Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
Les célébrations ne sont pas toujours les meilleures conseillères de la recherche historique. Le cinquantenaire des Annales a suscité des commentaires élogieux sur le succès de la revue et de l'école historique qui s'y attache. Les éloges — quel que soit leur sincérité ou leur bien fondé — présentent la réussite des Annales comme un accomplissement naturel et pour ainsi dire inévitable. Tout se passe comme si l'apparition des Annales répondait, dans le milieu des historiens français des années 30, à une sorte d'urgence épistémologique ; comme si l'ensemble des sciences sociales n'attendait que cette invitation à renouveler ses méthodes et sa problématique, pour lui emboîter le pas.
How are we to account for the birth of the ‘Annales’ school at the turn of the thirties ? How did it corne to influence firstly certain circles of social scientists and secondly French historians ? The originality of the ‘Annales’ school—and perhaps the main reason for its effectiveness—stems not from its programme but from its strategic character : I) to create a rallying point for the social sciences in place of the declining Durkheimian school and the school of geography ; 2) to legitimize history in the eyes of the social sciences and to win for it a kind of leadership. Marc Bloch's and Lucien Febvre's Project was inspired by a rather technocratie conception of the relations between science and society typical of the so-called ‘spirit of the thirties'.
1. Voir, sur ce point, Craig, John E. : « Maurice Halbwachs à Strasbourg », Revue française de sociologie, vol. XX, n° 1, 1979.Google Scholar
2. Febvre, Lucien, « Histoire, économie et statistique », Annales d'histoire économique et sociale, 1930, p. 581.CrossRefGoogle Scholar
3. Bloch, Marc, « Un symptôme social : le suicide », Annales d'histoire économique et sociale, III, pp. 590–592.Google Scholar
4. Sur l'entreprise intellectuelle d'Henri Berr, voir : William R. Keylor, Academy and community ; the foundation of the French historical profession, 1975, en particulier chap. 8 : Henri Berr and the « terrible craving for synthesis » ; — Giuliana Gemelli : « Tra due crisi : la formazione del metodo délie scienze storico sociali nella Francia repubblicana », dans Atti délia Academia délie scienze dell'Istituto di Bologna, vol. LXVI, 1977-1978.
5. Sur ce point, deux articles importants de Karady, Victor : « Durkheim, les sciences sociales et l'université : bilan d'un semi-échec », Revue française de sociologie, vol. XVII, n° 2, 1976 Google Scholar; « Stratégie de réussite et modes de faire-valoir de la sociologie chez les durkheimiens », Revue française de sociologie, vol. XX, n° 1, 1979. Sur la « marginalité » des durkheimiens, un point de vue nuancé et stimulant dans Clark, Terry N., Prophets and patrons. The French university and the émergence of the social sciences, 1973.CrossRefGoogle Scholar
6. Cf. Jacques Revei., « Histoire et sciences sociales, les paradigmes des Annales », dans ce même numéro.
7. Bloch, Marc, « Classification et choix des faits en histoire économique », Annales d'histoire économique et sociale, 1929, pp. 252–258 CrossRefGoogle Scholar, à propos du livre de James W. Thompson, An économie and social history of the middle âges.
8. Dans Annales d'histoire économique et sociale, 1935, p. 503.
9. Depuis l'article de Touchard, Jean, « L'esprit des années trente », dans Tendances politiques dans la vie française depuis 1789, Paris, 1960 Google Scholar. Cf. une bibliographie abondante sur ce problème dans Loubet Del Bayle, Jean-Louis, Les non-conformistes des années 30, Paris, 1969.Google Scholar
10. Plus exactement dans les Mélanges d'histoire économique et sociale, 1942. Sur la dualité Marc Bloch-Lucien Febvre, cf. Cedronio, Marina, « ‘Annales’ attraverso le pagine délie ‘Annales’ », dans Storiografia francese di ieri e di oggi, Naples, 1977.Google Scholar
11. Cf. Stoianovitch, Traian, French historial method. The Annales paradigm, Ithaca-New York, Cornell Univ. Press, 1976.Google Scholar