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Homère et le monde mycénien, à propos d'un livre récent et d'une polémique ancienne

Published online by Cambridge University Press:  26 July 2017

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Ce n'est pas un livre banal que celui qui a été publié en 1962 sous la double signature d'Alan J. B. Wace, qui fut jusqu'à sa mort en 1957 le plus grand spécialiste anglais de l'archéologie mycénienne, et de l'helléniste et archéologue Frank H. Stubbings. Sous un titre modeste il s'agit en réalité d'un grand traité des études homériques, écrit selon la tradition des manuels britanniques par une équipe de spécialistes, en l'espèce seize savants, tous éminents. Excellente occasion de poser à nouveau, en des termes modernes, un débat vieux de près d'un siècle, et que ce livre ne clora pas : celui des rapports entre la poésie homérique telle que nous l'a transmise la tradition, et le monde mycénien qui, de la légende à l'archéologie et de l'archéologie à la philologie, nous devient progressivement accessible.

Type
Mises au Point
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1963

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References

1. A.J.B. Wace et Stubbings, F.H., A Companion to Homer, Londres, Macmillan, 1962, 595 Google Scholar p. .

2. Cf. son article, « The History of Greece in the third and the second millenium B. C. », Historia 2, 1953, pp. 74-94, rédigé peu avant et publié immédiatement après le déchiffrement. Les prises de position de Wace en cette matière lui avaient valu quelques « difficultés » avec A. J. Evans et ceux qui, à sa suite, ne voyaient dans le monde mycénien qu'une succursale du monde Cretois. Whitman, Cedric, Homer and the heroic Tradition, Cambridge, Mass., 1958 CrossRefGoogle Scholar.

2. Une bonne analyse a été publiée par A. Sevekyns, dans sa « Chronique homérique » de l'Antiquité classique 1962, pp. 275-302.

3. Cf. notamment Buffiere, F., Les Mythes d'Homère et lapensée grecque, Paris, 1956 Google Scholar Pépin, J., Mythe et allégorie. Les origines grecques et les contestations judéo-chrétiennes, Paris, 1958, pp. 86214 Google Scholar ; P. LevÊQue, Aurea catena Homeri. Une étude sur l'allégorie grecque Paris 1959 ; M. DÉTienne, Homère, Hésiode et Pythagore collection Latomus, 57, Bruxelles, 1962.

1. Cf. par ex. J. Kraemer, « Arabische Homer Verse», Zeitschrift der Deutschen Morgenlandische Gesellschaft 1956, pp. 259-316, et 1957, pp. 511-518 ; G. Von Grunebaum, L'Islam médiéval trad. O. Mayot, Paris, Payot, 1962, p. 330 sq. Un des signes de la « renaissance arabe » du début de ce siècle fut la publication (le Caire, 1904) de la traduction en vers de l'oeuvre homérique par Sulayman Al-Bustani. Je dois ces informations et ces références à l'amitié de Maxime Rodinson.

2. Milman Parry, L'Epithète traditionnelle dans Homère Paris, 1928 ; Les Formules et la métrique d'Homère Paris, 1928 ; « Study in the epic technic of oral verse-making » in Harvard Studies in classical Philology. I. Homer and Homeric style 41, 1930, pp. 73- 147 ; 43, 1932, p. 250. On trouvera une bibliographie des recherches homériques de M. Parry dans l'article d'A. B. Lord, « Homer, Parry and Huso », American Journal of Archeology 1948, pp. 34-44.

3. A. B. Lord a commencé à publier, en 1953, sous les auspices de l'Académie yougoslave et de l'Université de Harvard le texte, accompagné d'une traduction anglaise, des épopées recueillies par Parry : Serbo-Croatian Heroic Songs collected by Milman Parry and translated by Albert Bâtes Lord, Cambridge, Mass., 1953 sq. P. 75. Cette réserve a beaucoup étonné A. Severyns, art. cité, p. 281.

2. Le débat a été récemment repris dans une note brève, mais ingénieuse, de B. Hemmerdinger, « Wolf, Homère et le papyrus », Archiv fur Papyrusforschung 17, 1962, pp. 186-87, qui pose, après d'autres, le problème de la date de l'importation du papyrus (byblos) de Phénicie. Le papyrus a-t-il été importé avec l'alphabet 1 On comparera ses conclusions avec celle de L. H. Jeffery, The local scripts ofArchaic Greece Oxford, 1961, pp. 19-21 et 56. Hemmerdinger a tort, semble-t-il, de s'en tenir à l'ancienne hypothèse qui fait venir l'alphabet de Byblos ; c'est dans la région d'Al-Mina qu'il faut placer la rencontre majeure entre Grecs et Phéniciens. 1.Certaines affirmations, pour être classiques, méritaient aujourd'hui d'être nuancées. Ainsi Wace affirme (p. 337) que la transition entre le bronze ancien et le bronze moyen est brutale et qu'un matériel entièrement nouveau — le fameux « minyen gris » — que l'on rencontre également en Troade — qui est considéré de puis plusieurs dizaines d'années comme témoignant de l'arrivée sur la terre d'Hellade d'un peuple nouveau : les Grecs. Or, outre que dans plus d'un site, un « minyen noir » a précédé le « minyen gris », on peut constater, grâce à la publication récente des fouilles déjà anciennes des Kirrha (cf. L. Doit, J. Jannoray, H. et M. Van Effenterre, Kirrha, Etude de préhistoire phocidienne Paris, de Boccard, 1960, pp. 80-31) que dans des couches incontestablement « helladiques moyennes » on voit réapparaître des poteries typiques de l'« Helladique ancien ». Avertissement salutaire pour ceux qui seraient tentés de « stratifier » trop systématiquement les peuples.

1. Cf. son livre, From Mycenae to Homer Londres, Methuen, 1958, qui vient d'être Elle y résume les conclusions de son grand ouvrage cité plus haut, p. 706, n. 2).

2. A. Severyns, art. cité p. 276 : « Il y aura toujours des esprits chagrins pour prétendre que cette époque héroïque — l'époque mycénienne — nous intéresse moins que celle où vivait l'aède qui en parle… Et il y aura toujours des «esprits critiques » pour prétendre que [le monde décrit par Homère est tout entier post-mycénien et que les soi-disant survivances sont rares, isolées et tronquées], pour prétendre même que le mycénien ne joue aucun rôle dans le développement de la civilisation à laquelle nous pensons lorsque nous disons « grecque » ou « hellénique ». La partie de ce texte que nous avons mise entre crochets est une citation assez approximative d'un article de M. I. Finley, « Homer and Mycenae », Historia 1957, pp. 133-159, cité|plus exactement, mais sans nom d'auteur, par F. Stubbings à la page Vii de son introduction ; la fin de la phrase est une citation d'une phrase de R. M. Cook (Nature 19 juillet 1958, p. 153) également mentionnée, sans nom d'auteur, par F. Stubbings.

3. A. Severyns le sait mieux que quiconque lui qui, en remaniant de fond en comble son petit livre, Homère, le cadre historique Bruxelles, collection Lebègue, 1943, traduit en français, De Mycènes à Homère Paris, Payot, 1962. a aussi changé son titre devenu : Grèce et Proche-Orient avant Homère Bruxelles, 1960. Ce livre est d'ailleurs une remarquable synthèse.

1. On trouvera une expression de cette thèse dans le livre classique de Martin P. Nilson, Homer and Mycenae Londres 1933.

2. Companion p. 516. Un nouveau casque orné de défenses de sanglier, qui accompagnait une armure mycénienne en bronze complète, a été retrouvé dans une tombe de Dendra, en mai 1960. Cf. Bulletin de correspondance hellénique 1961, p. 671-75.

3. Homer and the monuments Londres 1950, p. 452.

4. Cf. J. F. Daniel et H. T. Wade-Gehy, « The Dorian invasion », American Journal of Archaeology 1948, pp. 110, 115, 117. Cet exemple reste unique.

5. Companion pp. 498-503. A. Sevekyns, selon qui « le scepticisme en matière homérique est peu payant » (article cité, p. 300) juge cette conclusion « pessimiste » ; elle ne s'en impose pas moins dans l'état actuel de la recherche. 1. V. Bubr, Necv KaTocXo-fo; : Untersuchungen zum homerischen Schiffs-Katalog Klio, Beiheft 49 (N. F. heft 36), Leipzig, 1944. J e ne connais cet ouvrage, absent des bibliothèques parisiennes, que par les références nombreuses qui y sont faites dans les livres cités ci-dessous (note 2 et 3, p. 13) de G. Jachmann et de D. Page.

2. C'est ce qu'a essayé de démontrer, non sans succès, Jean BÉBahd, dans l'ensemble de son oeuvre. Voir surtout la Colonisation grecque en Italie et en Sicile 2e édition, Paris, 1957.

3. History and the komeric Iliad Sather classical lectures, n° 33, Berkeley, 1959, p. 121 sq.

4. Les conclusions de V. Bubr. ont été combattues par Gunther Jachmann, Der homerische Schiffskatalog und die Ilias Cologne, 1958. Voir notamment pp. 13-31.

5. Homère Paris, 1950.

1. Cf. T. B. L. Webster, From Mycenae to Homer pp. 107 et 143, qui reprend des suggestions de Nilsson et de Mylonas.

2. Les Origines de la pensée grecque Paris, P. U. F., 1962.

3. New York, The Viking Press, 1954, p. 43. La seconde édition (Londres, Chatto & Windus, 1956) comporte un appendice sur ces problèmes.

4. « The mycenaean tablets and économie history », Economie History Review 2e série, 10, 1957-58, pp. 128-141, « Homer and Mycenae, property and tenure », Historia 1957, pp. 133-134.

5. Cf. J. Chadwick, « Une bureaucratie préhistorique », Diogène 26.1959, pp. 9-23.

6. Article cité, Economie History Review p. 141, n° 1..

7. Article cité, Historia pp. 135 et 159.

1. Cf. la réponse de L. Palmer, dans Economie History Review,l 1958-59, pp. 87-96.

2. Oriental Despotism New-Haven, Yale University press, 1957.

3. Op. cit., p. 196. M. Finley, se référant au même concept de « mode de production asiatique » qui est utilisé par Wittfogel, écrit de son côté : « le déchiffrement du linéaire B a du moins une contribution significative à faire. Il aide à débarrasser le concept de « société asiatique » de ses liens traditionnels avec « l'Orient » et avec les vallées inondées », art. cité, Economie History Rcwiev p. 141n . l.

4. Comme le souligne J.-P. Vernant, op. cit. pp. 13-19.

1. M. Ventkis et J. Chadwick, Documents in Mycenaean Greek p. 266, n° 152

2. Cf. Michel Lejeune, « Prêtres et prêtresses dans les documents mycéniens », Mélange Dumézil collection Latomus, 45, pp. 129-139.

3. L. R. Palmer, Mycenaeans and Minoans Londres, Faber & Faber, 1961, p. 256. Sur la controverse qui oppose L. Palmer aux disciples d'Evans à propos de la datation des tablettes de Cnossos, cf. outre le livre de Palmer, J. Raison, « Une controverse sur la chronologie enossienne », Bulletin de Vassociation Guillaume Budé octobre 1961, pp. 305-319. La controverse se poursuit depuis, sur un autre terrain. Cf. en dernier lieu H. Van Effenterre, « L'archéologie renouvelle l'histoire de la Crète », Preuves février 1963, pp. 15-23.

2. L. Palmer, Achaeans and Indo-Europeans leçon inaugurale, Oxford, 1955.

5. Cf. surtout E. Will, « Aux origines du régime foncier grec », Revue des études anciennes 1957, pp. 5-50. L'objection a été faite à Finley par Palmer (art. cité de VEconomic History Review). Dans son livre cité ci-dessus (note 3), L. Palmer écrit (p. 97) : « Que la société politique mycénienne n'ait pas été un despotisme absolu du type oriental est évident d'après le caractère du démos ou commune ». Mais il écrit, fort justement, par ailleurs (pp. 99-100) : « Le tableau qui a progressivement émergé d'une analyse détaillée des archives est celui d'une bureaucratie méticuleuse et efficace Cf. WlTtfogel, 1.op. Cit. pp. 117-120.

2. Cf. T. B. L. Webster, op. cit. p. 136 sq.

3. L. H. Jeffery, op. cit. p. 3

4. J.-P. Vernant, op. cit. p. 43.

5. D. Page, op. cit. p. 187.

6. A. J . Wace plutôt que des grands palais le rapproche de la « maison des colonnes » à Mycènes (Companion p. 490 sq.). On sait qu'aucun palais n'a été découvert à Ithaque.

7. Comme le fait G. Jachmann, op. cit. p. 9, qui répond bien entendu par la négative.

1. C. H. Whitman, op. cité p. 45.

2. D'une mythologie déjà ancienne, puisqu'elle fut celle des Grecs eux-mêmes, comme le rappelle J . A. K. Thomson (Companion p. 3).

3. Cf. P. Coukbin, « Une tombe géométrique d'Argos », Bulletin de correspondance hellénique 1957, p. 322-386.

4. Sur cette question, cf. D. H. F. Gray, « Métal Working in Homer », Journal of Hellenic Studies 1954, p. 1-15.

5. « The structure of the Iliad illustrated by the speeches », Journal of Hellenic Studies 1954, pp. 122-141. Op. cit. p. 656.

4. The Greeks and the irrationnai Berkeley, 3 e éd., 1963.

3. Cette dernière étant plus importante et plus complexe que ne le voudrait B. Sneix selon A. Lesky : GOttliche und menschliche Motivation im homerischen Epos Sitzungberichte der Heidelberger Akademie der Wissenschaften, Philosophisch-historische Klasse, 1961, 4 Abhandlung. Voir aussi sur ces questions, H. Schbade, Gotter und Menschen Homers Stuttgart, 1952, et J. Sulligeb, « Des Dieux et des héros dans l'Iliade », Mélanges A. Bonnard Neuchâtel, 1958, pp. 29-49.

4. L'Homme antique et la structure du monde intérieur Paris, Payot, 1958, Cf. aussi en dernier lieu, Cl. Ramnoux, Mythologie ou la famille olympienne Paris, Armand Colin, 1962.

5. C'est le jugement qu'on est tenté de porter sur le livre de R. B. Onians, The origins of European thought 2e édition, Cambridge 1953.

6. Sur cette mentalité aristocratique, cf. W. Jeagek, Paideia I, p . 3 sq. de la traduction anglaise, Oxford, 1946; M. Finley, The World of Odysseus p. 114 sq. ; A. Aymakd, « Hiérarchie du travail et autarcie individuelle dans la Grèce archaïque », Bévue d'histoire de la philosophie et d'histoire générale de la civilisation 1943, pp. 124- 146 ; « L'idée de travail dans la Grèce archaïque », Journal de Psychologie 1948, pp. 29-45. Les problèmes qui ont été brièvement posés ici à propos des sociétés achéennes sont abordés avec une franchise qui touche à la brutalité dans un article que vient de publier H. Van Effenterre, « Politique et religion dans la Crète minoéenne », Revue Historique janvier-mars 1963, p. 1-13. La découverte par l'auteur, à Mallia, d'un vaste ensemble : crypte hypostyle et cour rectangulaire, distinct tant du palais que de la Aille et semblant avo'r eu un usage purement civil, implique selon lui des conséquences révolutionnaires : dans la cour il faut voir une place d'assemblée, et même la première agora. Il faut enfin en finir avec la représentation d'un Minos roi-prêtre. Ces conclusions qui précèdent la première publication des nouvelles fouilles de Mallia (celle-ci aura lieu dans le Bulletin de Correspondance Hellénique de 1963) laissent un peu hésitant. M. Van Effenterre souligne lui-même (p. 7) combien la cour de Mallia « rappelle de façon frappante l'architecture de certaines cours asiatiques ». Reliée par une route au palais, la cour de Mallia en est-elle vraiment distincte ? On ne peut ici que noter brièvement les questions, mais l'article de M. Van Effenterre a le très grand mérite de poser les problèmes en termes nouveaux. Seul le déchiffrement du linéaire A permettra vraiment de mieux les comprendre.