Dans la littérature existante, les auteurs associent l'absence et la non-récurrence des intrusions militaires dans le champ politique à la peur des sanctions d'un éventuel échec, à des nominations militaires sélectives sur la base identitaire, à la mise en place de contrepoids militaires, à l'institutionnalisation d'un régime de privilèges militaires et au sens de professionnalisme de l'armée. Partant du postulat que les militaires sont des acteurs rationnels dont la loyauté et la fidélité peuvent évoluer en fonction des conjonctures et des « fenêtres d'opportunités » qui se présentent à eux, cet article montre que ces facteurs ont un pouvoir explicatif limité et soutient qu'une surveillance efficace – aussi bien des militaires que des acteurs sociopolitiques qui peuvent leur donner un prétexte d'intrusion dans le champ politique – est le facteur déterminant. Au-delà de la non-occurrence du coup d’État, cette explication contribue à la littérature sur les stratégies de survie autoritaire. Cette littérature met un accent exclusif sur la répression, la cooptation et la légitimation ; or, la surveillance s'entremêle avec ces stratégies, et ce sont leurs effets combinés qui créent les conditions de la persistance autoritaire.