Les auteurs s’inspirent de l’hypothèse de Durkheim sur l’anomie pour étudier les risques suicidaires chez les immigrés en France: ayant perdu leurs repères sociaux traditionnels, ils présentent un risque de suicide plus élevé. Les statistiques des causes médicales de décès et les résultats d’une enquête dans 2 régions françaises (1980) auprès de suicidants hospitalisés constituent le matériel analysé.
L’incidence du suicide est inférieure chez les étrangers, quels que soient la nationalité, l’âge, et pour les 2 sexes. Cette situation s’explique par les faibles taux de suicide constatés dans les pays d’émigration. Cependant les immigrés ont des taux de suicide supérieurs à ceux de leurs compatriotes. Deux particularités sont notées. La différence Français-étrangers s’amenuise pour les hommes après 60 ans; l’intégration dans le pays d’accueil serait à l’œuvre. Et les jeunes femmes maghrébines ont un taux de suicide égal à celui des Françaises: les conflits intergénérationnels expliqueraient ces nombreux passages à l’acte.
Les taux de tentatives de suicide des hommes immigrés sont proches du taux des Français, mais les femmes immigrées ont des taux bien supérieurs à celui des Françaises, particulièrement les adolescentes (4 fois plus élevé). Les suicidants étrangers constituent une population plus féminine (8 tentatives sur 10 sont le fait de femmes), plus jeune. Les jeunes du Maghreb vivent plus fréquemment au domicile de leurs parents, dans une fratrie nombreuse, ils sont plus souvent chômeurs. Ils utilisent moins fréquemment des médicaments lors de la tentative de suicide et consomment plus rarement de l’alcool en association. Espagnols et Portugais font moins souvent de récidives. Les tentatives des Français adultes sont jugées plus graves (prise d’alcool associée, isolement, récidive, coma profond). Les étrangers ont moins de troubles psychiatriques connus, et moins de troubles mentaux en relation avec leur geste suicidaire. Les données concernant l’entourage des étrangers indiquent une incidence moindre de la psychopathologie.
Les études internationales ayant une problématique proche apportent des résultats convergents, tant pour les différences d’incidence entre migrants et autochtones, que pour les caractéristiques sociales et médicales. Les tentatives de suicide des immigrés se situent dans un contexte de moindre psychopathologie personnelle ou touchant l’entourage. Ceci confirme l’hypothèse d’un geste plus impulsif et souligne le poids de la situation socioculturelle.