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XLVII. Molière Et Le Monologue Tragique, D'aprèS Un Passage De L'étourdi

Published online by Cambridge University Press:  02 December 2020

Jacques Scherer*
Affiliation:
Swarthmore College

Extract

Dans la ière scène du iiiême acte de l'Etourdi, le rusé valet Mascarille se demande s'il doit continuer à intriguer pour son maître Lélie, qui, par ses “étourderies,” fait échouer à chaque fois ses ingénieuses combinaisons, et il prononce le monologue suivant:

Taisez-vous, ma bonté, cessez votre entretien,

Vous êtes une sotte, et je n'en ferai rien.

Oui, vous avez raison, mon courroux, je l'avoue;

Relier tant de fois ce qu'un brouillon denoue,

C'est trop de patience, et je dois en sortir,

Après de si beaux coups qu'il a su divertir.

Mais aussi, raisonnons un peu sans violence:

Si je suis maintenant ma juste impatience,

On dira que je cède à la difiiculté,

Que je me trouve è bout de ma subtilité;

Et que deviendra lors cette publique estime

Qui te vante partout pour un fourbe sublime,

Et que tu t'es acquise en tant d'occasions

A ne t'être jamais vu court d'inventions?

L'honneur, ô Mascarille, est une belle chose!

A tes nobles travaux ne fais aucune pause,

Et quoi qu'un maitre ait fait pour te faire enrager,

Acheve pour ta gloire, et non pour l'obliger.

Mais quoi! Que feras-tu, que de l'eau toute claire,

Traversé sans repos par ce démon contraire?

Tu vois qu'è chaque instant, il te fait déchanter,

Et que c'est battre l'eau de prétendre arreter

Ce torrent effréné, qui de tes artifices

Renverse en un moment les plus beaux édifices.

Eh bien! pour toute grâce, encore un coup du moins,

Au hasard du succès sacrifions des soins;

Et s'il poursuit encore è rompre notre chance,

J'y consens, ôtons-lui toute notre assistance.

Type
Research Article
Information
PMLA , Volume 54 , Issue 3 , September 1939 , pp. 768 - 774
Copyright
Copyright © Modern Language Association of America, 1939

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References

1 Michaut, La jeunesse de Molière, p. 234.

2 M. André Gide le reconnaît en termes excellents: “L'abstraction, la préciosité,la soufflure, l'anti-réalisme (pour ne point dire: le factice) ne sauraient être poussés plus loin. Et je ne connais pas de vers plus admirables. C'est le triomphe de l'art sur le naturel.” (Œuvres Complètes, xiii, 313).

3 Rodogune, acte ii, scène 1.

4 Acte iii, scène 3. On peut en rapprocher: “Mes yeux, que vois-je? où suis-je? êtes-vous des flatteurs?” (La Suite du Menteur, acte iii, scène 3).

5 Andromaque, acte i, scène 2.

6 Le Bourgeois Gentilhomme, acte ii, scène 4.

7 Acte ii, scène 1.

8 Le fait que ces vers étaient omis à la représentation, comme le signale l'édition de 1682, ferait pencher en faveur de cette hypothèse. Ils seraient un enjolivement ajouté après coup.

9 Fleurs du Mal, 54, L'Irréparable.

10 Ibid., 78, Spleen.

11 Ibid., Supplément, 7, Recueillement.

12 Ibid., 57.

13 Les Paradis Artificiels, ière partie, ch. 4.

14 Un mot de Scarron, qui avant Molière se moque de cette façon de parler, nous l'atteste. Dans Jodelet ou le Maître valet, Lucrèce déclame:

... Fais si bien, ma douleur,

Que l'on puisse trouver quelque excuse à mes fautes ...

Pleurez donc, ô mes yeux! soupirez, ma poitrine! ...

Et vous, mes faibles bras, embrassez ses genoux ...

Et Don Fernand lui répond:

Ce style est de roman, et je vous en révère.

(Acte ii, scène 7)