Introduction
Il est reconnu que la participation sociale a un effet positif sur la santé et le bien-être des personnes aînées (Gilmour, Reference Gilmour2012; Raymond, Gagné, Sévigny, et Tourigny, Reference Raymond, Gagné, Sévigny and Tourigny2008) et particulièrement pour la santé mentale (Maccourt, Wilson, et Tourigny-Rivard, Reference Maccourt, Wilson and Tourigny-Rivard2011). Pour les aînés vivant avec une problématique de santé mentale (PSM), la participation à des activités récréatives et sociales au sein de la communauté demeure néanmoins un défi important (Aubin et al., Reference Aubin, Girard, Vigneault, Beaudin, Carbonneau and Miaux2019; Nordström, Dunér, Olin, et Wijk, Reference Nordström, Dunér, Olin and Wijk2009). Ainsi, une diminution du réseau social, la perte de rôles sociaux significatifs de même que des difficultés physiques et cognitives (Dallaire, McCubbin, Provost, Carpentier, et Clément, Reference Dallaire, McCubbin, Provost, Carpentier and Clément2010; Nour et al., Reference Nour, Miranda, Regenstreif, Dallaire, Moscovitz and Hébert2010; Nour, Dallaire, Regenstreif, Hébert, et Moscovitz, Reference Nour, Dallaire, Regenstreif, Hébert, Moscovitz, Charpentier, Guberman, Billette, Lavoie, Grenier and Olazabal2010) peuvent affecter la participation sociale de ces personnes. Conséquemment, plusieurs de ces aînés éprouvent un fort sentiment de vulnérabilité et d’impuissance (Martinsson, Fagerberg, Lindholm, et Wiklund-Gustin, Reference Martinsson, Fagerberg, Lindholm and Wiklund-Gustin2012) et sont à fort risque de vivre de l’isolement (Conseil national des aînés, 2014; Gagné et Poirier, Reference Gagné and Poirier2018), de la marginalisation et de l’exclusion, en plus de vivre dans une situation de précarité financière (Dallaire, McCubbin, Provost et al., Reference Dallaire, McCubbin, Prévost and Lagacé2010; Gagnon, Reference Gagnon2017). Ces aînés sont encore souvent confrontés à la stigmatisation mais aussi à l’auto-stigmatisation (Dallaire, McCubbin, Provost et al., Reference Dallaire, McCubbin, Provost, Carpentier and Clément2010; Graham et al., Reference Graham, Lindesay, Katona, Bertolote, Camus and Copeland2003). Par ailleurs ce ne sont pas tous les aînés qui vont consulter des professionnels de la santé lorsqu’ils vivent des problèmes de santé mentale, souvent en raison des préjugés à l’égard de la maladie mentale (Gonçalves, Coelho, et Byrne, Reference Gonçalves, Coelho and Byrne2014).
Ainsi, au-delà des besoins de soins, celui d’être en présence d’autres personnes et d’avoir des activités sociales est parmi les moins comblés chez les aînés vivant avec une problématique de santé mentale (Futeran et Draper, Reference Futeran and Draper2012). Chez certains de ces aînés, la participation sociale contribue à réduire les symptômes de dépression et à améliorer la santé mentale et la qualité de vie (Forsman, Nordmyr, et Wahlbeck, Reference Forsman, Nordmyr and Wahlbeck2011). Il demeure que peu d’interventions psychosociales ont été développées ou adaptées spécifiquement pour ces aînés (Twamley, Reference Twamley2013). Aussi, les effets des interventions visant à réduire l’isolement chez les aînés vivant avec une problématique de santé mentale sont peu documentés (Biering, Reference Biering2019) et peu d’études portent sur les effets de ces programmes sur la participation sociale (Bartels, DiMilia, Fortuna, et Naslund, Reference Bartels, DiMilia, Fortuna and Naslund2018; Biering, Reference Biering2019).
Les auteurs rappellent l’importance d’adapter les approches aux besoins spécifiques des aînés (Hirst, Lane, et Stares, 2013; Twamley, Reference Twamley2013), de rendre accessible des interventions psychosociales à ces aînés hors du milieu psychiatrique (Biering, Reference Biering2019), et de former davantage d’intervenants à ces interventions (Biering, Reference Biering2019; Twamley, Reference Twamley2013). À ce sujet, l’approche basée sur les forces, s’appuyant sur une vision positive des ressources de la personne et de son environnement (Rapp, Reference Rapp, Émard and Aubry2004), cohérente avec le contexte du rétablissement en santé mentale, a été peu intégrée aux interventions auprès de ces aînés (Hirst et al., Reference Hirst, Lane and Stares2013). Dans la littérature recensée au moment de la présente étude, aucun programme visant à soutenir la participation communautaire ou la participation sociale des aînés vivant avec des difficultés psychosociales ou un PSM n’était offert dans la communauté par des intervenants n’appartenant pas au réseau de la santé ni à la psychiatrie.
Le programme Participe-présent
En réponse à ces besoins de participation sociale, une équipe formée d’intervenants du domaine de la santé et du milieu communautaire, de représentants des aînés et de chercheurs provenant du Centre de recherche et d’expertise en gérontologie sociale (CREGÉS) et de l’Équipe de recherche en partenariat Vieillissements, exclusions sociales et solidarités (VIES), ont coconstruit le programme Participe-présent, visant à promouvoir la participation communautaire des aînés qui vivent avec des PSM ou des difficultés psychosociales entraînant une altération de leur participation communautaire (ex. : deuil, isolement social) (Aubin et al., Reference Aubin, Parisien, Therriault, Nour, Billette and Belley2015; Parisien et al., Reference Parisien, Nour, Belley, Aubin, Billette and Dallaire2017). Dans ce programme, la participation communautaire est définie comme étant « l’utilisation, par les aînés, des divers services et ressources de leur communauté pouvant être sources d’activités et d’espaces de socialisation » (Parisien et al., Reference Parisien, Nour, Belley, Aubin, Billette and Dallaire2017, pp. 188–189).
Ce programme, utilisant une approche centrée sur les forces et sur la promotion de la santé ainsi que des stratégies motivationnelles, vise à habiliter les personnes dans leur démarche vers une participation communautaire et à soutenir la création d’environnements favorables à l’inclusion de celles-ci. Il comporte quatre volets, soit un entretien individuel (volet 1), un atelier de groupe en 8 rencontres (volet 2), des visites d’organismes communautaires (volet 3) et des capsules médiatiques (volet 4). Le volet 2 porte sur huit thèmes liés à la participation communautaire et au vieillissement. Les thèmes et les objectifs des rencontres sont présentés dans l’annexe 1. Le quatrième volet vise la diffusion des réflexions des participants en ce qui a trait aux thèmes du programme, en vue de donner « une voix » a ceux-ci. Ces capsules peuvent prendre la forme de textes, de dessins et de peintures exposées sur place dans l’organisme hôte ou reproduites dans le journal du quartier ou l’infolettre de l’organisme par exemple. Le développement du programme, sa description et son contenu sont décrits plus en détails dans le guide d’animation (Parisien et al., Reference Parisien, Nour, Belley, Billette, Aubin and Regenstreif2018) et dans d’autres publications (Aubin et al., Reference Aubin, Girard, Vigneault, Beaudin, Carbonneau and Miaux2019; Parisien et al., Reference Parisien, Nour, Belley, Aubin, Billette and Dallaire2017).
En résumé, les objectifs sont organisés en deux axes : les actions ciblant les personnes et celles ciblant leur environnement. Ainsi, Participe-présent vise à soutenir le développement et l’activation des compétences personnelles des participants, à consolider leurs connaissances des stratégies et des ressources favorisant la participation sociale, à renforcer leur sentiment d’efficacité personnelle et la reconnaissance de leurs propres forces et ressources, à optimiser leurs habiletés sociales et sociocognitives (ex. résolution de problèmes, communication), en vue ultimement d’augmenter leur participation communautaire. En ce qui concerne l’environnement, le programme vise à outiller les intervenants quant à la promotion de la participation sociale, à renforcer les collaborations locales entre les différentes organisations et à sensibiliser les organismes et la communauté aux besoins des aînés vivant avec des PSM ou des difficultés psychosociales. Par ailleurs, le programme étant à sa version initiale, il s’est avéré important de documenter des éléments influençant son implantation et connaître l’expérience des personnes y participant.
Réalisation d’une étude pilote
Une étude pilote de faisabilité a été réalisée lors de l’implantation initiale du programme Participe-présent. Elle visait à déterminer la pertinence de diffuser l’intervention plus largement aux différents milieux œuvrant dans le domaine de la santé mentale et du vieillissement.
Les objectifs visés par l’étude étaient donc de 1) décrire la pertinence,Footnote 1 l’acceptabilité, et la faisabilité du programme selon les participants aînés, les animateurs et les responsables des organismes ayant mis le programme à l’essai et 2) d’explorer les bénéfices et les effets à court-terme tels que perçus par les participants aînés .
MÉTHODOLOGIE
Devis de l’étude
Suivant une perspective pragmatique (Johnson et Onwuegbuzie, Reference Johnson and Onwuegbuzie2004), cette étude s’est déroulée dans le contexte réel et habituel de l’offre d’activités des organismes participants. Dans une approche formative cohérente avec le stade d’implantation initial d’un programme (Chen, Reference Chen2005), cette étude pilote a utilisé des méthodes qualitatives et quantitatives. Les recommandations de Proctor et al. (Reference Proctor, Silmere, Raghavan, Hovmand and Aarons2011) en ce qui a trait à la consultation des différents types de participants pour répondre aux questions de recherche ont été observées. De même, l’identifications des facilitateurs et obstacles lors de l’implantation d’un programme, tel que les caractéristiques de l’intervention et des facteurs d’ordre individuel, a été effectué, comme le recommandent Brousselle, Champagne, Contantriopoulos, and Hartz (Reference Brousselle, Champagne, Contantriopoulos and Hartz2011).
Pour répondre au premier objectif sur la pertinence, l’acceptabilité, et la faisabilité du programme, une approche qualitative descriptive a été utilisée. En ce qui concerne le deuxième objectif, soit l’exploration des bénéfices et des effets ressentis par les participants aînés à la suite du programme, une approche de nature mixte, soit qualitative descriptive et quantitative, sous la forme d’un devis pré-expérimental, sans groupe témoin, avec mesures pré et post-programme a été utilisée.
Recrutement des organismes
Les organisations où l’intervention a été implantée ont été recrutées à partir d’un échantillonnage par réseau. La coordonnatrice de recherche et une des chercheures ont pris contact avec les responsables des organismes qui étaient reconnus pour offrir des services aux aînés qui présentent des PSM ou des difficultés psychosociales. Certains de ces organismes avaient déjà participé à d’autres projets avec le CREGÉS.
Critères d’inclusion des participants à l’étude
Les participants à l’étude sont 1) les aînés qui ont suivi le programme, 2) les animateurs du programme et 3) les responsables des organismes. Les participants aînés devaient répondre aux critères suivants : 1) être âgé de 55 ans et plus plutôt que 65 en raison du vieillissement précoce des personnes vivant avec des problèmes de santé nombreux et chroniques (Gagné et Poirier, Reference Gagné and Poirier2018; Maccourt et al., Reference Maccourt, Wilson and Tourigny-Rivard2011); 2) parler et comprendre le français; 3) présenter un PSM ou des difficultés psychosociales qui entravent ou pourraient entraver la participation communautaire, tel qu’identifié par la personne elle-même ou par les intervenants; 4) être capable d’adopter un comportement adéquat en situation de groupe; 5) avoir un niveau cognitif suffisant pour bénéficier d’un groupe de nature éducative (tel qu’évalué par les intervenants qui les référaient); et 6) accepter de participer au programme Participe-présent.
Les organismes participants ont été choisis et contactés sur la base que leur clientèle était hautement susceptible de présenter « un PSM ou des difficultés psychosociales qui entravent ou pourraient entraver la participation communautaire ». Les participants aînés étaient recrutés par les intervenants des organismes qui, de par la connaissance de leur clientèle, s’assuraient du niveau cognitif suffisant des participants potentiels, aucune autre évaluation de la cognition étant effectuée. Les problèmes de santé mentale et les difficultés psychosociales des participants aînés étaient auto-rapportés mais n’ont pas été contrevérifiés auprès des professionnels traitants. D’autre part, le critère de l’âge n’a pas été imposé lors du recrutement des participants par certains des organismes. En effet, leur mode de fonctionnement habituel excluait toute discrimination basée sur l’âge pour participer aux activités qu’ils offraient. Cette prérogative des organismes du milieu communautaire a donc été respectée. Ainsi, dans l’ensemble des organismes participants, le programme était offert à tous les membres selon leur processus d’offre de service habituels, par exemple, lors du lancement de la programmation saisonnière. Un seul organisme, celui rattaché au réseau de la santé, a procédé différemment, les participants étant sélectionnés par l’intervenante animatrice du programme.
Le recrutement des animateurs et des responsables s’est aussi fait par les organismes. Il s’agissait des intervenants qui faisaient habituellement l’animation d’activités dans ces organismes, intéressés à mettre le programme à l’essai, ainsi que les responsables des organismes qui avaient autorisé la mise à l’essai du programme dans leur organisme.
Collecte de données
Pour répondre au premier objectif sur la pertinence, l’acceptabilité et la faisabilité du programme, des entrevues semi-structurées ont été effectuées auprès des trois types de participants à l’étude : aînés, animateurs et responsables des organismes. Pour les aînés participant au programme, des questions ouvertes et à choix de réponse ont été posées afin de documenter leur appréciation du programme et leurs suggestions d’amélioration lors de la rencontre post-programme. Pour les animateurs et les responsables des organismes, une entrevue téléphonique post-programme comportant des questions ouvertes qui portaient sur leur appréciation du programme ainsi que sur les obstacles et facilitateurs à son implantation a été menée, adaptée de questionnaires utilisés dans d’autres études sur l’implantation de programme. Tous les participants ont complété un questionnaire sociodémographique.
Pour répondre au deuxième objectif, en ce qui a trait aux bénéfices, des questions ouvertes et à choix de réponse ont été posées aux participants afin de documenter leurs bénéfices ressentis à la suite de leur participation au programme. Pour documenter les effets, un questionnaire a été bâti spécifiquement pour cette étude, à partir d’outils de mesure complets (n = 3), de sections d’outils de mesure (n = 3) et de questions simples (n = 5) (Tableau 1). Ces instruments ont été choisis en fonction des objectifs du programme, de leurs qualités psychométriques, de la possibilité qu’ils soient utilisés par des membres de l’équipe de recherche sans exiger de formation spécifique, et de leur durée de passation. La majorité de ces instruments avaient déjà été testés auprès de représentants de la population cible en vue de s’assurer de leur pertinence et de leur facilité d’utilisation.
Procédures
Les personnes qui désiraient participer à l’étude ont été contactées après avoir donné leur autorisation à l’intervenant de l’organisme qu’elles fréquentaient. Elles pouvaient aussi s’identifier elles-mêmes à l’équipe de recherche. Lors de la prise de contact téléphonique, un membre de l’équipe vérifiait l’intérêt de la personne envers l’étude. Pour les besoins de cette étude, seules les données des personnes correspondant aux critères d’inclusion ont été incluses dans les analyses.
Des assistantes de recherche provenant de programmes universitaires et formées pour réaliser la collecte de données et des membres de l’équipe de recherche ont fait la passation des questionnaires et entrevues. Le questionnaire sociodémographique a été complété par les aînés avant le début du programme avec l’aide d’un assistant de recherche lors d’un appel téléphonique. Tel que suggéré par Proctor et al. (Reference Proctor, Silmere, Raghavan, Hovmand and Aarons2011), la pertinence du programme a été évaluée par l’ensemble des participants, l’acceptabilité par les participants aînés et les animateurs, et la faisabilité par les animateurs et les responsables des organismes.
La durée des entrevues effectuées auprès des aînés avant le début du programme et après la fin du programme a varié entre une heure et une heure et demie. Ces entrevues ont été enregistrées pour en faciliter les analyses. Deux participantes ont eu besoin de plus de temps et l’entrevue s’est déroulée en deux temps. Certains participants n’ont pas complété tous les questionnaires à la suite du choix des intervenants de limiter la quantité de questions à répondre en raison de la capacité de concentration réduite des participants de leur groupe, de l’abandon de certains participants et en raison de l’ajout ultérieur de questionnaires dans le contexte d’une étude pilote et de la co-construction du programme en cours à ce moment. Les animateurs et les responsables ont été contactés par téléphone pour compléter le questionnaire.
Description de la population à l’étude
Cinq organismes ont accepté de participer à l’étude, provenant de trois régions du Québec soit Montréal, Shawinigan et Québec, et ont chacun formé un groupe de participants. Quatre de ces organismes provenaient du milieu communautaire. Parmi ceux-ci, trois offraient des activités variées (loisirs, éducation, soutien, etc.) aux personnes ayant une problématique de santé mentale. Un quatrième organisme était impliqué dans le soutien et l’accompagnement auprès des résidents d’une habitation à loyer modique (HLM) pour aînés . Le cinquième, affilié à un centre intégré de services sociaux et de santé, était un centre de jour pour les personnes ayant des problèmes de mobilité. Quatre responsables de ces organismes ont participé à l’étude. Seule la responsable de l’organisme offrant des services aux résidents aînés d’un HLM n’a pu être rejointe pour répondre aux questionnaires.
L’animation du programme a été effectuée par une personne dans trois des groupes, et par deux personnes dans les deux autres groupes. Au total, 5 animateurs, dont 4 femmes et un homme ont participé à l’étude. Ces personnes avaient des expériences, des formations et des professions variées (professionnelle et étudiante en travail social, éducatrice spécialisée, intervenante communautaire, conseiller en orientation).
Les cinq groupes ayant participé au programme totalisaient 42 participants. Parmi ceux-ci, 30 étaient âgés de plus de 55 ans (entre 55 et 84 ans). Par ailleurs, cinq participants provenant des différents organismes (un provenant d’un organisme en santé mentale et quatre d’un HLM) ont cessé leur participation avant la fin du programme et les données de 2 des participants sont complètement manquantes pour le 2e temps de mesure. Ce sont donc les données des 23 participants qui ont complété le programme qui sont présentées dans cet article. L’âge moyen de ce groupe était de 67,87 années (ET = 7,96), et le nombre moyen d’années d’éducation de 10,43 années (ET = 4,09). Presque les trois quarts des participants (74%) rapportent avoir ou avoir eu un problème de santé mentale au cours de leur vie et la moitié mentionnaient avoir ou avoir eu un diagnostic psychiatrique. Les diagnostics auto-rapportés incluent la dépression, l’anxiété, la schizophrénie, la psychose et le trouble de personnalité.
Les caractéristiques de ces participants sont décrites dans le tableau 2.
Analyses
Pour le volet qualitatif du projet, les réponses des animateurs et des responsables aux questionnaires téléphoniques ont été synthétisées et regroupées en fonction des objectifs de l’étude. Les réponses des participants aînés quant à leurs préférences et aux bénéfices ressentis ont été retranscrites et assujetties à une analyse thématique (Paillé et Mucchielli, Reference Paillé and Mucchielli2016) avec une approche inductive. Une assistante de recherche, formée à cet effet, a identifié les thèmes à la suite de la codification manuelle des verbatims. Une des chercheures (G.A.) a validé les thèmes identifiés dans un processus d’aller-retours jusqu’à l’obtention d’un consensus avec l’assistante de recherche. Pour ce qui est des données quantitatives, des analyses descriptives (fréquence et distribution), inférentielles (test de t) et des tests non-paramétriques (test des rangs de Wilkoxon) et test de McNemar ont été effectuées à l’aide du logiciel SPSS v 24.
Considérations éthiques
Tous les participants ont été informés de la nature de l’étude et leur consentement à participer a été obtenu avant de commencer l’étude. Cette étude a été approuvée par le comité d’éthique du CIUSSS de l’Est de l’île de Montréal ainsi que celui du CIUSSS Centre ouest de l’île de Montréal.
Résultats
L’analyse des données portait sur la pertinence de diffuser le programme Participe-présent aux différents milieux œuvrant dans le domaine de la santé mentale et du vieillissement. Plus spécifiquement, elle portait sur les questions 1) de la pertinence, l’acceptabilité et la faisabilité du programme, telles qu’elles sont perçues par les aînés, les animateurs et les responsables des organismes, et 2) les bénéfices et les effets ressentis par les participants aînés et les animateurs à la suite du programme.
Pertinence du programme
Le programme a été perçu comme pertinent par la majorité des participants. Les attentes générales rapportées initialement par une participante du centre de jour pour les personnes en perte de mobilité illustrent cette pertinence :
Je voudrais sortir de mon isolement, ça ça m’intéresse parce que je suis vraiment isolée. J’ai pas de famille, j’ai plus d’enfants. […] Lundi, j’ai rencontré les gens de Participe-présent, c’est des gens que je connaissais pas, encore là ça va être une deuxième famille, je vais apprendre à les connaître individuellement. Ça va me faire sortir de ma maison, ça me fait sentir moins folle.
Pour les participants aînés, certains sujets abordés dans le programme ont été nommés comme étant particulièrement pertinents pour eux : le budget, les forces, l’écoute, la toile du réseau social (exercice fait lors de la rencontre 7), et le vieillissement. Les animateurs ont mentionné, de façon générale, que le programme répondait aux besoins de leur clientèle. Pour des participants dans un des groupes, le thème sur la participation citoyenne (voir annexe 1) s’est avéré être peu pertinent car cela ne correspondait pas à leur réalité et ils ne s’identifiaient pas à ce thème.
Les responsables des organismes ont indiqué que le programme était orienté vers les forces et l’« empowerment », que cela était particulièrement pertinent auprès des participants aînés et que cela correspondait aux valeurs de leur organisme. Ils ont jugé qu’il pouvait s’intégrer dans leur programmation d’activités et ont apprécié les bases théoriques solides du programme et son approche novatrice.
Acceptabilité du programme
Les participants aînés qui ont complété le questionnaire sur le programme à la fin de celui-ci (n = 23) ont été majoritairement satisfaits de leur participation au programme. Ils ont déclaré être très satisfaits du programme à 60,9%, être satisfaits à 30,4% et être peu satisfaits à 8,7%. En ce qui a trait aux réponses aux questions ouvertes sur les aspects les plus appréciés du programme, les thèmes suivants ont émergé de l’analyse : le plaisir d’être avec d’autres personnes, l’entraide dans le groupe, la possibilité d’apprendre de nouvelles choses (par exemple sur le budget, les forces, le réseau social) ainsi que l’ambiance agréable et conviviale des rencontres de l’atelier. Tel qu’exprimé par un des participants, « J’ai apprécié les rencontres et de continuer à apprendre des choses ».
Des suggestions ont été exprimées par les participants aînés afin d’améliorer le programme. Par rapport à la constitution du groupe, il a été suggéré de le composer avec des personnes du même âge et de s’assurer d’avoir un nombre suffisant de participants. En ce qui concerne les séances, ils ont suggéré d’en augmenter la durée ou de prolonger le programme par l’ajout de séances supplémentaires. Par exemple, un participant a dit qu’il voulait que le programme soit « Plus long, plus de semaines… On avait un allant et hop! c’est fini. On a beaucoup appris mais ça pourrait continuer ». Ils ont aussi proposé d’approfondir ou d’ajouter des thèmes tels qu’aider son prochain, la communication, la santé mentale et ses défis au quotidien et de vulgariser davantage les termes employés. En ce qui a trait aux visites de ressources dans la communauté, trois suggestions ont été proposées par les participants : 1) tenir compte davantage des intérêts des participants, 2) considérer la facilité d’accès de ces ressources, et 3) augmenter le nombre de visites pendant la durée du programme. Finalement, en ce qui concerne l’animation et le fonctionnement du groupe, il a été proposé de trouver des moyens pour soutenir l’assiduité et la participation aux séances de groupe, d’assurer le respect des règles établies, que l’animateur ait une attitude calme et de s’assurer que les participants se sentent libres de s’exprimer.
Selon les animateurs, les activités proposées dans le programme ont soulevé l’intérêt des participants de façon générale et ont favorisé la création de liens entre les membres. Il est ressorti de l’analyse des données que le matériel du programme est adaptable : certaines activités ont été omises ou modifiées pour mieux répondre aux besoins des participants. Par exemple, pour certains groupes, les images proposées dans le cahier de l’animateur pour illustrer des concepts spécifiques à certains thèmes nuisaient à la compréhension et ont simplement été omises pour les activités suivantes. Il a été rapporté que les mises en situation rejoignent les participants (les exercices sont concrets); les outils sont simples à utiliser et les aspects didactiques du programme (ex. les plans de rencontre) facilitent son déroulement. Des thèmes ont été suggérés, tels que « comment faire des démarches » en vue d’intégrer une nouvelle ressource, la technologie (développer la confiance pour son utilisation), une rencontre pour s’amuser en groupe, l’alimentation et la santé mentale. Sur le plan pratique, l’offre d’une collation aux participants a été fort appréciée dans un des groupes.
Les obstacles identifiés par les animateurs étaient principalement liés à la quantité de matériel offert par le programme et le temps nécessaire pour en prendre connaissance ainsi qu’aux objectifs des rencontres qui n’étaient pas suffisamment spécifiques.
Faisabilité du programme
Les responsables des organismes (n = 4) ont mentionné que l’organisation matérielle et physique (par exemple, les locaux) avait été très facile, puisque les organismes possédaient déjà les ressources nécessaires. Le recrutement des participants s’est aussi avéré facile puisque le programme a été offert à la clientèle déjà en place et bénéficiant des services et des activités de leur organisme. Les personnes qui ont animé le programme faisaient aussi déjà partie des intervenants de ces organismes ce qui a facilité sa mise en œuvre puisque les participants étaient déjà familiers avec les lieux et les animateurs. Le fait qu’une stagiaire s’est jointe à un intervenant à l’animation d’un des groupes a aussi favorisé son implantation. De plus, concernant le contexte d’application, il est ressorti que les horaires flexibles et les tâches de l’intervenant favorisaient la mise en place du programme. Le fait qu’au moins une intervenante sur place soit en faveur et « croit » en ce programme (un « champion ») était aussi un élément facilitant. La durée circonscrite du programme pouvait faciliter son offre à plusieurs groupes successifs. Des responsables des organismes ont suggéré de simplifier le matériel d’animation et d’ajouter un volet « consolidation des acquis ».
Les animateurs ont aussi identifié des facilitateurs et des obstacles à l’implantation du programme. Certains animateurs entrevoyaient déjà la possibilité d’offrir le programme dans d’autres points de service de leur organisme dès le début de la mise à l’essai. Par ailleurs, le manque de temps des animateurs pour la préparation des activités, et le temps considérable passé à organiser et réaliser les visites dans les organismes, a nui au déroulement du programme selon certains des organismes.
Une animatrice a préféré faire une rencontre de groupe initialement pour discuter des objectifs individuels, plutôt que des rencontres individuelles (volet 1). Cette adaptation au volet 1 permettait de diffuser de l’information plus détaillée au sujet du programme aux personnes intéressées et particulièrement d’établir des règles communes pour le bon fonctionnement du groupe, telles que le respect de la confidentialité. Cela offrait aussi la possibilité de faire une « séance d’essai » et de prendre une décision quant à l’engagement dans le programme. Cette animatrice proposait d’offrir une rencontre individuelle au besoin, mais aucun participant de son groupe n’a fait cette demande. Un autre groupe a plutôt choisi d’inviter des représentants d’organismes à une des rencontres du groupe plutôt que d’organiser des visites d’organismes (volet 3) en raison de problèmes de mobilité des participants. Les quatre autres groupes ont soit organisé des visites d’organismes en groupe ou en sous-groupes (3 organismes), soit ont accompagné les participants dans leurs démarches pour visiter ou joindre un organisme dans la communauté. L’accueil des participants par les organismes visités s’est généralement avéré positif et a permis l’inclusion des participants dans différentes ressources (par exemple, cuisine collective, Centre des femmes, Croix-Blanche). La visite d’un organisme a été plus compliquée à organiser pour un des groupes provenant d’un organisme en santé mentale : «… un refus parce que le directeur n’était pas disponible… [ils] cherchaient à avoir un intervenant d’expérience, peut-être en raison de la clientèle [note : référant au groupe de participants] » (animateur d’un organisme en santé mentale).
Trois des cinq groupes n’ont pas réalisé de capsule médiatique (le 4e volet) par manque de temps, « il faudrait avoir plus de temps pour faire les capsules médiatiques » (animatrice du centre de jour pour les personnes à mobilité réduite) ou d’indications claires sur la façon de procéder : « Il faudrait que les instructions soient plus structurées à ce sujet et de l’inclure dans le volet 2 (atelier) » (animatrice d’un organisme en santé mentale). Des défis se sont manifestés dans certains contextes d’application, par exemple les difficultés à maintenir l’engagement de certains participants et les enjeux de la rétention des informations chez d’autres participants. Les difficultés d’engagement des participants d’un organisme en santé mentale pouvaient possiblement être expliquées comme suit selon l’animatrice : « Les visites sont peut-être un peu épeurantes [i.e., les démarches à faire] … Lorsqu’il y a des exercices à faire [i.e., les activités en atelier], certaines personnes ont peur de ne pas faire la bonne chose, elles ont peur de l’échec ». Dans ce contexte, il a été proposé par un des animateurs de présenter deux formats pour offrir le programme : une structure organisationnelle plus rigide (inscription obligatoire et groupe fermé) et une structure plus flexible (ex. : café rencontres, table ronde, sans papier crayon).
D’autres défis ont porté sur la nécessité d’adapter rapidement les activités ayant un contenu écrit pour une personne analphabète. Les animateurs ont proposé d’ajouter des rencontres, de suggérer un temps de préparation pour les animateurs et de créer un cahier du participant pour aider à l’intégration des acquis.
Exploration des effets et des bénéfices perçus par les participants aînés
Des résultats significatifs en ce qui a trait aux effets ont été obtenus à la suite de l’analyse des réponses données à trois des questions simples utilisées dans le questionnaire et à un des questionnaires (tableau 3). D’abord, à la question sur les connaissances au sujet des ressources favorisant la participation (voir tableau 1, objectif 1.1), les participants ont rapporté avoir une meilleure connaissance des ressources de leur communauté, une participation à de nouvelles activités, l’utilisation de nouvelles ressources ou de visite de nouveaux lieux dans leur communauté et une augmentation de leur satisfaction de la vie sociale à la suite de leur participation au programme. Les résultats à l’Échelle de solitude (voir tableau 1, 2.2.5) suggèrent une diminution de leur sentiment de solitude après leur participation au programme (tableau 4). Les différences des résultats pré et post programme pour les autres outils n’ont pas atteint le seuil de signification.
Les résultats significatifs à .05 sont signalés par une étoile (*).
Les résultats significatifs à.05 sont signalés par une étoile (*).
Au plan qualitatif, certains bénéfices ont été plus souvent mentionnés par les participants en fin de programme. L’acquisition de connaissances, incluant les connaissances générales, et celles sur leur environnement social et sur leur communauté est nommée par plusieurs participants des différents groupes. Un participant dit : « [Le programme] m’a fait connaître d’autres personnes, d’autres horizons. Comme là j’ai le numéro de téléphone pour faire de la cuisine collective ». Le plaisir d’être ensemble, l’entraide entre les participants, et la diversité des rencontres sont mentionnés. Une participante parle des liens qui se sont approfondis : « On a appris à se connaitre entre voisins, entre résidents, parce que même si on se disait « bonjour » avant, ça veut pas dire qu’on se connaissait vraiment. On a pu donner notre opinion ». Sur le thème de la croissance personnelle, un autre rapporte ses réflexions sur le vieillissement : « Ça m’a fait réaliser que je vieillis et que j’ai besoin des autres, à petite dose, mais j’ai quand même besoin des autres, parce que c’est rassurant. ». La motivation à se mettre en action et à faire des activités dans la communauté sont aussi des bénéfices identifiés.
Je me suis rendue compte qu’en sortant plus, une amie à moi me dit que j’ai changé, que j’ai l’air plus ouverte, j’ai plus de joie de vivre. En sortant plus, ça ouvre les horizons. Ça va m’intéresser à sortir plus, je trouve ça intéressant. (Une participante au programme).
Discussion
Cette étude pilote visait à décrire la pertinence, l’acceptabilité, et la faisabilité du programme Participe-présent visant à soutenir la participation communautaire d’aînés vivant avec des difficultés psychosociales ou un PSM, ainsi que les effets et les bénéfices ressentis lors de sa mise à l’essai dans cinq organismes qui l’offraient pour la première fois. Les propos des participants aînés, des animateurs et des responsables des ressources à la suite de cette première expérience soutiennent la pertinence, l’acceptabilité et la faisabilité de ce programme pour la population visée. Il a été reconnu qu’il correspondait aux valeurs prônées par ces organismes quant à l’importance du développement du pouvoir d’agir (empowerment) des personnes aînées vivant avec un PSM ou des difficultés psychosociales à l’aide d’une approche axée sur les forces.
Quelques éléments du programme ont toutefois suscité des réflexions. La durée trop courte du programme a été rapportée affectant l’intégration et l’approfondissement du contenu du programme. D’autres interventions offertes par des intervenants du réseau de la santé et ayant un objectif similaire, telles que le programme « Helping older people experience success (HOPES) » (Mueser et al., Reference Mueser, Pratt, Bartels, Swain, Forester and Cather2010) ont une durée plus longue, soit une durée d’un an pour la période d’entraînement aux habiletés sociales et un an de suivi. À la suite d’une recension des écrits sur les interventions visant la participation sociale des aînés, Raymond et al. (Reference Raymond, Sévigny, Tourigny, Bonin, Guilbert-Couture and Diallo2015) recommande aussi une durée de six mois de façon à ce que des liens se tissent entre les participants. Le programme Participe-présent a une durée plus courte, soit huit rencontres. Il a été initialement construit pour être offert facilement dans différents contextes du milieu communautaire et du réseau de la santé, sans exiger un engagement de très longue durée de la part des participants. D’autres programmes très populaires offerts dans la communauté ont une durée inférieure à celle suggérée par Raymond et al. (Reference Raymond, Sévigny, Tourigny, Bonin, Guilbert-Couture and Diallo2015), soit dix semaines (Bier et al., Reference Bier, Lorthios-Guilledroit, Nour, Parisien, Ellemberg and Laforest2015). Dans le guide d’animation du programme Participe-présent, il est suggéré de tenir compte des besoins des participants en termes de temps requis et de choix des activités pertinentes pour le groupe, en étalant le contenu sur un plus grand nombre de rencontres par exemple, pour une meilleure intégration et un approfondissement des connaissances et des expériences provenant du programme.
De plus, il se dégage des commentaires de certains participants qu’ils ne se sont pas toujours sentis suffisamment consultés lors des choix de certaines activités. Il est possible que certains animateurs aient pris des décisions à la place du groupe ou encore que des personnes ont senti qu’elles n’avaient pas suffisamment de choix. Cela est surprenant, d’autant plus que ce programme est axé sur les forces et que le manuel d’animation souligne l’importance de mettre l’accent sur cet aspect du programme auprès des animateurs dans leurs interventions. Cela indique possiblement qu’une formation aux animateurs pourrait être requise afin de s’assurer que cette philosophie guide les interventions effectuées. Ce constat met en lumière le besoin d’auto-détermination des personnes et l’importance pour les animateurs d’y répondre en soutenant la capacité de choisir des participants du groupe (Hirst et al., Reference Hirst, Lane and Stares2013).
Quant à sa faisabilité, il s’est avéré être approprié auprès de groupes de personnes vivant avec des problématiques variées, tant en santé mentale que psychosociales, incluant des personnes avec des problèmes de mobilité. En effet, les intervenants de chacun des groupes ont adapté le contenu et les activités du programme selon les besoins des participants, bien que cela prenait du temps supplémentaire, selon leur capacité de compréhension et selon leur contexte de vie, par exemple. Le manque de confiance en soi et la crainte de l’échec rapportés comme des explications des difficultés d’engagement de certains participants vivant avec des enjeux de santé mentale, justifient l’importance d’être à l’écoute des besoins de ces personnes et d’adapter le programme en vue d’en faire une occasion de valorisation et de reconnaissance. En effet, les aînés qui ont vécu avec des enjeux de santé mentale ont souvent aussi expérimenté des pertes de rôles, des contraintes dans la pratique d’activités significatives, vécu de l’isolement et de la pauvreté ce qui a pu affecter leur perception de leur pouvoir d’agir et leur motivation (Dallaire, McCubbin, et Prévost, Reference Dallaire, McCubbin, Prévost and Lagacé2010; Dallaire, McCubbin, Provost et al., Reference Dallaire, McCubbin, Provost, Carpentier and Clément2010).
Par ailleurs, bien des préjugés subsistent envers les personnes vieillissantes vivant avec des PSM en ce qui a trait à leur participation sociale (Aubin et Dallaire, Reference Aubin, Dallaire, Billette, Marier and Séguin2018). Le défi rencontré par un des groupes quant à la visite d’un organisme dans la communauté (ex. refus d’un directeur de cet organisme de recevoir le groupe de participants en raison d’un manque d’intervenant spécialisé) (volet 3) l’illustre bien et confirme la nécessité d’une sensibilisation à la santé mentale et à ses enjeux ainsi qu’au vieillissement, tel stipulé dans le modèle logique du programme (Parisien et al., Reference Parisien, Nour, Belley, Aubin, Billette and Dallaire2017). Pour faciliter l’accès à des activités de loisir dans la communauté, des lignes directrices pour rendre les organismes communautaires de loisirs inclusifs pour les personnes vivant avec des enjeux de santé mentale a été développé par une équipe de chercheurs (Gallant et al., Reference Gallant, Hutchinson, White, Hamilton-Hinch, Litwiller and Lauckner2020). Parmi les actions proposées, ces auteurs suggèrent d’offrir une formation visant à démystifier les problèmes de santé mentale à laquelle participent des personnes ayant un vécu expérientiel (ayant une expérience d’un épisode de maladie mentale).
Plusieurs suggestions ont été exprimées pour améliorer la faisabilité du programme auprès des différentes populations. Ainsi, certains des éléments identifiés comme étant des obstacles au programme ont été révisés à la suite de cette étude. Par exemple, dans l’atelier (volet 2), les objectifs des différentes rencontres de groupe ont été clarifiés (voir Parisien et al., Reference Parisien, Nour, Belley, Aubin, Billette and Dallaire2017). Pour ce qui est du volet 4, portant sur les capsules médiatiques, bien que plusieurs groupes de cette mise à l’essai ne l’aient pas réalisé, il demeure un outil disponible dont les groupes peuvent se servir au besoin, tel que mentionné dans le guide. Il sera intéressant dans les études futures d’explorer comment ce volet pourrait être davantage intégré à l’offre du programme, puisqu’il a comme objectif de « donner une voix à cette population susceptible de vivre de l’exclusion sociale [en vue de] permet[tre] de sensibiliser les citoyens et les membres des organisations » (Parisien et al., Reference Parisien, Nour, Belley, Aubin, Billette and Dallaire2017, p. 9), et cette sensibilisation est intégrée à un des deux axes du programme.
Les résultats portant sur les effets et les bénéfices perçus par les participants aînés sont exploratoires, toutefois ils vont dans le même sens. Il ressort de l’analyse que le programme tend à faciliter l’acquisition de nouvelles connaissances en ce qui a trait aux ressources dans la communauté et à favoriser les échanges sociaux et la mise en action des participants. Cela correspond directement à quelques-uns des objectifs du programme, tels que le développement et l’activation des compétences personnelles, la consolidation de la connaissance des stratégies et des ressources favorisant la participation sociale, et l’optimisation des habiletés sociales et sociocognitives.
La variété de sources de données et la convergence des résultats quantitatifs et qualitatifs représentent les forces de cette étude. Parmi ses limites, on retrouve entre autres, des biais pouvant affecter la validité interne, par exemple la mesure des effets qui a changé au cours de l’étude (retrait et ajout de questionnaires), ou encore des évènements qui ont pu se produire dans la vie des participants et qui ont pu influencer leurs réponses, ainsi que la mortalité expérimentale (Fortin et Gagnon, Reference Fortin and Gagnon2016). La validité externe a aussi pu être affectée en raison du risque de biais associé au désir de plaire à l’évaluateur, aux attentes des animateurs, ainsi que du biais de sélection (par exemple, les participants sont déjà parmi les plus actifs dans l’organisme) (Fortin et Gagnon, Reference Fortin and Gagnon2016). L’absence d’un groupe témoin limite aussi l’interprétation des résultats. D’autres limites concernent la validité de conclusions statistiques des résultats des questionnaires, dont le petit nombre de participants ayant répondu à certains des questionnaires, la multiplicité des questionnaires affectant, la puissance statistique et le risque d’erreur de 1ere espèce (Fortin et Gagnon, Reference Fortin and Gagnon2016).
L’étude a porté uniquement sur la cible individuelle (les individus participants) du modèle logique et n’a pas exploré les retombées du programme sur les déterminants socio-organisationnels de la participation communautaire des aînés. Plusieurs animateurs ont choisi de ne pas implanter le volet des capsules médiatiques. Sans en être l’unique raison, ceci peut avoir contribué aux résultats mitigés au plan de certaines habiletés sociocognitives, telles que la prise de décision en groupe et la communication, ainsi qu’au plan du sentiment d’efficacité personnelle et d’appartenance. Bien qu’il y ait eu une rencontre préparatoire, l’implantation n’a pas été précédée par une formation formelle des animateurs. Ceci peut avoir altéré l’effet du programme sur certaines dimensions plus intimement reliées à l’actualisation de l’approche par les forces et à l’optimisation des habilités sociales et sociocognitives. Aussi, considérant que l’étude exploratoire s’est réalisée au sein d’une démarche de co-construction, l’intervention a connu des ajustements en cours de mise à l’essai. Ces limites font en sorte que les résultats de cette étude doivent être interprétés avec prudence quant à une utilisation à une plus grande échelle.
Conclusion
Les résultats de cette étude exploratoire sur le programme Participe-présent, soulignent l’aspect prometteur de cette intervention pour répondre à un besoin des aînés vivant avec une problématique de santé mentale ou des difficultés psychosociales. D’autres études sont nécessaires pour valider les effets à long terme auprès de cette population et pour connaitre les conditions d’implantation optimales. Une étude avec un groupe témoin auprès d’un plus grand échantillon serait souhaitable pour vérifier la capacité de l’intervention à améliorer les déterminants de la participation communautaire des aînés, y compris sur les facteurs socio-organisationnels ciblés par le programme. Ultimement, ce programme pourrait être animé par des pairs « aînés », en cohérence avec l’approche basée sur les forces. Le programme Participe-présent est accessible en ligne en français et en anglais gratuitement sur le site du CREGÉS à l’adresse suivante : https://www.creges.ca/participe-present/.
Remerciements
Un merci spécial aux participants aînés, aux animateurs et aux responsables des organismes ayant implanté le programme dans leurs organismes. Ce projet a été subventionné par le Réseau québécois de la recherche sur le vieillissement (RQRV) et le manuel des intervenants a pu être publié grâce à l’aide financière de Bell Cause pour la cause.