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Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
Le Colonel N. T. Belaiew a montré comment les armes blanches dites de Damas ont dû nous venir en réalité de la Perse. Leur étude métallographique, faite en Russie, montre qu'il s'agit là à son avis du meilleur acier fondu, riche de 1,13 à 1,90 % de carbone. En effet, c'est sa haute teneur en cémentite qui fait du sabre « arabe », dit de Damas, un acier hypereutectoïde.
page 669 note 1. « Sur le damas oriental et les lames damassées », Métaux et Civilisations, n° 1, 1945. L'auteur y donne la bibliographie de ses études. Cf. aussi R. Cazaud, Métallurgie, t. II, Paris, Dunod, 1957, p. 65 et suiv.
page 669 note 2. « Note pour une histoire des aciers », Techniques et Civilisations (nlle série), 1951, p. 4-10.
page 669 note 3. On verra plus loin qu'en parlant d'armes de fer, Sseuma Chhien (Chhien Han Shu, XCVI, A, p. 18 b) emploie le terme « fondre » (chu) que M. J. Needham traduit to cast (Science and Civilization in China, 1.1, p. 235), évitant celui de « forger » (tuûn), réservé au fer de forge qui, lui, est malléable. De leur côté, les auteurs d'Asie Centrale, en parlant de la confection des sabres, évitent le mot « forger » (metala, teraqa, sana'a) et usent du terme téba'a, verbe que nous rendons par « mouler ». Ce verbe s'emploie dans quelques autres cas : réaliser un estampage, frapper, c'est-à-dire « imprimer » une drachme, une pièce d'or. Il s'agit donc d'une opération faite d'un seul coup, en une seule fois, et non pas petit à petit comme lorsqu'on forge.
page 670 note 1. Es-suyuf wa Ejnasuha, 36 p. de texte arabe publié par M. Zeki, Revue de la Faculté des Lettres du Caire, t. XIV, n° 2, 1952.
page 670 note 2. « Fi dikr el-hadid », Kitab el-Jemahir, texte arabe édité par The Dairatul Mearif, Hyderabad (Inde), 1355 H., p. 247 et suiv. Belaiew connaît Kindi grâce à une traduction très incomplète de von Hammer-Purgstall (Journal asiat., janvier 1854). En effet, ni cet érudit, ni M. Zeki, éditeur récent du texte, n'ont réussi à bien lire les nombreux termes techniques de l'original. Les difficultés ne sont pas moindres, pour ces mêmes termes, avec l'article de Birouni.
page 670 note 3. « Damas » : cette expression semble être la légère déformation du grec àdamas, diamant. Pour vanter le fil d'un acier, les Grecs et les Sassanides disaient : « c'est comme du diamant » (àdamas en grec ; aimas en persan). Comme Chardin, cité plus loin, et comme beaucoup d'autres Occidentaux, il ne faut donc pas confondre n damas » avec o damasquin » qui veut dire « incrustation d'un métal (tel l'argent ou l'or) sur le bronze, le cuivre ou le fer » ; « damasser » n'a rien à voir avec « damasquiner ». D'ailleurs à Dimeshq (Damascus), comme dans beaucoup de cités mahométanes voisines de la Méditerranée, on ne savait faire, encore au IXe siècle, que des sabres « hybrides » (muwelled), selon Kindi. Le fer ayant le véritable « damas » se « moulait », pendant tout le moyen âge, dans des centres qui n'avaient jamais subi la domination romaine : Transoxiane, Afghanistan, Aden, Kanawj, etc. Le ferend — même sens que « damas » — était au propre le nom d'un satin à moirure, couleur de jade. Les Persans d'Asie Centrale l'appelaient perend. Les poètes persans lui comparent l'éclat printanier des prairies. Il rappelait le « vert d'eau », le « ton légèrement bleu » du vrai damas oriental. Enfin, l'arabe el-fuladh qui, d'après Kindi, signifie « affiné » (moçeffa) et que les Persans prononcent puladhe, est effectivement le participe passé d'un vieux verbe persan : paladhen, qu'on trouve chez les anciens poètes. Sa forme actuelle est paluden : il signifie affiner, purger, purifier. Donc puladhe ou n acier de damas », loin d'être un mot indien, est un vocable technique perso-scythe.
page 671 note 1. Le jawher, prononciation arabe du persan guher, est un terme de métaphysique sassanide et signifie « substance intime », « nature secrète », « essence », « caractère moral ». A l'origine, c'était le nom du Caury, petit coquillage des Indes qui, dans l'Antiquité, a servi en Perse de monnaie. Ensuite il désigna les gemmes, les pierres précieuses, et avant tout les perles.
page 672 note 1. Dans un texte arabo-persan traduit du sanskrit (Kelila wa Dimna, X) au VIe et au XIIe siècle, un maharaja en guerre contre les brahmanes, fait plusieurs rêves dont un concernant son arme favorite : les Hindous lui recommandent de percer de son épée son épouse Irandokht, princesse sassanide, son fils et ses amis, puis d'enterrer l'arme au fond d'un puits après en avoir brisé la pointe. La rana gémit, le vizir Bilar (un bouddhiste î) alerté, interprète le rêve très favorablement : « Le serpent enroulé autour de ton pied gauche signifie, dit-il, que l'empereur de Chine va t'envoyer sans tarder un sabre de pur fer ( = acier) comme nul n'en a encore vu [en Inde] (texte persan, 1120 A.D., et texte arabe, 750 A.D.). Cela signifie : « Consolez-vous, non seulement vous n'êtes pas obligé de casser la pointe de votre épée indienne en fer ordinaire, mais c'est un sabre en acier chinois que l'empereur de Chine lui-même va vous envoyer. » Ce texte daterait des IIIe - VIe siècles.
page 672 note 2. « Dikr es-sayf… », a Un traité d'Armurerie composé pour Saladin », Bulletin d'Etudes orientales, t. XII, 1947-1948, p. 4-6 du texte, p. 25-27 de la traduction qu'en donne Claude Cahen.
page 673 note 1. Voyages en Perse et aux Indes Orientales, t. III, p. 335, et t. IV, p. 137. Belaiew cite l'éd. de 1811.
page 674 note 1. Alfred Lehugeur, La Chanson de Roland, texte, traduction et annotations, 1870.
page 675 note 1. « Bu'ithtu bis-Saif ! »
page 675 note 2. « Rebbu'l Melhama, Sahibus Saif. » Le messie de Zoroastre, Shah Behrâm, porte également un sabre.
page 676 note 1. Pourtant Ammien Marcellin qui, avec raison, assimile aux Alains les « Perses » dont il souligne l'origine scythique, évoque ainsi, en passant, l'arme commune aux uns et aux autres : « Les Alains n'ont ni temples, ni lieux saints. L'épée à la mode des Barbares est fichée en terre. Ils la révèrent en cet état, comme d'autres peuples adorent Mars. » L'expression i l'épée à la mode des barbares » souligne la difficulté pour un Latin à désigner une arme qui joue un rôle analogue à celui de l'épée, et qui pourtant n'est pas une épée latine. Ajoutons entre parenthèses, que, tout comme les Alains et les Sassanides, les Mahométans, eux aussi, révèrent le sabre.
page 676 note 2. Tha'alibi, H. Zotenberg, p. 122.
page 676 note 3. Ibid., p. 223.
page 676 note 4. Ibid., p. 345.
page 677 note 1. Vés-u-Râmên, texte persan, Téhéran, 1935, p. 492.
page 677 note 2. B. P. Sinha, « Art of War in Ancient India, Cahiers d'Histoire Mondiale, t. IV, n° 1, 1957, p. 138 à 140 spécialement, où il est question de cavalerie. En raison de sa culture anglaise et indienne, M. Sinha confond le sabre avec l'épée, indistinctement nommé sword, en anglais. Les Anglais en sont restés au sword, l'épée des conquérants normands de leur île ; mais les Allemands ont, à côté du vieux Schwert, le mot Sabel (XIVe siècle), dont nous avons fait sabre. Quant aux Hindous, ils n'ont jamais assimilé entièrement les apports scythiques et turcs, et sont souvent restés fidèles à l'antique épée de fer forgé et soudé, se contentant parfois du « damasquin ».
page 677 note 3. Les auteurs russes, dont Belaiew, ont l'impression que le pouladh a été produit d'abord en Asie Centrale. La découverte des mines de fer de l'Altaï les a confirmés dans ce sentiment. Cela ne donne-t-il pas un lustre inattendu à cette « culture scythique » tant vantée par les philologues et les archéologues du siècle dernier ? Si les Chinois ont été les premiers maîtres des Hindous pour la fabrication de l'acier, pourquoi ne l'auraient-ils pas été des Turcs ? En 567 A.D., à l'occasion de la mission de Zamarque chez les Turcs occidentaux, ou Tou-kiu, Menander Pootector note qu'à l'arrivée des Byzantins à Samarcande, les Soghdiens leur offrirent du fer à vendre. « Je pense, dit-il, qu'ils voulaient faire croire aux Grecs qu'il y a du fer au Turkestan, en abondance, et que le travail du fer n'est pas un art facile. » Nous avons admis dans notre schéma qu'au VIe siècle les Turcs savent fabriquer des sabres. Mais, en fait, même alors ils préféraient les sabres de Chine, fort supérieurs aux leurs. En 726 A.D. le prince turc Arslan, fils du roi des Turcs occidentaux, Toughshâdeh, dirige une mission turque à la Cour des T'ang, et offre à l'empereur de Chine des « produits indigènes » : des tapis (de Boukhara ?), du sucre candi, de l'ambre, etc. Et que désire-t-il en échange ? Du musc et des robes de soie pour les princesses turques, mais aussi des uniformes et des ceintures de soie, ainsi que des armures articulées et des sabres (« des armes et des cuirasses ») pour les princes du Turkestan ! (T'ang Shu, CCXXI, in E. Chavannes, Documenta SUT les Tou-kiu). U en est encore ainsi, mille ans plus tard : « Les Eleutes ou Oirat importent de Perse leurs armures et leurs cottes de mailles, mais ils préfèrent les sabres chinois, seuls portés par leurs nobles. Eux-mêmes fabriquent des musquets qu'ils savent damasquiner (Laharpe, Abr. Hist. des Voyages, t. VIII, p. 272-278, 274).
page 678 note 1. « Notes sur quelques épées anciennes trouvées en Chine», Far Eastem Antiquities, Stockholm, 1929.
page 678 note 2. Ibid., planche XIV, 6.
page 678 note 3. Ibid., planche XV, 7.
page 679 note 1. Héou Han Shu, chap. LXXVII, in Toung Pao, t. II, 2,1008 : « Trois généraux chinois des Han orientaux », traduit par E. Chavannes, « Vie de Pan Tchao » (A.D., p. 82-102).
page 680 note 1. « The art of casting arms and ustensiles », texte de Sseu-ma Chhien, ch. 96 A, p. 18 b, in J. Needham, Science and Civilisation in China, t. I, p. 235.
page 680 note 2. Hyrodes, transcrit également Orodes, s'appelle Urudhav dans le Yasht XIII, 112, de l'Avesta. Son fils Pacoius épouse la fille de Artabaze. Ce dernier nom, Artavasde, dans les sources arméniennes est Ashavazdah, du yasht V, 72 de VAvesta.
page 680 note 3. En désignant des objets ou des rites précis d'origine chinoise, cet adjectif de Khosrov-ien s'entend toujours de Kozoulos Katphises ou Kav Khosrova, — en chinois, Kieou tsieou Kio, — l'empereur Koushana de l'Asie Centrale.
page 680 note 4. Les Ta Yue Chi et les Parthes postérieurs s'orientent à gauche comme les Chinois. Sur le bas-relief représentant le Sacre d'Ardeshêr (226 A.D.) c'est de sa gauche que Ciel offre le sceptre au Shah.’ C'est très Ta Yue Chi ! Et c'est sûrement la tradition parthe depuis Mithridate (124-88 av. J.-C), que les Sassanides abandonneront par la suite.
page 682 note 1. Pline, Hist. nat. XXXIV, 145.
page 683 note 1. R. P. Licent, Dix années dans le bassin du fleuve Jaune, Tien-tsin, 1924, t. I, p. 02, 624. Cet ouvrage étant introuvable en France, nous avons été obligé de refondre les citations de M. A. G. Haudricourt dans son article sur la fonte, in Technique et Civilisation, t. II, 1946, n° 2, début.
page 684 note 1. Notamment Blümner, Eisen, dans Pauly-Wissowa ; Pline, Hist. Xat., XXXIV, 51, 146.
page 684 note 2. Tavernier, Voyages en Turquie, en Perse et aux Indes, op. cit.
page 684 note 3. Willabraham Egerton, Handbook of Indian Arms, Londres, 1880, ainsi que d'autres études, citées par Belaiew.
page 685 note 1. Manuscrit des œuvres de Német Khan, gentilhomme d'Aurengzeb. Ms. appartenant à l'auteur, et daté du XVIIIe siècle.