Dans la musique moderne, de Debussy à Boulez et Stockhausen, le “mythe du primitif,” en touchant l'oeuvre de Strawinski, Bartók, Milhaud, Vogel, Varèse, Chavez, Messiaen, et beaucoup d'autres, a fonctionné comme stimulant de l'imagination musicale non seulement sub specie mythica mais aussi par l'approche philologique du matériau historique. Certes, l'orientalisme et le pentatonisme de Debussy se sont produits à un moment “centrifuge” de l'imagination européenne; mais il est également vrai que Debussy a eu une connaissance historique et philologique de la musique orientale, du pentatonisme, et des gammes à tons entiers. Strawinski a toujours recusé l'étiquette de “folkloriste” dont certains ont voulu l'affubler, mais il n'y a pas de doute qu'on trouve dans la technique du Sacre et des Noces des concordances qu'il est possible de relever au niveau de documents ethno-musicaux. Nous savons par ailleurs a quel point Strawinski se montre réticent et réservé quand il s'agit de citer ses sources, y compris celles de sa période “russe.” D'autre part son fauvisme est inconcevable sans le Musée de l'Homme et la culture parisienne au début de notre siècle. Milhaud parle plus librement de ses sources “ethniques,” qu'il s'agisse de la musique sarde, brésilienne, provençale, ou afro-américaine.