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L'avènement de l'imprimerie et la Réforme: Une nouvelle approche au problème du démembrement de la chrétienté occidentale*

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

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« Il fut probablement vendu, entre 1517 et 1520, plus de 300 000 exemplaires des trente écrits de Luther… On ne saurait trop estimer le rôle qu'a joué l'imprimerie dans la diffusion des idées religieuses. Sans son recours, une révolution d'une telle amplitude n'aurait guère pu se produire. A l'inverse des hérésies de Wyclif et de Walden, le luthéranisme fut dès l'origine le produit du livre imprimé. Grâce à ce véhicule nouveau, Luther fut à même de marquer la mentalité européenne d'une empreinte précise, uniforme et indélébile. Pour la première fois dans l'histoire des hommes, un vaste public de lecteurs a pu juger de la validité d'idées révolutionnaires grâce à un mode de communication s'adressant à la masse, qui utilisait les langues vemaculaires et faisait appel à l'art du journaliste autant qu'à celui du caricaturiste… »

Type
Culture et Société
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1971

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Footnotes

*

Ce texte est la version abrégée d'un chapitre d'un livre à paraître. La plupart des parties centrales de ce chapitre ont été supprimées. Certains passages sont présentés sous forme résumée.

References

1. Dickens, A. G., Reformation and Society in Sixteenth Century Europe (New York, 1964), p. 51 Google Scholar. Rappelons pour mémoire l'œuvre pionnière de Lucien Febvre, entre autres : L. Febvre et H. J. Martin, L'Apparition du livre (« L'Évolution de l'humanité » 49), Paris, 1958, et, dans Le Problème de l'incroyance au XVIe siècle (Paris, 1942), le paragraphe « L'Imprimerie et ses effets : oui-dire » (pp. 418-421).

2. Les remarques de Luther sont citées par Black, M. H., « The Printed Bible », dans The Cambridge History of the Bible, III, The West front the Reformation to the Present Day, éd. S.L. Greenslade (ci-après notée C.H.B. III) (Cambridge, Eng., 1963), p. 432 Google Scholar.

3. John Foxe, préface pour un recueil de textes protestants (1572) citée par Aston, Margaret, « Lollardy and the Reformation : Survival or Revival », History XLIX (1964), 169 Google Scholar. Voir également M. Aston, « John Wycliffe's Reformation Réputation », Past and Présent 30 (avril 1965), jpp. 23-52, pour un exposé de la manière dont Foxe s'est engagé « dans la voie tracée par John Baie » et pour un compte-rendu des premiers emplois de « métaphores lumineuses » par les panégyristes de Wyclif.

4. L'invention de Gutenberg fut d'abord prônée, dans les cercles humanistes allemands, pour des raisons patriotiques, comme une contribution unique à la renaissance culturelle et comme une réalisation allemande qui égalait celles des Italiens. (Voir par exemple Spitz, Lewis, The Religious Renaissance and the Germon Humanists (Cambridge, Mass., 1963), pp. 8485 Google Scholar. Mêlé de propagande antipapiste, ce thème patriotique est passé en Angleterre puis, en dernier ressort, aux colonies américaines.

5. Le plan historique du monde de Foxe, plan qui met l'accent sur l'imprimerie, est étudié par Ferguson, W., The Renaissance in Historical Thought : Five Centuries of Interprétation (Cambridge, Mass., 1948), pp. 54 Google Scholar, 97. La place importante qu'occupe l'imprimerie dans la pensée de l'Ère des Lumières et l'idée de progrès demande une étude distincte. Celle-ci est abordée par Roy S. Wolper, « The Rhetoric of Gunpowder and The Idea of Progress », Journal ofthe History of Ideas (octobre-décembre 1970), XXXI, 589-598.

6. Extrait du Book of Martyrs de Foxe par Haller, William, The Elect Nation; The Meaning & Relevanee of Foxe's Book of Martyrs (New York, 1963), p. 110 Google Scholar.

7. Elton, G. R., Reformation Europe 1517-1559 (New York, 1966), p. 15 Google Scholar.

8. Erwin Iserloh, dans The Theses were Not Posted (London, 1968) ne prouve pas que l'événement n'a pas eu lieu, mais démontre qu'il n'existe pas de preuve contemporaine sérieuse montrant qu'il se soit effectivement produit. Heinrich Grimm, dans « Luther's « Ablassthesen » und die Gegenthesen von Tetzel-Wimpina in der Sicht der Druck und Buchgeschichte », Gutenberg Jahrbuch (1968) 139-150, pense qu'un texte transcrit à la main fut affiché au portail de l'église, mais à la mi-novembre plutôt que le 31 octobre. Harold J. Grimm, dans « Introduction to Ninety-Five Thèses », Career ofthe Reformer ﹛Luther's Work, XXXI, éd. H. T. Lehman), (Philadelphia, 1957), I, 22-23, spécifie que le texte était imprimé avant d'être affiché. C'est Robert L. Mcnaixy, dans « The Ninety-Five Thèses of Martin Luther », Theological Studies (1967), XXVIII, 461 n, qui remarque que le dernier mot n'a pas été dit quant à savoir si les thèses étaient affichées ou envoyées. Je suppose que la même question se pose pour déterminer si elles étaient d'abord reproduites à la main ou en caractères d'imprimerie.

9. Friedrich Myconius, morceaux choisis de Historia Reformations dans Hillerbrand, Hans, éd. et trad., The Reformation: A Narrative History Related by Contemporary Observers and Participants (New York, 1964), p. 47 Google Scholar.

10. Luther, lettre du 30 mai 1518 dans Hillerbrand, p. 54. Considérer de même la conviction qu'a Bainton de ce que « Luther n'a rien fait pour répandre ses thèses parmi le peuple… » et de ce qu'il « ne songeait nullement à quelque diffusion générale en les affichant ». Bainton, Roland, Hère I stand: A Life of Martin Luther (New York, 1950), pp. 6364 Google Scholar.

11. Hillerbrand, p. 32.

12. La diffusion rapide, dans toute l'Europe centrale, de la nouvelle des protestations élevées par Luther est étudiée par Kortepeter, Max, « German Zeitung Literature in the Sixteenth Century », Editing Sixteenth Century Texts, éd., R.J. Schoeck (Toronto, 1966), p. 115 Google Scholar.

13. Selon Harold J. Grimm, op. cit., la première impression fut effectuée par Johann Grunenberg de Wittenberg. Heinrich Grimm, op. cit., p. 142, ne tient pas compte de cette possibilité, quelque peu arbitrairement je pense. Il minimise l'importance de l'imprimerie de Grunenberg et Wittenberg à rencontre d'un article de Marie Grossman, « Wittenberg Printing, Early Sixteenth Century », Sixteenth Century Essays and Studies (Foundation For Reformation Research, St Louis Mo.) (1970), I, 53-74, qui relève l'édition de Die Sieben Busspsalmen de Luther faite par Grunenberg en 1517, aussi bien que son premier ouvrage imprimé en grec et en latin. On s'accorde à reconnaître enfin que les éditions provenaient de trois imprimeurs différents, Holzel de Nuremberg, Thanner (Herbipolensis) de Leipzig, et Pétri de Bâle, en décembre 1517. Heinrich Grimm (p. 145) remarque qu'il est probable qu'une seule et même main dirigeait cette publication. Le rôle important joué par la « Sodalitas Staupitziana » de Nuremberg, en particulier par Christoph Scheurl et Kaspar Nutzel qui faisaient imprimer les thèses en allemand aussi bien qu'en latin, est remarqué par plusieurs autorités. Voir aussi Strauss, Gerald, Nuremberg in the Sixteenth Century (New York, 1966), pp. 160 Google Scholar et suivantes.

14. Un bon aperçu d'Erasme au travail dans l'atelier de Froben à Bâle, entouré d'un groupe bruyant qui lisait ce qu'il transcrivait pour y répondre sur-le-champ, nous est donné par Tracy, James D., « Erasmus becomes a German », The Renaissance Quaterly (1968), XXI, 288 Google Scholar.

15. Lettre de Beatus à Zwingle datant du 2 juillet 1519, dans Hillerbrand, p. 125. (Voir également pp. 123 et suivantes pour la correspondance se rapportant à la diffusion des 95 thèses).

16. Rupp, Gordon, Luther's Progress to the Diet of Worms, 1521 (Chicago, 1951), p. 54 Google Scholar.

17. Lawrence Stone, Social Change and Revolution in England 1540-1640 (Problems and Perspectives in History, H. F. Kearney, éd.) (London, 1966), p. xxii.

18. Elton, p. 15.

19. Aston, Margaret, The Fifteenth Century: The Prospect of Europe (London, 1968), p. 76 Google Scholar.

20. Que Hus et Wyclif aient été séparés de Luther par une découverte technique autant que par le temps, les circonstances et leurs convictions respectives est noté par Aston, Ibid., p. 50. En sus des ouvrages ci-devant cités (notes 19 et 1), consulter A. G. Dickens, The English Reformation (New York, 1964), chapitre 2, ainsi que l'étude pertinente de Hauser, Henri, La naissance du protestantisme, éd. G. Dumézil (Paris, 1962), pp. 51 Google Scholar et suiv., pour un traitement plus approfondi de la question.

21. Selon Gordon Leff, Heresy in the Later Middle Ages: The Relation of Heterodoxy to Dissent c. 1250-1450 (Manchester, 1965), 2 vol., I, 47, les hérésies médiévales ne se laissaient définir que dans le contexte d'une Église catholique recouvrant l'ensemble de la Chrétienté occidentale et ne pouvaient exister que dans ce contexte. Après la révolte protestante, elles prirent fin, presque par définition, en même temps que l'Église médiévale. Cependant, G. Leff n'explique justement pas comment elles ont pu « pénétrer dans la Réforme ». Dans « Lollardy and the Reformation », passim, Aston se penche sur le renouveau des lollards entrepris par Foxe et d'autres qui ont tiré un plein profit de l'imprimerie, restitué des textes et fait des panégyriques. Comment les Waldensiens (en contribuant par exemple à la publication de la traduction française de la Bible faite par Olivétan) ont pénétré le mouvement calviniste mériterait plus d'attention. Un plan d'étude pour l'incidence de l'imprimerie sur les hérésies italiennes est ébauché par Carlo de Frede, « Per la Storia délia Stampa nel Cinquecento in rapporta con la diffusione délia Riforma in Italia », Gutenberg Jahrbuch (1964), pp. 175-184. Je ne suis pas habilitée à commenter les études faites sur les survivances et les résurgences de tendances hussites au sein des mouvements protestants d'Europe centrale.

22. Eisenstein, Elizabeth L., « The Advent of Printing and The Problem of the Renaissance », Past and Present (novembre 1969), 45, pp. 27 Google Scholar et suiv.

23. De nombreuses études soulignent l'exploitation de l'imprimerie par Cromwell qui a contribué à « lancer » des Bibles anglaises comme diverses autres publications. Il serait bon de tracer une biographie d'ensemble du groupe des imprimeurs, publicistes et artisans divers qu'il a mobilisés. Dans le ci-devant mentionné English Reformation comme dans son Thomas Cromwell and the English Reformation (London, 1959), A. G. Dickens apporte des éléments pertinents.

** A partir d'ici et jusqu'à la note 40, la partie centrale du chapitre est présentée sous forme d'extraits.

24. C'est ainsi que commença un nouveau chapitre de l'histoire du thomisme. (Voir par exemple Kristeller, P. O., Le Thomisme et la Pensée italienne de la Renaissance (Montréal, 1967), pp. 3639 Google Scholar. Le mysticisme espagnol subit de même une orientation nouvelle. Voir Dickens, A. G., The Counter-Reformation (London, 1969), pp. 2526 Google Scholar.

25. R. Preus, The Inspiration of Scripture (Edinbourg, 1957) et George H. Tavard, Holy Writ or Holy Church: The Crisis of the Protestant Reformation (London, 1959), fournissent des éléments intéressants. Teeple, Howard M., « The Oral Tradition that never existed », Journal of Biblical Literature (mars 1970), LXXXIX, pp. 5669 CrossRefGoogle Scholar, montre que ce problème reste fort controversé.

26. R. Preus, pp. 164 et suiv., retrace les positions antagonistes adoptées par les catholiques et les luthériens du XVIIe siècle à propos du « droit des laïcs à lire les Écritures ».

27. Des traductions espagnoles furent ainsi imprimées à Genève, Bâle, Amsterdam et dans un atelier juif à Ferrare; le protestant Diodati fit publier sa célèbre traduction italienne à Genève; des traductions françaises parurent à Anvers, Genève, Louvain et Amsterdam. Même la traduction anglo-catholique (Reims-Douai) fut publiée hors d'Angleterre. Voir C.H.B. III, 112, 114, 126-128; Martin, Henri-J., Livre, Pouvoirs et Société à Paris au XVIIe siècle (1598-1701) (Genève, 1969), 2 vol., I, 102104 Google Scholar. L'opposition couronnée de succès à une autorisation temporaire accordée par Louis XIII est décrite dans II, 610-611.

28. Dickens, , Counter-Reformation, p. 115 Google Scholar. Cette interprétation (protestante) diffère nettement de celle (catholique) que donne F. J. Crehan, S.J. « The Bible in the Roman Catholic Church from Trent to the Présent Day », C.H.B. III, 203. Ce dernier affirme que les « humanistes chrétiens présents au concile » « ont balayé » les arguments conservateurs en décidant de la création de conférences sur les Écritures. Il ne dit rien des autres problèmes plus importants.

29. Bouwsma, William, Venice and the Defense of Republican Liberty: Renaissance Values in the Age of the Counter-Reformation (Berkeley, 1968), pp. 293295 Google Scholar, soutient également que la répression du protestantisme par la Curie romaine ne saurait être dissociée du refoulement d'autres forces plus fondamentales encore et de plus grande portée. Mais alors qu'il renvoie la menace aux « valeurs de la Renaissance » et voit « dans Florence et Venise plutôt que dans Wittemberg et Genève… les principaux adversaires » de Rome (p. 294), je pense que cette menace fut provoquée par des forces libérées par l'imprimerie. Venise tout comme Genève, en tant qu'importants centres d'imprimerie, me semblent représenter des « adversaires principaux » de la Rome du XVIe siècle. (On ne peut malheureusement pas s'engager ici dans une discussion, pourtant fort à propos, sur la censure catholique et la création de l'Index.)

30. Le sort du Corpus Juris médiéval (décrit également comme « la Vulgate légale ») s'apparente à celui que connut la traduction de Jérôme. Voir Franklin, Julian, Jean Bodin and the Sixteenth Century Revolution in the Methodology of Law and History (New York, 1963), pp. 710 Google Scholar. Il serait intéressant d'étudier l'incidence de l'imprimerie tant sur la tradition textuelle légale que sur la tradition biblique du Moyen Age.

31. Le développement des traductions en langue anglaise est amplement étudié : R. F. Jones, The Triumph of the English Language (London, 1953); J. G. Ebel, « Translation and Cultural Nationalism in the Reign of Elizabeth », Journal of the History of Ideas (octobre-décembre 1969), XXX, 593-602; H. J. Graham, « Our Tongue Maternall Marvelously Amendyd and Augmentyd’ : The First Englishing and Printing of the Medieval Statutes at Large 1530-1533 », U.C.L.A. Law Bulletin, XIII (novembre 1965), 58-98; Eleanor Rosenberg, Leicester: Patron of Letters (New York, 1955). Une étude comparée du développement des traductions au XVIe siècle serait intéressante puisque celles-ci firent leur apparition plus ou moins à la même époque en des endroits différents. Voir par exemple : Grendler, Paul F., « Francesco Sansovino and Italian Popular History 1560-1600 », Studies in the Renaissance (1969), XVI, 141 Google Scholar.

32. Trevor-Roper, Hugh, The Crisis of the Seventeenth Century: Religion, the Reformation and Social Change (New York, 1968), p. 161 Google Scholar. Altick, Richard, The English Common Reader (Chicago, 1963), p. 38 Google Scholar, se rend coupable du même genre d'erreurs en déclarant que la Bible a pourvu les foyers anglais d'une « chère immémoriale ».

33. La « rareté des Bibles aux mains des ecclésiastiques » et « le peu d'emploi qu'on en faisait, même au cours de l'office » avant la Réforme sont pris en note par Heath, Peter, The English Parish Clergy on the Eve ofthe Reformation (London, 1969), pp. 7475 Google Scholar. Les manuels des prédicateurs datant d'avant l'imprimerie sont décrits par Beryl Smalley, English Friars and Antiquity in the Early Fourteenth Century (Oxford, 1960) et par G. R. Owst, Literature and Pulpit in Medieval England (Oxford, 1966).

34. Voir Gordon, Cosmo, « Books on Accountancy 1494-1600 », Transactions of the Bibliographical Society XIII, 145170 Google Scholar; Kenneth Charlton, Education in Renaissance England (London, 1965); Curtis, Mark, « Education and Apprenticeship », Shakespeare Survey XVII, éd. A. Nicholl (Cambridge, Eng., 1964), pp. 6870 Google Scholar; Louis B. Wright, Middle Class Culture in Elizabethan England (Chapel Hill, N.C., 1935). Davis, Natalie Z., « Sixteenth Century French Arithmetics on the Business Life », Journal of the History of Ideas, XXI (1960), pp. 1848 CrossRefGoogle Scholar, offre une étude particulièrement éclairante de la manière dont les transactions commerciales étaient retranchées de tout contexte moral ou religieux et présentées comme problèmes neutres afférant à la réalisation du maximum de gain.

35. Lerner, Daniel, « Toward a Communication Theory of Modernization » (1963, Étude), réimprimée dans Comparative Perspectives on Social Change éd., S.N. Eisenstadt (Boston, 1968), p. 145 Google Scholar.

36. Weber, Max, The Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism, trad. Talcott Parsons (London, 1948), p. 35 Google Scholar. Une étude récente sur les minorités protestantes en Amérique latine donne un exemple frappant de taux d'alphabétisation élevés : Willems, E., « Cultural Change and the Rise of Protestantism in Brazil and Chile », The Protestant Ethic and Modernization, éd., S.N. Eisenstadt (New York, 1968), p. 198 Google Scholar. Les études comprises dans cet ouvrage ne font qu'accessoirement allusion à l'avènement de l'imprimerie malgré ses rapports manifestes avec tous les problèmes abordés.

37. Dans l'Angleterre des Tudor, « L'instruction religieuse allait de pair avec les exhortations à lire, comme il ressort des Recommandations de 1538, 1547 et 1559 ». Margaret Aston, critique de Charlton et Simon, Shakespeare Studies (1968), IV, 388. En Ecosse, un acte du Parlement permit d'infliger une amende à ceux qui n'achetaient pas la Bible de Genève. Berry, Lloyd, Introduction, The Geneva Bible, A Facsimile of the 1560 Edition (Madison, Wisconsin, 1969), p. 21 Google Scholar.

38. H. Hauser, p. 58.

39. Black, dans « The Printed Bible », C. H. P., III, 440-51, décrit le déplacement des centres continentaux voués à l'impression des bibles après la cessation des activités vénitiennes.

*** Ici prennent fin les extraits et commence une version abrégée de la dernière partie.

40. Voir les références données dans Altick, pp. 24-25. Certes, bien avant Gutenberg, les chrétiens (tout comme les juifs) étaient qualifiés de « gens du Livre ». Cette expression apparaît dans le Coran. Voir Marrou, H. I., A History of Education in Antiquity, trad. George Lamb (New York, 1956), pp. XIV-XVGoogle Scholar.

41. Certains aspects de la polémique science-protestantisme sont notés par Eisenstein, Elizabeth L., « Some Conjectures about the Impact of Printing on Western Society and Thought », The Journal of Modem History, XL (mars 1968), pp. 4650 Google Scholar.

42. Arthur B. Ferouson, The Articulate Citizen and the English Renaissance (Durham, N.C., 1965), passim.

43. Une participation indirecte aux grands événements publics et en particulier aux campagnes royales et aux festivités de la cour fut grandement facilitée par la propagande imprimée des Valois et des Bourbons, ce que décrit Martin dans Le Livre à Paris, I, pp. 261 et suiv. Les effets de la diffusion d'images et de portraits des personnages royaux (diffusion qui atteint son apogée au temps de Napoléon) restent à être évalués par les spécialistes des sciences politiques. L'impersonnalité croissante du discours politique dans la France du xvne siècle, notée par Rothkrug, Lionel, Opposition to Louis XIV. Political and Social Origins of the French Enlightenment (Princeton, N.J., 1965), pp. 458459 Google Scholar, doit être opposée au « relief » accru des traits et de l'activité des personnalités au pouvoir.

44. Thomas, Keith, « Women and the Civil War Sects », Crisis in Europe 1560-1660, éd. Trevor Aston (New York, 1967), p. 333 Google Scholar. Voir également Walzer, Michael, The Revolution of the Saints (New York, 1968), p. 190 Google Scholar, pour les devoirs incombant aux chefs de famille puritains.

45. Schucking, Levin L., The Puritan Family, trad. Brian Battershaw (London, 1969), pp. 5657 Google Scholar. Schücking met également en contraste la situation au temps de Piers Plowman où le manque de moyens éducatifs suffisamment répandus rendait impossible le service du culte au foyer, p. 65.

46. Pour une description abondamment détaillée des développements anglais dans ce domaine, voir Christopher Hill, Society and Puritanism in Pre-Revolutionary England, (New York, 1967), 2e éd., chap. 13. Le titre de ce chapitre : « The Spiritualization of the Household » et celui du précédent : « The Secularization of the Parish » suggèrent quelques-unes des multiples transformations que les bibles imprimées provoquèrent dans les pays protestants.

47. Charlton, , Education in England, p. 201 Google Scholar. Voir également Laslett, Peter, The World we have Lost (New York, 1965), p. 241 Google Scholar, n° 3, pour d'autres références.

48. Cité par Wright, Middle-Class Culture, p. 245, parmi bien d'autres titres se rapportant à notre propos.

49. Ibid., pp. 239-241.

50. Haller, , The Elect Nation, pp. 182183 Google Scholar, souligne le fait que lire la Bible représentait, pour les « Anglais nés libres », une nouvelle façon de s'affirmer. Walzer, pp. 135, 120-121, constate qu'un ministère puritain menant une politique militante comprenait une forte proportion d'autodidactes et que lire l'Évangile constituait l'élément-clé pour créer un sens de camaraderie. Mais, à l'opposé de Haller, il ne précise pas le rôle qu'a pu jouer le texte imprimé dans la formation de son « homme nouveau » puritain (p. 4).

51. Laslett, p. 30, cite Sir Thomas Smith, dans les années 1560, en témoignage du rang très bas assigné aux « grossistes et détaillants…, tailleurs, cordonniers », etc. qui « n'ont ni terre… ni voix ni autorité au sein de leur communauté ».

52. Ceci semble contredire Walzer dans son étude (pp. 248-249) d'une « littérature incertaine » visant à « rehausser leur prestige » que les marchands anglais auraient composée en réponse à l'anxiété provoquée, quant à leur condition, par le nombre croissant des ouvrages publiés sur la science héraldique. Il fait également mention de livres tout particulièrement destinés à « ceux qui se voulaient gentleman » (p. 250). Comment les imprimeurs ont pu contribuer à accentuer le cloisonnement social par le biais de préfaces distinguant soigneusement entre les différents marchés demanderait une analyse plus approfondie. Il est certes fort probable que les puritains aient ressemblé en bien des points aux autres commerçants; je maintiendrais cependant qu'ils ont réellement fait montre d'un amour-propre nouveau qui devait beaucoup à l'élévation récente de leur position au sein du foyer. Voir la discussion de Laslett quant à la manière dont les gens en sont venus à se faire appeler « worshipful » (p. 27).

53. Un cardinal catholique mettant les laïcs en garde contre la lecture de la Bible l'a dit en clair : « Vous ne devriez pas être vos propres maîtres ». Reginald Pôle, « Speech to the citizens of London on behalf of religious houses », cité par Blench, J. W., Preaching in England in the Late Fifteenth and Sixteenth Centuries (Oxford, 1964), pp. 5051 Google Scholar. Comment la politique adoptée par la Contre-Réforme a découragé toute « religion au foyer » est montré par Bossy, John, « The Counter-Reformation and the People of Catholic Europe », Past and Present (mai 1970), 47, pp. 6869 CrossRefGoogle Scholar. L'idée que les laïcs se devaient de lire la Bible fut condamnée comme proposition janséniste par la bulle Unigenitus, voir Crehan, « Bible in Catholic Church », C.H.B. III, 222. Les ressemblances entre les modes de vie austères des jansénistes et des puritains de même que leur antipathie commune pour les maîtres de danse mériteraient plus d'attention. Cette question est trop souvent traitée en invoquant « la montée des classes moyennes ».

54. Pour prévenir tout contresens, il importe de souligner le restrictif « en partie ». On doit tenir compte de nombreux facteurs avant de comparer la mobilité sociale en Angleterre et en France. Il est par exemple plus facile de pénétrer dans les rangs de la noblesse en France qu'en Angleterre et plus difficile d'en sortir, comme le signale Betty Behrens. De nombreux autres facteurs tout aussi importants sont à noter. J'avancerais seulement que l'écart entre les rôles religieux remplis au foyer pourrait se rapporter à ce problème comparatif complexe.

55. Weber, , Protestant Ethic, p. 36 Google Scholar.

56. Wright, Middle-Class Culture, p. 211, cite ce sous-titre d'un ouvrage de Robert Weaver (1598).

57. Voir Ibid., pp. 226-227, pour un commentaire sur la « similitude étrange » entre les conseils sur la vie familiale que recevait le bourgeois de 1558 et ceux que recevait son petit-fils en 1640. (La tendance à mettre l'accent sur l'inertie culturelle en évaluant les effets de l'imprimerie est relevée par Eisenstein, « Some conjectures », p. 53, n. 151, et « Printing and the Renaissance », p. 25, n. 15; p. 70, n. 140).

58. Voir Ibid., p. 203, n. 3, pour la vogue passagère que connurent en Angleterre les traductions du Courtisan de Castiglione et autres guides aristocratiques.

59. Comment l'imprimerie est venue concrétiser le mouvement favorable à l'instauration d'un système d'éducation uniforme et standard est bien mis en relief par Walter Ono, Ramus: Method and the Decay of Dialogue (Cambridge, Mass., 1958), p. 314. Ong fait état d'une pédagogie basée sur la possibilité qui s'offrait au maître d'école de dire : « regardez page 7, ligne 3, le quatrième mot ». On en trouve également l'exemple dans l'introduction de William Lily à sa grammaire : An Introduction ofthe Eyght Partes of Speche (1542) citée par Baldwin, T. W., William Shakespeare''s Small Latin & Lesse Greeke (Urbana, Illinois, 1944, 2 vol., I, 179180 Google Scholar. (Voir de même la discussion par Baldwin de l'uniformité des programmes d'études sous Elizabeth, I, 492-493). Existe-t-il un équivalent français de l'abécédaire écrit en langue vulgaire qui fut autorisé par Henri VIII en 1545? Ou faut-il attendre Napoléon pour voir l'éducation devenir aussi uniforme en France que dans l'Angleterre des Tudor?

60. Philippe Aries, Centuries of Childhood: A Social History of Family Life, trad. R. Baldick (New York, 1962), passim.

61. Ibid., pp. 412-413.

62. Sur l'importance croissante de ces emplois nouveaux, une fois passé le besoin de copistes, voir Buhler, Curt, The Fifteenth Century Book (Philadelphia, 1960), pp. 2829 Google Scholar.

63. Cette question semble se rapporter à l'intérêt croissant que les fonctionnaires de l'Ancien Régime manifestaient pour le « peuple » devenu un « grand enfant » ainsi qu'à bien d'autres problèmes abordés dans les intéressants « Débats et Combats » sur « Les Contes de Perrault », Annales (mai-juin 1970), XXV, 646-648. Comme je l'ai déjà fait remarquer dans mes « Some Conjectures », p. 41, n. 110, il semble de même fort probable qu'une redéfinition de la folie est allée de pair avec celle de l'enfant. L'analyse que donne Foucault de la folie et de la civilisation gagnerait à tenucompte des effets de l'imprimerie.

64. Schucking, , Puritan Family, p. 68 Google Scholar.

65. Trevor-Roper, , Crisis of the Seventeenth Century, p. 91 Google Scholar.

66. Chaunu, Pierre, « Sur la fin des sorciers au XVIIe siècle », Annales (Juillet-août 1969), XXIX, 4, 895911 Google Scholar.

67. Febvre, Lucien, « Sorcellerie, sottise ou révolution mentale? » Annales (Janvier-mars 1948), III, 1, 915 CrossRefGoogle Scholar.

68. Des hypothèses quant à l'incidence de l'imprimerie sur la science occulte et la condition des sorciers sont avancées par Eisenstein, « Printing and the Renaissance », pp. 78-79.

69. Chaunu, « La fin des sorciers », p. 906.

70. Chaunu souligne le fait que la cérémonie du mariage chrétien, parce qu'elle venait troubler les rites visant à prévenir la stérilité ou assurer une union féconde, constituait un foyer de conflit. Il me semble fort probable que toute action tendant à affaiblir l'autorité des femmes qui présidaient aux opérations mêmes de l'accouchement ou celle des herboristes qui détenaient le pouvoir de tuer ou guérir ait également soulevé l'inquiétude.

71. Trevor-Roper, , Crisis of the Seventeenth Century, p. 116 Google Scholar. William Monter, E., « Chronique : Trois historiens actuels de la Sorcellerie », Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance. Travaux et Documents (1969), XXXI, pp. 205213 Google Scholar, conteste de même ce « dédain aristocratique » dont témoigne Trevor-Roper (p. 209).

72. Trevor-Roper, , Crisis of the Seventeenth Century, pp. 128129 Google Scholar.

73. Ibid., p. 102.

74. Ibid, p. 101.

75. Eisenstein, « Printing and the Renaissance », pp. 35, 71.

76. Trevor-Roper associe le platonisme et le « mysticisme occulte » au progrès de la science, les distinguant arbitrairement des formes « vulgaires », « ridicules » et « frustes » des « croyances propres à la sorcellerie », Crisis of the Seventeenth Century, pp. 132-133. Ici encore, j'approuve Monter (« Chronique ») dans son refus de séparer l'occultisme des autres aspects de la crédulité du xvi° siècle. Il faut attendre le XVIIe siècle pour voir des érudits, tels que Isaac Casaubon et Louis Cappel, ébranler la croyance dans les textes occultes et cabalistiques; avant eux, des humanistes de la Renaissance, tels que Reuchlin, avaient accordé un appui enthousiaste à la tradition occulte tout en s'attaquant aux obscurantistes bornés.

77. Voir ci-dessus, ainsi que p. 1364, note 32. Ces deux phénomènes sont associés en ceci que le commandement « Tu ne laisseras pas en vie la magicienne », Exode XXII. 18, se grava daos l'esprit d'un plus grand nombre de lecteurs après qu'on se fut mis à imprimer la Bible. Le cas du chasseur de sorciers puritain qui « lut 53 fois la Bible intégralement… et fit mettre à mort 20 000 personnes » est cité par Trevor-Roper, , Crisis of the Seventeenth Century, p. 159 Google Scholar.

78. Ibid., p. 140.

79. Alors qu'Henry Kamen attribue The Rise of Toleration (New York, 1967) aux bourgeois de Zurich et à la noblesse terrienne d'Angleterre, je pense qu'on devrait se tourner d'abord vers les premiers imprimeurs et le développement de leur commerce.

80. Hexter, J. H., Reappraisals in History (Evanston, 1961), p. 42 Google Scholar.

81. Armstrong, Elizabeth, Robert Estienne Royal Primer (Cambridge, Angleterre, 1954), pp. 1314 Google Scholar, emploie cette expression en rapport avec Colines qui publia tout à la fois des ouvrages de Lefèvre d'Etaples et des attaques dirigées contre eux par les Sorbonnistes. Le schéma de Hexter néglige de même le groupe de ceux qui plaidaient en faveur de la tolérance pour des raisons religieuses et non politiques, comme le montrent Justus Lipsius qui avait adopté une position « politique » et Dirk Coornhert qui pensait que convertir les gens par la force déplaisait à Dieu. ( Jellema, D. W., Compte rendu de : Dos Toleranz-Problem, dans The American Historical Review (avril 1970) LXXV, pp. 11431144 CrossRefGoogle Scholar). L'existence d'une « troisième force » qui n'était ni « politique » ni incrédule mais qui croyait en l'harmonie céleste et soulignait la futilité des querelles terrestres est également étudiée par Voet, Léon, The Golden Compassés (Amsterdam, 1969), 2 vol., I, 2930 Google Scholar, en rapport avec le cercle de Plantin. Les relations de Coornhert avec ce cercle sont également notées, I, 385.

82. Steinberg, S. H., Five Hundred Years of Printing (Bristol, 1961), p. 47 Google Scholar.

83. Kingdon, R. M., « Christopher Plantin and His Backers 1575-1590 », Mélanges d'Histoire Économique et Sociale (Genève, 1963), p. 315 Google Scholar.

84. Consulter « The Plantin House as a Humanist Center » dans Voet, I, 362-395, pour information.

85. Armstrong, , Robert Estienne, p. 15 Google Scholar.

86. L'imprimeur Daniel Bomberg (ou Bomberghen) présente un lien intéressant entre ces deux groupes. Bomberg fit œuvre de précurseur en imprimant la Bible en hébreu à Venise, mais il était originaire d'Anvers et avait des fils et des neveux qui héritèrent de ses caractères et s'associèrent à Plantin. Voir Voet, I, 44 et suiv. Voir de même Colin Clair, Christopher Plantin (Londres, 1960); David W. Davtbs, The World of the Elseviers 1580-1712 (La Haye, 1954); J. A. Van Dorsten, Thomas Basson 1555-1613 English Printer at Leiden (Leyde, 1961). Il faudrait tracer une nouvelle monographie d'Aldus. Deno John Geanakoplos, Greek Scholars in Venice (Cambridge, Mass., 1962) ne donne qu'un aperçu limité de son cercle. Frances Yates, The French Académies of the Sixteenth Century (Londres, 1947), note la façon dont son « Accademia dei Filleleni » était reliée à la Pléiade, p. 6.

87. « L'échelle mondiale » est fournie par Ortelius, l'un des premiers éditeurs d'atlas, dont les attaches avec le cercle de Plantin sont relevées par Boumans, René, Journal of the Warburg and Courtauld Institutes (juillet-décembre 1954), XVII, 374377 CrossRefGoogle Scholar. Consulter William Bouwsma, Concordia Mundi, The Career and Thought of Guillaume Postet, 1510-1580 (Cambridge, Mass., 1957) pour un exposé de la « famille humaine ». Postel était un autodidacte normand d'humble naissance qui possédait le grec, l'hébreu, l'arabe et d'autres langues exotiques. Il travailla avec Bomberg à Venise et avec Oporinus à Bâle. Dans sa correspondance avec Plantin et Ortelius, il fait mention de la « Famille d'Amour » et dépeint l'imprimerie comme « la lance et l'épée de la victoire du Christ », pp. 240-242. Plantin lui demanda conseil pour dessiner des caractères syriaques. Outre son amitié pour Ortelius et Postel, Plantin aida également Mercator. L'extrême variété de ses liens est évoquée par Voet, pp. 367-369, 383 et suiv.

88. Trivor-Roper, , Crisis of the Seventeenth Century, pp. 200202 Google Scholar, dépeint trois périodes : les âges d'Erasme, de Bacon et de Newton comme des « périodes de lumière », des intervalles de « correspondance intellectuelle cosmopolite » à l'abri de toute « guerre idéologique », qu'elle fût « chaude ou froide ».