J'ai mieux aimé vous parler de la philosophie de l'existence plutôt que de l'existentialisme, pour une raison, que vous devinez probablement. Le terme d'existentialisme a fini par désigner presque exclusivement le mouvement philosophique qui s'est produit en France après 1945 sous l'impulsion principalement de Sartre. Or, ce mouvement philosophique, en réalité, a des antécédents; il est lié à toute une tradition de pensée philosophique, tradition qui est compliquée, qui est longue, puisqu'il s'agit en réalité tout d'abord de la philosophie de Kierkegaard, il s'agit ensuite, en Allemagne, de philosophies comme celles de Husserl et de Heidegger, il s'agit, en France, même avant Sartre, d'une philosophie comme celle de Gabriel Marcel. Si bien qu'il est extrêmement difficile d'isoler la tentative de Sartre par rapport aux autres tentatives très connues elles-mêmes que je viens de mentionner. Il m'a semblé que Sartre ayant une originalité indiscutable — mais Sartre relevant quand même de tout un courant de pensée — il était vraiment impossible de prendre sa tentative philosophique, philosophico-politique en elle-même et de la séparer du reste. De sorte que je me propose de vous donner d'abord une vue sur ce qu'a été l'entrée en France de la pensée existentielle.

The phenomenological theory of motivation was first extensively developed by Sartre in his early Sketch of a Theory of Emotions and then in The Transcendence of the Ego, Being and Nothingness, and the Critique de la raison dialectique. Sartre's theory presents three difficulties which were recognized by Merleau-Ponty whose position, as formulated in Phenomenology of Perception, is, in part, an attempt to resolve them. The point of view of this paper is that Merleau-Ponty has not satisfactorily resolved the difficulties and that, moreover, no adaptations of the theory could resolve them short of abandoning phenomenology as such by going beyond it.

Il n'est peut-être pas excessif d'avancer que toute l'œuvre de Merleau-Ponty (né en 1908) n'est qu'une longue méditation sur le mystère de l'esprit incarné. Dès la Structure du comportement (1942), il est longuement question des relations entre l'âme et le corps; le quatrième et dernier chapitre de ce livre s'intitule en effet les Relations du corps et de l'âme et le problème de la conscience perceptive. Plusieurs des chapitres de la Phénoménologie de la perception (1945) sont consacrés au corps: le corps comme objet; l'expérience du corps; la synthèse du corps propre; le corps comme sexué, le corps comme expression de la parole. Merleau-Ponty revient ensuite plusieurs fois sur le problème de la structure de l'homme, dans des conférences, des cours et des articles. Mentionnons spécialement la conférence l'Homme et l'adversité (1951) et l'article le Philosophe et son ombre (1959), tous deux contenus dans le recueil intitulé Signes (1960). Enfin, dans le Visible et l'Invisible que Merleau-Ponty laisse inachevé au moment de sa mort, en mai 1961, ainsi que dans de nombreuses notes datées de 1959 et de 1960 et éditées avec le Visible et l'Invisible en 1964, nous trouvons encore de profonds développements non seulement sur le corps mais aussisur la chair, notion beaucoup plus compréhensive, nous le verrons, que celle meme de corps vivant.

La question du langage et de la parole dans les écrits de Merleau-Ponty ne peut se comprendre indépendamment de la phénoménologie du corps-propre et de son corrélat le monde vécu, c'est-à-dire son champ spatial et temporel, avec des horizons, proches ou lointains, dans lequel il se trouve et où il se situe.

Rappelons que Merleau-Ponty montre comment le but que se propose la perception par sa propre téléologie est la chose même, et comment, ce but une fois atteint, l'idée d'un monde en soi ou du réel en dérive. Le sujet percevant en tant que corps s'oublie; par rapport au monde en soi ce qui paraît rester du sujet n'est que conscience désincarnée, sujet de la science, sujet qui est partout et nulle part, qui est de tout temps et de nul temps, et qui enfin n'est personne.

L'être, au monde dont nous parle la phénoménologie contemporaine l'homme mondain qui se reconnaît situé dans réseau inextricable de relations par lesquelles il se rattache à tout ce qui est, se découvre par la vertu de la description phénoménologique engagé dans un régime de significations. Entre l'homme et son monde, les connexions sont apparues telles qu'il est devenu impossible de choisir entre les explications de type classique de soumission au réel que préconisait le réalisme et de domination constitutive dont se prévalait i'idéalisme. L'homme apparaît irrémédiablement solidaire du monde qui l'engage dans la temporalité et l'historicité. Conditionné de tout bord par ses attaches au monde, l'homme de la phénoménologie ne peut trouver de refuge assuré dans une conscience pure qui prétendrait laisser le monde en suspens pour permettre une explication définitive du moi avec lui-même dans la solitude de l'ego transcendantal.

In about 1958, Merleau-Ponty told Sartre that he would write a book on nature. The news does not seem to have surprised Sartre, but one wonders why it didn't. After all, Merleau-Ponty had already had his say on this issue: both The Structure of Behavior and Phenomenology of Perception, his first two books and certainly his best known efforts, make up a single prolonged study of the relationship of consciousness and nature. It concludes to that philosophical primacy of the union of these in perception which has been Merleau-Ponty's “trademark” ever since. It was completed by 1945. Shortly afterward, he promised that he would describe the passage from perception to explicit, conceptualized knowledge in a book which he would call l'Origine de la Vérité. Meanwhile, he turned from the relations of consciousness with nature to those of consciousness with consciousness and worked at a phenomenology of history (in the period, roughly, from 1945 to 1955), a phenomenology of language (from 1950 to 1953), and even a phenomenology of philosophy (from 1953 to 1956).

Nul penseur, fût-il le plus étranger à la problématique propre de l'histoire, ne peut, bien entendu, s'empêcher de laisser entrevoir, çà et là au long de son œuvre, sa façon de comprendre celle-ci. Aussi est-ce avec beaucoup de prudence qu'il faut parler de «la philosophie de l'histoire» d'un auteur. Réservons pour la fin de cet article la question de savoir si la philosophie de Merleau-Ponty mérite ce titre et contentons-nous pour l'instant de dégager l'ensemble de réflexions que notre auteur présente comme une philosophie de l'histoire. Puisque Merleau-Ponty n'a jamais consacré une œuvre aux problémes de l'Histoire, on pourrait d'ailleurs être tenté de considérer ses réflexions sur la question comme des passages épisodiques qui trahissent seulement son profond intérét pour la situation politique où il s'est trouvé engagé. Il nous faudra donc montrer qu'on peut effectivement parler d'un «ensemble de réflexions» qui, pour ne pas avoir été jeté dans une œuvre particulière, doit se lire en filigrane tout au long des travaux du philosophe. C'est cette lecture en somme que le présent article veut suggérer.

La philosophie contemporaine a fait d'immenses progrès en introduisant dans la spéculation la préoccupation de la technique. La phénoménologie, entre autres, a cherché à faire coïncider ses découvertes avec les témoignages de la science. Merleau-Ponty, un des propagandistes français de la méthode phénoménologique, a contribué à rapprocher cette sorte de philosophie de la psychologie de la forme, des théories de l'organisme, des analyses expérimentales de la sensation. Sa conception de la perception illustre assez bien sa démarche. Chose étrange, c'est par des aspects typiquement représentatifs qu'elle se rapproche le plus à ce sujet de la pensée de Berkeley qui se rapporte pourtant au contexte scientifique d'une autre époque, spécialement en ce qui touche à l'optique géométrique.

As philosophers speak, they think that there are things whicht they can see and speak about as philosophers. But what are these things? And what is the general character of the philosopher's statements? How can we find out whether they are true? If, as is widely agreed, the philosopher does not rely on empirical research, in which direction ought we to look for the evidence to support philosophieal statements? Husserl's transcendental-phenomenological reduction, we propose to show, can best be understood as an attempt to indicate the nature and direction of the specifically philosophieal concern. The reduction, as he understood it, determines the domain of philosophieal research, the character of philosophical statements, and the direction in which we can look for evidence to support such statements. In this paper we shall concentrate on the Ideas, the work which Husserl published in 1913 as a general introduction to phenomenology.