Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Les plus anciens chroniqueurs de la conquête arabe d'Afrique du Nord ont perçu la population berbère comme répartie en deux catégories : les Botr et les Beranès. Dans les sources qui se rapportent à la période antérieure à la conquête arabe, on ne rencontre nulle trace de ces termes, ni d'une quelconque division des Berbères en deux catégories bien tranchées. Beaucoup plus tard, cependant, l'historiographie arabe, et en particulier Ibn Khaldūn, se fait l'écho d'une acception ancienne de ces mots, suivant laquelle ils désigneraient les ancêtres éponymes de deux grandes lignées de tribus berbères. L'érudition contemporaine n'accepte plus de prime abord les généalogies d'Ibn Khaldūn et s'est livrée à diverses tentatives pour élucider l'énigme des Botr et des Beranès à partir de prémisses entièrement différentes.
The division of the Berber tribes into two categories, Butr and Berānis, is much in evidence in Arabic sources pertaining to the period after the Islamic conquest of North Africa ; the division is not in evidence in earlier sources. By drawing upon data from the fields of linguistics, agricultural technology, harnessing technology, and history of costume, the conclusion may be ventured that the division between the two groups reflects important aspects of the social and economic evolution of the Berber people in the pre-Islamic period. In particular, the appearance of the Butr tribes is linked to the agricultural history of the Roman period. The hypotheses put forward also permit the harmonization of the various previous theories relating to the division of tribes.
1. Ibn Khaldūn, Histoire des Berbères, trad. De Slane, Paris, Geuthner, 1968, I, XIX-XVIII, pp. 167-185. L'une des sources les plus anciennes auxquelles recourt Ibn Khaldūn pour ses généalogies est Ayyûb, fils d'Abû YazTd, « L'homme à l'âne », dont la rébellion religieuse fut anéantie vers 947.
2. Emile-Félix Gautier, Le passé de l'Afrique du Nord, nouvelle édition, Paris, Payot, 1952, pp. 201-229.
3. William Marçais fit le compte rendu de l'édition originale de 1927 dans la Revue critique d'Histoire et de Littérature, nouvelle série, XCVI, 1929, pp. 255-270.
4. La théorie de Marçais est exposée à nouveau et complétée par G. S. COI.IN, « al-Butr », Encyclopaedia of Islam, nouvelle édition. I, pp. 1349-1350. Gautier lui-même, dans son édition revue du Passe, mentionne la théorie dans sa note I, p. 226. Il la qualifie d’ « hypothèse extrêmement intéressante » mais ne cherche pas à l'intégrer à sa propre interprétation.
5. Gautier résume l'imbroglio généalogique dans Le passé, pp. 225-226.
6. C. Arambourg, J. Arènes, G. DE Page, « Contribution à l'étude des flores fossiles quaternaires de l'Afrique du Nord », Archives du Muséum national d'Histoire naturelle, t. II, 1953. pp. 1-85 : Baiout, Préhistoire de l'Afrique du Nord, Paris, 1955, 544 p. ; G. Camps, « Aux origines de la Berbérie. Massinissa ou les débuts de l'histoire», Libyca, VIII, 1960, Ier sem., p. 101 ss ; Aux origines de la Berbérie, rites et monuments funéraires, Paris, 1961 ; André Leroi-Gourhan, La Préhistoire, Paris, 1966. 366 p.
7. Charles-André Julien, Histoire de l'Afrique du Nord, Paris, Payot, 1961, I, pp. 97-98.
8. Cari Sauer, Agricultural origins and dispersais, Cambridge, Mass., MIT Press, 1969. On trouvera une appréciation typiquement négative de la végéculture dans le texte de C. D. Darlington, « The silent millenia in the origin of agriculture », The domestication and exploitation of plants and animais, Ucko et Dimbleby éds, Londres, Duckworth, 1969, pp. 67-71.
9. Les données linguistiques se trouvent dans E. Laoust, Mots et choses berbères, Paris, Challamel, 1920, pp. 273-275, 282 ; l'information sur le Sahara, dans R. Capot-Rey et Philippe Marçais, « La charrue au Sahara », Travaux de l'Institut de Recherches sahariennes.Université d'Alger, IX, 1953, pp. 47-49 ; les observations sur l'usage de la houe en montagne dans André Haudricourt et Mariel Delamarre, L'homme et la charrue, Paris, Gallimard, 1955, p. 255, n. 9. Laoust observe également (p. 282) que les Berbères Guanches des Canaries, dont la culture a maintenant disparu, cultivaient des céréales mais n'utilisaient pas l'araire.
10. Haudricourt et Delamarre, op. cit., pp. 77-78.
11. Ibid., pp. 232-233, 248-249, 264-265 ; Lucette Valensi, Fellahs tunisiens, l'économie rurale et la vie des campagnes aux XVIIIe et XIXesiècles, Paris-La Haye, Mouton, 1977.
12. Capot-Rey et Marçais, op. cit.Un petit nombre d'habitants sédentaires des oasis utilisent l'araire, mais ce sont surtout les nomades qui en font usage.
13. Gautier, Le passé, pp. 211-212.
14. Laoust, Mots et choses, pp. 291-292, 300.
15. E. F. Gautier, Sahara : thegreat désert, New York, Columbia Univ. Press, 1935, pp. 126- 134.
16. Richard W. Bulliet, The Camel and the Wheel, Cambridge, Mass., Harvard Univ. Press, 1975, chap. v.
17. Haudricourt et Delamarre, op. cit., pl. vi, pp. 18-19; Bulliet, op. cit., fig. 97 ; P. Romanelli, « La vita agricola tripolitana attraverso le rappresentazioni figurate », Africa italiana, III, 1930, pp. 53-75.
18. Comparer les représentations mentionnées à la note précédente avec la figure 11 de Capotrey et Marçais, op. cit., ainsi que Haudricourt et Delamarre, op. cit., p. 257.
19. J. Bérard, «Mosaïques inédites de Cherchel », Mélanges d'archéologie et d'histoire de l'École française de Rome, LU, 1935, pp. 113-142. D'anciens araires du type B y sont expressément comparés à des araires récents du type C (pp. 132-133) et les arguments invoqués montrent que la mosaïque représente effectivement une scène locale en Algérie (pp. 141-142). Pour la représentation des scènes de labour, on se reportera aux documents archéologiques illustrant l'article de E. Demougeot. « Le chameau de l'Afrique du Nord romaine », Annales ESC, 1960, pp. 209-247, pl. III-A, III-B et IV-A.
20. Bulliet, op. cit., pp. 194-208.
21. Capot-Rey et Marçais, op. cit., montrent que le harnachement individuel, d'un chameau habituellement, p. 47, a été en usage dans tout le Nord saharien.
22. Le joug sous-ventral, utilisé au Maroc pour atteler ensemble deux animaux de taille différente, est un autre trait extraordinaire de la technologie agricole nord-africaine qui mériterait d'être étudié à part. Voir Laoust, Mots et choses, p. 290, pp. 295-296 ; Haudricourt et Delamarre, op. cit., pp. 260-262.
23. Bulliet, op. cit., chap. v.
24. On trouvera un relevé exhaustif des sources relatives au chameau en Afrique romaine dans E. Demougeot. op. cit.
25. John H. Humphrey et John Grtffiths Pedley, « Roman Carthage », Scientific American, Ccxxxviii, janvier 1978, p. 117.
26. Le labour à l'aide de chameaux attelés par paires, sous le même joug, se retrouve dans les deux pays. Voir notamment Robichon, Clément et Varille, Alexandre, Eternal Egypt, Londres, Duckworth, 1955, fig. 79Google Scholar et Dalman, Gustav, Arbeit undSitte in Palàstina, Gùtersloh, Bertelsmann, 1932, II, fig. 38.Google Scholar Ce dernier ouvrage montre (fig. 37) le seul exemple de harnachement individuel pour chameau que j'aie trouvé à l'est de la Libye. Il semble tout à fait exceptionnel en Palestine, où il a peut-être été introduit récemment.
27. Bulliet, op. cit., p. 201, fig. 66.
28. Procopius, The Vandalic war, trad. Dewing, Londres, Heinemann, 1916, III.8.25-28, IV. I 1.14-56 ; le traité de Végèce sur les institutions militaires romaines est cité par Courtois, Christian, Les Vandales et l'Afrique. Paris Google Scholar, Arts et métiers Graphiques, 1955, p. 100, n. 3. Voir également la discussion par Courtois, n. 7, même page, de la barricade formée par les chameaux.
29. Procopius, op. cit., IV. 11.33.
30. Dans son compte rendu du travail de Gautier, pp. 261 -262, William Marçais suggère que la répartition géographique des noms de tribus n'a probablement aucune signification, ou relève de la coïncidence. Son scepticisme paraît excessif.
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34. Procopius, op. cit., III.25.5-8.
35. Ibid., IV.6.12-13.
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38. Ibid., pp. 72-75.
39. Ibn Khaldūn, Histoire des Berbères, I, pp. 208-209, pp. 213-214.
40. Ibn Cabd AI.-Hakam, Conquête…, pp. 124-125.
41. Riedmüller, Die Johannis…, pp. 47-50 ; Laoust, Mots et choses, pp. 127-130.
42. Riedmüller, Ibid., p. 48.
43. Courtois, Les Vandales, pp. 103, 344.
44. La première manière de prononcer est la plus fréquente, mais la dernière est attestée dans Synesios DE Cyrène, «Catastasis», Palrologiae Graecae, LXVI, col. 1572 ; voir Courtois, Les Vandales, pp. 102-103, notes I et 3.
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