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Published online by Cambridge University Press: 20 January 2017
Au début del' année 2010, au Sénégal, apparaît une étrange rumeur d’« offrande de la mort » : un individu à bord d’une voiture distribuerait des aumônes qui tuent les personnes qui les acceptent. L’histoire fait la une del' actualité et plusieurs personnes, accusées de distribuer ces offrandes mortelles, sont violentées par la foule. Afin de mettre en perspective cette rumeur insolite, nous montrons que celle-ci met en crise la mendicité et la solidarité religieuse qui la sous-tend. La rumeur révèle ainsi, dans le contexte del' islam sénégalais, les ambiguïtés inhérentes àl' économie morale del' aumône (sarax en wolof). En faisant émerger une zone grise entre religion, magie et sorcellerie, ce cas exemplaire de cadeau empoisonné interroge de manière inquiète le spectre des rapports possibles entre les registres du don et du sacrifice, deux thèmes classiques del' anthropologie depuis Marcel Mauss.
In 2010, a strange rumor of “deadly alms” circulated in Senegal: a mysterious individual driving a SUV was said to distribute alms that killed all those who accepted them. The story made the headline news and several persons were accused of giving deadly alms and consequently beaten by crowds. In this article, we show that the rumor destabilizes the everyday routines of charity and the religious solidarity that underpins them. In the Muslim context of Senegal, the rumor thus exposes the ambiguities inherent in the moral economy of alms (sarax in Wolof). This paradigmatic case of poisoned gift indeed reveals a grey area between religion, magic and sorcery. It also worriedly questions the relation between gift and sacrifice, two classic concepts in anthropology since Marcel Mauss.
1 « Folle rumeur à Dakar et environs. L’offrande de la mort installe la panique ! », L’Observateur, 26 janv. 2010. L’information est reprise en une du journal.
2 Bonhomme, Julien, Les voleurs de sexe. Anthropologie d’une rumeur africaine, Paris, Éd. du Seuil, 2009 Google Scholar ; Id., « Les numéros de téléphone portable qui tuent. Épidémiologie culturelle d’une rumeur transnationale », Tracés, 21, 2011, p. 125-150 ; Id., « The Dangers of Anonymity: Witchcraft, Rumor, and Modernity in Africa », HAU. Journal of Ethnographic Theory, 2-2, 2012, p. 205-233 ; Bondaz, Julien, «Un fantôme sur iPhone. Apparition miraculeuse et imagerie mouride au temps du numérique », Communication & langages, 174, 2012, p. 3–17 CrossRefGoogle Scholar.
3 Les Wolof constituent le principal groupe ethnique du Sénégal. Leur langue, le wolof, fait également office de langue véhiculaire dans presque tout le pays. Pour la transcription, nous suivons l' orthographe donnée par Diouf, Jean-Léopold, Dictionnaire wolof-français et français-wolof, Paris, Karthala, 2003 Google Scholar.
4 Mauss, Marcel, Essai sur le don, Paris, PUF, [1925] 2007, p. 66 Google Scholar.
5 Nous empruntons à Natalie Zemon Davis la notion de « registres du don » qui permet de penser les rapports, au sein d’une même société, entre divers types de don obéissant à des règles et des valeurs distinctes. Natalie Davis, Zemon, The Gift in Sixteenth-Century France, Madison, University of Wisconsin Press, 2000 Google Scholar.
6 Mauss, Marcel, « Gift-gift »[1924], in Mauss, M., Œuvres, Paris, Éd. de Minuit, 1969, vol. 3, p. 46–51 Google Scholar.
7 Parry, Jonathan, « The Gift, the Indian Gift and the ‘Indian Gift’ », Man, 21-3, 1986, p. 453–473 CrossRefGoogle Scholar ; Raheja, Gloria Goodwin, The Poison in the Gift: Ritual, Prestation and the Dominant Caste in a North Indian Village, Chicago, University of Chicago Press, 1988 Google Scholar ; Laidlaw, James, « A Free Gift Makes no Friends », Journal of the Royal Anthropological Institute, 6-4, 2000, p. 617–634 CrossRefGoogle Scholar ; Snodgrass, Jeffrey G., « Beware of Charitable Souls: Contagion, Roguish Ghosts and the Poison(s) of Hindu Alms », Journal of the Royal Anthropological Institute, 7-4, 2001, p. 687–703 CrossRefGoogle Scholar.
8 Thompson, Edward P., « TheMoral Economy of the English Crowd in the Eighteenth Century », Past & Present, 50, 1971, p. 76–136 CrossRefGoogle Scholar.
9 Scott, James C., The Moral Economy of the Peasant: Rebellion and Subsistence in Southeast Asia, New Haven, Yale University Press, 1976 Google Scholar ; Fassin, Didier, « Les économies morales revisitées », Annales HSS, 64-6, 2009, p. 1237–1266 CrossRefGoogle Scholar.
10 Weber, Max, « L’éthique économique des religions mondiales », in Weber, M., Sociologie des religions, trad. par Grossein, J.-P., Paris, Gallimard, [1915-1920] 1996, p. 329–486 Google Scholar.
11 Triaud, Jean-Louis et Villalón, Leonardo (dir.), no spécial « Économie morale et mutations de l' islam en Afrique subsaharienne », Afrique contemporaine, 231-3, 2009 Google Scholar. Sur les usages africanistes du concept d’économie morale, voir Siméant, Johanna, « ‘Économie morale’ et protestation – détours africains », Genèses, 81-4, 2010, p. 142–160 Google Scholar.
12 Comaroff, Jean et Comaroff, John, « Occult Economies and the Violence of Abstraction: Notes from the South African Postcolony », American Ethnologist, 26-2, 1999, p. 279–303 Google Scholar ; Id., Zombies et frontières à l' ère néolibérale. Le cas de l' Afrique du Sud postapartheid, Paris, Les Prairies ordinaires, 2010.
13 Marcel MAUSS et Henri HUBERT, « Essai sur la nature et la fonction du sacrifice » [1899], in M. MAUSS, Œuvres, op. cit., vol. 1, p. 193-307.
14 Sur la fécondité heuristique du « cas » en sciences sociales, voir Passeron, Jean-Claude et Revel, Jacques (dir.), Penser par cas, Paris, Éd. de l' EHESS, 2005 CrossRefGoogle Scholar.
15 Nous empruntons l' expression « crise sorcière » à Laurent, Pierre-Joseph, Les pentecôtistes du Burkina Faso. Mariage, pouvoir et guérison, Paris, IRD/Karthala, 2003 Google Scholar.
16 Ce terrain collectif a bénéficié d’un financement dans le cadre du programme Ritme (ANR-08-CREA-053-02) dirigé par Carlo Severi.
17 La viande et l' argent sont les éléments de l' offrande les plus souvent mentionnés (80% des versions de notre corpus).
18 C’est d’ailleurs là où l' un d’entre nous a entendu parler de l' offrande de la mort pour la première fois, en février 2010, à l' occasion d’une enquête de terrain sur un toutautre sujet.
19 Les « grand-places » sont les places publiques où les gens d’un même quartier se retrouvent pour jouer aux cartes ou aux dames tout en discutant des nouvelles du jour. Les « titrologues » débattent des titres à la une des journaux, sans nécessairement avoir lu le contenu des articles. Ce terme vient sans doute de Côte-d’Ivoire. Voir Aghi Auguste BAHI, « L’effet ‘titrologues’. Une étude exploratoire dans les espaces de discussion des rues d’Abidjan », En quête, 8, 2001, p. 129-167.
20 Sur la radio-trottoir, voir Ellis, Stephen, « Tuning in to Pavement Radio », African Affairs, 88-352, 1989, p. 321–330 CrossRefGoogle Scholar.
21 Sur les processus d’élaboration collective des rumeurs, voir Shibutani, Tamotsu, Improvised News: A Sociological Study of Rumor, New York, Bobbs-Merrill, 1966Google Scholar.
22 Sur le Magal, voir Coulon, Christian, « The Grand Magal in Touba: A Religious Festival of the Mouride Brotherhood of Senegal », African Affairs, 98-391, 1999, p. 195–210 CrossRefGoogle Scholar.
23 La baraka (barke en wolof) désigne le charisme attribué aux dignitaires confrériques, sous la forme d’un pouvoir de grâce et de bénédiction.
24 « Rumeur sur l' offrande mortelle : à Touba, l' aumône se prend sans panique », Walf Grand Place, 3 févr. 2010.
25 10 000 francs CFA équivalent à 15 euros. Le revenu moyen au Sénégal tourne autour de 40 000 francs CFA par mois, soit 60 euros (données de la Banque mondiale, 2010).
26 Voir Tall, Serigne Mansour, Investir dans la ville africaine. Les émigrés et l' habitat à Dakar, Paris/Dakar, Karthala/CREPOS, 2009 Google Scholar.
27 Sur la pauvreté et sa perception sociale au Sénégal, voir Fall, Abdou Salam, Bricoler pour survivre. Perceptions de la pauvreté dans l' agglomération urbaine de Dakar, Paris, Karthala, 2007 Google Scholar.
28 Sur la notion d’imagination morale, voir Beidelman, Thomas O., Moral Imagination in Kaguru Modes of Thought, Bloomington, Indiana University Press, 1986 Google Scholar.
29 Outre les travaux déjà cités des Comaroff, voir notamment Geschiere, Peter, Sorcellerie et politique en Afrique, Paris, Karthala, 1995, notamment p. 173–218 Google Scholar.
30 Gemmeke, Amber B., Marabout Women in Dakar: Creating Trust in a Rural Urban Space, Vienne, Lit Verlag Münster, 2008, notamment p. 25 Google Scholar sq. ; Schulz, Dorothea,« Love Potions and Money Machines: Commercial Occultism and the Reworking of Social Relations in Urban Mali », in Wooten, S. (éd.), Wari Matters: Ethnographic Explorations of Money in the Mande World, Münster, Lit Verlag, 2005, p. 93–115 Google Scholar.
31 Austen, Ralph A., « The Moral Economy of Witchcraft: An Essay in Comparative History », in Comaroff, J. et Comaroff, J. (éd.), Modernity and its Malcontents: Ritual and Power in Postcolonial Africa, Chicago, University of Chicago Press, 1993, p. 89–110 Google Scholar.
32 Sur le Sénégal des années 2000, voir Dahou, Tarik et Foucher, Vincent, « Senegal since 2000: RebuildingHegemony in aGlobal Age », in A. Mustapha, R. et Whitfield, L. (éd.), Turning Points in African Democracy, Melton, James Currey, 2009, p. 13–30 Google Scholar ; Momar Coumba DIOP (dir.), Le Sénégal sous Abdoulaye Wade. Le Sopi à l' épreuve du pouvoir, Paris, CRES/Karthala, 2013.
33 Cruise O’Brien, Donal B., « Les négociations du contrat social sénégalais », in O’Brien, D. B. Cruise, Diop, M.-C. et Diouf, M. (éd.), La construction de l' État au Sénégal, Paris, Karthala, 2003, p. 83–93 Google Scholar.
34 « Offrande mortelle : la police décide de sévir contre la rumeur », Seneweb.com, 28 janv. 2010.
35 Scott, James C., Weapons of the Weak: Everyday Forms of Peasant Resistance, New Haven, Yale University Press, 1985 Google Scholar.
36 White, Luise, Speaking with Vampires: Rumor and History in Colonial Africa, Berkeley, University of California Press, 2000, p. 127–130 CrossRefGoogle Scholar.
37 Pfeil, Gretchen, « Sarax and the City: Almsgiving and Anonymous Objects in Dakar, Senegal », in High, C., Kelly, A. H. et Mair, J. (éd.), The Anthropology of Ignorance: An Ethnographic Approach, New York, Palgrave Macmillan, 2012, p. 33–54 CrossRefGoogle Scholar, ici p. 41 : « Not appearing – being able to hide behind tinted glass, for example – is thus a sign of privilege, and much is vested in the possibility of acting without being seen. »
38 Collignon, René, « La lutte des pouvoirs publics contre les ‘encombrements humains’ à Dakar », Canadian Journal of African Studies, 18-3, 1984, p. 573–582 Google Scholar ; Faye, Ousseynou et Thioub, Ibrahima, « Les marginaux et l' État à Dakar », Le Mouvement social, 204, 2003, p. 93–108 CrossRefGoogle Scholar.
39 Un talibé désigne tout disciple d’un marabout. Dans le discours humanitaire, l' acception du terme tend néanmoins à se réduire aux enfants « exploités » par un maître coranique. Voir Perry, Donna L., « Muslim Child Disciples, Global Civil Society, and Children’s Rights in Senegal: The Discourses of Strategic Structuralism », Anthropological Quarterly, 77-1, 2004, p. 47–86 CrossRefGoogle Scholar.
40 Fall, Aminata Sow, La grève des bàttu ou Les déchets humains, Paris, Le Serpent à plumes, [1979] 2001 Google Scholar. Le roman, paru à Dakar en 1979, remporte le Grand Prix littéraire de l' Afrique noire l' année suivante. Il a été mis, depuis lors, au programme de l' enseigne- ment scolaire sénégalais.
41 Zysow, Aron, « Zaka?t », in The Encyclopædia of Islam, Leyde, Brill, 1995, vol. XI, p. 406–422 Google Scholar.
42 Benthall, Jonathan,« Financial Worship: The Quranic Injunction to Almsgiving », Journal of the Royal Anthropological Institute, 5-1, 1999, p. 27–42 CrossRefGoogle Scholar.
43 Voir T. H. WEIR, « Sadaka », in The Encyclopædia of Islam, op. cit., vol. VIII, p. 708-716.
44 Cruise O’Brien, Donal B., « Le talibé mouride : la soumission dans une confrérie religieuse sénégalaise », Cahiers d’études africaines, 10-40, 1970, p. 562–578 CrossRefGoogle Scholar ; Copans, Jean, Les marabouts de l' arachide. La confrérie mouride et les paysans du Sénégal, Paris, L’Harmattan, [1980] 1989, notamment p. 182 Google Scholar.
45 Sur le mouridisme urbain, voir Momar Coumba DIOP, « Fonctions et activités des dahira mourides urbains (Sénégal) », Cahiers d’études africaines, 21-81/83, 1981, p. 79-91 ; Bava, Sophie, «Le dahira urbain, lieu de pouvoir du mouridisme », Les Annales de la recherche urbaine, 96, 2004, p. 135–143 CrossRefGoogle Scholar. Sur les dynamiques contemporaines de l' islam sénégalais, éclaté entre confrérisme, néo-confrérisme et réformisme, voir Fabienne SAMSON, « Identités islamiques revendicatives et mobilisations citoyennes au Sénégal : deux mouvements néo-confrériques inscrits dans la globalisation et confrontés au désengagement de l' État », in R. OTAYEK et B. F. SOARES (éd.), Islam, État et société en Afrique, Paris, Karthala, 2009, p. 491-512 ; Ba, Mame-Penda, « La diversité du fondamentalisme sénégalais. Éléments pour une sociologie de la connaissance », Cahiers d’études africaines, 2-206/207, 2012, p. 575–602 CrossRefGoogle Scholar.
46 Cruise O’Brien, Donal B., «Don divin, don terrestre : l' économie de la confrérie mouride », Archives européennes de sociologie, 15, 1974, p. 82–100 CrossRefGoogle Scholar.
47 Sur la transmission de la baraka, voir Schmitz, Jean, « Le souffle de la parenté. Mariage et transmission de la baraka chez les clercs musulmans de la vallée du Sénégal », L’Homme, 154, 2000, p. 241–278 Google Scholar.
48 Cité dans Coulon, Christian, Le Marabout et le Prince. Islam et pouvoir au Sénégal, Paris, A. Pedone, 1981, p. 107 Google Scholar.
49 D. B. CRUISE O’BRIEN, « Don divin… », art. cit., p. 97.
50 Le commerçant prospère se situe ainsi « at the crossroads of heaven and earth, where profits meet prophets and prayers meet prosperity », comme le note Buggenhagen, Beth, « Prophets and Profits: Gendered and Generational Visions of Wealth and Value in Senegalese Murid Households », Journal of Religion in Africa, 21-4, 2001, p. 373–401, ici p. 374Google Scholar.
51 M. WEBER, « L’éthique économique… », art. cit., p. 345-346.
52 Kuran, Timur, « Islamic Redistribution through Zakat:Historical Record andModern Realities », in Bonner, M., Ener, M. et Singer, A. (éd.), Poverty and Charity in Middle Eastern Contexts, Albany, State University of New York Press, 2003, p. 275–293, ici p. 275Google Scholar.
53 Voir Guèye, Moustapha, Le droit chemin dans la pratique islamique parfaite, Dakar, NEAS, 2010 Google Scholar. L’auteur de ce traité religieux est un imam renommé au Sénégal, président de l' Association nationale des imams et oulémas du pays.
54 Vuarin, Robert, « L’enjeu de la misère pour l' Islam sénégalais », Revue Tiers Monde, 123, 1990, p. 601–621 CrossRefGoogle Scholar, ici p. 608.
55 T. H. WEIR, « Sadaka », art. cit., p. 710 et 714.
56 Bava, Sophie, «De la ‘baraka aux affaires’ : ethos économico-religieux et transnationalité chez les migrants sénégalais mourides », Revue européenne des migrations internationales, 19-2, 2003, p. 69–84 CrossRefGoogle Scholar.
57 Selon cheikh Ahmadou Bamba, l' aumône « vaut au patient courageux qui la pratique, la prière des pauvres et celle des nécessiteux », comme on le lit dans l' un des nombreux écrits qui lui sont attribués, intitulé Les itinéraires du Paradis (Masaalik-Ul Jinaan) et largement diffusé sous forme de brochures.
58 La notion d’économie de la prière vient de Soares, Benjamin F., Islam and the Prayer Economy: History and Authority in a Malian Town, Ann Arbor, University of Michigan Press, 2005 Google Scholar.
59 ROCH, Jean-Louis, « Le jeu de l' aumône au Moyen Âge », Annales ESC, 44-3, 1989, p. 505–527, ici p. 505Google Scholar.
60 Bourdieu, Pierre, Raisons pratiques. Sur la théorie de l' action, Paris, Éd. du Seuil, 1994, p. 160 Google Scholar.
61 Frenkel, Miriam et Lev, Yaacov (éd.), Charity and Giving in Monotheistic Religions, Berlin, De Gruyter, 2009 CrossRefGoogle Scholar.
62 Sur la caritas, voir Anita GUERREAU-JALABERT, « ‘Caritas’ y don en la sociedad medieval occidental », Hispania, 204, 2000, p. 27-62. Sur la zedaka (ou zedaqa, comme l' écrit M. Mauss), voir Silber, Ilana F., « Beyond Purity and Danger: Gift-Giving in the Monotheistic Religions », in A. VANDEVELDE (dir.), Gifts and Interests, Louvain, Peeters, 2000, p. 115–132 Google Scholar.
63 J. PARRY, « The Gift… », art. cit.
64 M. MAUSS, Essai sur le don, op. cit., p. 97-99.
65 Cette réticence à traiter de l' aumône s’explique également par la dimension politique de l' Essai. Comme Florence Weber l' a bien noté dans sa préface à la réédition de l' Essai, dans son chapitre conclusif, M. Mauss critique la conception charitable de l' assistance sociale : « Le don non rendu rend encore inférieur celui qui l' a accepté, surtout quand il est reçu sans esprit de retour. […] La charité est encore blessante pour celui qui l' accepte [à cet endroit, une note de bas de page mentionne le Coran, sourate II, 265], et tout l' effort de notre morale tend à supprimer le patronage inconscient et injurieux du riche ‘aumônier’ », M. MAUSS, Essai sur le don, op. cit., p. 219-220. Dans les dernières pages de l' Essai, M. Mauss cite à nouveau une sourate du Coran sur la charité, mais propose de remplacer « le nom d’Allah par celui de la société » et « le concept d’aumône par celui de coopération » (p. 240).
66 Lévi-STRAUSS, Claude, « Introduction à l' oeuvre de Marcel Mauss », in Mauss, M., Sociologie et anthropologie, Paris, PUF, [1950] 1997, p. IX–LII Google Scholar.
67 Testart, Alain, Critique du don. Études sur la circulation non marchande, Paris, Syllepse, 2007 Google Scholar.
68 Le modèle circulaire de l' échange généralisé implique au moins trois partenaires échangistes : A donne à B qui donne à C qui donne à A. Voir Claude LÉVI-STRAUSS, Les structures élémentaires de la parenté, Paris, Mouton, [1949] 1967.
69 D’où la limite de la proposition d’Anita Guerreau-Jalabert de penser l' économie des dons religieux sur le modèle de l' échange généralisé qui régule l' alliance matrimoniale dans certaines sociétés. Impliquant des relations asymétriques entre groupes sociaux alternativement en position de preneurs et de donneurs de femmes, le cycle de la réciprocité matrimoniale reste horizontal. Le circuit du don religieux suppose, quant à lui, une relation asymétrique, mais aussi verticale, à Dieu.
70 « Marabout » est un terme polysémique (tout comme son équivalent wolof, sériñ) : cela peut désigner un dignitaire confrérique, un maître coranique ou encore, comme ici, un devin-guérisseur.
71 Sur les pratiques maraboutiques, voir Sow, Ibrahima, Divination marabout destin. Aux sources de l' imaginaire, Dakar, IFAN Cheikh Anta Diop, 2009 Google Scholar ; A. GEMMEKE, Marabout Women in Dakar…, op. cit. Voir également les travaux de Liliane KUCZYNSKI sur l' adaptation de ces pratiques en France : Les marabouts africains à Paris, Paris, CNRS Éditions, 2003.
72 « Objects given as sarax […] point to someone’s personal problem or secret, and they suggest, by their size, something about the scale of the problem », G. PFEIL, « Sarax and the City… », art. cit., p. 39.
73 La démarcation entre liggéey et dëmm recoupe la distinction – classique en anthropologie depuis Edward Evans-Pritchard – entre sorcery (magie maléfique) et witchcraft (pouvoir maléfique inhérent à la personne).
74 Fassin, Didier, Pouvoir et maladie en Afrique. Anthropologie sociale dans la banlieue de Dakar, Paris, PUF, 1992, p. 139–146 Google Scholar. Il s’agit d’une évolution que les époux Ortigues avaient déjà repérée dès les années 1960. Voir Ortigues, Marie-Cécile et Ortigues, Edmond, OEdipe africain, Paris, L’Harmattan, [1966] 1984, p. 195 Google Scholar.
75 Voir A. GEMMEKE, Marabout Women in Dakar…, op. cit., p. 181 sq.
76 Sur la distinction magie-sorcellerie, voir HAMÈS, Constant, « Problématiques de la magie-sorcellerie en islam et perspectives africaines », Cahiers d’études africaines, 189/ 190-1/2, 2008, p. 81–99 CrossRefGoogle Scholar.
77 On retient habituellement de l' Esquisse d’une théorie générale de la magie de M. Mauss et de H. Hubert la distinction canonique entre magie et religion. En réalité, toute l' Esquisse fourmille de faits ambigus qui mettent à mal la distinction, « ces confusions antinomiques dont abonde l' histoire de la magie, comme celle de la religion », Marcel MAUSS et Henri HUBERT, « Esquisse d’une théorie générale de la magie » [1902-1903], in M. MAUSS, Sociologie…, op. cit., p. 1-141, ici p. 74.
78 András ZEMPLÉNI, « L’interprétation et la thérapie traditionnelles du désordre mental chez les Wolof et les Lébou (Sénégal) », thèse de psychologie, faculté des lettres et sciences humaines de l' université de Paris, 1968, p. 449.
79 A. GEMMEKE, Marabout Women in Dakar…, op. cit., p. 27.
80 D. FASSIN, Pouvoir et maladie en Afrique…, op. cit., p. 274.
81 Sur les liens entre aumône et sacrifice dans les sociétés ouest-africaines marquées par la cohabitation entre islam et « paganisme », voir aussi Bazin, Jean, « Retour aux choses-dieux », in Bazin, J., Des clous dans la Joconde. L’anthropologie autrement, Toulouse, Anacharsis, 2008, p. 493–520, notamment p. 495-499Google Scholar.
82 Ce que confirment les travaux de Gretchen Pfeil : « sarax remains a form of sacrifice, not gifting » (G. PFEIL, « Sarax and the City… », art. cit., p. 37). Plus généralement, sur l' affinité entre offrande et sacrifice, voir Firth, Raymond, « Offering and Sacrifice: Problems of Organization », Journal of the Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, 93-1, 1963, p. 12–24 CrossRefGoogle Scholar.
83 Depuis l' Essai de M. Mauss et de H. Hubert sur le sacrifice, on distingue communément le sacrificateur ( l' officiant qui accomplit le rituel) du sacrifiant (le ou les individus au bénéfice desquels le rituel est accompli). À cette panoplie de rôles, nous suggérons d’ajouter celui de « sacrificataire » afin de baptiser d’un terme spécifique le destinataire du sacrifice.
84 Bonte, Pierre, Brisebarre, Anne-Marie et Gokalp, Altan (dir.), Sacrifices en islam. Espaces et temps d’un rituel, Paris, CNRS Éditions, 1999 CrossRefGoogle Scholar. Voir aussi HAMÈS, Constant, «Le sacrifice animal au regard des textes islamiques canoniques », Archives de sciences sociales des religions, 101, 1998, p. 5–25 CrossRefGoogle Scholar.
85 Brisebarre, Anne-Marie et Kuczynski, Liliane (dir.), La Tabaski au Sénégal. Une fête musulmane en milieu urbain, Paris, Karthala, 2009 Google Scholar.
86 M.MAUSS et H. HUBERT, « Esquisse d’une théorie générale de la magie », art. cit., p. 16.
87 A. Moustapha DIOP, « Le sacrifice en milieu lébu (Sénégal) », in P. BONTE, A.-M. BRISEBARRE et A. GOKALP (dir.), Sacrifices…, op. cit., p. 331-353 ; András ZEMPLÉNI, « La dimension thérapeutique du culte des rab, Ndöp, Tuuru et Samp. Rites de possession chez les Lébou et Wolof », Psychopathologie africaine, 2-3, 1966, p. 295-439.
88 A. ZEMPLÉNI, « La dimension thérapeutique… », art. cit., p. 379 et 426.
89 A. M. DIOP, « Le sacrifice en milieu lébu… », art. cit., p. 337.
90 Sur les Bambara, voir J. BAZIN, « Retour aux choses-dieux », art. cit. Sur les Hausa, voir Nicolas, Guy, Don rituel et échange marchand dans une société sahélienne, Paris, Institut d’ethnologie, 1986 Google Scholar.
91 M.MAUSS et H. HUBERT, « Essai sur la nature et la fonction du sacrifice », art. cit., p. 304-305.
92 Godelier, Maurice, L’énigme du don, Paris, Fayard, 1996, p. 44–47 et 249-275Google Scholar.
93 M.MAUSS et H. HUBERT, « Essai sur la nature et la fonction du sacrifice », art. cit., p. 273.
94 Ces histoires de « crimes rituels » ne sont cependant pas complètement nouvelles au Sénégal. Dans les années 1970, les rumeurs d’enlèvements d’enfants à des fins de sacrifice humain étaient par exemple récurrentes. Voir SÉMÉDO, Raymond, « Les rumeurs sénégalaises », Revue africaine de communication, 11, 1998, p. 3–24 Google Scholar.
95 Marie, Alain, « Avatars de la dette communautaire. Crise des solidarités, sorcellerie et procès d’individualisation (itinéraires abidjanais) », in Marie, A. (éd.), L’Afrique des individus, Paris, Karthala, 1997, p. 249–328 Google Scholar.
96 De Boeck, Filip, « Le ‘deuxième monde’ et les ‘enfants-sorciers’ en République démocratique du Congo », Politique africaine, 80, 2000, p. 32–57 CrossRefGoogle Scholar.
97 Ibid., p. 56.
98 M. MAUSS, Essai sur le don, op. cit., p. 66.
99 Parry, Jonathan, « On the Moral Perils of Exchange », in Parry, J. et Bloch, M. (éd.), Money and the Morality of Exchange, Cambridge, Cambridge University Press, 1989, p. 64–93 CrossRefGoogle Scholar.