La participation des rythmes biologiques circadiens à la pathogénie de la dépression repose sur une série d’arguments cliniques, thérapeutiques et biologiques. La recrudescence matinale des symptômes dépressifs oriente vers une anomalie de l’organisation temporelle. Les aspects épidémiologiques de la dépression ou des suicides évoquent, quant à eux, l’existence de recrudescence saisonnière dans laquelle les facteurs naturels de synchronisation pourraient jouer un role. De plus, les thérapeutiques de la dépression agissent directement sur les horloges biologiques, qu’il s’agisse des manipulations du cycle veille/sommeil, de la photothérapie ou des antidépresseurs.
Notre étude longitudinale a permis de comparer les rythmes circadiens de cortisol, de TSH et de mélatonine plasmatique chez des sujets déprimés (n = 16), chez des sujets en rémission clinique (n = 15) ainsi que chez des sujets sains (n = 16). Nos résultats montrent de profondes perturbations du système circadien endocrinien en période dépressive. L’anomalie essentielle semble porter sur l’amplitude des rythmes, les sécrétions nocturnes de TSH et de mélatonine étant effondrées chez les sujets dépressifs. Ces perturbations disparaissent avec l’amélioration clinique des sujets.
Nos résultats confirment, dans une certaine mesure, les interrelations temporelles et fonctionnelles qui existent entre les sécrétions de cortisol, de TSH et de mélatonine. Par ailleurs, l’absence de décalage horaire de la position des rythmes étudiés incite à nuancer l’hypothèse d’une désynchronisation biologique dans la dépression pour privilégier une défaillance des mécanismes de couplage entre les facteurs synchronisants de l’environnement et les oscillateurs centraux. Dans cette perspective, les traitements de la dépression tels que les manipulations du cycle veille/sommeil, la photothérapie ainsi que les tricycliques semblent agir sur ces mécanismes de transmission de l’information temporelle soit en augmentant artificiellement leur intensité, soit en abaissant le seuil de perception. Cette hypothèse pourrait aboutir à concevoir de nouveaux outils thérapeutiques des troubles de l’humeur.