La schizophrénie dans les sociétés traditionnelles africaines est depuis longtemps sujet d’interrogations multiples et de fantasmes divers. Mais tandis que les représentations traditionnelles de la maladie mentale en Afrique sub-saharienne sont bien connues des anthropologues et des ethnopsychiatres, il semble important de les réinterroger au filtre de la société africaine contemporaine. De même, ne serait-il pas temps de rediscuter certaines représentations occidentales idéalisées, selon lesquelles la schizophrénie serait rarissime en Afrique et les malades y seraient mieux pris en charge par la communauté ? Dans une deuxième partie, nous étudierons la littérature internationale concernant l’épidémiologie de la schizophrénie dans le monde, plus particulièrement en Afrique. Des premières enquêtes d’Emil Kraepelin à Java à la fin du 19e siècle, aux comités internationaux mandatés par l’Organisation mondiale de la santé pour la rédaction du DSM IV-R, et plus récemment du DSM 5, en passant par les données publiées par des psychiatres africains, nous ferons le point sur les données épidémiologiques concernant la schizophrénie en Afrique de l’Ouest. Nous verrons quelles sont les disparités géographiques et socioéconomiques [1]. Ces données seront toutefois à nuancer : sont-elles réellement interprétables au regard du contexte culturel et social des pays concernés ? La proportion de personnes effectivement prises en charge reste minime et le recensement des individus atteints de troubles psychiques ne peut dès lors être qu’approximatif. Malgré l’insuffisance de statistiques officielles, les soignants travaillant en Afrique sub-saharienne confirment au fil des personnes rencontrées l’existence incontestable de troubles psychiques sévères, comme la schizophrénie. Ils y observent une même triade symptomatologique, ne différant que par l’expression clinique du délire, influencé par le vécu, social et culturel, des personnes. Ils témoignent du quotidien des malades africains, fait d’enchaînements et de maltraitance. L’accès aux soins est un parcours du combattant pour les familles. Cela s’illustre dans les faits par des durées extrêmement élevées de psychose non traitée.