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Published online by Cambridge University Press: 09 June 2010
De Platon à Descartes et de Kant à Husserl, les idéalités mathématiques ont constamment été l'objet de l'attention philosophique; pour Platon et Descartes, idéalités discursives (Dianoia) et régulatrices, pour Kant et Husserl, idéalités pures (géométrie) et objectives (arithmétique). Chez le dernier, bien que les tentatives inaugurates de philosophie mathématique aient été sévèrement critiquées par un Frege et malgré l'intérêt limité qu'elles ont aujourd'hui pour l'épistémologue des mathématiques, l'idéalité mathématique restera toujours un modèle — au sens d'idéal — épistémologique privilégié. Le Centre des Archives — Husserl de Louvain publiera bientôt, par les soins de H. R. Brennecke de Cologne, un ouvrage réunissant les principaux écrits mathématiques de Husserl — dont la thèse de doctorat sur le calcul des variations écrite sous l'inspiration de Weierstrass, Beiträge zur Variationsrechnung — sous le titre Studia Mathematica. Si Husserl n'a pas pu mener à terme son projet de « Mannigfaltig-keitslehre », théorie des multiplicités — c'est de ce même terme que Cantor avait aussi baptisé sa théorie des ensembles au début — il n'en demeure pas moins que les analyses phénoménologiques ne sont pas dépourvues d'intérêt pour la doctrine de la science contemporaine et peuvent même constituer le langage approprié pour l'épistémologue des sciences naturelles ou sociales. C'est cela même que semble récuser Desanti, du moins pour l'épistémologie mathématique. Disons tout de suite que Desanti se défend mal d'utiliser le langage phénoménologique et s'il le conteste, c'est peut-être qu'il n'est pas parvenu à le dé-construire totalement, selon l'expression de Derrida.
2 P.U.F., 2e éd., Paris, 1960, p. VII. C'est par rapport surtout à Formale und transzendentale Logik que cherche à se définir Cavaillès.
3 P.U.F., Paris, 1959. Cf. aussi son ouvrage sur La logique de Husserl, P.U.F. Paris, 1957. Voir aussi les remarques de Jules Vuillemin sur la phénoménologie dans Philosophie de l'Algèèbre, tome I, P.U.F., Paris, 1962, conclusion, pp. 465–518.
4 Les Idéalités mathématiques, ouvr. cit., p. 290.
5 3e éd. (1927), 2 vols., Dover, New York, 1957.
6 Cf. Remarques sur la formation de la théorie abstraite des ensembles, PP. 25–176 dans Philosophie mathématique, Hermann, Paris, 1962.
7 Pour les lecteurs philosophes qui souhaiteraient se familiariser avec les concepts principaux de la théorie des fonctions de variables réelles, nous conseillons l'introduction relativement simple de Sze-Tsen Hu, Elements of Real Analysis, Holden-Day, San Francisco, 1967. Les deux chapitres initiaux sur la théorie des ensembles et sur la droite réelle, qui reproduisent à peu près le début de l'ouvrage de Hobson en plus court, suffisent pour « se faire une idée » des analyses intra-mathématiques de Desanti.
8 Desanti utilise le terme « épithéorie », mais dans un sens éloigné de « métathéorie. » Sur la métamathématique, voir les ouvrages d'introduction de P. Lorenzen Metamathematik, Bibliographisches Institut, Mannheim, 1962. Pour une vue d'ensemble de la problématique des fondements, Mostowski, AndrzeyThirty years of foundational studies, Oxford, Basil Blackwell, 1966Google Scholar et, à un niveau élémentaire, l'ouvrage de Wilder, R. L.Introduction to the Foundations of Mathematics, 2e éd., John Wiley and Sons, New York, 1965.Google Scholar
9 Desanti ne fait que souligner le probl–eme en page 201.
10 Il est vrai que c'est la phénoménologie que vise explicitement Desanti ici. Mais c'est tout l'intuitionnisme qu'il touche par extension et la discipline très vigoureuse de la théorie des démonstrations. Voir là-dessus un autre article important de Kreisel, G., « Mathematical logic: what has it done for the philosophy of mathematics? » in Bertrand Russell: Philosopher of the Century, Allen and Unwin, London, 1967, pp. 201–272.Google Scholar
11 Cf. l'article de J. T. Desanti, « Remarques sur la connexion des notions de genèse et structure en mathématiques » in Eutretiens sur les notions de genèse et structure, éd. par Gandillac, Goldmann et Piaget chez Mouton, La Haye, 1965, pp. 143–155. On pourrait objecter à nos critiques qu'elles dépassent l'ambition de Desanti. Celui-ci a voulu en effet étudier la théorie des fonctions de variables réelles dans un moment précis de son histoire, à une époque où la logique mathématique était encore en gestation et où elle n'était pas encore thématisée par les mathématiciens. Mais qu'on ne s'y méprenne pas! C'est tout le problème des fondements que veut cerner Desanti et la théorie des fonctions de variables réelles n'est qu'une occasion, un prétexte pour une entreprise qui vise « les idéalités mathématiques. »
12 Voir, par exemple, Dieudonné, JeanFoundations of Modern Analysis, Academic Press (New York, 1960), p. 6Google Scholar et Rosser, J. B.Logic for Mathematicians (New York, 1953), chap. 14.Google Scholar
13 On remarquera l'absence de référence –a la logique chez Desanti, à part le recours « anachronique » à Carnap et quelques renvois à Rosser Logic for Mathematicians, ouvrage d'ailleurs incomplet.
14 Desanti aussi, dans son livre Phénoménologie et praxis, Éditions Sociales, Paris, 1963, pensait qu'après la décapitation, i.e. l'abandon de l'égologie transcendantale, un recommencement de la phénoménologie était possible. Mais c'était dans le sens du marxisme, pour lui à ce moment-là, perspective à laquelle il n'a sans doute pas renoncé.