La fresque peinte par Lorenzetti en 1338-1339 dans la Sala della Pace du Palais public de Sienne fut maintes fois commentée par les historiens. Quentin Skinner en a proposé récemment une nouvelle interprétation, qui nous invite à repolitiser notre regard sur cette oeuvre. Pour en évaluer la portée et les limites, on resitue d’abord la fresque dans ses contextes multiples : celui de la commande publique, de la carrière d’un peintre réputé savant, celui de l’histoire du palais comme lieu d’images, mais aussi de la tension conceptuelle entre réalisme figuratif et allégories. La lecture skinnerienne de ces dernières pose des problèmes iconographiques qui touchent à la fois à l’histoire des cités italiennes et à la question plus globale des rapports entre une image et ses sources textuelles. On montre ensuite que la portée politique de l’oeuvre réside moins dans l’illustration, par l’allégorie, d’une théorie politique constituée que dans le fonctionnement visuel d’une composition qui, avec les moyens propres de la peinture, exprime une conception (à la fois historiquement marquée et toujours susceptible de réactualisation) de l’espace public, du temps de l’histoire et des périls de la subversion de l’esprit public. Une oeuvre qui, au total, représente moins les principes intangibles du « bon gouvernement » que l’opposition brûlante, ici et maintenant, entre « la guerre et la paix ».