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Published online by Cambridge University Press: 25 November 2010
ABSTRACT : In Radical Enlightenment, J. I. Israel gives no attention to the critique of religion expounded by Hume in the second half of the 18th century. Nevertheless, Hume, in elaborating his criticism from the methodological standpoint of the “Moderate Enlightenment”, that of experience, provides an original foundation to the critique of religion in the context of “Radical Enlightenment”. What is more, the conclusion of his Dialogues Concerning Natural Religion leads one in thinking that “Radical Enlightenment” might have been caught in the net of theological dialectic in its opposition to Christianity.
RÉSUMÉ : Dans son livre Radical Enlightenment, J. I. Israel ne fait aucune place à la critique de la religion menée par Hume dans la deuxième moitié du xviiie siècle. Pourtant, en effectuant cette critique sur le terrain méthodologique privilégié des «Lumières modérées», celui de l’expérience, Hume donna à la critique de la religion un fondement philosophique sans précédent au sein des «Lumières radicales». En outre, la conclusion des Dialogues sur la religion naturelle conduit à se demander si les «Lumières radicales» ne restaient pas prisonnières de la dialectique théologique dans leur opposition à la religion chrétienne.
1 Jacob, Margaret C., The Radical Enlightenment : Pantheists, Freemasons and Republicans, Cornerstone Book, 1981Google Scholar.
2 Voir en particulier le débat qui oppose M. Jacob et J. Israel dans C. Secrétan, T. Dagron, L. Bove, dir., Qu’est-ce que les Lumières «radicales»? Libertinage, athéisme et spinozisme dans le tournant philosophique de l’âge classique, Paris, Éditions Amsterdam, 2007, p. 29–59.
3 Israel, J. I., Radical Enlightenment. Philosophy and the Making of Modernity 1650–1750, Oxford, Oxford University Press, 2001CrossRefGoogle Scholar; trad. fr. par Hugues, P., Nordmann, C., Rosanvallon, J., Les Lumières radicales. La philosophie, Spinoza et la naissance de la modernité (1650–1750), Paris, Éditions Amsterdam, 2005Google Scholar (dans ce qui suit, nous renvoyons à l’édition française).
4 Kemp Smith, Voir N., The Philosophy of David Hume. A critical study of its origins and central doctrines, London, MacMillan, 1941, p. 325–338 et 506–516Google Scholar; Pittion, J.-P., «Hume’s Reading of Bayle : An Inquiry into the Source and Role of the Memoranda», Journal of the History of Philosophy, vol. 15, no 4, 1977, p. 373–386Google Scholar; Popkin, R. H., «Hume and Spinoza», Hume Studies, vol. 5, no 2, 1979, p. 65–93CrossRefGoogle Scholar; Russell, P., «“Atheism” and the Title-Page of Hume’s Treatise», Hume Studies, vol. 14, no 2, 1988, p. 408–423CrossRefGoogle Scholar; Klever, W., «More about Hume’s Debt to Spinoza», Hume Studies, vol. 19, no 1, 1993, p. 55–74CrossRefGoogle Scholar; Baier, A. C., «David Hume, Spinozist», Hume Studies, vol. 19, no 2, 1993, p. 237–252Google Scholar; Brahami, F., Le travail du scepticisme. Montaigne, Bayle, Hume, Paris, Presses universitaires de France, 2001Google Scholar; Paganini, G., «Hume, Bayle e i “Dialogues concerning Natural Religion”», Giornale critico della filosofia italiana, vol. 22, no 2, 2002, p. 234–263Google Scholar.
5 J. Israel, lumières radicales, p. 501–625.
6 Voir l’Introduction du Traité de la nature humaine.
7 Essai sur l’entendement humain, trad. Coste, Paris, Vrin, 1972, livre IV, ch. 14, §§3–4, p. 544–545 (noté désormais Es, suivi de l’indication du livre, du chapitre, de l’alinéa et de la page de cette édition).
8 Locke définit la probabilité en la distinguant de la démonstration : «Comme la démonstration consiste à montrer la convenance ou la disconvenance de deux idées, par l’intervention d’une ou de plusieurs preuves qui ont entre elles une liaison constante, immuable et visible, de même la probabilité n’est autre chose que l’apparence d’une telle convenance ou disconvenance par l’intervention de preuves dont la connexion n’est point constante et immuable, ou du moins n’est pas aperçue comme telle, mais est ou paraît être ainsi, le plus souvent, et suffit pour porter l’esprit à juger que la proposition est vraie ou fausse plutôt que le contraire» (Es IV 15 §1, p. 545).
9 Enquête sur l’entendement humain, trad. D. Deleule (révisée), Paris, Le Livre de Poche, 1999, section 10, p. 206 (notée désormais En, suivie de l’indication de la section puis de la page de cette édition). Voir aussi Traité de la nature humaine I 3 §11.
10 Locke développera cette thèse en 1702 dans A Discourse of miracles (publié après sa mort, en 1706), en considérant qu’un fait est attesté comme miraculeux à trois conditions : que l’acte soit accompli en vue de témoigner d’une mission en provenance du Dieu unique; qu’il serve à révéler une vérité inaccessible par la seule lumière naturelle et néanmoins compatible avec les vérités de la religion naturelle et avec la morale fondée sur la raison; qu’il présente enfin un degré d’étrangeté supérieur à celui d’un autre fait allégué comme miraculeux en faveur d’une mission prétendument divine concurrente, la gloire de Dieu ne pouvant tolérer que sa puissance soit utilisée contre lui par un imposteur (The Works of John Locke, vol. 9 [1832], Scientia Verlag Aalen, 1963, p. 256–265).
11 «Introduction», p. 19 et partie II, ch. 8, p. 465 de L’Analogie de la religion naturelle et révélée avec l’ordre et le cours de la nature [1736], Paris, Brunot-Labbe, 1821 (noté désormais An, suivie de l’indication de la partie, du chapitre puis de la page de cette édition).
12 Épicure et Philon, personnages sceptiques, sont les véritables et principaux porte-parole de Hume dans ces deux écrits. Sur l’assimilation de Philon à Hume, voir la présentation de N. Kemp Smith aux Dialogues Concerning Natural Religion, New York, Nelson and Sons, 1947, p. 57–75. Dans l’Enquête, le personnage d’Épicure est incarné par un ami de Hume, cet ami étant lui-même le personnage fictif d’un dialogue avec Hume, mais la cohérence des propos d’Épicure avec le reste du livre permet d’assimiler ce personnage à l’auteur de l’Enquête.
13 Dans l’édition de 1748 de l’Enquête, le titre de cette section était «Des conséquences pratiques de la religion naturelle», remplacé en 1750 par «D’une providence particulière et d’un état futur».
14 Avant d’incarner Épicure, l’ami de Hume dénonçait l’alliance de la superstition avec la philosophie, évidemment nuisible à cette dernière (ibid., p. 239–241).
15 L’Avertissement de L’Analogie (p. 1–2) présente l’ouvrage comme une entreprise essentiellement apologétique.
16 Dialogues sur la religion naturelle, trad. M. Malherbe, Paris, Vrin, 1997, p. 76 et 91–92 (notés désormais Dia, suivis de l’indication de la partie, puis de la page de cette édition).
17 Dans l’Enquête, Épicure ne défendait pas non plus son matérialisme, sinon de manière indirecte, en réfutant le théisme de ses accusateurs.
18 C’est ainsi que «la philosophie newtonienne», qui consiste selon Hume à limiter nos spéculations à l’apparence sensible des objets, appelle «un scepticisme modeste» (Traité de la nature humaine I, trad. P. Baranger et P. Saltel [sous le titre L’entendement], Paris, Flammarion, 1995, Appendice, p. 388) et que, en dépit des intentions de Berkeley de ruiner les fondements du scepticisme, «la plupart des écrits de ce très ingénieux auteur constituent les meilleures leçons de scepticisme qui se puissent trouver chez les philosophes anciens et modernes, Bayle non excepté» (En §12, p. 272).
19 Voir, The Radical Enlightenment, chap 7. J. Israel (Les Lumières radicales, p. 213–233 et 301–319) montre sensiblement la même chose en privilégiant le contexte hollandais et l’influence de Spinoza. Voir aussi l’analyse de J. Champion, «“The men of matter” : spirits, matter and the politics of priestcraft, 1701–1709» dans G. Paganini, M. Benítez et J. Dybikowski, dir., Scepticisme, Clandestinité et Libre Pensée, Paris, Honoré Champion, 2002, p. 115–150.
20 Voir l’essai «Des premiers principes du gouvernement» dans Essais et Traités sur plusieurs sujets vol. 1, trad. M. Malherbe, Paris, Vrin, p. 93–96.
21 «Unité et diversité des Lumières radicales : typologie de ses intellectuels et de ses racines culturelles», trad. C. Jaquet dans C. Secrétan, T. Dagron, L. Bove, dir., Qu’est-ce que les Lumières «radicales»?, p. 52–53.
22 ibid., p. 45.
23 ibid., p. 43–56.
24 ibid., p. 53.
25 Voir l’essai «Idea of a perfect commonwealth», dans Essays, Moral, Political and Literary, Indianapolis, Liberty Fund, 1985, p. 512–529.
26 Le scepticisme moderne ne semble pas avoir joué de rôle aux yeux de J. Israel dans la naissance de la modernité. Il est significatif à cet égard qu’il se range à l’interprétation de Bayle qui en fait un rationaliste plutôt qu’un penseur sceptique («Unité et diversité…», p. 44) et qu’il présente toujours Diderot sous l’angle de son déisme et de son matérialisme et jamais comme une figure sceptique (Les Lumières radicales, p. 784–788). Il ressort par ailleurs de l’article de G. Paganini intitulé «L’apport des courants sceptiques aux Lumières radicales» (dans C. Secrétan, T. Dagron, L. Bove, dir., Qu’est-ce que les Lumières «radicales»?, p. 87–103) que cet apport fut bien mince s’il est vrai que le scepticisme de manuscrits tels que les Doutes des pyrrhoniens et L’Art de ne rien croire n’était encore que la façade d’un spinozisme dogmatique.
27 C’est ce que suggère W. Schröder («Critique de la métaphysique et fabrication de la modernité», trad. C. Jaquet dans C. Secrétan, T. Dagron, L. Bove, dir., Qu’est-ce que les Lumières «radicales»?, p. 277–287) à partir d’une analyse du Symbolum sapientiae, dans lequel il voit un rejet de la métaphysique comparable à celui que l’on trouvera plus tard chez Hume puis dans la critique kantienne.