Les Doctrinaires de la Révolution allemande : le titre du récent livre d'Edmond Vermeil dit bien ce qu'il veut dire. Et ce que l'ouvrage se propose de mettre en lumière dans ses trois parties successives.

Premier livre : à la recherche des ancêtres. Walter Rathenau, par ses plaintes sur la mécanisation croissante de la vie, par sa nostalgie d'une spiritualité germanique ; Keyserling, par son humanisme vraiment intégral, puisqu'il unirait l'Orient et l'Occident au sein d'une élite véritable, construite par sélection ; Thomas Mann par ses idées sur la régénération des sociétés arrachées à la décadence par la véritable culture et par sa maîtrise synthétique ; Spengler par son culte du césarisme et sa vénération pour le « pouvoir » : autant de prophètes du national-socialisme.

Par un étrange retour, comme en connaît l'histoire, l'acte de restriction du 27 février 1797, autorisant la Banque d'Angleterre à ne plus rembourser les billets en espèces, les discussions sur le rapport du Bullion Committee, et le rejet de ses propositions par la Chambre des Communes en 1811, le maintien du cours forcé jusqu'en 1821, c'est toute une période de l'histoire financière et monétaire anglaise qui est redevenue pour nous d'un intérêt bien actuel. Des économistes, Malthus, Ricardo ont jugé ces événements, et les mesures prises alors par le gouvernement, d'un point de vue théorique. Mais il y a aussi à considérer les hommes politiques, les journalistes, les pamphlétaires, chez qui l'on peut suivre les mouvements de l'opinion, les réactions du public.

Que j'aie lu avec infiniment de satisfaction le beau livre, mûri pen. dant tant d'années, que M. Henri Drouot vient de présenter comme thèse de doctorat à la Sorbonne, nul de ceux qui ont suivi mon effort ne s'en étonnera. Mayenne, et la Bourgogne, Etude sur la Ligue (1587-1596) : à près de trente ans de distance, l'auteur de Philippe II et la Franche-Comté, Etude d'histoire politique, religieuse et sociale, retrouve dans la cadence même de ce titre comme un écho de ses soucis d'autrefois. Et, s'il lui fallait préciser en quelques lignes le véritable caractère de cet ouvrage fécond, il ne saurait faire mieux que d'ouvrir des guillemets : « Etude d'histoire provinciale nettement circonscrite dans les limites étroites d'une contrée médiocre sans doute : mais chapitre détaché d'une histoire provinciale, non pas.

Le Comité suisse chargé de préparer le VIIIe Congrès international des sciences historiques, qui s'est tenu à Zurich du 28 août au 3 septembre 1938, s'est acquitté, à la satisfaction de tous, d'une tâche que les circonstances rendaient particulièrement difficile. Le climat politique de l'Europe, déjà troublé en août 1933, au moment de la réunion du VIIe Congrès à Varsovie, ne s'était pas amélioré entre temps, loin de là, et à plusieurs reprises les organisateurs eurent lieu de se demander si le Congrès pourrait se réunir à la date prévue. Le jour de l'ouverture, le dimanche 28 août, la tension internationale était arrivée à un tel degré de gravité que nombre de congressistes doutaient de voir le Congrès parvenir sans encombre à son terme.

Die Entstehung des Historismus: ne nous y trompons pas ; l'objet de M. Friedrich Meinecke, dans l'ouvrage dont il formule ainsi le dessein, n'a nullement été de retracer le développement, soit de la méthode critique, soit des pratiques de l'analyse historique. Ce qu'il entend par Historismus est, foncièrement, une attitude mentale. Comment traduire ? « Esprit historique » vient d'abord, tout naturellement, aux lèvres. Mais les associations d'idées que cette expression évoque recouvrent, en vérité, assez mal celles vers lesquelles le mot allemand se propose de nous orienter. Si inquiétant que cela puisse paraître, s'agissant de positions scientifiques par vocation universalistes, mieux vaut, sans doute, reconnaître que la traduction est impossible.

Entreprise sous les auspices du Conseil universitaire de la Recherche sociale par notre collaborateur Albert Demangeon, assisté d'un spécialiste réputé, Georges Mauco, une enquête très poussée aboutit aujourd'hui à la publication d'un gros recueil de Documents pour servir à l'étude des étrangers dans l'agriculture française. Inutile de souligner, j'imagine, et l'ampleur de la question, et l'opportunité de l'enquête.

Son unité a été fort bien assurée par un questionnaire lancé à plus de 3.000 exemplaires. Il portait à la fois sur les effectifs, les nationalités, les conditions sociales des étrangers ; leur degré d'assimilation et leurs rapports avec les populations françaises au sein desquelles ils s'établissent ; enfin leur rôle économique, leurs apports de méthodes, d'améliorations, de nouveautés, leurs salaires aussi. — Plus d'un millier de collaborateurs, la plupart enseignants, d'autres appartenant au personnel de l'Agriculture, au clergé rural, etc., ont répondu au questionnaire, quelquefois avec un sens, une curiosité d'esprit, un zèle qui contrastent heureusement avec la totale abstention des services du Ministère de l'Intérieur.

M. Edouard Dollèans publie le second tome de son Histoire du mouvement ouvrier. On voit mieux encore, maintenant que l'ouvrage est achevé, l'ampleur et les difficultés de la tâche qu'il s'était proposée en un espace strictement limité : le mouvement ouvrier, dont l'importance croît avec le développement de la grande industrie, déborde sur des faits et des institutions de plus en plus variés. Aussi M. Dollèans a-t-il jugé nécessaire, devant un sujet aussi complexe, d'user d'une méthode souple et de varier ses angles de « prise de vues » : il fait ainsi appel, tour à tour, à l'analyse politique, à des documents variés et remarquablement choisis, enfin à des jugements et impressions psychologiques qui ont souvent la saveur de l'expérience personnelle.

Le Centre International de Synthèse nous a donné récemment le compte rendu de sa sixième semaine consacrée à La Notion de Progrès devant la Science actuelle. Il s'ouvre par une étude sur 1' « Histoire de l'idée de progrès », de Mr René Hubert, qui avait déjà eu l'occasion d'étudier ce problème. Mr Hubert met en relief la complexité de la notion de progrès, dont il se refuse, fort justement, à admettre une définition a priori. Il en suit, esquissée à grands traits, l'évolution depuis l'antiquité hellénique à travers le christianisme, la Renaissance et jusqu'à nos jours.

La critique est un art difficile. Je venais de lire La France, histoire d'un peuple, et je tombe sur un compte rendu de cet ouvrage où je vois reprocher à M. André Ribard, son auteur, des préoccupations d'histoire sociale que le rédacteur du compte-rendu juge excessives et abusives. Or, ce qui me frappe, quant à moi, et ce que volontiers je reprocherais à M. Ribard, c'est qu'ayant raconté, d'une plume alerte, les vicissitudes politiques de la France, il se soit si peu soucié de les éclairer en recourant aux interprétations économiques qu'on est naturellement porté à attendre d'un livre publié aux E. S. I. Certes, dans son livre, il dénonce à maintes reprises la puissance de l'or, mais pas un mot sur cet or lui-même, ni sur la monnaie, ni sur les prix, leurs fluctuations, leur allure, ni non plus sur les salaires, leur courbe et leurs oscillations.

On connaît, tout au moins de réputation, la richesse extrême des archives des vingt monastères de l'Athos. La publication de ces documents si variés et d'une importance si grande pour l'histoire de Byzance avait été commencée en 1903 en Russie, où le Vizantijskij Vremenik publiait alors les actes des monastères d'Esphigménou et de Zographou. Mgr Petit devait éditer les Actes du Pantokrator, de Xénophon et de Chilandar ; mais la guerre interrompit la publication. Celle-ci reprend aujourd'hui, sous la direction de Mr Gabriel Millet.

Paris, ses arrondissements diversement peuplés, l'agglomération parisienne avec ses communes, offre un objet d'observations et de comparaisons de premier ordre quant à la santé publique, aux variations de la maladie et de la mort. Un médecin-statisticien, directeur depuis de longues années des services municipaux d'hygiène et d'assistance sociale à Clichy, nous présente, sur la mortalité à Paris et dans le département de la Seine, une série de tableaux et surtout de cartogrammes qui permettent bien de reconnaître comment varie la mortalité par telle ou telle cause, et suivant de grandes catégories d'âge (de o à 1 an, de 1 à 19 ans, de 20 à 39, de 40 à 59, de 60 et plus), et aussi à tous âges, d'un arrondissement à l'autre à Paris, d'un département à l'autre, dans la Seine, pour la période 1920-1934.

Le livre de M. Marcel Emerit ne se lit pas sans quelque fatigue : en raison de certaines longueurs, notamment dans le récit des luttes d'opinion et dans l'analyse des débats parlementaires — ces derniers spécialement fastidieux ! — ; par suite, aussi, m'a-t-il semblé, d'un morcellement excessif dans l'ordonnance même de l'exposé. Mais il est très clair — l'auteur ayant eu le mérite, en particulier, de ne jamais négliger de fournir, sur le milieu roumain, les renseignements, même de caractère assez élémentaire, qu'il estimait, à juste titre, indispensables au lecteur français — ; en dépit, çà et là, d'une note, bien naturelle, d'humaine sympathie, il se maintient constamment sur le plan de l'étude la plus scrupuleusement objective ; il abonde, enfin, en observations instructives, souvent pénétrantes et dont l'intérêt est encore accru par de sobres rapprochements avec des évolutions plus familières au commun des historiens.

Voici sur nos tables, depuis quelques mois, le second volume du précieux Handbook of Latin American Studies. Il nous apporte déjà le relevé, mis en ordre et à peu près complet, de toutes les publications de l'année 1936, consacrées à l'Amérique latine, dans les divers secteurs des sciences sociales. Cette signalisation, exceptionnellement rapide, est d'autant plus louable qu'il s'agit d'une librairie difficile à suivre, d'un monde énorme, de publications abondantes. Il se peut qu'une phase difficile soit désormais franchie, pour l'enquête sociale, en ces lointains domaines.

Tout le monde sait comment, aux Etats-Unis, la crise ayant converti à l'économie dirigée la majorité des électeurs américains, le jeu de bascule du système représentatif appela le chef du parti démocrate à appliquer cette politique, baptisée du nom bien sonnant (sinon tout à fait original) de New Deal. Jamais, depuis la guerre, l'opinion publique n'avait été aussi prête à accueillir les mesures de ses gouvernants, quelles qu'elles fussent ; il est vrai qu'ils ne savaient pas précisément lesquelles prendre. Dans ces conditions, l'expérience s'est poursuivie, jusqu'aux arrêts de la Cour Suprême qui, le 27 mai 1935 et le 9 mai 1936, ont contraint le gouvernement à modifier profondément ses méthodes pour les mettre en harmonie avec la Constitution. Le moment est venu d'étudier, avec des documents et un recul suffisants, cette première période du New Deal.