1. Introduction
La territorialisation de l'action publique permet aujourd'hui de réfléchir aux changements d'échelle politiques et à l'interdépendance entre le niveau de l’État et celui des pouvoirs locaux. Selon Faure et Négrier (Reference Faure and Négrier2007), on serait face à un troisième cycle de territorialisation qui concilierait, même si c'est de manière incertaine, l'horizontalité et la verticalité des modes d'analyse. Reste derrière une première période des années 1970 et 1980, qualifiée de dialectique verticale et d'une critique de la territorialisation, qui s'appuyait sur une littérature française cherchant à interroger une fausse idée de même origine et à caractère juridique, notamment sur la naturalité de la puissance publique de l’État. Ces enquêtes étaient à la recherche de points de tension ou d’équilibre entre le couple central/local. La deuxième période qualifiée d'horizontale, à partir des années 1990, cherchait à analyser « la territorialité des enjeux politiques et sociaux » (Faure et Négrier, Reference Faure and Négrier2007 : 9) en s'appuyant largement sur le cadre de la globalisation. Des notions telles que gouvernement urbain, relations public-privé ou subsidiarité émergent alors, en même temps que le croisement disciplinaire apporte des réflexions autour de concepts parfois plus présents dans la littérature scientifique espagnole et anglo-saxonne tels que l'européanisation, la décentralisation, la gouvernance, le partenariat ou la privatisation.
Buisson-Fenet (Reference Buisson-Fenet2007) s'intéresse à l'action publique éducative précisément, en soulignant le double mouvement qui altère le rôle de l’État-nation comme principal intervenant des politiques publiques : la territorialisation, en tant que forme de régionalisation, fait basculer les ordres politiques infra-nationaux (Faure et Négrier, Reference Faure and Négrier2007), d'une part, ainsi qu'elle multiplie les procédures de régulation et d’évaluation par l'intégration d'organisations et d'institutions supranationales – OCDE, Union européenne (UE) – d'autre part. Les deux manuels édités par Joseph Zajda (Reference Zajda2005, Reference Zajda2015) illustrent ces dynamiques tant dans l'UE que dans d'autres parties du monde à partir de nombreuses études de cas. Cet article analyse donc la territorialisation de l'action publique éducative nationale à partir des modèles de décentralisation dans deux pays de l'UE.
Nous entendons par décentralisation « le transfert de responsabilités, en matière de planification, management, financement et allocation des ressources, du gouvernement central vers des unités locales subnationales publiques ou privées, ces unités pouvant, soit être directement placées sous l'autorité du gouvernement, soit disposer d'une autonomie partielle ou totale » (Mons, Reference Mons2004 : 42). À l'instar des chercheurs sur l'action publique éducative (Mons, Reference Mons2004, Reference Mons2007; Zajda, Reference Zajda2006, Reference Zajda and Gamage2009), les travaux classiques de Rondinelli (Reference Rondinelli1981, Reference Rondinelli, Nellis and Shabbir Cheema1983) permettent d'identifier quatre types de décentralisation. Premièrement, la déconcentration se caractérise par un transfert de compétences vers les unités locales qui restent toujours sous l'autorité du gouvernement central (par exemple, les académies en France ou le markaz councils au Pakistan). Deuxièmement, la délégation concerne un transfert de responsabilités vers de unités subnationales différentes de celles qui représentent le ministère de l’éducation tout en gardant l'autorité centrale par un encadrement du pouvoir indirect (par exemple, les municipalités danoises). Quant à la dévolution, c'est un transfert de compétences, accordé souvent de manière pérenne, qui se produit vers des unités subnationales assez autonomes et indépendantes du ministère de l’éducation (par exemple, les « Communautés autonomes » en Espagne). Finalement, la privatisation suppose un certain désengagement de l’État car il transfert certaines de ses responsabilités à des organisations non marchandes (associatives) et/ou marchandes (entreprises) comme, par exemple, les crèches ou l’éducation non formelle au Sri Lanka (programmes de sport, de loisirs et de récréation). Selon Rondinelli (Reference Rondinelli, Nellis and Shabbir Cheema1983), les gouvernements peuvent utiliser les quatre modèles en même temps ou à différents moments. Pour sa part, Mons (Reference Mons2007) effectue une classification en fonction de la nature des acteurs dans le domaine de l’éducation : la décentralisation bénéficierait aux collectivités territoriales, la déconcentration à des administrations de l’État au niveau subnational et l'autonomie scolaire à des établissements scolaires.
Selon l'OCDE « l'octroi d'un plus grand pouvoir décisionnel aux établissements d'enseignement peut avoir un effet positif sur les résultats d'apprentissage lorsqu'il est utilisé à bon escient »,Footnote 1 ce qui expliquerait cette tendance décentralisatrice chez les pays membres de cette organisation. Parmi ceux-ci, nous avons fait le choix de comparer la France et l'Espagne à l'instar de travaux précédents ayant comparé l'action publique et les changements politico-administratifs au niveau de la décentralisation, de la territorialisation et de la régionalisation (Baena, Reference Baena1983; Daguzan, Reference Daguzan and Bidart1991; D'Arcy et Baena, Reference D'Arcy and Baena1986, Reference D'Arcy and Baena1991; Pasquier, Reference Pasquier, Fontaie and Hassenteufel2002a, Reference Pasquier2002b, Reference Pasquier2004). Jusqu'aux réformes de l'organisation territoriale en Espagne (1978–1982) et en France (1981–1986), les deux pays se caractérisaient par le centralisme implanté en France sous la Révolution et le Premier Empire, et en Espagne au début de l'État libéral en imitation de la France (D'Arcy et Baena, Reference D'Arcy and Baena1986, Reference D'Arcy and Baena1991). Sur ce modèle, l’État centralisé garde sous sa tutelle les collectivités locales que représentaient les communes (en France) et les municipios (en Espagne), puis, au-dessus de celles-ci, les départements (en France) et les provincias (en Espagne), et ce, grâce à une autorité étatique unique : le préfet en France et le gobernador civil en Espagne (niveau département/provincias) qui était le supérieur hiérarchique des maires (niveau communes/municipios). Les réformes évoquées dans les deux pays sont basées sur la décentralisation. En France, elles instaurent vers 1980 les régions qui seront reconnues comme de nouvelles collectivités territoriales par voie législative (et non par une réforme de la constitution) au moment de la majorité socialiste à l'Assemblée nationale (1981–1986). Ces régions sont administrées par un conseil élu au suffrage universel, disposent de leur propre organe exécutif et d'un président. Plus récemment, la loi NOTRe (2015) a réduit le nombre de régions en France et entrepris d’établir des compétences précises pour chaque niveau de collectivité en supprimant la clause générale de compétence. Côté espagnol, la constitution de 1978 instaure 17 Communautés autonomes avec un grand nombre de compétences transférées par l’État que les régions peuvent légiférer en autonomie dans leur parlements respectifs. Selon d'Arcy et Baena (Reference D'Arcy and Baena1986), il existait un consensus lors de cette réforme espagnole, notamment dans certaines parties du territoire national comme la Catalogne et le Pays basque où l'on trouve chez certains citoyens des sentiments indépendantistes qui s'affirment fréquemment dans la sphère politique.
L'intérêt de cette comparaison franco-espagnole réside dans le type différent de décentralisation entamé par les deux pays, le modèle d’État que représente la République française et celui de la Monarchie parlementaire espagnole, puis leur appartenance à l'organisation supranationale de l'UE. À l'issue de ses travaux sur les institutions régionales des deux pays, Romain Pasquier révèle que certaines régions sont plus à même de s'adapter à la nouvelle « gouvernance européenne » : « En participant à la mise en œuvre de la politique des fonds structurels et en investissant de nouveaux réseaux transnationaux de politique publique, les institutions régionales deviendraient des acteurs de premier plan de la nouvelle “gouvernance européenne” à l'image des États fédérés nord-américains et canadiens » (Pasquier, Reference Pasquier2004 : 25). Du point de vue de l'action publique éducative, malgré la tendance des pays de l'OCDE à engager une plus grande autonomie des établissements scolaires (Mons, Reference Mons2004), perdure en France le modèle déconcentré, avec quelques tentatives de décentralisation plus importantes, tandis qu'en Espagne une dévolution s'installe auprès des Communautés autonomes (Mons, Reference Mons2008). Sans aborder dans ce travail l'intégration européenne, nous pouvons analyser le jeu d’échelle, étatique et infra-étatiques, sous le prisme de la décentralisation en France et en Espagne. Si, pour Faure et Négrier, « en l'espèce, la territorialisation est aussi une forme de régionalisation, elle peut également nous renseigner sur la participation des acteurs locaux aux changements qui secouent les ordres politiques infranationaux » (Reference Faure and Négrier2007 : 251) : quel rôle assume l’État et quel rôle accorde-t-il aux différentes administrations locales et régionales dans son action publique éducative? Est-ce que les processus de décentralisation respectifs permettent d'expliquer le degré d'engagement des administrations de l’éducation dans la structuration des activités sportives dans le secteur scolaire (ASSS)? En ce sens, ces activités proposent un cadre d'analyse particulièrement intéressant par leur caractère intersectoriel, à la différence de l’éducation scolaire et la formation initiale stricto sensus, plus représentatives d'un « caractère propre » de l'action publique éducative (Buisson-Fenet, Reference Buisson-Fenet2007 : 394). De plus, pour Houlihan, « superficiellement au moins, il existe des preuves suggérant que des systèmes politiques très différents ont produit des politiques très similaires à l'égard du sport » (Reference Houlihan1997 : 3).
Selon le rapport de la Commission européenne/EACEA/Eurydice de 2013 sur L’éducation physique et le sport à l'école en Europe,Footnote 2 la plupart des systèmes éducatifs européens conçoit la pratique sportive de manière facultative pour les élèves en plus de la matière d’Éducation Physique (EP) obligatoire. Ce sont des activités organisées en dehors du temps obligatoire consacré à l'enseignement des programmes scolaires mais généralement réglementées par l'administration chargée de l’éducation. Selon ce même rapport, il existerait trois grandes catégories d'activités proposées aux élèves : les compétitions et autres événements, les activités liées à la santé et les mesures en faveur de journées d’école « actives ». Les objectifs seraient les mêmes que ceux des programmes d'EP obligatoire au niveau national mais utiliseraient comme support des activités différentes afin d’élargir ou compléter l'offre. Or, ce rapport néglige le sport scolaire français qui, à partir d'associations et fédérations spécifiques, occupe une partie importante de ce temps facultatif pour les élèves (Renaud, Grall et Delas, Reference Renaud, Grall and Delas2014) tandis qu'on trouve une initiative « sport à l’âge scolaire » en Espagne quand, pourtant, ces organisations scolaires n'existent pas dans ce pays (Calzada, Reference Calzada2004). Est-ce qu'il y a un cadre juridique précis depuis l'administration nationale qui gère l’éducation dans chaque pays répondant à la notion notifiée dans le rapport d'activités sportives « extrascolaires » dans sa version française et « extracurriculaires » dans ses versions espagnole et anglaise? Selon ce rapport, les autorités nationales, régionales et locales, ou les écoles elles-mêmes, seraient à l'initiative de l'organisation ou le soutien des activités qui, dans certains pays, rencontrent un cadre juridique précis. Or, indépendamment de l’échelle politique, la gestion de ces ASSS se trouve au croisement des administrations éducatives (Guerrero, Reference Guerrero2009; Lebon et Simonet, Reference Lebon and Simonet2017), sportives (Honta, Reference Honta2004; Fraile, Reference Fraile2004) et de loisirs des jeunes (Augustin et Ion, Reference Augustin and Ion2017; Fraguela, Pose et Varela, Reference Fraguela, Pose and Varela2011), notamment sous forme de partenariats, en ayant toutes subi les changements de la décentralisation de chaque pays. Quels partenariats prévoit l’État entre les administrations à différente échelle du politique et avec des organisations socio-économiques? Cette réflexion incite à mobiliser une littérature plus large que celle de l'action publique éducative pour entreprendre une revue de littérature vers l'action publique sportive et des loisirs, notamment par le biais de comparaisons franco-espagnoles (Ayme et al., Reference Ayme, Ferrand, Puig and Reynes2009; Greffier, Reference Greffier2013; Hernández, Reference Hernández, Renaud, Grall and Delas2014; Hernández et Pardo, Reference Hernández and Pardo2020; Lefèvre, Routier et Llopis-Goig, Reference Lefèvre, Routier and Llopis-Goig2020).
Après un aperçu méthodologique, le travail analyse la terminologie des activités sportives périscolaires et extraescolares dans chacun des deux pays, puis démontre ensuite le désengagement de l’État dans leur pilotage en dépassant l'explication de la décentralisation et celui de la territorialisation que cette dernière pourrait induire.
2. Vers une sociologie politique et de droit administratif comparé
Cette recherche inédite repose sur une étude qualitative détaillée des textes officiels, juridiques et de la littérature grise des administrations chargées de l’éducation en France et en Espagne tout en mobilisant la littérature scientifique spécialisée. Ce type de comparaison se positionne méthodologiquement dans les cultural studies en cherchant les similarités et les différences de chaque pays à partir d'une approche top down et institutionnelle de l'action publique (Buisson-Fenet, Reference Buisson-Fenet2007; Henry et al., Reference Henry Ian, Amara, Lee and Henry2007; Pasquier, Reference Pasquier2004). Nous adaptons à notre étude les cinq principes d'une méthodologie pratique de la comparaison de Mons afin « d’échapper au relativisme des forces culturelles incomparables » (Reference Buisson-Fenet2007 : 19).
Premièrement, nous souhaitons éviter des catégories indigènes et c'est pourquoi nous interrogeons en amont les activités périscolaires françaises (AP) et extraescolares espagnoles (AE) entendues conjointement comme des « activités sportives dans le secteur scolaire » (ASSS), difficulté déjà soulevée par Hernández et Pardo (Reference Hernández and Pardo2020).
Deuxièmement, une analyse institutionnelle des dispositifs formels est faite en oblitérant la réception par les acteurs de terrain, ce qui reste en cohérence avec notre approche top down et l'analyse détaillée des textes officiels et juridiques.
Troisièmement, et au regard de la problématique proposée autour de la décentralisation, le rôle de toutes les administrations infra-étatiques impliquées dans l'organisation d'ASSS sont prises en considération mais en examinant uniquement les textes officiels et juridiques de l'administration de l’État, en cohérence avec l'action publique éducative nationale annoncée. Le corpus est composé essentiellement de textes en application au moment d'effectuer nos analyses en 2019, mais sans négliger certains textes abrogés ou en cours de validation et application pertinents pour mieux contextualiser nos explications.
Quatrièmement, nous avons cherché à garder « un double regard d’insider/outsider » que Mons (Reference Mons2007) souligne en citant Schriewer (Reference Schriewer1988) et ce, à partir d'une double triangulation de type « théorique », en combinant les travaux nationaux (français et espagnols) et internationaux (en anglais) correspondants à plusieurs champs disciplinaires et secteurs concernés par les activités sportives périscolaires/extraescolares; ils sont de type « chercheurs » ou « vérification intersubjective » par les échanges entre les trois auteurs de ce travail ayant des profils disciplinaires divers mais tous bénéficiant d'une expérience internationale.
Le cinquième principe concerne la création d'indicateurs ad hoc – désengagement de l’état, partenariat, éducation par projet – issus du croisement entre la littérature grise et la littérature scientifique autour desquels nous avons construit les argumentations qui apportent une explication contextualisée de chaque cas représenté par la France et l'Espagne (Pasquier, Reference Pasquier2004). L'analyse permet d'interroger la territorialisation de l'action publique éducative nationale relative au domaine des ASSS à partir des modèles de décentralisation de chaque pays. Pour Arnaud (Reference Arnaud, Augustin and Callède1995), le « modèle » sert de méthode, aussi comparative : ces modèles sont à caractère stable grâce à des caractéristiques spécifiques d'ordre institutionnel ou organisationnel, sociodémographique, comportemental ou axiologique permettant leur reproduction ou leur diffusion. La notion de modèle enferme « un ensemble d'éléments et de relations entre des éléments intérieurs (structure interne) et/ou extérieurs (structure externe); éléments et relations pouvant, bien sûr, évoluer dans l'espace et dans le temps » (Reference Arnaud, Augustin and Callède1995 : 723). Il est possible alors, selon Arnaud, de parler de « forme » en termes de « variante signifiante, une interprétation singulière du modèle » (Reference Arnaud, Augustin and Callède1995 : 727) avec une durée plus ou moins éphémère, à la différence du « modèle » qui se caractérise par sa « configuration stable, donc durable et repérable sur une période relativement longue » (Reference Arnaud, Augustin and Callède1995 : 728). Pour Arnaud (Reference Arnaud, Augustin and Callède1995) la question serait de savoir si la distinction entre modèle et forme est réelle, voire pertinente ou non, et si l’éventuelle distinction doit perdurer. Cette approche nous semble intéressante à prendre en considération lors de la comparaison franco-espagnole afin de mieux saisir ce qui relève de l'inédit et ce qui relève de l'emprunt ou du partage des politiques publiques éducatives (Buisson-Fenet, Reference Buisson-Fenet2007). Elle apporte une réflexion socio-historique pouvant intéresser les praticiens et qui cherche à identifier un éventuel changement social (Arnaud, Reference Arnaud, Augustin and Callède1995; Houlihan, Reference Houlihan1997). On trouve une analyse de ce type chez Loudcher (Reference Loudcher, Munoz, Morales and Fortune2021) qui se demande si le modèle de gouvernance sportive étatique est différent de celui à l’œuvre dans le monde associatif. Celle-ci ayant été réalisée en examinant une fédération sportive affinitaire française, la Fédération sportive et culturelle de France (FSCF), fédération de type multisport comme celles du sport scolaire français impliquées dans l'organisation des ASSS.
3. Les activités sportives périscolaires et extraescolares : une question de définition dans les législations française et espagnole respectivement
Une première approche étymologique nous permet de déceler la signification du préfixe « -péri », comme « ce qui est autour du », dans ce cas « scolaire ». Ce préfixe est distingué en France d’ « extra » qui signifie « en dehors de ». Selon la Circulaire n° 98-144 du 9-7-1998 du Ministère de l’Éducation nationale (MÉN), le périscolaire et l'extrascolaire sont les temps prévus pour l'organisation d'activités par des organisations différentes à ce Ministère car le temps scolaire serait consacré aux apprentissages prévus par celui-ci. Elle invitait à une « réflexion globale sur l’équilibre entre temps scolaire, périscolaire et extra-scolaire » en y apportant leur distinction :
Temps des apprentissages scolaires : qui relève de la responsabilité de l’éducation nationale (…), le temps périscolaire, immédiatement avant ou après l’école, c'est-à-dire : le temps du transport scolaire, la période d'accueil avant la classe, le temps de la restauration à l’école, après la classe, les études surveillées, l'accompagnement scolaire, les activités culturelles ou sportives, le mercredi après-midi; le temps extra-scolaire situé en soirée, le mercredi lorsqu'il n'y a pas classe, en fin de semaine et pendant les vacances. (Circulaire n° 98-144)
Cette circulaire désigne un temps périscolaire particulièrement intéressant pour développer des activités ludiques, sportives ou culturelles dans le temps libre des élèves en ayant pour but de contribuer à la réussite de leur scolarité. Pour ce faire, elle prône un partenariat avec des structures et les administrations en charge de l’éducation et des jeunes. Plus précisément, cette circulaire concerne « la mise en place du contrat éducatif local » (CEL) dans le temps périscolaire grâce aux alliances éducatives entre divers partenaires locaux (Gaussel, Reference Gaussel2013).
Les réformes des rythmes scolaires de 2013 apportent une définition actualisée relatif au projet éducatif territorial (PEDT) nouvellement inscrit dans les textes :
Le temps périscolaire est constitué des heures qui précèdent et suivent la classe durant lesquelles un encadrement est proposé aux enfants scolarisés. Il s'agit de la période d'accueil du matin avant la classe; du temps méridien (de la fin de la matinée de classe au retour en classe l'après-midi comprenant le cas échéant un temps de restauration); de la période d'accueil du soir immédiatement après la classe (études surveillées, accompagnement à la scolarité, accueils de loisirs, activités culturelles ou sportives, garderie). Le temps extrascolaire est le temps durant lequel un encadrement est proposé aux enfants : en soirée après le retour de l'enfant à son domicile; le mercredi ou le samedi après la classe lorsqu'il y a école le matin; le mercredi ou le samedi toute la journée s'il n'y a pas d’école; le dimanche, les jours fériés et durant les vacances scolaires. (Circulaire n° 2013-036 du 20 mars 2013, annexe 3)
Dans les deux textes évoqués sur le CEL et le PEDT, le « périscolaire » correspond au temps après l’école. C'est une terminologie juridiquement définie en France que nous adopterons dans ce texte. Les activités sportives organisées à midi comme celles du mercredi après-midi avant 18h00 seraient donc effectuées en temps périscolaire. Or, est-il judicieux de désigner comme « périscolaires » toutes les activités physiques et sportives (APS) réalisées dans le temps ayant cette même dénomination? La version consolidée au 5 octobre 2018 du code de l’éducation français distingue les AP des APS. Les premières sont
des activités périscolaires prolongeant le service public de l’éducation, et en complémentarité avec lui, peuvent être organisées dans le cadre d'un projet éducatif territorial associant notamment aux services et établissements relevant du ministre chargé de l’éducation nationale d'autres administrations, des collectivités territoriales, des associations et des fondations, sans toutefois se substituer aux activités d'enseignement et de formation fixées par l’État. (Article L551-1 modifié par la loi du 8 juillet 2013)
Quant aux deuxièmes, elles seront également volontaires pour les élèves mais par leur structuration; elles seront différentes des précédentes : « Composantes de l’éducation physique et sportive, les activités physiques et sportives volontaires des élèves sont organisées dans les établissements par les associations sportives scolaires » (L552-1 modifié par la loi du 26 janvier 2016). Des éléments organisationnels sont expliqués dans les articles L552-2 modifiés par loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 – art. 220, L552-3, elle-même modifiée par la loi n°2003-339 du 14 avril 2003, puis L552-4, enfin modifiée par la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016. Ils affirment qu'une association sportive scolaire est obligatoire dans tous les établissements du second degré et que, dans le premier degré, leur création devra être favorisée par l’État et les collectivités territoriales. Elles pourront bénéficier de l'aide de l’État mais aussi des collectivités territoriales, notamment en facilitant l'accès aux équipements sportifs. Les articles précisent également que les associations sportives scolaires devront être affiliées à des fédérations ou à des unions sportives scolaires ou universitaires et qu'elles seront soumises aux dispositions du code du sport. La partie réglementaire du code de l’éducation quant à elle, spécifie que « Les associations sont affiliées à des fédérations sportives scolaires de l'enseignement du premier degré dont les statuts sont approuvés par décret en Conseil d’État », pour le premier degré, et que « L'association est affiliée à l'Union nationale du sport scolaire (UNSS) », pour le second degré (articles R552-1 et R552-2).
En Espagne, le préfixe « -extra » prévaut et les activités extrascolaires (extraescolares) se retrouvent avec les complémentaires (complementarias) et les services scolaires (servicios escolares) du système éducatif. Ces activités sont mentionnées dans les lois les plus importantes du système éducatif espagnol. Elles apparaissent pour la première fois dans la loi Organique 8/1985 du 3 juillet, Régulatrice du Droit d’Éducation (LODE) : « 2. Les associations d’élèves assumeront, entre autres, les finalités suivantes : (…) b) Collaborer dans les tâches éducatives des établissements et des activités complémentaires et extrascolaires d'eux-mêmes. (…) d) Réaliser des activités culturelles, sportives et de développement de l'action coopérative et de travail en équipe » (septième article du titre préliminaire). L'article 15 de cette même loi souligne la liberté des établissements scolaires pour organiser ces AE tandis que d'autres apportent un cadre normatif pour ces activités des établissements privés sous contrat (concertados) :
Article 51. (…) 2. Dans les établissements sous contrat, les activités scolaires complémentaires, les activités extrascolaires et les services scolaires ne pourront pas être à but lucratif. (…) 4. Les administrations éducatives réglementeront les activités scolaires complémentaires extrascolaires et les services scolaires des établissements sous contrat, qui seront dans tous les cas volontaires.
Article 57. Il appartient au conseil d’école du centre (…) [de] valider, sur proposition du responsable de l’établissement, les contributions des familles à la réalisation d'activités extrascolaires et des services scolaires, quand les administrations éducatives l'auront ainsi déterminé.
La loi organique 9/1995 du 20 novembre, relative à la participation, évaluation et gouvernement des établissements scolaires (LOPEGC) modifie la loi LODE afin d'incorporer les AE et complémentaires. Cependant, on ne trouve encore pas de définition permettant de dessiner les contours de chacune d'entre elles. Il faut attendre la LOPEGC pour lire un premier mais discret cadre juridique relatif aux établissements scolaires publics : les activités scolaires complémentaires (…) sont celles organisées par les établissements scolaires, selon leur projet éducatif, pendant les heures de classe (article 3). Pour Hermoso (Reference Hermoso2009), cet article positionne les AE « hors temps scolaire » tout en soulignant que c'est par omission et non par mention explicite, car il concerne uniquement les activités complémentaires.
Aucune loi de l'enseignement public espagnol explicite les différents temps consacrés aux activités sportives extrascolaires. On trouve néanmoins une définition sur ces activités dans le décret royal 694/1995 du 20 octobre, consacré aux activités et services dans les établissements privés sous contrat (concertados) : les AE se distinguent alors des activités complémentaires par leur réalisation en dehors du temps scolaire et des matières curriculaires évaluées. Au niveau national, aucun texte éducatif fait référence aux activités sportives volontaires ni à un éventuel « sport scolaire » (Fraile, Reference Fraile2004). Ce concept proche du « sport à l’âge scolaire » et du « sport extrascolaire » est indistinctement utilisé par les administrations, voire par la littérature scientifique, devenant source d'amalgame en absence d'un cadre juridique précis. Finalement, malgré ces plans et programmes qui plaident pour un renforcement du lien entre l'EP scolaire et les autres activités sportives extrascolaires, aucun texte juridique espagnol ne le matérialise (de la Iglesia, Reference De la Iglesia2004). Pour sa part, Sicilia (Reference Sicilia, Sicilia and Santos1998) considère que le préfixe « -extra » des activités hors temps scolaire peut s'expliquer par l'un de ces quatre critères : a) leur développement en dehors du programme d'une des matières officielles, b) ne pas être conçue dans l'organisation scolaire du centre éducatif, c) se réaliser en dehors de l'espace physique de l’établissement ou d) un temps d'exécution hors temps scolaire même s'il suppose un second temps pédagogique destiné à poursuivre la formation des élèves.
Une fois ces activités sportives autour de l’école définies, nous chercherons à identifier les dynamiques de décentralisation dans chaque pays et les implications en termes de territorialisation de l'action publique éducative nationale.
4. Le désengagement des États dans l'organisation des activités sportives dans le secteur scolaire
Dans cette avant-dernière partie de l'article, il s'agit d'analyser comment l'implantation des AP dénote une forme de désengagement de l’État français en matière d’éducation qui va au-delà du processus de décentralisation. Elle se caractérise par des décisions prises au niveau local autour de projets territoriaux mais sur la base de principes arrêtés au plan national. La comparaison avec l'Espagne apportera une autre forme de désengagement par l'absence de cadrage institutionnel dans ce dernier. Inspirés de Bernier (Reference Bernier2003), nous définissons le désengagement de l’État comme la régression de l'intervention de l’État providence, notamment dans la protection sociale des pays fortement industrialisés.
Trois sections de la partie réglementaire du code de l’éducation permettent de mieux comprendre l'administration des AP en France. Une première porte sur l’« Agrément des associations éducatives complémentaires de l'enseignement public » (Articles D551-1 à D551-6) qui, à dimension nationale, est accordé pour une durée de cinq ans.
L'agrément est accordé après vérification du caractère d'intérêt général, du caractère non lucratif et de la qualité des services proposés par ces associations, de leur compatibilité avec les activités du service public de l’éducation, de leur complémentarité avec les instructions et programmes d'enseignement ainsi que de leur respect des principes de laïcité et d'ouverture à tous sans discrimination.
Ces associations peuvent même intervenir « pendant le temps scolaire, en appui aux activités d'enseignement conduites par les établissements ». De manière exceptionnelle, d'autres associations non agréées peuvent intervenir dans les mêmes conditions après l'autorisation du directeur d’école ou chef d’établissement une fois que le projet d'intervention ait été transmis précédemment aux services de l’ÉN (recteur ou le directeur académique). En septembre 2018, on comptait 189 associations agréées par le MÉN, mais cette condition ne suppose pas pour autant automatiquement une subvention. La deuxième section concerne « Le conseil national et les conseils académiques des associations éducatives complémentaires de l'enseignement public » (articles D551-7 à D551-12) qui « sont chargés de favoriser la concertation entre l'administration de l’éducation nationale et ses partenaires ». Le conseil national décide sur les demandes d'agrément, évalue les résultats des activités complémentaires de l'enseignement public et est interrogé sur les critères de distribution de l'aide du MÉN réservée pour ces activités. Il est composé de membres de la communauté éducative, de représentants du MÉN ainsi que de celui chargé de la Jeunesse et des Sports. La troisième section concerne le PEDT (article R551-13) qui
est élaboré conjointement par la commune, siège de ces écoles ou (…) par l’établissement public de coopération intercommunale [EPCI], par les services de l’État et les autres partenaires locaux, notamment associatifs ou autres collectivités territoriales. (…) Les services de l’État s'assurent que les modalités d'organisation retenues pour l'accueil des enfants sont propres à garantir leur sécurité. Ils s'assurent également de la qualité éducative des activités périscolaires proposées, de leur cohérence avec le projet d’école et les objectifs poursuivis par le service public de l’éducation.
Le pilotage de ces AP vient de la commune ou de l'EPCI mais toujours sous la supervision des services de l’État, et les partenaires conçus par les lois sont essentiellement associatifs et non provenant du secteur privé marchand. Les fédérations sportives scolaires – USEP et UNSS pour l'enseignement public français – n'intègrent pas la liste des associations agréées par l’ÉN pour l'organisation d'AP. Selon le code de l’éducation (article L552-4), ces fédérations dépendent directement de ce Ministère avec des conditions particulières décrites dans le code du sport. Les « activités physiques et sportives » dont fait référence le code de l’éducation dans sa partie législative (cf. Chapitre II) représentent le « sport scolaire », activité complémentaire de l’Éducation Physique et Sportive. Dans le second degré, « L'animation de l'association est assurée par les enseignants d’éducation physique et sportive de l’établissement. Un personnel qualifié peut assister l’équipe pédagogique, à la demande et sous la responsabilité de cette dernière. Il doit recevoir l'agrément du comité directeur ». Si le sport scolaire et les AP sont bien effectués dans un temps périscolaire avec des élèves volontaires, elles gardent des espaces éducatifs différents qui se concrétisent par un cadre juridique précisant leurs spécificités tout en restant complémentaires. Car du point de vue éducatif, le code de l’éducation sous-entend que les « activités périscolaires » et le « sport scolaire » partagent des objectifs similaires : « Le sport scolaire participe de la nécessaire complémentarité avec les pratiques périscolaires et extrascolaires en lien avec les projets éducatifs territoriaux et les partenariats avec le mouvement sportif associatif » (article L121-5 modifié par loi n°2013-595 du 8 juillet 2013).
À partir de la rentrée 2013–2014, l'offre d'AP se multiplie dans les écoles primaires publiques françaises en raison des changements dans l'organisation du temps scolaire du décret n° 2013-77 du 24 janvier 2013. À son tour, la loi n°2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République modifie la plupart des articles précédemment expliqués du code de l’éducation traitant des activités périscolaires. Le MÉN publie également des circulaires pour apporter des précisions telles que la circulaire n°2013-017 du 6-2-2013, sur l'organisation du temps scolaire dans le premier degré et des activités pédagogiques complémentaires, et la circulaire n° 2013-036, sur le PEDT. Les deux indiquent que le pilotage des AP est fait par les communes ou les EPCI compétents qui proposent « des projets d'organisation du temps scolaire des écoles situées sur leur territoire » (circulaire n°2013-017); ce sont les services déconcentrés de l’ÉN, plus précisément les Directeurs Académiques des Services de l’Éducation Nationale (DASEN), qui se prononcent pour arrêter le projet d'organisation du temps scolaire des écoles du département. Or, dans la répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, « La commune a la charge des écoles publiques » (article L212-4 modifié par loi 2004-809 du 13 août 2004) depuis les premières lois de Jules Ferry du 28 mars 1882. Quant aux compétences communes aux collectivités territoriales
Les communes, départements ou régions peuvent organiser dans les établissements scolaires, pendant leurs heures d'ouverture et avec l'accord des conseils et autorités responsables de leur fonctionnement, des activités éducatives, sportives et culturelles complémentaires. Ces activités sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux activités d'enseignement et de formation fixées par l’État. Les communes, départements et régions en supportent la charge financière. Des agents de l’État, dont la rémunération leur incombe, peuvent être mis à leur disposition (article L216-1 modifié par loi n°2013-595 du 8 juillet 2013).
On en déduit que ces activités ne concernent pas uniquement les « activités pédagogiques complémentaires (APC) » – organisées par groupes restreints pour l'aide aux élèves rencontrant des difficultés dans leurs apprentissages et pour une aide au travail personnel ou pour une activité prévue par le projet d’école (article D521-13 modifié par décret n°2013-77) – mais aussi les AP. Les deux formes d'activités sont conçues, cependant, en lien avec le PEDT (article L551-1). Cette coéducation dans le cadre du PEDT entraine plusieurs conséquences en parallèle à la municipalisation : une sorte de privatisation non lucrative et « une démultiplication des statuts de travailleur dans le service public éducatif » (Lebon et Simonet, Reference Lebon and Simonet2017 : 583). Autrement dit, une forme de désengagement de l’État dans le domaine de l’éducation (Cottin-Marx et al., Reference Cottin-Marx, Matthieu, Jeannot and Simonet2017) que l'on peut observer également dans le cadre des dispositifs décentralisés adressés à la jeunesse (Augustin et Ion, Reference Augustin and Ion2017).
L'Espagne de son côté prévoit dans sa constitution du 6 décembre 1978, le transfert complet ou partiel de plusieurs compétences vers les Communautés autonomes dont l’éducation, le sport, les loisirs et la jeunesse. Après presque 40 ans de dictature franquiste, caractérisée par un centralisme d’État, les régions ont adopté leurs propres lois sur l’éducation et plusieurs d'entre elles disposent de lois spécifiques sur les AE. Par contre, trouver davantage de précisions dans les textes nationaux relatifs à l’éducation sous contrat (au lieu du public) suggère un certain désengagement de l’État.
Pour Hermoso (Reference Hermoso2009) et pour Hernández et Velázquez (Reference Hernández and Velázquez1996), la loi LOPEGC au niveau national souhaitait promouvoir les AE et, parmi celles-ci, les APS. Dans les années 1994–1995 et 1995–1996 s'est développé le « Plan de promotion de l'Activité physique et sportive extrascolaire » à l'intérieur du « Programme d'ouverture des établissements hors temps scolaire » comme l'une des propositions du MÉ de l’époque en prenant en compte l'autonomie des établissements (Hernández et Velázquez, Reference Hernández and Velázquez1996). Durant ces mêmes années, deux Règlements Organiques de Centre (ROC) sont apparus : pour le primaire (décret royal 82/1996 du 26 janvier) et pour le secondaire (décret royal 83/1996 du 26 janvier). Pour le primaire, l’équipe de cycle composé par des enseignants et l’équivalent au Conseiller Principal d’Éducation en France (Jefe de Estudios), a les compétences pour « organiser et réaliser les activités complémentaires et extrascolaires » (article 39). L'article 49 du chapitre relatif à l’« autonomie pédagogique » indique que les directives et les décisions sur la programmation des activités complémentaires et extrascolaires sont incluses dans les projets curriculaires d’étape. Finalement, son article sur la « programmation générale annuelle » précise que celle-ci intègrera le programme annuel des AE et des services complémentaires (article 50). Cette programmation est importante dans le sens où elle est élaborée par l’équipe directive en incorporant les décisions et accords du Conseil Pédagogique (claustro) et du Conseil d’école (Consejo escolar), puis validé par ce dernier. Selon Hernández et Velázquez (Reference Hernández and Velázquez1996), les finalités du Plan de promotion supposaient une réaction au sport à l’école excessivement compétitif à l'instar du sport fédéral et proposait une alternative plus récréative, de loisir et d’éducation. Si le changement du gouvernement en 1996 semble être à l'origine de sa suspension, pour Hermoso (Reference Hermoso2009) il aurait eu un impact dans l'ouverture actuelle des établissements scolaires et les plans créés ultérieurement par les Communautés autonomes. Pour Guerrero (Reference Guerrero2009) et Orts (Reference Orts2013), le rôle des associations de parents d’élèves a été fondamental dans le développement d'activités sportives extrascolaires en primaire.
Selon le ROC du secondaire, « 1. Le département des activités complémentaires et extrascolaires sera chargé de promouvoir, d'organiser et de faciliter ce type d'activités; 2. Ce département sera intégré par le responsable de celui-ci et, pour chaque activité concrète, par les professeurs et les étudiants responsables de celle-ci » (article 45). D'après cette réglementation, le chef de département, désigné par le chef d’établissement, a un rôle déterminant dans la promotion et coordination des activités complémentaires et extrascolaires. Orts (Reference Orts2013) indique que les politiques d'ouverture des établissements n'ont pas trouvé le même succès dans le secondaire du système public qu'au niveau du primaire. À l'issue d'une étude dans le cadre des AE du secondaire, Guerrero (Reference Guerrero2009) a observé qu'elles s'organisaient de manière officielle par le département précédemment évoqué et par la commune. Pour l'auteur, la procédure de gestion plus courante est celle de l’outsourcing ou externalisation : « c'est-à-dire, sous-traiter la gestion du service à l'extérieur, en faisant appel à des sources externes aux organisations. Une autre manifestation de la tendance croissante à la privatisation des services publics » (Guerrero, Reference Guerrero2009 : 402). Dans le secteur de l'animation socio-culturelle, comprenant selon Ventosa (Reference Ventosa2007) les AE, des organisations seraient paradoxalement situées à mi-chemin entre le secteur marchand, par leur activité commerciale en tant que prestataire de services, et le secteur associatif, par leur identité juridique et leur fonctionnement fiscal.
Toutes les AE validées par le Consejo escolar sont intégrées au projet éducatif et dans la « programmation générale annuelle »; elles doivent être considérées dans les « normes d'organisation et fonctionnement » de chaque établissement scolaire du primaire et du secondaire. La loi organique 2/2006 du 3 mai d’Éducation (LOE) précise que tous les enseignements sont gratuits hormis les AE, complémentaires et les services scolaires qui restent facultatifs (article 88). Sa « disposition finale première » modifie la LODE pour intégrer parmi les raisons de résiliation d'un établissement sous contrat l'abonnement d'une tarification non autorisée par les autorités éducatives compétentes pour réaliser ces activités et enfreindre leur principe de volontariat et de non-discrimination (article 62). Ensuite, la Loi Organique 8/2013 du 9 décembre, pour l’« amélioration de la qualité éducative » (LOMCE), en vigueur lors de l’écriture de l'article,Footnote 3 complète les lois précédentes (LOE et LODE) et rédige les points h) et i) sur les AE de l'article 57 de la LODE (modifié par la disposition finale seconde). Finalement, la LOMCE inclut une quatrième disposition supplémentaire sur la « Promotion de l'activité physique et l'alimentation équilibrée » :
Les administrations éducatives adopteront des mesures pour que l'activité physique et le régime alimentaire équilibré fassent partie du comportement des enfants et des jeunes. A cette fin, lesdites Administrations encourageront la pratique quotidienne du sport et de l'exercice physique par les élèves au cours de la journée scolaire, dans des conditions qui, conformément aux recommandations des organismes compétents, garantissent un développement adéquat pour favoriser la vie active, saine et autonome. La conception, la coordination et la supervision des mesures qui, pour ces effets, sont adoptées dans l’établissement d'enseignement sont prises en charge par l'enseignant possédant les qualifications ou la spécialisation appropriées dans ces domaines.
La formulation « journée scolaire » et « l'enseignant possédant les qualifications ou la spécialisation appropriées dans ces domaines » seront ici à interpréter dans une disposition sans davantage d'explications qui n'engage aucun acteur ou organisations précis dans sa formulation. Si la décentralisation en Espagne dans le domaine des AE a certainement accentué le désengagement de l’État en matière d’éducation, cette dernière disposition de la LOMCE le met en exergue par le manque de détail et de clarté.
Cette sorte de désengagement passif en Espagne s'observe aussi dans la Loi 7/1985 du 2 avril, Loi Régulatrice des Bases du Régime Local qui conçoit des compétences sportives et éducatives dérisoires, non extrascolaires explicitement, aux administrations infrarégionales et ce, uniquement, quand l’État ou les régions les délèguent : elle concerne la « promotion du sport et équipements sportifs et de l'occupation du temps libre » (article 25). Ainsi, si le pilotage des AE semble illustrer l'autonomie plus prononcée des établissements scolaires espagnols, les auteurs remarquent cependant que l'administration censée contribuer à leur développement, la commune, n'aurait pas assez de compétences pour le faire (Fraguela et al., Reference Fraguela, Pose and Varela2011; Orts, Reference Orts2005; Ventosa, Reference Ventosa2007). D'une part, les Communautés autonomes auraient gardé un centralisme régional qui structure par loi l'ensemble des AE (Bolívar, Reference Bolívar2004). De l'autre, l'administration centrale ne parvient pas à affaiblir la centralisation régionale afin de donner plus d'initiatives aux acteurs locaux. Pour Pasquier (Reference Pasquier2004), la seconde grande étape du processus de régionalisation espagnol n'aurait pas démarré malgré les tentatives de l’État suite au pacte local car le développement du municipalisme relève des compétences des Communautés autonomes.
Les dynamiques décentralisatrices de chaque pays apportent une lecture commune sur le désengagement de l'État par une externalisation des services sportifs extrascolaires. Le désengagement qui concerne uniquement l'Espagne l'est par omission car ce pays peine à jouer le rôle d’« État animateur » comme le fait la France (Donzelot et Estèbe, Reference Donzelot and Estèbe1994). Après ces constats, examinons la territorialisation de l'action publique éducative.
5. Territorialisation de l’éducation par projet et principaux partenaires : une action publique stratégique
D'après Van Zanten, deux principes sont communément admis pour étudier la territorialisation des politiques éducatives et analyser « la prise en compte des disparités spatiales en matière d’éducation et l'appui sur l’échelon local pour les réduire » (Reference Van Zanten2014 : 86). Le premier concerne des indicateurs sociaux et scolaires des établissements et des zones, tandis que le deuxième traite la question des partenaires entre différents secteurs et organisation. Dans le cadre de cet article, il s'agit d’étudier ce deuxième principe tout en considérant les jeux d’échelle politique de chaque pays selon leur modèle de décentralisation.
D'abord, malgré le centralisme du système éducatif français, les réformes de décentralisation ont attribué des compétences aux communes telles que les activités culturelles, sportives et éducatives complémentaires qui se réalisent au sein de l’école. Selon de Grasset (Reference De Grasset2015), depuis les années 80 et 90, des activités autour des rythmes scolaires des enfants se sont multipliées. Si le projet d’école et d’établissement s'est instauré à partir de 1989 (loi n°89-486 du 10 juillet 1989), ce sont les projets territoriaux qui ont pris largement la place jusqu’à formaliser vers la fin de années 90, le Projet Éducatif Local (PEL), puis en 2013, le PEDT (Anderson, Reference Anderson2014). Pourtant, le code de l’éducation affirme : « Le projet d'école ou d'établissement définit les modalités particulières de mise en œuvre des objectifs et des programmes nationaux et précise les activités scolaires et périscolaires qui y concourent » (L401-1, modifié par loi n°2018-698 du 3 août 2018).
Pour Dubet (Reference Dubet2010), l’école française aurait des difficultés à accorder plus d'autonomie aux établissements scolaires par une tradition très centralisatrice et des postures ultra-critiques empêchant l'idéologie libérale de s'installer dans le système éducatif, ce qui ne serait pas la seule raison de cette mutation, irrémédiable selon lui, de l’école démocratique. Les documents officiels européens mettent en évidence ces différences en termes d'autonomie scolaire, notamment au niveau de l'enseignement primaire.Footnote 4 Il est possible d'affirmer toutefois qu'en France, une territorialisation des politiques éducativesFootnote 5 s'est produite par le biais des PEDT et ce, par l'action publique de l’État et parfois par celle des communes (Anderson, Reference Anderson2014; de Grasset, Reference De Grasset2015; Frandji, Reference Frandji2017; Laforets, Reference Laforets2016). Du côté des politiques de la ville, Donzelot et Estèbe (Reference Donzelot and Estèbe1994) ont également perçu le début des transformations administratives lors des premières étapes de la décentralisation française, avec une réorganisation des relations entre l’« État animateur » et les collectivités locales. Les projets et les contrats incités par l’État rassemblent ainsi des acteurs de plusieurs échelles (étatiques, locaux, intercommunaux) et secteurs (interministériel) avec l'intervention des acteurs de terrain (élus, associations, établissements scolaires, etc.).
Le passage du CEL au PEDT répond aux évolutions en termes de décentralisation et territorialisation des politiques publiques, mais aussi de coéducation entre les différentes organisations soucieuses de l’éducation des élèves (de Grasset, Reference De Grasset2015). Si le CEL de 1998 était un premier pas pour institutionnaliser les PEL par le biais de 4 ministères (Ville, Éducation Nationale, Culture, Jeunesse et Sports), le PEDT en 2013 conforme un cadre de collaboration plus large en regroupant tous les acteurs dans le domaine de l’éducation (MÉN, Ministère des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, Ministère de la ville, Ministère de la culture, Ministère de la famille, associations d’éducation populaire, institutions culturelles et sportives, associations de parents d’élèves, caisses d'allocations familiales). Le PEDT servirait d'engagement contractuel entre les collectivités, les services de l’État et les autres partenaires dans le développement des AP et uniquement à l'initiative des communes ou des EPCI compétents. La circulaire n° 2013-036 (annexe 4) décrit les acteurs possibles dans le fonctionnement d'un PEDT où l'on trouve, d'abord, les associations complémentaires de l’école : « Les grands mouvements d’éducation populaire » (comme la Ligue de l'enseignement; la fédération générale des associations départementales des pupilles de l'enseignement public (les PEP) ou le Centre d'entraînement aux méthodes d’éducation active (CEMÉA) parmi dix associations proposées) et aussi les associations agréées par le MÉN expliquées auparavant. Ensuite, ce sont les mouvements d’éducation populaire, associations qui bénéficient de l'agrément « jeunesse et éducation populaire » au niveau local et national, et le mouvement sportif, fédérations et associations scolaires et non scolaires. Augustin et Ion (Reference Augustin and Ion2017) ont longuement démontré le lien étroit de ces grands groupements avec l’éducation hors école. La circulaire envisage plusieurs intervenants pour la mise en place des APS dans le cadre des PEDT dont les personnels d'animation et du mouvement associatif, des bénévoles, des associations de parents ou des enseignants volontaires.
Malgré la différence conceptuelle entre AP et sport scolaire, les fédérations sportives scolaires (USEP, UNSS, FFSU) pourraient s'impliquer dans l'organisation d'APS du PEDT. Mais ce ne sont pas les seules organisations sportives permises :
L'ensemble des clubs affiliés à une fédération unisport ou multisports et ayant obtenu l'agrément auprès des préfectures des départements peuvent contribuer à la mise en place d'activités physiques et sportives. Les associations qui développent de la pratique sportive, non affiliées à une fédération mais ayant obtenu un agrément, peuvent aussi contribuer à la mise en place d'activités physiques et sportives.
Une analyse complémentaire sur les textes de l'administration chargée des sports permettrait de mieux comprendre l'implication du mouvement sportif dans le développement des AP. Le travail de Honta (2004) met en relief toutefois, les difficultés de l'USEP, par exemple, à s'articuler dans le CEL dans la ville de Mérignac, ce qui serait transposable à d'autre villes et projets territoriaux selon les rapports sur le sport scolaire. À l'instar des CEL, la transparence, la lisibilité et un meilleur dialogue entre les organisateurs partenaires des projets ainsi que les services de la commune contribueraient à rendre complémentaire les différentes activités offertes aux élèves dans les temps périscolaires des actuels PEDT.
La circulaire n° 2013-036 formalise le PEDT, qui concerne prioritairement les AP du primaire mais n'exclut pas les activités hors temps scolaire de l'enseignement secondaire (collège et lycée) dans le but « de garantir la continuité éducative ». Le PEDT tient à s'appuyer sur les projets et contrats territoriaux déjà en cours pilotés par les communes ou les EPCI. Pour Laforets, il y aurait eu ces derniers temps
une standardisation de l'action éducative locale (…). Alors que les politiques municipales de l'enfance pouvaient s'organiser différemment d'un territoire à l'autre, une gestion municipale directe s'est progressivement imposée, et l'action éducative qui se déployait sur l'ensemble des temps libres des enfants et des adolescents se concentre aujourd'hui autour de l’école. (Reference Gaussel2016 : 133)
Pour sa part, caractérisée par l'imprécision, la dynamique de projet en Espagne néglige le territoire et coordonne les différents partenaires autour des projets d’établissement. La LOPEGC (article 3) souligne la participation de la communauté éducative au développement des activités extrascolaires. Les organisateurs sont les administrations éducatives et locales ainsi que des acteurs tels que les professeurs, les élèves, les parents à titre individuel ou par le biais de leurs associations respectives. À la différence des activités complémentaires, la participation à l'organisation des AE s'ouvre également à « la société dans son ensemble » et, comme pour les activités complémentaires, d’éventuels partenariats avec des associations culturelles et entités à but non lucratif pourraient avoir lieu une fois validés par le Consejo Escolar. Depuis 2009, certains plans et programmes nationaux de développement de l'APS à l’âge scolaireFootnote 6 ont été créés par le Conseil Supérieur des Sports (CSD), administration chargée du sport espagnol, qui à ce moment était rattachée à la Présidence du Gouvernement, mais qui, historiquement, a basculé entre le Ministère de l’Éducation, de la Culture et du Sport et, moins souvent, au Ministère de Culture et du Sport, comme c’était le cas au moment d’écrire cet article. Sans développer le contenu des initiatives qui concernent l'administration du sport, nous mettrons en exergue les orientations principales proposées dans ces textes étant donnée la collaboration affichée du ministère chargé de l’éducation. On déduit de l'analyse qu'il y aurait une tendance à donner plus d'importance aux projets créés au sein de l’établissement scolaire. Plus précisément, l'idée d'un « projet sportif d’établissement » (Proyecto Deportivo de Centro – PDC) en lien direct avec le projet d’établissement renforcerait la conception d'un « centre scolaire promoteur de l'activité physique et sportive » (CEPAFD) en y intégrant les activités sportives extrascolaires organisées par divers acteurs dans le temps libre des élèves. Ces activités sont donc volontaires pour les élèves et organisées hors temps scolaire obligatoire. L’étude de Arufe-Giráldez, Barcala-Furelos et Mateos-Padorno (Reference Arufe-Giráldez, Barcala-Furelos and Mateos-Padorno2017) – sur les programmes de sport scolaire en Espagne et l'implication des acteurs éducatifs – identifie la reconnaissance des PDC par plusieurs Communautés autonomes comme l'Estrémadure ou la Navarre. Ils seraient en lien avec le cadrage au niveau national selon les auteurs et proposerait des orientations pour la création de plans sportifs au niveau local. Les résultats de leur étude montrent la création et pilotage de programmes par les services des sports des régions en lien parfois avec ceux de l’éducation (acteurs socio-politiques), la collaboration par les communes et/ou les députations et/ou les fédérations sportives en fournissant des ressources humaines et matérielles (acteurs collaborateurs), puis l'exécution par les centres éducatifs, les clubs sportif, les associations de parents d’élèves ou d'autres associations (acteurs techniques-sportifs). Les auteurs distinguent trois modèles de sport scolaire en Espagne selon le type de pratique sportive : compétitive, développée principalement par les fédérations; éducative, encouragée par les communes et les établissements éducatifs; de loisir, en relation avec ces deux derniers acteurs (Arufe-Giráldez, Barcala-Furelos et Mateos-Padorno, Reference Arufe-Giráldez, Barcala-Furelos and Mateos-Padorno2017). Or, selon Hernández et Pardo (Reference Hernández and Pardo2020), dans les faits, le sport scolaire espagnol est dépendant du système sportif, éloigné du système éducatif et piloté essentiellement par les Communautés autonomes.
Pour Guerrero (Reference Guerrero2009), les AE témoignent de l'autonomie propre des établissements scolaires en tant qu'organisation scolaire ouverte à son environnement social. L'approche est partagée par Fraguela, Pose et Varela (Reference Fraguela, Pose and Varela2011) qui insistent sur le rôle des communes dans le pilotage de ces activités sportives afin d'articuler efficacement des politiques éducatives, culturelles et sportives tout en comptant avec la participation des citoyens. Or, nous évoquions auparavant l’éventail des possibilités en termes d'organisation et d'acteurs ainsi que les compétences octroyées par l’État aux diverses administrations publiques en soulignant l'important rôle des régions dans la gestion des activités sportives extrascolaires au détriment des administrations infrarégionales. Indépendamment des lois régionales, très peu de Communautés autonomes intègrent l'idée de projets éducatifs territoriaux et ce serait une conséquence de leur centralisme (Bolívar, Reference Bolívar2004; Faure et Négrier, Reference Faure and Négrier2007; Muñoz et Gairín, Reference Muñoz and Gairín2016; Pasquier, Reference Pasquier2004; Subirats et Gallego, Reference Subirats and Gallego2002). En quelque sorte, elles n'ont pas poursuivi le processus de décentralisation dans leurs territoires en négligeant le rôle éducateur des provinces, des comarcas et des communes (Bolívar, Reference Bolívar2004). Cette circonstance est désignée par Muñoz et Gairín comme un disfonctionnement par rapport aux « fonctions qu'assument les communes et celles qui leur correspondent légalement par définition » (Reference Muñoz and Gairín2016 : 82).
Les dispositifs éducatifs locaux se trouvent en Espagne dans le cadre du réseau international des « villes éducatrices », dont Barcelone représente le meilleur exemple en ayant organisé le premier colloque de son association en 1990. Ainsi, certaines villes espagnoles ont développé un Projet Éducatif de Ville (Proyectos Educativos de Ciudad – PEC) cherchant de mettre en réseau tous les acteurs éducatifs locaux sur un territoire (Longás et al., Reference Longás, Civís, Riera, Fontanet, Longás and Andrés2008). La puissance centralisatrice des Communautés autonomes se révèle en étudiant la région catalane car en 2005 son gouvernement (Generalitat de Catalunya) a lancé et soutenu financièrement les Projets Éducatifs d'Entourage (Proyecto Educativo de Entorno), en concurrence directe avec le précédent par une meilleure enveloppe qui leur était allouée (Collet-Sabé et Subirats, Reference Collet-Sabé and Subirats2016). Si en Espagne ces initiatives locales n'ont pas de lien avec l'action publique nationale, bien qu’éventuellement il y ait une certaine concurrence avec le niveau régional, en France l'action publique éducative nationale que représente les PEDT ressemble à des initiatives et expérimentations locales implantées depuis des années parmi lesquelles celles du Réseau Français des Villes Éducatrices (RFVE, déclinaison française du réseau international) (Frandji, Reference Frandji2017). Aujourd'hui, le RFVE se positionne dans la lignée du PEDT en l'identifiant comme un projet éducatif global qui comprend les activités sportives périscolaires, et sur lequel il souhaiterait avoir une influence les prochaines années à venir (objectif 2030) pour intégrer les enfants et l'ensemble de la jeunesse parmi ses bénéficiaires.Footnote 7 Si, pour Collet-Sabé et Subirats (Reference Collet-Sabé and Subirats2016), les PEC semblent être de bons outils, bien qu'encore pas assez exploités, pour « éduquer le territoire » et pour « territorialiser l’éducation » en Espagne, se pose la question de l’équivalence de cette considération avec les PEDT français, sachant les différences à l’échelle administrative suite aux dynamiques décentralisatrices de chaque pays.
Conclusions
L'analyse des textes juridiques de l'administration éducative nationale met en évidence deux modèles différents de décentralisation de l'action publique éducative avec des implications au niveau des ASSS, dites périscolaires en France et extraescolares en Espagne, se déclinant à deux niveaux : d'abord, par une terminologie dépendante du cadre juridique qui est plus ou moins en lien avec d'autres secteurs comme le sport et les loisirs des jeunes; ensuite, par deux dynamiques décentralisatrices différentes qui entraînent le désengagement de l’État. Finalement, l’étude des changements d’échelle dans la gestion de ces activités confirme la démystification de la décentralisation comme outil de territorialisation intrinsèque, efficace et démocratique (Faure et Négrier, Reference Faure and Négrier2007).
En France, les activités volontairement faites par les élèves hors temps scolaire sont effectuées dans un temps périscolaire, mais les activités sportives occupant ce temps selon le code de l’éducation représentent le sport scolaire avec notamment l'UNSS et l'USEP. En Espagne cette distinction n'est pas visible, et seulement un texte sur les établissements scolaires privés sous contrat ou des déductions par opposition aux activités complémentaires délimitent le cadre des AE sans pour autant parler du sport à l’école (hormis la discipline EP). Les plans de l'administration du sport, en collaboration avec l'administration éducative, conçoivent le sport à l’âge scolaire ou sport scolaire comme étant une forme parmi d'autres d'AE.
L'organisation des AP diffère dans les deux pays, d'une part, avec le pilotage essentiellement, et, d'autre part, avec les principaux partenaires. En France, le cadre juridique désigne la commune ou les EPCI comme administrations publiques de référence qui pilotent ces activités mais en ayant toujours la supervision de l’État : depuis le premier acte de décentralisation du pays au milieu des années 1980, les activités pédagogiques sont « à la charge de l’État ou sous sa supervision » (Dupuy, Reference Dupuy2012 : 894). En Espagne cependant, les textes juridiques au niveau national mettent l'accent sur les établissements scolaires pour piloter eux-mêmes leurs propres AE, mais les compétences en matière d’éducation, de sport et de jeunesse concernant ces activités sont en grande partie transférées aux régions. Les principaux partenaires en France sont les grandes associations agréées par l’Éducation Nationale, du monde sportif associatif et l’éducation populaire, ou bien des organisations à but non lucratif comme les fondations. En Espagne, aucun partenaire est identifié dans les textes nationaux et l'ouverture vers la communauté éducative et la société dans son ensemble est mise en avant en indiquant que le seul avis du conseil d'administration permettrait le commencement d'une activé extrascolaire. Des travaux antérieurs identifient les clubs sportifs, les associations de parents d’élèves ou d'autres associations comme principaux partenaires de cette action publique régionale. Le point en commun entre les deux pays est le développement d'un fonctionnement en forme de projet (le CEL ou PEDT en France et le projet d’établissement ou PDC en Espagne), mais avec une sollicitation différente de la part de l'administration locale ou intercommunale : si elle est impulsée en France par l’État,Footnote 8 elle est très limitée en Espagne par les pauvres compétences infrarégionales, conséquence du pouvoir centralisateur des régions malgré le pacte local au niveau national.
Par ce travail nous avons démontré comment les deux pays présentent au niveau national un désengagement de l'administration de l’éducation dans le pilotage des activités sportives périscolaires/extraescolares expliqué par des raisons autres que la seule décentralisation : une sorte de privatisation non lucrative accompagne la municipalisation en France tandis qu'en Espagne l'imprécision des textes accompagne le pouvoir accordé au Communautés autonomes. Le processus de décentralisation dans les deux pays n'a pas toujours comme résultat la territorialisation de l’éducation par projet favorisant une meilleure coordination des partenaires locaux. Celle-ci s'est d'ailleurs révélée étonnamment contraignante en Espagne par son modèle de décentralisation avec l’émergence de dispositifs propres aux villes et parfois concurrentiels avec les régions. C'est donc par l'action publique stratégique (Faure et Négrier, Reference Faure and Négrier2007) que les projets éducatif territoriaux voient le jour depuis les administrations décentralisées, en France, lorsque les communes ou EPCI s'approprient un projet territorial et mettent en place des politiques dans ce cadre et, en Espagne, lorsque la loi reconnaît les compétences éducatives des unités infrarégionales comme les comarcas, les provinces ou les communes.
Cet article apporte des éclairages sur la territorialisation de l'action publique éducative nationale au regard de deux modèles de décentralisation différents en prenant l'exemple d'un type d'activité à caractère intersectoriel. Nous devons tout de même considérer la tendance actuelle, vers une plus importante décentralisation en raison du cadre de globalisation tant de l'UE que de l'OCDE (cf. note de bas de page 1), qui oriente le modèle vers plus d'autonomie des établissements scolaires, ou faudrait-il plutôt parler de « forme » selon les modèles déjà présents chez certains pays (Arnaud, Reference Arnaud, Augustin and Callède1995)? Il serait judicieux lors de prochains travaux de mener une enquête de terrain pour identifier les mécanismes de régulation institutionnelle, les jeux de pouvoir et les logiques d'action.