Comme le pèlerin de Bayreuth, le lecteur de la trilogie que Fernand Braudel voue à la civilisation matérielle, à l'économie et au capitalisme des temps modernes ne saura d'abord se déprendre des sortilèges. Le ruissellement des références, le contrepoint des graphiques, des cartes ou des images qui courent au-devant du texte, le rythme des espaces et des temps embrassés lui donneront cette légère, cette agréable ivresse dont on croit triompher soimême page après page, jusqu'aux dernières.
L'illusion ne dure pas. Voici bientôt trois livres difficiles, où des explications exigeantes s'offrent, dans l'incertain, aux démentis de la matière historique. L'empiriste sans souci, l'idéologue tranquille reçoivent congé. Cette œuvre veut une lecture rigoureuse, désobéissante. A ce stade de l'investigation du moins, le projet de l'auteur semble venir en pleine lumière.