Published online by Cambridge University Press: 05 May 2010
Cette rupture est nécessaire si l'on veut que la sémiologie, ou étude des «signes» (au sens inclusif), dépasse le stade préparatoire où elle se cantonne jusqu'aujourd'hui. La sémiologie (la sémiotique) doit entrer dans ce qu'on pourrait appeler son troisième âge; après avoir été constituée d'abord par des réflexions isolées et sporadiques sur la nature des signes ; après avoir été, ensuite, ramenée à la linguistique, partie dévorante qui occulte de tout, – elle doit s'émanciper en une discipline autonome, fondée sur la distinction entre signes etsymboles.
1 Todorov, T.Théories du symbole, Paris, Seuil, 1977, P. 9Google Scholar. Dans un ouvrage subséquent et á propos d'un probléme formellement analogue, Todorov adopte la tactique inverse:
Peut-on dire, alors, que la stratégie philologique se soit constituée seulement a la période examinée ici, entre Spinoza et Wolf, en gros entre la fin du XVIIe siécle et le debut du XIXe? On sait que les témoignages sont nombreux qui prouvent l'existence detechniques philologiques depuis la Haute Antiquité, et plus particulierément depuis l'école d'Alexandrie. Mais, en histoire des idées, on est obligé de distinguer entre la premiére formulation d'une thése et son avénement au sens proprément historique. Un long chemin sépare I'énonciation marginale d'une idée et la mise en place d'une doctrine oú, si Ton préfere, le jour oú une idée est proférée et celui oil elle est entendue; or, l'histoire des idees coïncide avec celle de la réception des idées, non avec celle de leur production. (Symbolisme et interprétation, Paris, Seuil, 1978, p. 157Google Scholar.) Aussi nous intéresserons-nous ála sémiologie en tant que discipline contemporainement en voie de constitution plutôt qu'a la dispersion des propos anterieurs sur le signe.
2 Saussure, F. De, Cours de Linguistique générate, Paris, Payot, 1967, p. 32–35.Google Scholar
3 Morris, C., Signification and Significance, Cambridge, The M.I.T. Press, 1964, p. 1Google Scholar; Peirce, C.S., Collected Papers, Cambridge, The Belknap Press of Harvard University, v. I, 1965, n. 191 et n. 444; v. II, 1965, n. 227Google Scholar.
4 Lekomtsev, Y.K., «Quelques fondements de la sémiotique générate», in Travauxsur les systémes de signes (Ecole de Tartu, textes choisis et présentés par Lotman, Y.M., et Ouspenski, B.A.), Bruxelles, Editions Complexe, 1976, p. 236–242.Google Scholar
5 Eco, U., La structure absente, Introduction á la recherche sémiotique, Paris, Mercure de France, 1972, p. 17 et 171.Google Scholar
6 Ducrot, O., Todorov, T., Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris, Seuil, 1972, p. 121, 122.Google Scholar
7 Guiraud, P., La sémiologie, Paris, P.U.F., Coll. Que sais-je ?, n. 1421, 1971, p. 5–7Google Scholar; Mounin, G., Introduction á la sémiologie, Paris, Ed. de Minuit, 1970, p. 11–15 et 226.Google Scholar
8 Todorov, T., «Synecdoques» in Communications n. 16, 1970, p. 26–35Google Scholar. De ce texte nous négligeons la partie (p.26–32) qui passe en revue diverses conceptions de la figure. La conception du signe et du symbole développée en cet article se retrouve dans Particle «Signe» du Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage (p. 131–138), et dans «Introduction ´ la Symbolique», in Poétique, 11 (1972), p. 273–286.
9 Dans le texte de Todorov, les mots entre guillemets jouent le role de signifiant, et les mots en italiques, celui de signifié. Or laformulation de l'auteur est ambiguë. Dans la proposition ««Flamme» ne signifie pas amour, au sens où «amour» signifie amour», – la contrepartie de«flamme» est un signifié. Mais dans «C'est ainsi que le mot «flamme» employé mataphoriquement évoque (mais ne signifie pas) le mot «amour’», – la contrepartie de «flamme» est devenue un signifiant.
10 Selon la convention implicite du texte, flamme aurait du cette fois étre en italiques; de méme, dans la suite de la phrase, la seconde occurrence du signifié flamme et celle du signifie amour.
11 Cours de linguistique générate, p. 100–102.
12 «Nature du signe linguistique», in Problémes de linguistique générate, Paris, Gallimard, 1968, p. 49–55.Google Scholar
13 Ibid., p. 51
14 «Caractéres genéraux du langage» in Le langage (sous la direction d'André Martinet), Paris, Gallimard, Enclyclopédie de la Pléiade, 1968, p. 20–25.Google Scholar
15 Comment, enparlantde l'arbitraire, Saussurea-t-ilpu vouloirdiré l'immotive, si «le sens est inséparable du mot (le signifie du signifiant), l'un n'existe pas sans l'autre, et un signifié ne se laisse pas nommer par deux signifiants»(Art. cite, p. 32)? Par ailleurs, si Saussure n'a pas confondu le lien entre signe et referent avec le lien entre signifiant et signifié, et si la ressemblance ne peut concenter que le premier de ces liens, pourquoi Saussure parle-t-il, dans le cas du symbole, d'un lien naturel entre signifiant et signifié? Ou bien Saussure confond les deux rapports, ou bien il admet que la signification, dans le cas des symboles, est motivee.
16 Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, p. 113–122.
17 «Cependant, bien que l'idée de Saussure aitfait beaucoup de progrés, la sémiologie se cherche lentement. La raison en est peut-être simple. Saussure, repris par les principaux sémiologues, pensait que la linguistique n'était qu'une partie de la science générale des signes. Or il n'est pas du tout sûr qu'il existe dans la vie sociale de notre temps des systèmes de signes d'une certaine ampleur autres que le langage humain. La sémiologie n'a eu jusqu'ici à traiter que de codes d'intérêt dérisoire, tels le code routier; dès que l'on passe à des ensembles doués d'une véritable profondeur sociologique, on rencontre de nouveau le langage ». (Barthes, R., Eléments de sémiologie, précédé de Le degré zéro de l'écriture, Paris, Gonthier, Bibl. Médiations, 1965, p. 79–80Google Scholar).
18 Théories du symbole (Opus cit.) forme, avec Symbolisme et interprétation (Opus, cit.) et Les genres du discours (Paris, Seuil, 1978Google Scholar) un tryptique consacré au phénomène symbolique. Mais les deux derniers ouvrages n'apportent aucune nouvelle justification à la thèse de Todorov, aussi ne nous y référons-nous que marginalement. Nous n'utiliserons pas non plus, pour la même raison, certains autres articles de Todorov, qui déclare d'ailleurs lui-même: On trouvera d'autres références ponctuelles dans deux études que j'ai publiées auparavant, et qu'on peut considérer comme des versions préliminaires (et done maintenant périmées) du présent exposé: «Introduction à la symbolique », Poétique II, 1972, p. 273–308, et « Le symbolisme linguistique », in Savoir, faire, espérer: les limites de la raison, Bruxelles, 1976, p. 593–622Google Scholar (Symbolisme et interpretation, p. 86).
19 Théories du symbole, p. 9
20 Ibid., p. 13
21 Ibid., p. 34–58
22 Théories du symbole, p. 56
23 Ibid., p. 57–58
24 Ce que Todorov reconnaît expressément: « Cette insistance sur la nature nécessairement conventionnelle du langage nous laisse deviner le peu d'espoir que met Augustin dans la motivation » (Théories du symbole, p. 47–48; je souligne).
25 Certains passages, plus loin, sont beaucoup plus explicites: « Je lui fais done savoir que l'ambiguïté de L'Écriture tient, soit aux termes prisau senspropre, soit aux termes pris au sens figuré, catégories verbales que j'ai examinées au second livre » (De la doctrine chrétienne III, p. 339); « Car partout où on dit une chose pour en faire entendre une autre, c'est une locution figurée bien que le nom de ce trope ne se trouve pas dans les traités de rhétorique » (Ibid., p. 423).
26 Théories du symbole, p. 53
27 Trad. Combès et Farges, in Oeuvres t. XI, Paris, Desclée de Brouwer, 1949. Pourquoi privilégier cet ouvrage ? Parce que Todorov lui-même nous y invite: « C'est surtout dans La Doctrine chrétienne qu'Augustin se consacre à classer les signes et done à nuancer la notion même de signe; les autres écrits permettent de préciser des points de detail. » (Théories du symbole, p. 43).
28 De la doctrine chretienne, II, p. 259.
29 Ibid., p. 299, 301–303. Voici parexemple le second de ces textes: «Il y a, par contre, des institutions humaines avantageuses et nécessaires:(…) les catégories innombrables de signes expressifs (innumerabilia genera significationum), sans lesquels la société humaine ne peut pas du tout, ou peu facilement être administrée (…). Il faut, par contre, s'approprier (les institutions) que les hommes ont établies entre eux, pour autant qu'elles ne sont ni superflues ni de luxe ; et avant toutes, les formes des lettres sans lesquelles il nous est impossible de lire, ainsi que, dans la mesure de nos besoins, les diverses langues dont j'ai parlé plus haut. A cette catégorie appartiennent aussi les signes sténographiques, qui valent désormais à ceux qui les ont appris, le titre de sténographes. »
30 L'argument habituel contre la categorie des signes conventionnels est qu'on ne voit pas comment le langage, par exemple, aurait pu être institué au moyen d'un quelconque contrat (cf. Markus, R.A., « St. Augustine on Signs », in Augustine (Markus, ed.), Garden City (N.Y.):Doubleday, Anchor Books, 1972, p. 78–79Google Scholar). Mais Augustin, en déclarant que le langage est institué, ne semble pas percevoirce problème. Ce qui se comprendrait mieux si l'on considérait la conventionnalité non comme une question d'origine mais comme un problème synchronique: sont conventionnels les signes qui ne sont pas naturels, le critère de la non-naturalité étant la non-universalité. La même remarque vaut pour la description des signes linguistiques que donne Aristote dans le De Interp.
31 Théories du symbole, p. 50.
32 In Communications n. 7, 1966, p. 139–145.
33 Ibid., p. 145.
34 « Synecdoques », p. 34.
35 Opus cit., p. 9–16.
36 Ibid., p. 11.
37 Ibid., p. 16.
38 Todorov ayant employé le mot « signification » en deux acceptions différentes, nous remplaçons la seconde acception par le synonyme qu'il en a propose: « signifiance ». La signification au sens générique (dans Théories du symbole, Todorov parlait de « deux modes de la désignation ») est mise entre crochets pour tenir compte de la réserve à l'égard de «l'entité préexistante ».
39 Greimas, par exemple, écrit: « Quel que soit le statut du signifiant, aucune classification de signifiés n'est possible à partirdes signifiants. La signification, par conséquent, est independante de la nature du signifiant grâce auquel elle se manifeste. Dire, par exemple (…), que la peinture comporte une signification picturale ou que la musique possède une signification musicale n'a pas de sens. La définition de la peinture ou de la musique est de l'ordre du signifiant et non du signifié. Les significations qui y sont éventuellement contenues sont simplement humaines ». (Sémantique structural, Paris, Larousse, 1966, p. 11Google Scholar).
40 Assez curieusement, Todorov affirme dans « Synecdoques », que la denotation motivée entre signifiant et référent ou représentation mentale « est un cas particulier de sy mbolisation». La structure des deux phenomenes est pourtant différente:
41 « La lecture comme construction », in Les genres du discours, p. 91
42 Symbolisme et interprétation, p. 21