Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
Le problème des rangs à la cour de Louis XIV est bien connu, notamment grâce aux mémoires de Saint-Simon et à la belle thèse de J.-P. Labatut. Les lettres de la Palatine alias Madame, quoique moins bien écrites que le texte du petit duc (il est vrai que la traduction d'allemand en français leur fait perdre de leur saveur), ont cependant l'avantage par rapport aux Mémoires d'être quelquefois plus ramassées, de dire plus de choses encore en moins de mots. On en jugera par la lettre suivante, datée de Versailles (27 déc. 1713).
This article seeks to outline the logical structure of the aristocratic system explicitly and implicitly elaborated in the Works of Saint-Simon and—to a lesser extent—in the letters of the Princesse Palatine. Central to this system is a hierarchy whose subdivisions range down to small groups and even single families. The separation between successive levels is more or less strongly marked, but this does not exclude interdependence. To each value corresponds a counter-value—sacred versus profane, pure versus impure—the sacred being so to speak the all-embracing entity and the apex of the system, while the opposition between pure and impure lies at the heart—at the center—of Saint-Simon 's construct. There is a correlation between court factions and the various hierarchical levels, especially at the very summit: the royal family has its own ranks and poles around which different factions coalesce or cluster. Female hypergamy is not incompatible with the hierarchical principle, but it relaxes the rigid order of ranks, which are anyway, as a rule, handed down through exclusively male lineage. Thus female hypergamy strengthens the system by making it more flexible and more practical. Finally, the ascetic and individualistic character of renouncers and anti-Jesuits introduces distinctive elements into a model that otherwise remains essentially holistic.
1. Dans les notes la lettre B. renvoie à l'édition Boislisle des Mémoires de Saint-Simon.
2. Fils illégitime de Louis XIV, ainsi que son frère le comte de Toulouse.
3. La Maintenon.
4. B., vol. L
5. Van Der Cruysse, D., Le portrait dans les mémoires de Saint-Simon, Paris, Nizet, 1971, p. 213 ss.Google Scholar
6. Sauf quand il prenait des allures d'opposition politique.
7. Chez nos auteurs, l'impureté concerne avant tout le sexe et la transmission de la vie (bâtardise, sodomie, syphilis), alors qu'aux Indes elle s'étend à toutes sortes de domaines : l'excrément, le fait de fumer la pipe d'un autre, etc. Sans préjuger du cas indien, disons que nos auteurs français croient très fortement à l'hérédité des caractères acquis, dans le sens large et parfois farfelu de cette expression ; voyez le texte de Madame ci-après ( 14 août 1718), dont il existe aussi divers Équivalents chez Saint- Simon.
… J'ai rendu en ce temps-là un grand service à votre mère… Alors qu'elle Était enceinte de Charles-Maurice, Sa Grâce mon père, voulant au lit lui donner une lettre pour moi atteignit par un mouvement trop brusque la raugrave à l'oeil… La voyant ainsi défigurée, je m'effayaietluidis :” Seigneur Jésus ! madame (c'est ainsi que je l'appelais, par ordre), quel oeil vous avez-là ! » Pour son bonheur elle me conta comment la chose lui Était venue. Quand Charles-Maurice vint au monde, il avait un oeil comme hors de l'orbite. Vous savez, chère Louise, que l'électeur, notre père, Était horriblement jaloux ; il s'imagina que madame votre mère avait trop souvent regardé le colonel Webenheim, qui n'avait qu'un oeil et qui maintes fois venait jouer avec nous, et que c'était pour cela que Charles-Maurice avail l'oeil noir comme le bandeau du colonel. Il me fit appeler incontinent, dès que l'enfant fut au monde et me dit : « Liselotte, voyez cet oeil, n'est-il pas noir comme le bandeau du colonel Webenheim ? » Je me mis à rire et lui dis : « Eh non, Votre Grâce, je vois bien ce que cela est. » L'électeur tout fâché s'écrie : « Par le Sacrement ! qu'est-ce donc ? — C'est quelque chose que Votre Grâce n'a pas vu. Vous souvenez-vous que lors du voyage d'Openheim, en voulant remettre à Madame une lettre de ma mère pour moi afin qu'elle me la fit tenir le lendemain, vous lui avez donné un coup de poing sur l'oeil ? Le jour d'après, il Était noir tel que vous voyez maintenant l'oeil de l'enfant. — Mon Dieu, dit l'électeur, que je suis donc soulagé que vous vous souveniez de cela ! Pour l'amour de Dieu, n'en dites rien à Madame.
…On conçoit dans ces conditions qu'un traumatisme ou biais de la vie sexuelle puisse être considéré comme dangereux pour la pureté d'un lignage (lui-même juché à un certain rang). Tant est fragile etsoumis à tous les aléas possibles, le processus de transmission de la vie, si l'on en croit les esprits même supérieurs du xvnc siècle.
8. Voir mon Territoire de l'historien, Paris, Gallimard, « Bibliothèque des idées », vol. IL 1978, pp. 275-299 ; et « Système de la cour (Versailles vers 1709) », L'Arc, 65, 1976, pp. 21-35.
9. Diane de Poitiers, maîtresse d'Henri IL
10. Elias, Norbert, La société de cour et la dynamique de l'Occident, Paris, Calmann-Lévy, 1974.Google Scholar
11. Labatut, Jean-Pierre, Les ducs et pairs de France au XVIIe siècle, Paris, PUF, 1972, p. 184ss.Google Scholar
12. Sur le courage et la rage d'être duchesse, voyez le cas héroïque de Mme Bouchu qui par sa naissance et aussi du fait de son premier mariage Était de robe. Madame Bouchu, veuve du Conseiller d'état et mère de la comtesse de Tessé, cachait un cancer depuis longtemps, dont une seule femme de chambre avoit la confidence. Avec le même secret, elle mit ordre à ses affaires, soupa en compagnie, se fit abattre le sein le lendemain de grand matin, et ne le laissa apprendre à sa famille ni à personne que quelques heures près l'opération : elle guérit parfaitement. Après tant de courage et de sagesse, il ne [falloit] pas, longues années après Épouser le duc de Châtillon, cul-de-jatte, pour la rage d'être duchesse, pour ses grands biens, et longtemps après mourir d'une fluxion de poitrine, pour avoir voulu aller jouir de son tabouret à Versailles par le grand froid (B. 23, pp. 43- 44).
13. J.-P. Labatut, op. cit., p. 185, et aussi p. 138 ss.