Published online by Cambridge University Press: 04 May 2017
Cet article présente une lecture de l’histoire de la Palestine telle qu’elle est perçue par les historiens arabes. Il aborde l’évolution de cette histoire à travers les étapes marquantes de la construction identitaire et nationale du peuple palestinien. On propose, notamment, une analyse de l’historiographie arabe moderne de la Palestine dans le sens où elle est conçue en miroir de l’histoire israélienne et comme outil de revendication de l’appartenance d’un peuple à une terre. L’année 1948, caractérisant l’expulsion (Nakba) des Palestiniens de leur terre, est un tournant décisif dans l’écriture et l’appréhension de l’histoire palestinienne : elle représente l’année de départ mais également celle du retour vers la construction d’une identité nationale, territoriale et historique.
This paper presents a new reading of the Palestinian history as perceived by the Arab historians. It tackles the evolution of the history throughout the significant stages of the nation and identity building of the Palestinian people, and proposes an analysis of the modern Arab historiography of Palestine conceived as a mirror to the Israeli one, and as a tool for the claim of the lost homeland. The year of 1948 designating the Palestinian expulsion (Nakba) remains the turning point for all the writings and represents at the same time, the year of departure and of return for the construction of the national, territorial and historical Palestinian identity.
1 - Outre le dossier consacréaux « nouveaux historiens israéliens» (Annales HSS, 59-1, 2004), on peut se reporter à Vidal, Dominique, Le péchéoriginel d’Israël, Paris, Éditions de l’Atelier, 1998,Google Scholar et à Greilsammer, Ilan, La nouvelle histoire d’Israël. Essai sur une identiténationale, Paris, Gallimard, 1998.Google Scholar
2 - Heymann, Florence, «Avant-propos», in Heymann, F. et Abitbol, M. (dir.), L’historiographie israélienne aujourd’hui, Paris, Centre de recherche français de Jérusalem/CNRS Éditions, 1998, p.13.pGoogle Scholar
3 - Voir Manna, Adel‘, ‘a‘lâm Filastîn fi awakher al ‘ahd al ‘othmani (1800-1918)(Les élites de Palestine à la fin de l’époque ottomane), Beyrouth, Mu’assassat al dirassat al- filastiniyya, [1986] 1995, pp. 1 –10.Google Scholar
4 - Marâdi, Khalil, Salk al-dourar fi a‘yân al qarn althâni ‘achar(Les personnalités célèbres du XIIe siècle de l’hégire), Le Caire,Google Scholar s. éd., 4 vols, 1291h-1301h, citédans A. MANNA’, ‘a‘lâm Filastîn…, op. cit., p. 2.
5 - Laurens, Henry, La question de Palestine, t. 1, 1799-1922. L’invention de la Terre sainte, Paris, Fayard, 1999, p. 69.Google Scholar
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9 - Adelmanna‘, , Tarikh Filastîn fî awâkher al ‘ahed al ‘outhmânî(L’histoire de la Palestine à la fin de l’Empire ottoman 1700-1918), Beyrouth, Mu’assassat al dirassat al-filastiniyya, pp. 239 –258.Google Scholar
10 - Zureik, Constantine, Nahnou wal Tarikh(Nous et l’histoire), Beyrouth, Dâr al-ilm lil malayîn, 1959 Google Scholar, qualifie la période ottomane de « paralysante pour le Réveil arabe». Il revint plus tard sur cette affirmation dans un discours prononcéà l’occasion de la commémoration du cinquantenaire de la Nakba à Beyrouth, affirmant la nécessitéde réécrire l’histoire palestinienne et de revisiter la période ottomane.
11 - Azoury, Nagib, Le réveil de la nation arabe, Paris, Plon-Nourrit et Cie, 1905, p. 5.Google Scholar
12 - Khalil al-Sakakîni a rédigéun journal individuel comportant des informations essentielles pour cette période : Kadha ana ya dunya; yawmiyyât Khalil al-Sakakîni(Ainsi je suis fait, ô monde. Le journal de Khalil al-Sakakîni), Jérusalem, s. éd., 1955.
13 - Porath, Yehoshua, The emergence of The Palestinian-Arab national movement, 1929- 1939, Londres, Frank Cass, 1977, pp. 7 –8.Google Scholar
14 - A.MANNA‘, ‘a‘lâm Filastîn…, op. cit., pp. 250-251.
15 - Antonius, George, The Arab awakening, Londres, Hamish Hamilton, 1938, p. 412. Le dernier chapitre de cet ouvrage est une analyse des mandats en Irak, Syrie, Liban et Palestine.Google Scholar
16 - Voir aussi ‘ISSA AL-SIFRI, Filastîn al-‘arabiyya bayn al-intidâb wa al-suhyuniyya(La Palestine arabe entre mandat et sionisme), Jaffa, Maktabat Filastîn al-Jadîda, 1937 ; YUSSEF HAYKAL, al-Qadiyya al-Filastiniyya(La cause palestinienne), Jaffa, Matba‘at al- Fajr, 1937 ; SA‘DI BSISU, Naqd wa tahlil(Critique et analyse), Jérusalem, al-Matba‘at al-Tijariyya, 1945 ; MICHAEL ABCARIUS, Palestine through the fog of propaganda, Londres, Hutchinson, 1946.
17 - ‘I. AL-SIFRI, Filastîn…, op. cit., pp. 219-220.
18 - Sanbar, Elias, « Le vécu et l’écrit : historiens réfugiés de Palestine», Revue des étudespalestiniennes, 1, 1981, pp. 62-75, ici p. 66.Google Scholar
19 - Ála suite de la création de l’État d’Israël et de la guerre de 1948, plus de sept cent cinquante mille Arabes de Palestine furent expulsés de leur terre et s’installèrent dans les pays arabes voisins.
20 - Néen Syrie, en 1952, de l’union du Parti Baas arabe et du Parti Baas socialiste.
21 - Ce parti fut fondéau début des années 1950 par des étudiants de l’universitéaméricaine de Beyrouth, pour la plupart Palestiniens, parmi lesquels il faut mentionner Georges Habach. Ce mouvement, intellectuel et politique au départ, s’inspirait des écrits de nationalistes arabes de la première génération tels que Sati’ al-Hussari et Constantine Zureik. Très vite, le mouvement se radicalisa, fonda des sections militaires et mena des actions terroristes contre les chefs arabes jugés responsables de la défaite.
22 - Darwaza, Muhammad ‘Izzat, Hawla al haraka al-‘arabiyya al haditha(Autour du mouvement arabe moderne), Saïda, al-Maktaba al-‘Asriyya, 1950, 6 vols.Google Scholar
23 - ID., Al ‘Arab wal ‘urûbah min al qarn al-thâlith hatta al qarn al rabi’ ‘achar al hijri(Les Arabes et l’arabitédu IIIe siècle au XIVe siècle de l’hégire), Damas, s. éd., 1959.
24 - Zureik, Constantine, Ma‘na al-Nakba(Le sens du Désastre), Beyrouth, Dâr al‘ilm lil malayîn, 1948, pp. 5 –7.Google Scholar
25 - Ibid., p. 42.
26 - Ibid., p. 43.
27 - AL-‘Arif, ‘Arif, al-Nakba : Nakbat bayt al-Maqdis wal-firdaws al-maqud, 1947-1952(La catastrophe de Jérusalem et le paradis perdu), Beyrouth,al-Maktaba al-‘Asriyya, 1956-1960, 6 vols.Google Scholar
28 - La guerre de 1967 représente, pour les Palestiniens et les Arabes (à l’exception des pays du Maghreb), une défaite aussi humiliante que celle de 1948. Israël, qui occupe désormais Gaza et la Cisjordanie ainsi qu’une partie du Golan, apparaît pour longtemps comme la seule puissance militaire et politique.
29 - E. SANBAR, « Le vécu et l’écrit…», art. cit., p. 68.
30 - Voir NAJI ‘ALLOUCH, al-Mouqawama, al‘Arabiyya fi Falastîn(Le mouvement nationaliste en Palestine), Beyrouth, Centre de recherche de l’OLP, 1974 ; SAMIR AYYOUB, al- Bina’al tabaqi lilfalstinyîn fi loubnân(La structure de classes des Palestiniens au Liban), Beyrouth, Publications de l’Universitéarabe de Beyrouth, 1978 ;MOU‘ÎN AHMADMAHMOUD, al-falstiniyoun fi loubnân, al waqe’ al ijtima‘i wal siyassi(Les Palestiniennes au Liban, réalités sociales et économiques), Beyrouth, Dâr Ibn Khaldoun, 1973 ; ABDEL WAHAB KAYYALI, Tarîkh falastîn al-hadith(Histoire nouvelle de la Palestine), Beyrouth, al-Mu’assassat al-‘arabiyya liltibâ‘a wal nachr, 1970 ; KAMEL KHALLA, Falasîtn wal-intidâb al barîtâni(La Palestine sous mandat britannique), Beyrouth, Centre de recherche de l’OLP, 1974 ; HANIMANDAS, al-‘Amal wal ‘oummâl fi moukhayyam tall el-za‘tar(Le travail et les travailleurs dans le camp de Tal el-Zaatar), Beyrouth, Centre de recherche de l’OLP, 1974 ; ‘ABDEL QÂ DER YASSÎN, Târîkh al tabaqa al‘âmila al filastiniyya, 1918-1948(Histoire de la classe ouvrière palestinienne, 1918-1948), Beyrouth, Centre de recherche de l’OLP, 1980.
31 - S. AYYOUB, al-Bina’al tabaqi…, op. cit., pp. 95-117.
32 - N. ‘ALLOUCH, al-Mouqawama…, op. cit., pp. 18-20.
33 - Jalloul, Faysal, Nakd al-silâh al filastinîni mukhayyam burj el barajneh: ahlan wa thawratan, wa mukhayyaman(Critique de l’armement palestinien : le camp de Bourj el Barajneh, les réfugiés, la révolution et le camp), Beyrouth, Dâr al-Jadîd, 1993.Google Scholar
34 - Cette agence fut créée après le vote de la résolution 302 de l’assemblée générale des Nations Unies, le 8 décembre 1949. Dotée d’un budget propre, chargée d’éduquer, soigner et assister les réfugiés, ainsi que de la mise en oeuvre des projets de créations d’emplois.
35 - ABDEL WAHAB KAYYALI, al-Kiboutz(Le kiboutz), Beyrouth, Centre de recherches de la Palestine, 1966 ; ID., Matame’ Isra’îl al- tawasou‘iya(Les visées expansionnistes d’Israël), Beyrouth, Centre de recherches de la Palestine, 1966.
36 - Hadawi, Sami, La Palestine mise en évidence, Beyrouth, Centre de recherches de la Palestine, 1968.Google Scholar
37 - Sanbar, Elias, Palestine 1948. L’expulsion, Paris, Les Livres de la Revue d’études palestiniennes, 1985.Google Scholar
38 - Khalidi, Walid, « Plan Dalet: Master plan for the conquest of Palestine», Journal of Palestine studies, 18, 1, « Palestine 1948», 1988, pp. 4 –33.CrossRefGoogle Scholar
39 - Ibid., p. 8.
40 - ID. (éd.), Avant leur diaspora : une histoire des Palestiniens par la photographie, 1876- 1948, Paris, Éditions de la Revue d’études palestiniennes, 1986.
41 - ID., All that remains, the Palestinian villages occupied and depopulated by Israel in 1948, Washington, Institute for Palestine studies, 1992.
42 - Sayigh, Rosemary, From peasants to revolutionaries, Londres, Zed Books, 1979 Google Scholar, et, plus récemment, sur le camp de Chatila : ID., Too many ennemies, Londres, Zed Books, 1994.
43 - Ricoeur, Paul, La mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Le Seuil, 2000, p. 96.Google Scholar
44 - Masâlha, Nour, Ard akthar wa ‘Arab aqal/Siyâsat al- transfer al- isra’ilîyah fi al tatbîq, 1949-1996(Plus de terre, moins d’Arabes, histoire de la politique de transfert israélienne, 1949-1996), Beyrouth, Mu’assassat al dirassat al filastiniyya, 1997;Google Scholar Abou-Sitta, Salmânhussein, The Palestinian Nakba, 1948. The register of depopulated localities in Palestine, Beyrouth, Hayàt ‘Ard Filâstîn, 1997;Google Scholar SALEH ABDEL-JAWAD, On the history of Palestine: al Nakbeh and the oral and cultural traditions of the Palestinian villages, conférence donnée à Colombia University le 7 mars 1998.
45 - W. KHALIDI, All that remains…, op. cit. ; Morris, Benny, The birth of the Palestinian refugee problem, 1947-1949, Cambridge, Cambridge University Press, 1987.Google Scholar
46 - Les documents utilisés par N. Masâlha proviennent du Central Zionist Archives (CZA), Jérusalem : Protocols of the meetings of the Jewish agency executive,et du ministère des Affaires étrangères israélien : Israel State Archives (ISA), Foreign Ministry files, Jérusalem.
47 - Voir les travaux des chercheurs du CERMOC d’Amman, notamment ceux entrepris par Hana Jaber sur le camp de Wihdat, Randa Farah sur l’identitépalestinienne à travers les récits oraux dans les camps de Baq’a en Jordanie, Valérie Pouzol Ershaidat sur les femmes palestiniennes en Israël… Voir RICCARDO BOCCO, BLANDINE DESTREMEAU et JEAN HANNOYER (dir.), Palestine, Palestiniens, territoire national, espaces communautaires, Beyrouth, CERMOC, 17, 1997.
48 - Voir par exemple A. MANNA‘, ‘a‘lâm Filastîn…, op. cit., et l’ouvrage de référence : ID., Tarikh Filastîn…, op. cit.
49 - La série comprend quatre ouvrages portant sur les villes de Haïfa, Lod, Naplouse et Jérusalem.
50 - Al-Latif Ghanayem, Zuhayr Ghanayem Abd, Liwa’ ‘Akka fi ‘ahd al tanzimât al ‘outhmâniyya, 1864-1918(Le district d’Acre durant la période des tanzimâts, 1864-1918), Beyrouth, Mu’assassat al dirâssât al-filastiniyya, 1999.Google Scholar
51 - Laurens, Henry, dans « Palestine, 1948. Les limites de l’interprétation historique», Esprit, août-septembre 2000, pp. 119 –146,Google Scholar évoque ce conflit des légitimités en opposant les thèses « intentionalistes» revendiquées par les historiens palestiniens pour expliquer la Nakba, à celles, « circonstancielles», des historiens israéliens pour justifier la création d’Israël et l’origine du problème des réfugiés.
52 - Tamari, Salim et Zureik, Elia (éd.), Reinterpreting the historical records: the uses of Palestinian Refugee archives for social science research and policy analysis, Jérusalem, Institute for Jerusalem Studies/Institute for Palestine Studies, 2001.Google Scholar