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Entre deux droits: les Lumières en Angola (1750-v. 1800)

Published online by Cambridge University Press:  04 May 2017

Catarina Madeira Santos*
Affiliation:
Instituto de Investigacão Cientifíca Tropical/Universidade Nova de Lisboa

Résumé

Cet article veut montrer la façon dont la politique inspirée de l’esprit des Lumières – spécialement les nouvelles conceptions sur le droit et l’application de la justice – fut appliquée par le cabinet du marquis de Pombal à un espace colonial africain : l’Angola. « Entre deux droits », le droit d’Ancien Régime ancré sur la figure des « capitaines » et les droits indigènes régis par les chefs africains, vient s’introduire l’ordre des Lumières. La justice coloniale fut réformée, les institutions africaines firent l’objet d’un effort de description de la part des autorités coloniales, et les sociétés africaines furent invitées à participer au processus, notamment à travers l’intégration de l’écriture dans la procédure. Dans ce mouvement réformateur, la justice est le lieu, et le droit l’instrument d’une double intégration et appropriation.

Abstract

Abstract

This article aims at showing how politics inspired by the Enlightenment spirit – especially its new ideas on law and justice – was put on practice by the Pombal Marquis cabinet at a colonial space as Angola. The Enlightenment order finds itself “between two laws”, the Ancien Régime law, represented by the capitaes-mores, and the various native laws practised by African leaders. Colonial justice is renovated, African institutions are subject to a discretion effort by colonial authorities and African societies are called to participate in this new process, namely by introducing writing. In this process, justice is the place, and law the instrument, of a double integration and appropriation.

Type
À la découverte de l'Occident
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2005

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References

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2- Par exemple, des enquêtes réalisées par le gouverneur, Dom António Álvares da Cunha, 1753-1758, à Luanda, ainsi que l’ensemble des « savoirs africanistes » qui, de façon plus ou moins formalisée, circulaient dans les sphères administratives liées aux

3- Arquivo histórico ultramarino [AHU] (Lisbonne), Codex 555, § 87, « Parecer que o Conde de Oeiras […] », 20 novembre 1760, ff. 59-59v.

4- Pour une analyse approfondie de ce processus, voir Catarina Madeira Santos, Um governo « polido » para Angola: reconfigurar dispositivos de domínio (1750 c. 1800), Thèse de Doctorat, Lisbonne-Paris, Universidade Nova de Lisboa/EHESS, 2005, surtout la IIIe partie : « Administration : rationalisme, bureaucratie et légalisme », pp. 318-434.

5- Soba, du kimbundu usoba (pouvoir), terme utilisé par les Portugais pour désigner des chefs politiques africains (un sobeta est un soba de moindre importance ; le territoire et l’ensemble des sujets sur lesquels le soba a autorité s’appelle un sobado).

6- AHU, Angola, Boîte 49, doc. 2, « Lettre du capitão-mor de Ambaca, le 1er janvier 1765 ».

7- « Instruction des capitães-mores », publié dans Couto, Carlos, Os Capitães-mores em Angola no século XVIII (subsídio para o estudo da sua actuação), Luanda, Instituto de Investigação Científica de Angola, 1972, pp. 328329.Google Scholar

8- Arquivos de Angola [AA], vol. III, n° 16-18, 1937, « Lettre du roi, 14 novembre 1761 ».

9- Sur l’utilisation du terme de parenté perpétuelle pour désigner les relations hiérarchiques en Afrique, voir Kopytoff, Igor et Miers, Susan, Slavery in Africa: Historical and anthropological perspectives, Madison, University of Wisconsin Press, 1977, p. 25 sqq. Google Scholar Cette notion, définie comme la structure du pouvoir politique, est formellement identifiée avec les structures familiales dans Cunnison, Ian G., History on the Luapala, Londres, Oxford University Press, 1951 Google Scholar. Pour l’Europe, sur le « père de famille », le gouvernement de la maison et le gouvernement civil, voir Frigo, Daniela, Il padre di famiglia. Governo della casa e governo civile nella tradizione dell’« economia » tra cinque e seicento, Rome, Bulzoni Editore, 1985 Google Scholar. Pour le Portugal, voir Pedro Cardim, O poder dos afectos. Ordem amorosa e dinâmica politica na época moderna, thèse de Doctorat, Faculdade de Ciências Sociais e Humanas/Universidade Nova de Lisboa, 2000. Une formulation explicite de la figure du prince comme père apparaît, au XVIIIe siècle, dans Azevedo, Pedro De (éd.), Instrucções inéditas de Dom Luís da Cunha a Marco António de Azevedo Coutinho, Coïmbre, s. éd., 1929, p. 201.Google Scholar

10- Sur la définition que l’anthropologie donne du droit, voir Gluckman, Max, Custom and conflict in Africa, Oxford, Basil Blackwell, 1973 Google Scholar ; ID., Politics, law and ritual in tribal society, Oxford, Basil Blackwell, 1965 ; Geertz, Clifford, Savoir local, savoir global. Les lieux du savoir, Paris, PUF, 1986 Google Scholar ; Bourdieu, Pierre, Le sens pratique, Paris, Éditions de Minuit, 1980 Google Scholar.

11- Cf. Vansina, Jan, « Linguistic evidence and historical reconstruction », Journal of African history, 40, n° 3, 1999, pp. 469473.Google Scholar

12- De Assis Junior, A., Dicionário de kimbundu-português, linguístico, botânico, histórico e corográfico, Luanda, s. d., p. 120.Google Scholar

13- Cordeiro Da Matta, J. D., Diccionário Kimbúndu-Portuguez, Lisbonne, s. éd., 1893, p. 21.Google Scholar

14- Grégoire Le Guennec C.S.S.P. et José Francisco Valente C.S.S.P., Dicionário português-umbundu, Luanda, Instituto de Investigação Científica de Angola, 1972, pp. 193 et 372. Le Hongrois Ladislau Magyar, qui se trouvait en Angola entre 1849 et 1857, et passa quelques années au Bié (région et royaume situés sur le plateau de Benguela), donna une lecture « contractualiste » du droit endogène : « Quant au droit coutumier bikola, le peuple [Kimbundu] n’a cédé de la liberté naturelle et de l’égalité entre les individus que le strict nécessaire pour que la constitution sociale, dominée par un esprit sauvage, puisse se réaliser et perdurer. Chaque homme libre adulte et apte à faire la guerre est son propre maître, comme il l’est des membres de sa famille et de ses biens. Mais si les chefs de famille d’un même village ou d’un même district sont très unis, en raison du bénéfice commun et de la protection mutuelle, les biens sont considérés comme propriété individuelle et leur protection ainsi que la défense et la punition des offenses personnelles sont des affaires privées qui incombent aux chefs de famille […], et seules les affaires qui concernent l’ensemble de la communauté sont traitées par elle » ( Magyar, Ladislau, Reisen in süd-Afrika in den jahren 1849 bis 1857, Leipzig, 1859 Google Scholar, trad. all. de la 1re édition hongroise, Magyar Lázlo Delafrikai Utasái, 1849-1857). Texte établi à partir de la version portugaise inédite ; je remercie Maria da Conceição Neto pour l’avoir mise à ma disposition.

15- António De Oliveira Cadornega, História geral das guerras angolanas, annotée et corrigée par José Matias Delgado, Lisbonne, Agência Geral do Ultramar, [1690] 1972, vol. 2, p. 61.

16- AA, vol. I, nos 5 et 6, mars 1936, « Rapport du gouverneur Miguel António de Melo adressé à D. Rodrigo de Sousa Coutinho, 30 avril 1798 ».

17- Ibid., « Instruction pour le gouvernement du royaume de l’Angola, 12 février 1676 », chap. 18.

18- Cf. Geffray, Christian, Nem pai, nem mãe, Lisbonne, Caminho, 2000.Google Scholar

19- L’utilisation du mot « geração », dans la documentation d’Ancien Régime, pour désigner ce que l’anthropologie et l’histoire africaniste appellent généalogie, lignage ou groupes de filiation, a été discutée dans un autre travail ( Santos, Catarina Madeira et Tavares, Ana Paula, Africae monumenta. A apropriação da escrita pelos africanos, vol. I, Arquivo Caculo Cacahenda, Lisbonne, Instituto de Investigação Científica Tropical, 2002, glossaire, pp. 428429 Google Scholar).

20- Angolana, Documentação sobre Angola, 1783-1883, Lisbonne, Instituto de Investigação Científica de Angola/Centro de Estudos Históricos Ultramarinos, vol. I, 1968, p. 38. Il faut souligner ici l’intégration de mots issus des langues locales dans le corps du texte rédigé en portugais.

21- « Relatório do Governador Geral de Angola, Francisco Joaquim Ferreira do Amaral, relativo ao ano compreendido entre e de Setembro de 1882 e igual dia e mês do ano de 1883 », in Ibid., vol. I, p. 644 sqq.

22- Le premier cas, chez les Mbundu, remonte à 1582. Cf. Heintze, Beatrix, Luso-African feudalism in Angola? The vassal treaties of the 16th to the 18th century, Coïmbre, Faculdade de Letras da Universidade de Coimbra, 1980, pp. 111131.Google Scholar

23- AA, vol. I, nos 5 et 6, 1936, « Lettre du gouverneur Dom Miguel António de Melo à D. Rodrigo de Sousa Coutinho, 30 avril 1798 ».

24- Dembo : titre politique, du kimbundu ndembu, autorité supérieure à celle du soba ou ayant des sobas sous sa juridiction. Sur les titres politiques Mbundu, voir Miller, Joseph, Poder político e parentesco. Os antigos Estados Mbundu, Luanda, Arquivo Histórico Nacional de Angola, [1976] 1995, pp. 17-19 et 35.Google Scholar

25- Le cadre défini par les traités de vassalité régulait les relations entre les sobas et les capitães-mores, notamment en ce qui concernait les obligations des premiers à l’égard des seconds. La discussion autour des services que devaient rendre les vassaux aux présides révèle l’énorme distance qui s’établit peu à peu entre le texte du traité et les pratiques introduites sur la base de celui-ci (AA, vol. 1, n° 2, 1933, « Information du provedor da Fazenda d’Angola, 30 septembre 1770 »).

26- Arquivo Histórico Nacional de Angola [AHNA], Gouvernement de Benguela, Codex 443, ff. 6, 8 et sqq. Voir aussi la lettre du soba de Bailundo, D. Lourenço Ferreira da Cunha, datée du 28 janvier 1812, qu’il signe d’un « Humble vassal » (AHNA, Codex 445, f. 142).

27- Corrêa, Elias Alexandre Da Silva, Colecção dos clássicos da expansão portuguesa no mundo, Série E-Império, Lisbonne, s. éd., 1937, vol. II, p. 60.Google Scholar

28- « Il est nécessaire que V. M. sachiez que S. R., en vertu du chapitre XV de son instruction, autorise les dits sobas, dans leur gouvernement domestique, à châtier leurs fils et à utiliser leurs lois, bien que barbares, sans qu’aucun capitaine ou régent n’intervienne […] », AHNA, Codex 91, « Lettre au régent de Cambambe et Muxima, 29 juillet 1805 », f. 43v.

29- AHU, Boîte 77, doc. 85 : convention des dîmes par Francisco Antonio Pitta Bezerra de Alpoim Castro, 1792.

30- Cette idée est confirmée par Valentim Alexandre qui, dans une analyse approfondie, conclut que, dans l’Afrique du XIXe siècle et malgré tous les projets de réforme, l’appareil d’État continuait à fonctionner comme sous l’Ancien Régime ( Alexandre, Valentim, «O projecto colonial português e a partilha da Africa », in O Império africano, 1825-1890, Lisbonne, Estampa, 1998, pp. 21132, ici p. 52 sqq. Google Scholar).

31- Schaub, Jean-Frédéric, « Le temps et l’État : vers un nouveau régime historiographique de l’Ancien Régime français », Quaderni fiorentini, 25, 1996, pp. 127181, ici p. 181.Google Scholar

32- Heintze, B., Luso-African feudalism…, op. cit., p. 16.Google Scholar

33- Dias, Jill, « Angola », in O Império africano…, op. cit., pp. 319556, ici p. 329.Google Scholar

34- Sur l’imposition de « l’État de police » en Angola, voir C. Madeira Santos, Um governo « polido » para Angola…, thèse citée, p. 66 et sqq.

35- Àquoi l’on ajoutait : «Que le gouverneur comme président de ladite Junta, et comme magistrat des justices, visite les prisons, comme le permet l’Ordonnance du Livre Premier, et exécute intégralement la Loi Extravagante du 31 mars 1742 avec l’assistance de l’ouvidor et du juiz de fora de cette ville, ce que vous ferez exécuter » (AA, vol. III, n° 16-18, 1937, « Lettre du 14 novembre 1761 »).

36- S’y ajoute une autre information du 24 janvier 1784, adressée au gouverneur d’Angola, afin de sauvegarder l’égalité des jugements des natifs, conformément à la disposition prise en 1761 par la Junta créée à cet effet le 14 novembre 1761 (Ibid.).

37- AHNA, Codex 91, « Lettre au régent de Cambambe, où il est recommandé que l’emprisonnement du Dembo Caboco ne doit avoir lieu qu’une fois les actes avérés, 11 janvier 1805 », f. 33v.

38- AHNA, Codex 91, « Lettre au régent de Cabambe, 10 avril 1805 », f. 37v.

39- AHU, Boîte 42, doc. 37, Préside d’Ambaca, procès pénal daté du 2 mars 1759.

40- AHNA, Gouvernement de Benguela, Codex 443, f. 12. Le gouverneur, D. Miguel António de Melo, adressa également une demande au Conseil d’outre-mer, où il notait qu’une des choses les plus nécessaires au bon gouvernement des présides (sachant que les capitaines et les régents assumaient également la juridiction des juges ordinaires) serait une « Instruction » établissant la manière dont ils devaient conduire les procès, vu que toutes les causes qui arrivaient du sertão étaient entachées « de nullités et d’erreurs infinies ». Pour remédier à ces désordres, un magistrat rédigea sur place un projet, expédié à Lisbonne le 11 octobre 1799 pour être soumis au Conseil d’outre-mer (AHU, Boîte 93, doc. 55).

41- Dans une lettre au régent de Muxima, datée du 12 novembre 1808, le gouverneur concluait que l’on ne pouvait juger coupable le soba parce que « ces papiers » (les preuves) n’étaient pas suffisants pour prouver les délits qui lui étaient reprochés. Il concluait en disant qu’il n’avait pas le pouvoir de déposer le soba comme le prétendait le capitaine, ni de le condamner au bannissement à vie. Ce soba finit donc par être remis en liberté et continua à jouir de son état (AHNA, Codex 91, ff. 185-188).

42- Vers 1768, le gouvernement de Luanda a fondé plusieurs villages dans le sertão du Benguela, avec un capitaine et un juge à leur tête, afin de promouvoir le peuplement blanc de la région.

43- AHU, Angola, Boîte 62, doc. 102, papiers divers, année 1779.

44- Voir par exemple l’aveu du capitaine Pedras de Pungo Andongo, qui reconnaît « l’irrégularité avec laquelle j’ai peut-être procédé dans ces procès », en alléguant ne pas avoir eu à sa disposition dans les archives de formulaire auquel se conformer (AHNA, Codex 3018, « Lettre du capitaine Joaquim de Brito au gouverneur Saldanha da Gama, 2 septembre 1808 », f. 148).

45- Voir l’arrêt de la Junta du 11 décembre 1764 sur le procès impliquant l’accusé « D. Lourenço Francisco Caculo Cahango, soba de la juridiction du préside de Muxima » et le sobeta « D. Joam Antonio, Samba Cahoha », à propos de la fourniture de porteurs et d’un vol d’esclaves (AHU, Angola, Boîte 9, doc. 2).

46- AHU, Angola, Boîte 49, doc. 7, 23 décembre 1764.

47- Le prévenu est le sertanejo Tomás António, accusé d’avoir assassiné le fils d’un dembo (AHU, Angola, Boîte 49, doc. 7, 23 décembre 1764).

48- Arrêt de la Junta daté du 26 mars 1765 (AHU, Angola, Boîte 49, doc. 19).

49- En 1735, dans la ville de Massangano, il revenait au capitaine d’« applanir les diffé-rends qui peuvent survenir entre les sobas » (AHU, Codex 1481, f. 30v).

50- Un soba du Dombe Pequeno requiert auprès du gouverneur de Benguela la libération d’un parent, soba du Dombe Grande, emprisonné par le commandant de ce district, à la demande d’un autre soba. La dépêche du gouverneur ordonnait que les sobas impliqués aillent s’expliquer auprès dudit commandant, afin que celui-ci règle le différend présenté par-devers lui (AHNA, Codex 440, 16 juillet 1812, f. 22v).

51- AHNA, Codex 92, « Lettre au capitaine d’Ambaca, 11 novembre 1813 », f. 3.

52- Le même terme de « serment de la terre », renvoyant à l’ordalie, est utilisé au Ghana et au Burkina Faso. Cf. Schott, Rüdiger, « Le jugement chez les peuples acéphales en Afrique occidentale : les Bulsa (Ghana) et les Lyèla (Burkina Faso) », Droit et cultures, 29, 1995, pp. 177208 Google Scholar, ici pp. 181-182 ; Vincent, Jeanne-Françoise, « Serment-ordalie, justice et pouvoir chez les montagnards mofu-diamaré (Cameroun du Nord) », in Le serment, vol. I, Signes et fonctions, Paris, Éditions du CNRS, 1991, pp. 279292.Google Scholar

53- Gluckman, Max, Custom and conflict in Africa, Oxford, Basil Blackwell, 1973, p. 16 Google Scholar, indique pour les Nuer l’existence d’un « seigneur de la terre » (man of the earth), qui établit le lien sacré avec la terre. En ce qui concerne la preuve, voir M’Baye, Kéba, « Sacralité, croyances, pouvoir et droit en Afrique », in Wane, M. (éd.), Sacralité, pouvoir et droit en Afrique, Paris, Éditions du CNRS, 1978, pp. 145160, ici p. 157Google Scholar ; Fortes, Meyer et Evans-Pritchard, E. E., Sistemas politicos africanos, Lisbonne, Fundação Calouste Gulbenkian, 1979, p. 13.Google Scholar

54- Procès judiciaire, 23 mars 1833, publié dans Madeira Santos, C. et Tavares, A. P., Africae monumenta…, op. cit., vol. I, p. 114.Google Scholar

55- Les mécanismes du procès pénal entre Nuer et Dinka sont expliqués dans Bleuchot, Hervé, « L’évolution du droit coutumier : l’exemple des Nuer et des Dinka », Droit et cultures, 27, 1994, pp. 161174, ici p. 165 sq.Google Scholar

56- Malgré les recours auprès des autorités coloniales, l’élection des sobas par les macotas s’est maintenue selon le modèle endogène (cf. « Lettre au régent de Cambambe, 20 décembre 1803 », AHNA, Codex 90, f. 148v). Quand, à l’issue d’une guerre, l’armée portugaise écartait et déposait un soba, le procès qui conduisait à l’élection d’un nouveau porteur du titre politique obéissait aux règles traditionnelles (AHU, Angola, Codex 78, doc. 60, f. 297).

57- Sentence datée du 8 avril 1786 ; litige publié dans Santos, C. Madeira et Tavares, A. P., Africae monumenta…, op. cit., p. 378 Google Scholar. Une pièce d’Inde est un esclave de « bonne qualité », c’est-à-dire particulièrement robuste, de stature et d’âge déterminé ; un muleque est un esclave d’une capacité de travail moindre, en général un enfant.

58- « Procès judiciaire, province des Dembos, 23 mars 1833 », Ibid., doc. 36, pp. 107- 117 ; AHNA, Codex 240, « Correspondance du gouverneur avec les potentats Noirs de la colonie, 19 mars 1803 », f. 13.

59- AHU, Angola, Codex 1628, « Lettre du gouverneur d’Angola à Marcos Pereira Bravo, capitão-mor de Golungo, 10 août 1791 », f. 8.

60- Voir la référence à la possession et l’usage de la « rilunga », ou « lunga » (double cloche sans battant, qui « ressemble à deux clochettes, prises l’une dans l’autre »), l’insigne le plus importante des Mbangala, associée à l’idéologie guerrière, mentionnée dans une lettre du gouverneur d’Angola au directeur de la foire de Cassanje (AHNA, Codex 91, «Lettre du gouverneur au capitaine d’Ambaca, 1er décembre 1805 », f. 28v).

61- AHU, Angola, Boîte 39, doc. 8, « Banza de Golome, 23 janvier 1749 », cf. p. 38v. La banza (mbanza en kimbundu) est la capitale politique où résidaient un soba et sa cour.

62- Il est mentionné pour la première fois dans les sources en 1588 (António Brásio, Monumenta missionaria Africana: África Ocidental, 1re série, vol. III, p. 378 ; vol. IV, pp. 559, 562 et 573 (1er mai 1594), Lisbonne, Agência Geral do Ultramar, 1955-1956) ; en 1648, par exemple, Salvador Correia de Sáe Benavides nommait le nouveau tendala et capitaine de la « guerra preta » pour le Benguela (AA, vol. I, n° 2, 1933).

63- AHNA, Codex 240, « Correspondance du gouverneur avec les potentats Noirs de la colonie », f. 13.

64- Voir l’exemple des razzias pratiquées par une ambassade, conduite par un capitaine, dans le couloir Cuanza-Cuango à partir de Cassanje, en direction du préside de Pedras de Pungo Andongo. Une « fille » d’un soba fut alors capturée. Le Jaga Cassanje infligea des représailles aux commerçants et quelques-uns furent emprisonnés en compensation de la capture des deux cents vassaux appartenant à un soba allié du Jaga. Les protestations des sobas des régions razziées, exigeant la restitution des captifs, parvinrent ensuite à Luanda (” Lettre au régent de Pungo Andongo, 24 juin 1805 », AHNA, Codex 91, f. 9v ; « Lettre au régent de Pungo Andongo, 24 juin 1805 », AHNA, Ibid., f. 14). Une fois l’enquête réalisée à Luanda, les captifs furent restitués aux divers sobas auxquels ils appartenaient (AHNA, Codex 91, « Lettre au régent d’Ambaca, 2 septembre 1805 », f. 19v). Voir JOSÉ CURTO, « Un butin illégitime : razzias d’esclaves et relations lusoafricaines dans la région des fleuves Kwanza et Kwango », in Déraison, esclavage et droit : les fondements idéologiques et juridiques de la traite négrière et de l’esclavage, Paris, UNESCO, 2002, pp. 314-327 ; JEAN-LUC VELLUT, « Le royaume de Cassange et ses réseaux lusoafricains vers 1750-1810 », Cahiers d’études africaines, 57, 1975, pp. 117-136. Les gouverneurs manifestèrent en diverses occasions leur souci de restituer aux sobas alliés leurs sujets illégitimement capturés par les commerçants (” Lettre au directeur de la foire du Bondo, 20 juillet 1759 », AHU, Angola, Boîte 43, doc. 54).

65- L’esclavage a rarement pris la forme d’une institution monolithique. Le statut d’esclave a diverses origines, connaît différentes expressions, et peut être modifié : une personne d’origine servile pouvait détenir des biens et exercer certaines activités pour son propre compte. Qui était aujourd’hui esclave, pouvait ne plus l’être demain. C’est le cas de ceux qui remettaient leur liberté entre les mains d’un seigneur en paiement d’une dette ; ils la recouvraient plus tard quand cette même dette était honorée (cf. Miller, Joseph, « Stratégies de marginalité. Une approche historique de l’utilisation des êtres humains et des idéologies de l’esclavage : progéniture, piété, protection personnelle et prestige – produit et profits des propriétaires », in Déraison, esclavage et droit…, op. cit., pp. 105160, ici p. 106 sqq. Google Scholar).

66- AHU, Angola, Boîte 43, doc. 54, 27 mars 1759.

67- « […] Par leurs faiblesses et leurs coutumes paresseuses dans lesquelles ils sont élevés, bassesse d’esprit, crainte qu’ils ont envers les Noirs […], tout indique avec certitude que dans ce royaume il n’y a pas d’homme pour quelque type d’emploi que ce soit […] » (AHU, Angola, Boîte 42, doc. 8), « Au Conseil d’outre-mer, 1er février 1757 ».

68- Papiers divers, année 1760 (AHU, Angola, Boîte 43, doc. 28).

69- Voir l’exemple du capitaine de Cambambe, José da Costa de Faria, qui amena à la vassalité deux sobas dépendants de ces présides (Ibid., doc. 80, 26 septembre 1759).

70- AA, vol. II, n° 9, 1936, « Lettre royale au gouverneur, 1761 ».

71- Voir, par exemple, AHU, Angola, Boîte 100, doc. 29. Sur la préparation insuffisante des actes dans les présides, voir, entre autres, le Parecer de l’ouvidor geral João Alvares de Melo sur la réforme de l’administration de la justice en Angola, adressé au gouverneur D. Miguel António de Melo, 14 avril 1798 (AHU, Angola, Boîte 87, doc. 61).

72- Sur l’oralité de la procédure, voir la lettre royale dans laquelle le roi du Portugal demande que soient jugés rapidement et oralement les crimes mentionnés suivant la forme déclarée (AHU, Angola, Boîte 42, doc. 96).

73- Hespanha, António Manuel, « Para uma teoria da história institucional de Antigo Regime », in Poder e instituições na Europa de Antigo Regime, Lisbonne, Fundação Calouste Gulbenkian, 1984, pp. 989, ici p. 13.Google Scholar

74- Voir l’exemple de la Hongrie où, jusqu’à la première moitié du XIXe siècle, l’apposition d’une croix, en lieu et place de la signature, au bas des contrats et des actes sous serment était prévue par la formule « parce que tu ne sais pas écrire […] » : Tóth, István György, « Une société aux lisières de l’alphabet. La paysannerie hongroise aux XVIIe et XVIIIe siècles », Annales HSS, 56-4/5, 2001, pp. 863880.Google Scholar

75- Chartier, Roger, « Culture écrite et littérature à l’âge moderne », Annales HSS, 56-4/5, 2001, pp. 783802, ici pp. 798-800.Google Scholar

76- AHNA, Codex 3018, « Lettre du capitaine Joaquim de Brito au gouverneur Saldanha da Gama, 2 septembre 1808 », f. 148.

77- AHU, Angola, Boîte 64, doc. 59, Benguela, 8 juin 1781.

78- Voir l’exemple du sud de l’Angola actuel, où les « chefs de poste » infligent une amende payée en boeufs, selon le droit coutumier africain, et appliquent ensuite le droit de l’État d’Angola. Carvalho, Ruy Duarte De, Aviso à navegação. Olhar sucinto e preliminar sobre os pastores kuvale da província do Namibe com um relance sobre as outras sociedades agropastoris do sudoeste de Angola, Luanda, INALD, 1997, pp. 8991.Google Scholar

79- Il revenait généralement au capitaine une ou deux pièces d’Inde (voir Heintze, Beatrix, « Traite de pièces en Angola – ce que nos sources passent sous silence », in Daget, S. (éd.), Actes du Colloque international sur la traite des Noirs, vol. 1, Nantes, Université de Nantes/Société française d’histoire d’outre-mer, 1988, pp. 147172 Google Scholar), au greffier un muleque et l’interprète un autre muleque, assorti de quelques présents (poules, porcs, chèvres…).

80- AHU, Angola, Boîte 49, doc. 7, « Lettre du capitaine d’Ambaca, 23 décembre 1764 ».

81- « L’ouvidor procède chaque année à l’examen de la police, cette dernière comprenant l’ensemble des capitaines et des régents qui ont juridiction sur certaines maisons conformément à leurs instructions et cette juridiction est la cause de grands désordres du fait de la dépendance dans laquelle se retrouvent les misérables Noirs du sertão. […] Ils les capturent pour les libérer en échange de quelques pièces » (AHU, Angola, Boîte 79, doc. 66, « Enquête sur les capitaines et les régents, 1793 »).

82- Dalton, George et Polanyi, Karl, « Théorie économique et société primitive », in Godelier, M. (éd.), Un domaine contesté : l’anthropologie économique, Paris-La Haye, École pratique des hautes études/Mouton, 1974, p. 193.Google Scholar

83- Godelier, Maurice, L’idéel et le matériel. Pensée, économies, sociétés, Paris, Fayard, 1984, p. 248.Google Scholar

84- « Quand ils demandèrent au capitaine de Quilengues de quoi il vivait, il répondit que dans cette province il était fréquent que les Africains vinsent présenter leurs disputes devant les autorités coloniales. Quant aux plaignants, ils amenaient des présents pour les offrir aux capitaines. Les accusés les épiaient pour en ramener ensuite de plus grands. La sentence était finalement rendue en faveur de celui qui donnait le plus. Ainsi le capitaine recevait ces dons à chaque fois qu’il rendait un jugement » (AHNA, Codex 442, « Rapport du gouverneur de Benguela au gouverneur d’Angola, 21 mars 1802 », f. 220v).

85- Concept développé par Hespanha, António Manuel, « La economía de la gracia », in ID., La gracia del Derecho. Economía de la cultura en la Edad Moderna, Madrid, Centro de Estudios Constitucionales, 1993, pp. 151176.Google Scholar

86- La documentation est particulièrement abondante en ce qui concerne le vol de bétail et ses fonctions sociales (voir AHNA, Codex 442, « Rapport du gouverneur de Benguela pour le gouverneur d’Angola sur la guerre de Quilengues, Benguela, 2 juillet 1803 », f. 229).

87- Biblioteca Nacional de Lisboa [BNL], Reservados, Codex 8473, « Lettre de D. Francisco Inocêncio de Sousa Coutinho, 9 septembre 1769 », ff. 11 et 15 sqq.

88- AHNA, Codex 322, « Lettre au Dembo Ambuila D. Joaquim Afonso Álvares, 14 mai 1799 » : « […] La plainte que vous présentez suivant laquelle ont été pris comme esclaves, dans cette capitale, des gens libres, qui sont vos sujets, est moins vraie, car il apparaît de l’examen réalisé par le magistrat que la capture a été faite sur des esclaves vous appartenant en vertu de la sentence prononcée par l’ouvidoria pour la dette dont vous êtes redevable à António da Mota Ferreira Guimarães […] », f. 57.

89- « AHU, Angola, Boîte 38, doc. 82 », Rapport du gouverneur D. António Álvares da Cunha, 29 octobre 1753 . Un cas exemplaire, remontant au XVIIe siècle, entre Ngola Ari et un capitaine portugais, concernant l’esclavage et la restitution de dix mille sujets Ndongo a été analysé par JOSÉ CURTO, « A restituição de 10 000 súbditos Ndongo “roubados” na Angola de meados do século XVII: uma análise preliminar », in Escravatura e transformações culturais. África – Brasil – Caraíbas, Actas do Colóquio Internacional, Universidade de Évora, 2001, Lisbonne, Editora Vulgata, 2002, pp. 185-208.

90- Testard, Alain, « L’esclavage comme institution », L’Homme, 145, 1998, pp. 207245, ici pp. 232 sqq. Google Scholar ; Miers, Suzanne et Klein, Martin E. (éd.), Slavery and colonial rule in Africa, Londres, Frank Cass, 1999, chap. III.Google Scholar

91- Sont appelés suborneurs ceux qui séduisent la femme d’un roi ou d’un chef (B. Heintze, « Traité de pièces… », art. cit., p. 155). Voir l’exemple du délit d’adultère commis avec la femme du Jaga Cassanje par un marchand, puni par la justice portugaise (AHNA, Codex 91, « Lettre au directeur de la foire de Cassange, 5 novembre 1805 », f. 50).

92- Les deux ouvrages de référence pour l’étude de l’esclavage interne sont Meillassoux, Claude, Anthropologie de l’esclavage : le ventre de fer et d’argent, Paris, PUF, 1986 Google Scholar, et I. Kopytoff et S. Miers, Slavery in Africa…, op. cit., surtout l’introduction. Pour l’Angola, voir B. Heintze, « Traité de pièces… », art. cit., p. 154 sqq.

93- Miguel António De Melo, D., « Rapport du gouverneur d’Angola, 1802 », Boletim da Sociedade de geografia de Lisboa, 5e série, n° 3, 1885, pp. 548564, ici pp. 552-553.Google Scholar

94- Sur cette configuration de dépendance, voir A. Testard, «L’esclavage… », art. cit., p. 51.

95- Sur la remise d’une personne comme gage (ou pawado), voir Ibid., p. 88.

96- AHU, Angola, Boîte 53, doc. 37, « Sentence de la Junta de justiça, 15 juin 1769 ».

97- AHU, Angola, Boîte 60, doc. 5, 31 mai 1774, « Procès ».

98- António Manuel Hespanha, « Sabios e rùsticos. La dulce violencia de la razón juridìca », in ID., La gracia del Derecho…, op. cit., pp. 6-64, ici p. 17 sqq.

99- AHU, Angola, Boîte 63, doc. 59, « Lettre du gouverneur José Gonçalo da Câmara à Martinho de Melo e Castro, Luanda, 11 décembre 1780 ».

100- AHU, Angola, Codex 60, doc. 5, f. 49v.

101- Ibid., f. 50.

102- A. M. Hespanha, « Sabios… », art. cit., pp. 33-34.

103- Ibid., p. 25.