Published online by Cambridge University Press: 13 April 2010
The aim of this article is to discuss the transcendental status of Kant's moral philosophy. Despite what is usually thought among scholars, we intend to demonstrate that morality for Kant is not part of transcendental philosophy. We shall at first recall the reasons that have driven Kant to separate morality from the transcendental philosophy. Kant's position seems both firm and clear: morality, although involving a priori concepts such as the moral law, is not a transcendantal knowledge because its major concept, the will, is not pure enough; it refers somehow to experience. On the other hand, after considering the positions of renowned scholars such as Gueroult, Delbos, and Höffe, who claim that Kant's morality became partially or totally transcendantal since the writing of the Grundlegung zur Metaphysik der Sitten, we suggest that Kant had then found the right way to establish on a critical basis a future metaphysics of morals.
1 C'est là manifestement la position que défend Ferdinand Alquie qui considère la démarche des deux premières Critiques comme étant à peu de chose près analogues. Chacune part en effet de la considération d'un fait pour en rechercher ensuite les conditions de possibilité. Le transcendantal proprement dit consiste alors en la recherche des conditions de possibilité d'une synthèse a priori. Puisque la Critique de la raison pratique a également pour but d'établir la possibilité d'une telle synthèse, son appartenance à la philosophie transcendantale ne fait plus aucun doute (voir Ferdinand Alquié, La morale de Kant, Paris, Centre de documentation universitaire, 1974, p. 24).
2 C'est du moins ce que prétend Höffe pour qui il existe en morale un questionnement de type transcendantal, analogue à celui qui prévaut au sein de la philosophie théorique: «Tandis que la philosophie transcendantale théorique examine les conditions a priori de la connaissance objective et celle de sa prétention immanente à la vérite, une philosophie transcendantale pratique analogue devrait rechercher les conditions de la possibilité a priori d'une praxis (action), dans la mesure oú celle-ci prétend à la bonté et à la justesse sans restriction» (voir Höffe, Otfried, Introduction à la philosophie pratique de Kant, Fribourg [Suisse], Castella, 1985, p. 148).Google Scholar
3 Kant, Critique de la raisonpure, A 14, B 28, Ak. (pour edition de l'Academie des sciences, Berlin, 1902–1955) III, p. 45.
4 Ibid., A 15, B 29, Ak. III, p. 45.
5 Ibid.
6 Ibid., A 807, B 835, Ak. III, p. 524.
7 Ibid.
8 Ibid., A 813, B 841, Ak. III, p. 527.
9 Ibid., A 801, B 829, Ak. III, p. 520.
10 Ibid., A 801, B 829, Ak. III, p. 521.
11 Ibid.
12 Ibid., B 25, Ak. III, p. 43.
13 Ibid., A 56, B 81, Ak. III, p. 78.
14 Voir l'article de Gueroult, Martial, «Canon de la raison pure et Critique de la raison pratique», Revue Internationale de philosophie, vol. 8, no30 (1954), p. 331–357.Google Scholar
15 Se réferant sans doute à la troisième antinomie de la raison pure spéculative qui n'avait pu attester la réalité objective de la liberté transcendantale mais sa seule possibilité logique, Kant choisit de délaisser ce concept dans le «Canon» au profit de celui de la liberte pratique que l'expérience suffit à démontrer: «Et d'abord il est à remarquer que je ne me servirai désormais du concept de la liberté que dans le sens pratique, et que je mets ici de côté, comme chose réglée plus haut, le sens transcendantal de ce concept, qui ne peut être présupposé empiriquement comme un principe d'explication des phénomènes, mais quiest lui-même un problème pour la raison» (Kant, Critique de la raison pure, A 801–802, B 829–830, Ak. III, p. 521).
16 «Est pratique tout ce qui est possible par liberté» (ibid., A 800, B 828, Ak. III, p. 519).
17 Ibid., A 802, B 830, Ak. III, p. 521.
18 Ibid., A 845, b 873, Ak. III, p. 546.
19 Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, Ak. IV, p. 400.
20 Delbos, Victor, La philosophie pratique de Kant, Paris, PUF, 1969, p. 275.Google Scholar
21 En ce qui concerne la différence entre les principes métaphysiques et transcendantaux, voir Kant, Critique de la faculté de juger, Ak. V, p. 181.
22 Ibid., Ak. V, p. 182.
23 Delbos, La philosophie pratique de Kant, p. 317, note 1.
24 Ce qui est objectif en morale c'est le rapport qui unit la volonte avec une fin nécessaire a priori, alors que l'objectivité de la connaissance repose sur le rapport qui unit a priori la répresentation et l'objet. Alain Renaut souligne à juste titre l'existence de ces deux formes de l'objectivité kantienne qu'il associe a la première et à la seconde Critique. Au sujet de la deuxieme Critique il dira que: «[…] ce qui est objectivement pratique [à savoir une fin morale] y apparaît comme produit par la liberté» (Alain Renaut, présentation de la Métaphysique des mœurs d'E. Kant, Paris, Garnier-Flammarion [Fondation], 1994, tome 1, p. 17).
25 Kant, Critique de la raisonpure, A 845, B 873, Ak. III, p. 546.
26 Höffe, Introduction à la philosophie pratique de Kant, p. 155.
27 Ibid., p. 157–158.
28 Ainsi qu'il sera expliqué plus loin dans cet article, Kant distingue la philosophie transcendantale de la métaphysique proprement dite. La philosophie transcendantale désigne soit une partie de la métaphysique de la nature au sens large, qui s'intéresse aux principes de notre connaissance a priori des objets en général, soit une connaissance dont le principe est parfaitement pur et qui s'oppose dès lors aux connaissances métaphysiques dont le principe, bien qu'il soit a priori, posséde une origine empirique (voir Kant, Critique de la raisonpure, A 845, B 873, Ak. III, p. 546 puis Kant, Critique de lafaculte de juger, Ak. V, p. 181).
29 Kant, Critique de la raisonpure, B 27, Ak. III, p. 44.
30 Ibid., A 14, B 28, Ak. III, p. 45.
31 Ibid., A 831, B 859, Ak. III, p. 538.
32 Ibid., A 839, B 867, Ak. III, p. 542.
33 Ibid., A 841, B 869, Ak. III, p. 543.
34 Ibid., A 841, B 869, Ak. III, p. 543–544.
35 Ibid., p. 544.
36 Là-dessus, Kant n'est pas trés explicite. Il nous informe qu'il mettra de côte l'analyse complète des divisions que rencontrerait une éventuelle métaphysique des mœurs, parce que cela ne se rapporte pas «actuellement à notre but» (Critique de la raisonpure, A 842, B 870, Ak. III, p. 544). Quel peut être ce but? Nous savons que la tăche de l'«Architectonique» consiste dans un premier temps à dresser le plan d'un futur système de la science. Dans cette perspective, l'examen de la métaphysique de la nature doit nécessairement apparaître comme une tâche prioritaire, car à elle seule la philosophie théorique constitue réellement une science aux yeux de Kant.
37 Kant, Critique de la raison pure, A 845, B 873, Ak III, p. 546.
38 C'est du moins le terme qu'emploie Kant, qui tient sans doute à montrer que l'ontologie traditionnelle doit, pour se renouveler, prendre une tournure subjective, passant d'une théorie de l'être à celle du sujet connaissant (Critique de la raisonpure, A 845, B 873, Ak. III, p. 546). Puisqu'il fallait néanmoins que fut entreprise la critique de la raison pure spéculative avant que, sur de tels acquis, puisse s'établir à son tour une critique de la raison pratique (voir Alquié, La morale de Kant, p. 24), on peut raisonnablement soutenir que c'est sur la base de cette nouvelle ontologie qui a pour nom «philosophie transcendantale », que peut désormais s'édifier un système de toutes nos connaissances scientifiques et morales qui soit légitimement fondé.
39 Kant, Critique de la faculté de juger, Ak. V, p. 181.
40 Ibid.
41 Ibid., p. 182.
42 C'est en effet à ce genre de distinction que nous convie la réflexion de Kant dans l'introduction lorsque après avoir sèpare l 'a priori de l'a posteriori ou de l'empirique, il établit au sein même des connaissances a priori une différence entre celles qui sont absolument indépendantes de toute forme d'expérience et celles auquelles quelque chose d'empirique se trouve mêle. «Nous entendons done en ce qui suit par connaissances a priori, non celles qui ont lieu indépendamment de telle ou telle expérience, mais celles qui sont absolument indépendants de toute expérience. Leur sont opposées les connaissances empiriques, ou celles qui ne sont possibles qu'a posteriori, c'est-à-dire par expérience. Mais parmi les connaissances a priori, on appelle pures celles auxquelles rien d'empirique n'est mélangé» (Critique de la raison pure, B 2–3, Ak. III, p. 28).
43 Kant nous dit en effet que le «lecteur de la Critique de la raison pure spéculative verra de façon parfaitement convaincante combien nécessaire, combien utile pour la théologie et la morale, était la pénible déduction des catégories» (Critique de la raison pratique, Ak. V, p. 141). La limitation de la connaissance théorique à ce qui peut faire l'objet d'une expérience interdit du même coup les dérives dans lesquelles tombent la théologie et la morale lorsqu'elles tentent d'obtenir une connaissance déterminée du suprasensible ou lorsqu'elles rapportent tous les principes moraux à des principes empiriques.