Published online by Cambridge University Press: 13 April 2010
L'objet principal de l'ouvrage d'Aristote intitulé Réfutations sophistiques est la théorie de la réfutation apparente, c'est-à-dire de l'argumentation qui, se développant dans le cadre d'un échange dialectique, masque quelque erreur. Aristote propose une taxinomie des réfutations apparentes d'après laquelle elles se rangent en deux groupes: celles qui relèvent du langage et celles qui n'en relèvent pas. Dans le premier groupe tombent six types de réfutation, l'homonymie, l'amphibolie, la liaison, la séparation, la forme de l'expression et l'accent; dans le deuxième l'accident, la conséquence, l'ignorance de la réfutation, la fausse cause, l'interrogation multiple, la pétition de principe et la confusion de l'absolu et du relatif. Il s'agit de la fameuse table des treize paralogismes ou fallaciœ que la tradition a consacrée. Dans le cadre de ces treize types de sophisme le texte d'Aristote nous offre la discussion de maints exemples parmi lesquels certains étonnent pour leur difficulté, d'autres pour leur trivialité.
1 On pense au travaux de Rijk, L. M. De, Logica Modemorum: A Contribution to the History of Early Terminist Logic, 3 vol., Assen, Van Gorcum, 1962–1967Google Scholar et surtout, S. Ebbesen, Commentators and Commentaries on Aristotle's «Sophistici Elenchi», 3 vol., Leyde, Brill, 1981Google Scholar. II ne faut pas oublier le livre historique et analytique à la fois de Hamblin, C. L., Fallacies, Londres, Methuen, 1970Google Scholar.
2 Parmi les prédécesseurs de Dorion le meilleur commentaire remonte à 1866: Poste, E., Aristotle on Fallacies or the Sophistici Elenchi, Londres, Macmillan (reimpr. Londres, Garland, 1987)Google Scholar. Un certain regain d'intérêt pour le RS est révélé par la récente traduction en italien, Aristotele, «Le Confutazioni Sofistiche», introd. trad, et comment, par M. Zanatta, Milan, Rizzoli, 1995; et par l'annonce d'une traduction en allemand par M. Erler.
3 Cf. RS, 1, 165a21-23; 11, 171b22-34. Cette distinction entre éristique et sophistique ressemble de près à la cinquième division du Sophiste de Platon, cf. notamment 225b-226a. Même la démonstration de la possibilité de l'apparence en général que Ton trouve au tout début des RS est évidemment une reprise de la problématique du Sophiste.
4 Ainsi Dorion (p. 38 sqq.) propose une interprétation «rhétorique» de la thèse du sophiste d'Abdère selon laquelle il y aurait sur chaque sujet deux discours opposés (Diogène Laérce, IX, 51 = 80 A 1 DK [Diels, H., Kranz, W., Die Fragmente der Vorsokratiker, 3 vol., Dublin-Zurich, Weidmann, 1952]Google Scholar), mais immédiatement après il avoue que «la deuxième partie de la phrase» renvoie plutôt au contexte de l'interrogation dialectique. Avant de citer le passage oū l'on présente Protagoras ni plus ni moins que comme le père de l'éristique (Diogène Laërce, IX, 52), Dorion affirme: «Les autres témoignages peuvent plus difficilement être interprétés dans le sens d'une pratique de la dialectique par Protagoras» (p. 40), et tout en reconnaissant que les termes employés par Diogene (IX, 52) pour caractériser l'éristique de Protagoras correspondent à ceux que critique Aristote en RS, 10 (arguments contre le mot / arguments contre la pensée), il persiste dans son scepticisme injustifié.
5 Diogène Laërce, IX, 52 = fr. 47 Diels (Diels, H., Poetarum Philosophorum Fragmenta, Berlin, Weidmann, 1901)Google Scholar. Voir l'édition récente par M. Di Marco: Timone di Fliunte. Silli, Rome, Edizioni dell'Ateneo, 1989. Ce fragment est étudié à la page 219, voir aussi page 36. Toujours à Protagoras est consacré le fr. 5 Diels, aux Mégariques (avec les autres socratiques) le fr. 28 (= Diogène Laërce, II, 107). Pour une mise au point sur le rôle de Protagoras relativement à l'éristique cf. H. Keulen, Untersuchungen zu Platons «Euthydem», Wiesbaden, Harassowitz, 1971, p. 84 sqq.
6 Marco, Cf. Di, Timone di Fliunte. Silli, p. 29–32Google Scholar.
7 § ce sujet cf. Di Marco, ibid., p. 2, n. 4.
8 Toujours d'apres Diogène (IX, 53), le dialecticien Artémidore (auteur dont seul ce fragment nous est connu, mais cf. D. Sedley, «Diodorus Cronus and Hellenistic Philosophy)), Proceedings of the Cambridge Philological Society, n° 203 [1977], p. 74-120, notamment p. 107, n. 23), dans son ouvrage Contre Chrysippe, attribue à Protagoras la découverte «des argumentations des thèses» (). Dorion laisse ce témoignage sans commentaire. On peut conjecturer que la méthode des Antilogies de Protagoras est ici traduite dans le jargon de la dialectique postérieure. Peut-être peut-on éclaircir le contexte de cet ouvrage inconnu à l'aide de Plutarque, De stoicorum repugnantiis, VIII, 1034E-F et X, 1035F-1037C, oū iū est question du refus de Zénon et de l'ambivalence de Chrysippe au sujet de l'argumentation in utramque partem. § propos du titre , rapporté par Diogène (IX, 55), Dorion doute qu'il soit authentique. Cela est fort probable, mais pourquoi ne dévrait-il pas decrire fidèlement le contenu de l'ouvrage?
9 On trouvera une évaluation positive de la réponse de Protagoras dans Keulen, Untersuchungen zu Platons «Euthydem» (p. 89, n. 136), et un examen plus approfondi et moins favorable envers le sophiste dans O'Brien, M., «The Fallacy in “Protagoras” 349d-350c», Transactions of the American Philological Society, vol. 92 (1961), p. 408–417Google Scholar.
10 Platon, , Théététe 166a6–b1Google Scholar.
11 Encore, comment faut-il évaluer l'eloge de la méthode par questions et réponses que Socrate lui fait prononcer dans Théétète 167d5?
12 Sur la présence de Gorgias dans les RS, mise à part la citation explicite (34, 183b37), il est peut-être opportun de signaler que les argumentations relatives au non-étre que l'on trouve dans RS, 5, 167al-2 et 25, 180a32; 37 (dans le cadre de l'analyse des paralogismes secundum quid et simpliciter), citées aussi dans la Rhétorique (II, 24, 1402a3 sqq.) et dans la Métaphysique (VII, 4, 1030a24-27), ont été rapprochées du traité de Gorgias Sur le non-être, et en particulier de la «démonstration» qui, d'apres l'auteur anonyme du De Melisso Xenophane et Gorgia, lui était «propre» (cf. MXG 979a24). Voir M. Wesoly, «L”“argomento proprio” di Gorgia», Annali dell'Istituto Italiano per gli Studi Storici, vol. 8 (1983–1984), p. 15–45Google Scholar, et E. Berti, «Gorgia e la dialettica antica», dans Natali, C., dir., Sei lezioni sulla sofistica, Rome, Jouvence, 1992, p. 11–26Google Scholar.
13 Cambiano, D'après G., «Il problema dell'esistenza di una scuola megarica». dans G. Giannantoni, dir., Scuole socratiche minori e filosofia ellenistica, Bologne, il Mulino, 1977, p. 25–53Google Scholar, le titre de «Mégarique» était une abstraction doxographique visant à lier entre eux des philosophes qui n'avaient aucune doctrine en commun sauf la pratique de la dialectique ou de l'eristique. Avec l'appui de certains témoignages, D. Sedley («Diodorus Cronus and Hellenistic Philosophy») a proposé de distinguer entre l'école mégarique et une ecole dialectique dont le membre le plus éminent était Diodore Cronos. Loin de s'identifier, les deux écoles distinguées étaient en compétition entre elles. En outre Sedley a révisé les opinions courantes sur la vie de Diodore, en doutant. pour des raisons chronologiques, des prétendues polémiques entre lui et Aristote. Enfin, G. Giannantoni dans son recueil Socraticorum reliquiœ (Naples, Bibliopolis, 1980, vol. 3, notes 5 et 6)Google Scholar a douté du caractère éristique de la méthode d'Euclide, laissant Eubulide comme seule cible possible de la polémique antimégarique d'Aristote. Seul Sedley est cité, en passant, par Dorion (p. 52, n. 2). Ayant achevé sa recherche en 1990, Dorion n'a pu tenir compte des travaux postérieurs à cette date qui ont dévéloppé la thèse de Sedley, à savoir Th. Ebert (Dialektiker und fröhe Stoiker bei Sextus Empiricus. Untersuchungen zur Entstehung der Aussagenlogik, Göttingen, Vandenhoek & Ruprecht, 1991) et Atherton, C. (The Stoics on Ambiguity, Cambridge, Cambridge University Press, 1993)Google Scholar. Tout en étant moins intéressé à distinguer les dialecticiens des Mégariques que des stoiciens (Ebert, , Dialektiker, p. 24, n. 38)Google Scholar, Ebert esquisse une comparaison entre la classification des sophismes propre à l'école dialectique (dont témoignerait Sextus Empiricus, Pyrr. Hyp. II 229-259) et la classification des paralogismes des RS; voir notamment ibid., p. 183 sqq.;p. 205.
14 Bien au contraire, Aristote montre son admiration pour les arguments «aigus» qui bouleversent nos croyances les plus enracinées; cf. RS, 33,182b32-183a13. Ce passage, incidemment, est très bien traduit et éclairé par Dorion, hormis un détail: «[…] à partir des prémisses admises on détruira toujours une conclusion admise au même degré» (183al-2); l'insertion du mot «conclusion» est ici fautive.
15 Voir notamment RS, 10, 170b12; 17, 175b18; 20, 177b9; 24, 179b7-180a22.
16 Le passage le plus explicite est Rhétorique, I 11, 1371al-5; cf. aussi Topiques, VIII,S, 159a30sq.; 11, 161a38 sq. RS, 16, 175a2 et P. Moraux, «La joute dialectique sans le VIIelivre des “Topiques”», dans G. E. L. Owen, dir., Aristotle on Dialectic: The «Topics» (Proceedings of the Third Symposium Aristotelicum), Oxford, Clarendon Press, 1968, p. 277–311, voir notamment p. 292, n. 1Google Scholar.
17 La différence entre les Mégariques et les autres adeptes de l'éristique, c'est peut-être que les premiers en faisaient une activité philosophique sérieuse, tan dis que pour les autres c'était un pur divertissement; intéressant à ce sujet, bien qu'ambigu, le passage de Diogène Laërce (II, 134-135 = III F 18 Giannantoni [Socraticorum Reliquice]) sur Ménédème d'Érétrie: d'après Anthistène de Rhodes il était , tandis que d'aprés Héraclide Lembos «il était platonicien quant à la doctrine, mais il se gaussait () des discussions procédant par questions et réponses» (trad. Muller); «he made sport of dialectic» (trad. Hicks); «[…] con la dialettica scherzava soltanto» (trad. Gigante); peut-être au contraire: «il était bien exercé…». On ne peut pas, done, établir si Ménédéme était seulement un éristique sportif. Par ailleurs il est difficile d'établir exactement le degré d'affinité entre les Mégariques et les Érétriens (cf. aussi le fr. 186 Döring [K. Döring. Die Megariker, Kommentierte Sammlung der Testimonien, Amsterdam, Grüner, 1972] = II O 28 Giannantoni; 40 Döring = II A 27 Giannantoni). Incidemment, Dorion mentionne cette figure à la page 243, note 80: «L'interlocuteur d'Alexinos, un certain Ménédème, connu pour ses railleries à l'endroit des discussions procédant par questions et réponses […]». Pourquoi «un certain Ménèdemé»? Y a-t-il quelque raison de douter qu'il s'agissé de Menedeme d'Eretrie. Cela serait étonnant, puisque le passage envisagé par Dorion est justement tiré de la vie de Ménédème d'Érétrie par Diogène Laerce.
18 Une allusion explicite de ce passage au Sorite a été vue par J. Moline, «Aristotle, Eubulides and the Sorites», Mind, vol. 78 (1969), p. 393-407, notamment p. 399, suivi par G. Sillitti, «Alcune considerazioni sull'aporia del Sorite», dans G. Giannantoni, dir., Scuole socratiche minori e filosofia ellenistica, p. 84 sq. ils ont ete critiques par J. Barnes, «Medicine, Experience and Logic», dans J. Barnes, J. Brunschwig, M. Burnyeat et M. Schofield, dir., Science and Speculation: Studies in Hellenistic Speculation and Practice, Cambridge, Cambridge University PressGoogle Scholar; Paris, Éditions de la Maison des sciences de l'homme, 1982, p. 24-68, notamment p. 40-41.
19 Waitz, Th., Aristotelis Organon grœce, 2 vol., Leipzig, Teubner, 1844–1846, ad locGoogle Scholar.
20 dans RS, 15, 174b3 on trouve le contraire: «Faut-il accorder que plusieurs fois plusieurs choses [] donne beaucoup ou bien peu de choses?» (trad. Dorion, p. 159). Avec cette expression on formule peut-être la question ad abundantiam; de cette faÇon on pousse l'interlocuteur à donner son assentiment.
21 La traduction exacte de Dorion, «Ceux qui apportent une solution à l'argument que chaque nombre est petit» 179b34-35, corrige celle erronée de Barnes («Medicine, Experience and Logic», p. 40): «Those who solve it by saying that every number is few make a similar mistake». L'auteur anglais croit que la solution de l'argument est «every number is few», tandis que la conclusion de l'argument serait par contre «every number is both many and few». Que cela soit une erreur G. Sillitti l'avait déjà vu dans sa réplique aux critiques de Barnes, , «Aristotele e l'aporia del sorite. A proposito di due studi recenti», Elenchos, vol. 5 (1984), p. 211–220, notamment p. 217-218Google Scholar.
22 Joseph, H. W. B., An Introduction to Logic, Oxford, Clarendon Press, 1916, p. 587Google Scholar. Barnes, «Medicine, Experience and Logic», p. 40, n. 46, semble proposer une solution analogue.
23 L'emploi de «…en tant que --» à propos de l'accident est, par ailleurs, suggéré par Aristote lui-même, cf. RS, 6, 168b2, mais mon emploi de cet «opérateur de sélection», je tiens à le souligner, est seulement une façon de parler. Un emploi rigoureux souleverait plus de difficultés qu'il ne permettrait d'en résoudre. Par exemple, une interprétation «transparente» du terme qui se trouve à la gauche de l'opérateur «… en tant que --» se heurterait à ce qu'Aristote affirme à 179b7-33 (notamment aux lignes 26-33). Ce dernier passage est par ailleurs la clef de voute de l'nterpretation de M. Mignucci, «Puzzles About Identity: Aristotle and His Greek Commentators», dans Wiesner, J., dir., Aristoteles Werk und Wirkung, Berlin-New York, De Gruyter, 1985, vol. 1, p. 57–97Google Scholar, voir notamment p. 83. Voir aussi les notes de Dorion (p. 371, n. 355), même si je doute que son interprétation s'accorde avec celle de Mignucci, cité avec approbation, puisque la fausse identité entre Coriscus et celui qui s'avance, source véritable du paralogisme chez Mignucci, est, d'après Dorion, une pseudo-identité de contenus conceptuels, à savoir de sens ou, en adoptant l'allemand de Gottlob Frege, de Sinne, tandis que, d'après Mignucci, la prètendue identité regarde d'un côté le Sinn de «Coriscus», mais, de l'autre, la référence ou Bedeutung de «celui qui s'avance». La raison en est que, en connaissant Coriscus, je connais peut-être un Sinn («Coriscus-qua-conceived»), mais si j'ignore celui qui s'avance, j'ignore la personne, à savoir la Bedeutung, non pas le Sinn.
24 Je réserve la forme interrogative seulement aux prémisses nécessaires. On ne peut pas établir si la sérialité de l'argument correspond à une série de questions ou bien si, après avoir obtenu les prémisses nécessaires, le questionneur peut tirer lui-même un nombre de conclusions suffisant à faire comprendre que l'on pourrait continuer jusqu'à l'infini. II serait intéressant de savoir si la prémisse que j'ai appelée (P2) est obtenue une seule fois pour toutes ou si elle doit être répétée à chaque passage.
25 II importe peu, dans ce cas, d'établir si «nombre» doit être compris au sens abstrait ou concret.
26 Cette reconstruction reprend celle proposée par G. Sillitti, «Aristotele e l'aporia del sorite», p. 219. Je prefère définir an+1 = (an)2, tandis que Sillitti songe à une progression géométrique où an+1 = 2an. Il s'agit de deux manières légitimes d'interpréter . Sillitti observe correctement aussi que, pour démontrer que tout nombre est petit, il faut ajouter une prémisse ultérieure: chaque nombre plus petit qu'un nombre petit est lui aussi petit.
27 Ou, si l'on s'en tient à une autre interprétation du paralogisme de l'accident, on applique la loi de Leibniz indûment (voir les notes citées de Dorion, qui donne l'état de la question). Tout en analysant l'argument d'Aristote de manière correcte, Sillitti («Aristotele e l'aporia del sorite », p. 219) ne me semble pas expliquer de manière convaincante son classement parmi les paralogismes de l'accident.
28 Barnes, Cf., «Medicine, Experience and Logic», p. 30–31Google Scholar. Pour les textes antiques, voir la liste dressée par Barnes, ibid., p. 65-67.
29 Cf. encore Barnes, ibid., p. 31, n. 14.
30 L'interprétation de l'énoncé conditionnel constitue le point le plus controversé de la question. Ici je peux seulement indiquer la littérature: cf. Sedley, «Diodorus Cronus and Hellenistic Philosophy», p. 91 et «The Negated Conjunction in Stoicism», Elenchos, vol. 5 (1984), p. 311–316;Google Scholarcontra, Barnes, J., «», Elenchos, vol. 6 (1985), p. 453–467;Google Scholar voir aussi Burnyeat, M. F., «Gods and Heaps», dans Schofield, M. et Nussbaum, M. C., dir., Language and Logos: Studies in Ancient Greek Philosophy Presented to G. E. L. Owen, Cambridge, Cambridge University Press, 1982, p. 315–338;CrossRefGoogle ScholarMignucci, M., «The Stoic Analysis of the Sorites», Proceedings of the Aristotelian Society, vol. 93 (1993), p. 231–245CrossRefGoogle Scholar.
31 Barnes, Cf., «Medicine, Experience and Logic», p. 40, n. 46Google Scholar.
32 Il y a un autre passage intéressant, signalé par Dorion (p. 51) comme «une version du Sorite»: Politique, V, 8, 1307b34–39Google Scholar. La dissipation d'une fortune peu à peu, dont on parle dans ce texte, pourrait être aisément traduite en un procès soritique, mais, si l'on s'en tient à l'explication envisagée par Aristote, le paralogisme semble résider dans l'ambigu'ité du termem , qui peut avoir un sens tant distributif que collectif; cf. Politique, II, 3, 1261b20-30; 5, 1264b20sq. Cf. aussi RS, 30, notamment 181b20, avec l'excellent commentaire de Dorion.
33 Cf. Diogène Laerce, II, 108, sur Eubulide; le seul passage qui lie le Sorite à Diodore est Fronton, Epist. ad. imp. M. Antonin. de eloq., 2,16 (fr. 77 Döring = II C 9 Giannantoni), mais cf. Sedley, «Diodorus Cronus and Hellenistic Philosophy», p. 89-94 et Barnes, «Medicine, Experience and Logic», p. 42.
34 Cf. par exemple Poste, Aristotle on Fallacies, ad loc. Voir aussi l'apparat critique de l'édition de Ross (Aristotelis Topica et Sophistici Elenchi, Oxford, Clarendon Press [Scriptorum Classicorum Bibliotheca Oxoniensis], 1958) ad locGoogle Scholar.
35 Situation analogue, mais erreur contraire, dans Théétète 191b. Le pourrait, de toute faÇon, avoir une origine «littéraire», cf. Homère, Odyssée, XVI, 5.
36 Cf. RS, 4, 166a3 oū l'on trouve un cas presque pareil.
37 Sur le Voilé, cf. Diogène Laërce, II, 108 (= fr. 64 Döring = II B 13 Giannantoni) en relation à Eubulide; Diogène, II, 111 (= fr. 109 Döring = II 111 Giannantoni) en relation à Diodore Cronos; le Voilé est cité aussi par Épicure, Sur la Nature, XXVIII (éd. par Sedley, D., Cronache Ercolanesi, vol. 3 [1973], p. 5–83Google Scholar, fr. 13, col. IX sup. = II B 18, 84-85 Giannantoni); Empiricus, Sextus, Adversus Mathematicos, VII, 408–410;Google ScholarLucien, , Vitarum auctio, 22;Google Scholar Chrysippe a consacré un livre au Voilé, cf. Diogène Laërce, VII, 198.
38 Je développe ici des observations inspirées à P. V. Spade par quelques interprétations médiévales de ce texte. Voir Spade, P. V., «The Origins of Mediaeval Insolubilia Literature», Franciscan Studies, vol. 33 (1973), p. 300–306Google Scholar et «Five Early Theories in the Mediaeval Insolubilia-Literature», Vivarium, vol. 25 (1987), p. 28, n. 20Google Scholar.
39 II m'est impossible de démontrer ici comment l'athéthèse de proposée par quelques éditeurs, serait fatale pour le sens de ce passage remarquable.
40 Le témoignage d'Eudème est malheureusement corrompu, il est cité à la page 98, 1-3, du commentaire de Simplicius sur la Physique (édition Diels: Commentaria in Aristotelem Grœca, IX et X, Berolini, Reimer, 1882 et 1895);Google Scholar cf. aussi fr. 37a Wehrli (Wehrli, F., Die Schule des Aristoteles. Texte und Kommentar, I-X, Bâle-Stuttgart, Schwabe, 1944–1959)Google Scholar. Ce que l'on comprend clairement est que Platon a été le premier à introduire le , identifié avec le . Une meilleure leÇon est dans une partie de la citation répétée à la page 243, 1-3 (fr. 37b Wehrli); elle permet de restaurer l'expression fréquente aussi dans les RS en contraposition à ce qui arrive ou (1, 165a8; 8, 170a5-6; 16, 175a7- 9; voir aussi Aristote, De generatione et corruptione, I, 8, 325a17-23). Un plus long passage de la Physique d'Eudème, oū la paternité platonicienne de la notion du (ou ) est à nouveau affirmée, se trouve, toujours chez Simplicius, à la page 115, 16-116,4 Diels (répété à la p. 120, 6 sq.) = fr. 43 Wehrli. Pour ce qui concerne le fragment 37a Wehrli d'Eudème, dont je ne peux pas ici aborder une analyse, le renvoi est à I'nterprétation de Poste, E. (Aristotle on Fallacies, p. 123)Google Scholar, la seule que je connaisse, sans toutefois oublier que cette tentative de traduction (qui a provoqué un tas de conjectures dont Dorion [p. 261 sq.] a fait une critique très bien argumentèe) est, de l'aveu même de son auteur plutot hardie. Voir aussi la note de Shorey, P., «Plato Sophist 255c and », Classical Philology, vol. 25 (1930), p. 80CrossRefGoogle Scholar, oū l'on propose un rapprochement entre Euthydème 277e: , et les mots dont Simplicius se sert pour introduire la citation d'Eudeme (commentaire sur la Physique, p. 97Google Scholar, 30 Diels): «la première chose en relation à la vérité ()» est de distinguer sur chaque sujet le . Le rapprochement est seduisant, mais se fonde sur la leÇon partiellement conjecturale; cf. les apparats de Diels et de Wehrli ad loc; cf. aussi RS, 7, 169a32.
41 Le passage (mais cf. aussi Euthydème 295dl-2) est significativement présent à Simplicius dans son commentaire aux Catégories: «[…] d'un autre point de vue aussi, contre les arguties des sophistes il n'y a rien de tel que de distinguer les differents sens des mots. Cela, Platon lui-même le dit dans l'Euthydème, et tous les autres philosophes s'accordent avec lui pour dire que l'ambiguité des mots a donné une grande impulsion a la dialectique» (22, 9-14 Kalbfieisch, trad. Hoffmann).
42 Cf. fr. 43 Wehrli: pour justifier le sérieux de la confiance de Parménide en des argumentations captieuses, Eudème affirme qu'à ce moment «personne n'avait distingué le — mais Platon fut le premier à introduire le —, ni le “pour soi” () et l’ “accident” () […] ces notions ainsi que la théorie du syllogisme ont été découvertes à partir des raisonnements et des antilogies ()) (Simplicius, , In Phys., p. 115, 26-116Google Scholar, 2 Diels, répété à la page 120, 8-11 Diels). Voir aussi, après la citation, la référence de Simplicius aux Mégariques qui ignoraient ces distinctions (= 120,13 sq. Diels = II O 30 Giannantoni = fr. 198 Döring). Simplicius attribue des arguments analogues à l'école d'Érétrie: cf. III F 19, 20 Giannantoni. En effet tout fait penser que Ménédème et Stilpon partageaient, entre autres choses, la théorie de la prédication identique.
43 Dorion, Voir, p. 79–80Google Scholar.
44 Je fais allusion à RS 1, 165a6-17; je ne reviens pas ici sur l'interprétation de Dorion de ce passage, car je l'ai déjà commentée dans mon «Il linguaggio e l'abaco (Arist. Soph. El. 1, 165a6-17)», dans Funghi, Serena, dir, / Le vie della ricerca. Studi in onore di Francesco Adorno, Florence, Olschki, 1998, p. 181–190Google Scholar.
45 Pour ces raisons, les conclusions auxquelles aboutit la comparaison de Dorion me semblent plutôt simplistes lorsqu'on lit, par exemple (p. 103): «Si ces commentateurs [c.-à-d. ceux qui analysent l'Euthydème avec les catégories de classification des RS] ne s'en étaient remis qu'aux indications fournies par Platon, ils n'auraient pu, à la rigueur, identifier qu'un seul type, soit l'homonymie, encore que le terme technique d' n'apparaisse pas, Platon se contentant de souligner, à propos du verbe , qu'il faut apprendre le juste emploi des mots (277e)”». Le fait que Platon n'emploie pas le terme en cette circonstance prouve très peu, puisque nous savons que la forme adjectivale de ce mot avait pour lui un sens presque opposé à celui établi par Aristote: cf. J. Anton, «The Aristotelian Doctrine of Homonyma in the Categories and Its Platonic Antecedents», Journal of the History of Philosophy, vol. 6 (1968), p. 315–326Google Scholar, notammentp. 318. Parmi les passages de Platon d'oū l'on peut dégager une conscience du role de l'ambiguite, voir Cratyle 437a2 (ou l'on trouve le mot); Thééthète 164c6-d2; 165a6; Sophiste 218c 1-7. Pour une analyse plus pessimiste, d'après laquelle Platon n'arrive pas à éclairer complètement la notion d'ambiguité, voir Robinson, R., «Plato's Consciousness of Fallacy», Mind, vol. 51 (1942), p. 97–114CrossRefGoogle Scholar.
46 Considérons l'exemple suivant: «Une seule chose pouvant porter plusieurs choses il peut porter ( )» (166a31-32) à savoir: «une seule chose pouvant porter / plusieurs choses il peut porter» ou bien: «une seule chose / pouvant porter plusieurs choses / il peut porter». Ici la liaison syntaxique est indiscutable et pourtant il y a peut-être une allusion aux sophismes de Euthydème 299 sq., visés aussi dans la Rhétorique (II, 24, 1401a30-34) parmi les cas de composition «ontologique» après l'exemple des mots et des lettres, par exemple si le double est nuisible la moitié ne peut être salubre, etc. Praechter, Voir K., «Platon und Euthydemus», Philologus, vol. 87 (1932), p. 121–135, notamment p. 126CrossRefGoogle Scholar.
47 Dorion (p. 407, n. 461) insiste sur la nécessité de traduire par «voisinage » et non pas par «parenté» ou «affinité». Comme on verra, je crois qu'il ne faut pas le suivre.
48 Ce n'est pas par hasard que la description de l'utilite de la tractation pour la «philosophie» est située au tout début de la partie des RS consacrée à la réponse: cf. 16, 175a5 sq. Voir aussi RS, 17, 175a31-35: même si l'on connait la vérité, il faut s'adapter aux règies du jeu qui imposent de ne pas paraitre réfuté. D'après Dorion (p. 410, n. 463), c'est à ce passage qu'Aristote se réfère à la ligne RS, 34, 183b7. Cela me semble douteux.
49 Voir notamment RS, 8, 169b24, oū seulement une péripétie grammaticale permet à Dorion, et aux autres traducteurs, de distinguer la peirastique de la sophistique (cf. Dorion, p. 254, n. 114 contre la révision par J. Barnes de la traduction Oxford; ce dernier est à mon gré le seul à lire le texte sans préjugés); dans les lignes suivantes du chapitre (169b28-30) on dénonce le fait que certains arguments sophistiques embrouillent même celui qui sait. Si ces arguments relèvent de la peirastique, c'est une question controversée.
50 Cf. par exemple Charmide 171a; Sophiste 233a.
51 Poste, E., Aristotle on Fallacies, cf. l'appendice E intitulé «Limits of Competence of Pirastic», p. 239 sqGoogle Scholar.
52 «Forte macer, pallens, incompto crine magister / exierat thalamis, ubi nuper corpore toto / perfecto logices pugiles armarat elenchos», éd. Ebbesen, S., Cahiers de I'lnstitut du Moyen §ge grec et latin, n° 10 (1973), p. 28Google Scholar.