La dépression, deuxième source de handicap, constitue le principal facteur de risque de suicide. Il a été proposé à juste titre que le traitement de la dépression soit une stratégie efficace de prévention du suicide. Pourtant la dernière décennie a été marquée par les controverses sur le risque suicidaire potentiel des antidépresseurs, qui ont eu des effets néfastes sur la prise en charge des patients. Puisque les alertes sur ce risque ont été proposées à partir des résultats d’études qui n’avaient pas comme objectif de s’intéresser au processus suicidaire, nous avons réalisé une étude destinée à évaluer la survenue d’idées et de tentatives de suicide chez 4357 patients déprimés ambulatoires traités par antidépresseur et suivis 6 semaines en condition naturelles. Une idéation suicidaire est apparue de novo chez 9 % des patients qui n’en avaient pas à l’inclusion. Les critères prédictifs étaient l’aggravation de la symptomatologie anxieuse ou dépressive et l’instauration d’un nouveau traitement après échec antérieur. Deux pour cent des patients ont réalisé une TS au cours des 6 semaines de suivi. Les critères prédictifs étaient l’aggravation de la symptomatologie dépressive ou du désespoir, l’instauration d’un nouveau traitement après échec antérieur, et l’existence de mésusage d’alcool et d’antécédents de TS. Ces résultats suggèrent que le risque suicidaire en début de traitement soit lié aux facteurs de risque suicidaires, dont l’inefficacité du traitement antidépresseur. Par ailleurs, nous avons montré que l’initiation d’un traitement par non ISRS ou d’un traitement ISRS à forte dose augmente le risque d’aggravation des idées de suicide. L’ensemble de ces données, confortées par la littérature, nous indique que les médecins possèdent les outils de prévention en évaluant précisément et régulièrement la dépression et le risque suicidaire au cours du traitement antidépresseur.