge University Press:  29 February 2024

Bertrand Lavoie*
Affiliation:
Professeur adjoint, Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, Canada Email: Bertrand.Lavoie@USherbrooke.ca
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Abstract

Type
Book Review / Compte rendu
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Copyright
© The Author(s), 2024. Published by Cambridge University Press on behalf of Canadian Law and Society Association

Professeur à la Faculté de droit de l’Université de Montréal, Pierre Noreau présente, dans son ouvrage Le droit. Une forme du lien social, une somme importante de réflexions sur le droit et ses rapports existants avec la société et la sociologie. Regroupant plusieurs écrits déjà publiés sous d’autres formes, l’ouvrage témoigne d’une volonté concertée de l’auteur de proposer une « conception relationnelle et processuelle de la normativité juridique » (p. 2). Selon cette approche, le droit est constamment en relation avec le contexte dans lequel il se déploie, en ce sens qu’il contribue à la fois à encadrer et à structurer les relations sociales, tout en étant le produit de celles-ci. Pour le professeur Noreau, le droit peut être pensé comme un objet de connaissance qui mérite ainsi qu’on l’étudie sous toutes ses coutures. Divisé en quatre parties, et grâce au concours de la professeure Maya Cachecho, du sociologue Yan Sénéchal et de Mme Sylvie Sylvestre, le professeur Noreau signe ici les contours d’un ouvrage qui fera date pour les études portant sur le droit et la société.

Dans la première partie du livre, l’auteur présente quelques éléments fondateurs de sa perspective relationnelle du droit en effectuant un riche et exigeant détour par l’œuvre d’un fondateur de la sociologie occidentale, Georg Simmel. Réfléchissant au droit « comme une forme de socialisation » (p. 27) à travers ses conditions de possibilité dans une démocratie moderne (chapitre 1) et ses divers principes latents liés à la législation (chapitre 2), cette première partie sert en quelque sorte d’édifice théorique à la sociologie du droit proposée par l’auteur dans le reste de l’œuvre.

La deuxième partie de l’ouvrage aborde la distinction entre les fonctions instrumentale et symbolique du droit. En offrant des éléments de réponse éclairants à la question : « Et le droit, à quoi sert-il? », le professeur Noreau examine, dans le chapitre 3, divers usages étatiques du droit et fait porter son attention sur les fonctions qui lui sont attribuables, qu’il s’agisse de sa fonction d’« instrumentation » (p. 115) de l’action publique, de sa fonction symbolique liée au sens de la vie collective ou encore de sa fonction régulatrice des rapports sociaux. La réflexion se poursuit par un court essai (chapitre 4) sur la force symbolique du droit, qui étudie des notions importantes en sociologie du droit, telles que la violence symbolique, la légitimité et l’effectivité.

La troisième partie de l’ouvrage regroupe cinq études empiriques qui mettent en lumière le point de vue de différents sujets à travers leurs expériences juridiques respectives. Le chapitre 5 examine la tendance, chez des citoyens très scolarisés, à entretenir des attentes plutôt limitées à l’égard des institutions judiciaires, du droit et de la justice, en raison de la conception plutôt régulatrice et fonctionnelle (et donc moins symbolique) qu’ils se font du droit. L’étude suivante (chapitre 6) aborde les enjeux complexes en rapport avec l’égalité et le sentiment de discrimination sociale et examine les divers facteurs liés à la dynamique confiance/méfiance envers le système de justice. Au chapitre 7, le professeur Noreau s’intéresse au rapport existant entre le marqueur religieux et la normativité juridique en s’inspirant des études sur la conscience du droit. De son côté, le chapitre 8 s’intéresse aux enjeux de décriminalisation, de déjudiciarisation et de dépénalisation des infractions pénales. Finalement, le chapitre 9 aborde la condition étudiante en droit, et présente les résultats d’une étude menée auprès d’étudiants universitaires au sujet de leur socialisation juridique tout au long de leur parcours de premier cycle en droit. Ces études empiriques ont l’avantage de placer la focale sur plusieurs aspects symboliques et contextuels du droit, ce qui peut contribuer à alimenter les réflexions sur les diverses orientations souhaitées quant à la formation des juristes d’aujourd’hui.

Dans la quatrième et dernière partie du livre, le professeur Noreau partage ses réflexions épistémologiques sur la condition du juriste dans le contexte universitaire. Dans le chapitre 10, l’auteur propose des réflexions éclairantes visant à discerner les particularités du discours juridique au regard de ses mutations contemporaines, liées notamment aux transformations des domaines traditionnels du droit et à la place des acteurs du droit dans la définition et l’interprétation des normes. Le onzième et dernier chapitre aborde ouvertement la portée de l’interdisciplinarité en droit et explore les conditions d’une possible « cohabitation interdisciplinaire » (p. 339). Il cite la perméabilité croissante de la distinction entretenue entre les regards interne et externe sur le droit, la négociation de certains compromis disciplinaires et la remise en question d’importants postulats venant de la théorie positiviste du droit. Ces deux derniers chapitres s’intéressent de manière complémentaire aux perspectives sociologique et juridique afin d’entrevoir les écueils liés à leur enchevêtrement, mais également afin d’en dégager les objectifs partagés.

Sans contredit, Le droit. Une forme du lien social constitue un ouvrage inspirant pour les recherches qui s’intéressent aux multiples enjeux liés au droit et à la société. Alors que les études universitaires en droit s’ouvrent de plus en plus à l’interdisciplinarité, cette œuvre du professeur Noreau arrive à point nommé pour les chercheurs et les étudiants motivés par le plein potentiel des études contextuelles en droit. La compréhension des multiples formes que prend la normativité juridique dans la vie quotidienne permet en ce sens de justifier le défrichement de nouveaux sentiers de la recherche qui permettent de combler les besoins des nombreux juristes qui souhaitent élargir leurs horizons. Assurément, cet ouvrage sera fort utile pour les collègues donnant des cours et des séminaires en théorie, en méthodologie et en épistémologie du droit, qui sauront y trouver à la fois réflexions et références pour leurs étudiants désireux de perfectionner leurs compétences de juristes éclairés.