Cet article est consacré à l'analyse d'un recueil d'articles publié par Gilles Deleuze en 1953 sous la direction de Georges Canguilhem. Ce recueil, très peu lu et commenté, éclaire cependant la trajectoire intellectuelle de son auteur en soulignant les hésitations théoriques qui furent les siennes. Nous montrons en effet que Deleuze a alors esquissé un projet « psycho-sociologique » ambitieux qu'il n'a cependant jamais totalement actualisé mais qui n'a cessé de travailler son œuvre. Pour ce faire, nous reconstitutions l'ensemble du sous-texte psychologique et éthologique étudié par Deleuze, en tentant de suivre ses sources exactes de première ou de seconde main ; nous mettons ainsi en évidence de réelles prises de position théoriques souvent inaperçues dans son œuvre (vis-à-vis de Henri Bergson, Jakob von Uexküll et la gestaltpsychologie notamment). Nous faisons alors l'hypothèse que ce sont les difficultés liées à la théorie de la perception qui conduisent Deleuze à se détourner de ce projet esquissé dans les années 1950 afin de se consacrer à des problématiques d'ordre plus spécifiquement ontologique. Nous montrons cependant que ces difficultés persistent tout au long des ouvrages deleuziens où les notions de « signe » et de « sémiotique » viennent à la fois recouvrir et éviter les problèmes spécifiquement perceptifs.