La cataracte radio-induite était considérée jusqu’à nos jours comme une pathologie assez peu fréquente, nécessitant de fortes doses de rayonnement (dépassant un seuil élevé, de l’ordre de 2 Grays au cristallin) et se réduisant principalement aux cataractes radiques des patients de radiothérapie. Plusieurs études récentes portant sur des populations aussi diverses que les astronautes, les survivants d’Hiroshima–Nagasaki, les patients ayant subi un scanner céphalique, les « liquidateurs » de Tchernobyl ainsi que quelques expérimentations animales nous amènent à reconsidérer la question : le seuil d’apparition aussi bien des opacités détectables que des cataractes symptomatiques paraît nettement plus bas qu’actuellement estimé. L’existence même d’un seuil n’est plus tout à fait une certitude dans la mesure où la pathogénie de la cataracte radio-induite serait moins de type déterministe (dommage tissulaire direct tuant ou endommageant gravement une population cellulaire donnée) comme on le pensait, mais d’avantage de type stochastique (altération du génome des cellules cibles, perturbation de la division cellulaire, trouble de la différenciation cellulaire des cellules filles). De manière plus pratique, ces observations sont de nature à nous faire reconsidérer la protection des populations spécifiquement exposées : patients et travailleurs principalement. S’agissant des travailleurs, et si ces nouvelles données étaient confirmées, la limite actuelle de dose équivalente au cristallin du code du travail de 150 mSv sur 12 mois consécutifs pourrait, à terme, être revue à la baisse.