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Carnaval annexé : essai de lecture d'une fête romaine

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Martine Boiteux*
Affiliation:
École française de Rome

Extract

Le 25 février 1634, samedi gras, le cardinal Antonio Barberini donne au peuple de Rome la Giostra del Saraceno. Préparée pour un prince polonais et exécutée malgré son départ, cette fête aristocratique se déroule durant le Carnaval. Notre but est d'éclairer, par une lecture de type ethnologique, le sens du rite dans la fête périodique cyclique et son fonctionnement dans une société moderne.

Longuement détaillée en une Relation imprimée illustrée, rédigée à la demande du cardinal Antonio Barberini, évoquée en des Avvisi, lettres ou journaux, s'inscrivant dans la suite logique d'une description du Carnaval romain faite en 1632 par un Français arrivant à Rome, Jean-Jacques Bouchard, libertin notoire, érudit très curieux de toutes cérémonies ou fêtes populaires et familier de la casa Barberini, cette fête officielle peut en effet être mise en rapport avec la gazzarra (manifestation de rue, débordement carnavalesque) qui révèle, comme elle, des caractères d'ordre esthétique, social et psychologique indissolublement associés.

Summary

Summary

Without attempting a global interpretation of the Roman carnaval, the author uses a specific example, the comparison of the Giostra and Gazzarra to isolate various salient elements of carnaval language. Although these belong to different registers, the information they provide about each other makes it possible for them to be considered as a homogeneous whole. Based on divers types of information, both written and iconographic, the analysis is conducted in three successive stages: an esthetic study of forms, a study of the factors responsible for the phenomena and finally the explicit and implicit values communicated by this official public fête which merged with the ritual of the carnaval and annexed it. How did the reigning Barberini family, through use of symbols taken over and revitalized by the 1634 Giostra del Saraceno, annex the festive virulence of the carnaval and impose their own political system and a socio-cultural model? By the use of ethnological methods, the author is able to shed some light on the carnaval ritual and the way it functioned in Roman society at the beginning of the 17th century.

Type
Formes de la Fête
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1977

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References

Notes

1. Festafatta in Roma, alli 25 di febraio 1634 e data in luce da Vitale Mascardi, Rome (s.d.), 135 p., XI pl. ; Bentivoglio, cardinal Guido, Relatione della sontuosa Festa del Saraceno fatta in Roma l'anno 1634, Rome, 1654, 92 p.Google Scholar ; Relatione della Famosa Festa fatta in Roma alli XXV di Febraio 1634 sotto gli auspici dell'Eminentissimo sign. cardinale Antonio Barberini descritta dal card. Guido Bentivoglio, Rome, 1882, 92 p.

2. Avvisi di Roma : Bibl. Corsiniana, cod. 1769-762, Marco Valentini (attaché à l'ambassade de Venise), 14 janvier 1634, 4 février 1634; Bibl. Magliabecchiana, XXIV, 6/100, Giulio Arrigucci.

3. Testi, Fulvio, Lettere a cura di M.L. Doglio, vol. II, 1634-1637, Bari, 1967, pp. 8286 Google Scholar.

4. Gazette de France, 25 février, 4 mars, 18 mars 1634.

5. Bouchard, J.-J., Journal de voyage, manuscrit publié en partie par Nugon, J., « Le Carnaval à Rome en 1632 », dans La Quinzaine, 15 mars 1897, pp. 2343 Google Scholar ; sur J.-J. Bouchard, cf. Mandrou, Histoire de la pensée européenne, t. III, Des humanistes aux hommes de sciences, Paris, 1973.

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7. Ménestrier, Père, Traité des tournois, joutes, carrousels et autres spectacles publics, Lyon, 1664, 400 p.Google Scholar

8. Jeux de mots et calembours sont occupations normales en Carnaval comme les devinettes amoureuses, daillements, saudages ou dônages, à rapprocher des questions des cours d'Amour. « Tiamo di Menfi » : « je t'aime de Memphis », nom qui proclame la position de qui l'a choisi.

9. Pour cette partie les références essentielles sont la Relation et les planches.

10. Cf. Maurizio Fagiolo, La Scenografia, Florence, 1973.

11. Pour cette description notre informateur essentiel sera J.-J. Bouchard, op. cit., sauf autres précisions en référence.

12. Par exemple celle de Christine de Suède en 1669 ; cf. le dessin de Sevin, P. P. gravé par Falda, Musée de Rome, publié par Bjurström, P., Feast and theater in Queen Christina's Rome, Stockholm, 1966, p. 83 Google Scholar.

13. Chaque palio est une pièce d'étoffe plus ou moins précieuse, drap de laine, soie, velours, damas, satin, quelquefois doublée de taffetas ; attaché à un bâton comme une bannière, chaque palio est allongé d'une bande de taffetas bleu aux armes du peuple romain, du pape et du camerlingue, et en dessous un tableau présente la catégorie des participants à la course.

14. Cf. notice de 1604, citée par Clementi, F., Il Carnevale Romano nelle cronache contemporanee, vol. I, 2e éd., Città di Castello, 1939, p. 369 Google Scholar ; J.-J. Bouchard, op. cit. Le même ordre est observé jusqu'à la réforme d'Olimpia Pamphili qui, en 1645, stabilise les courses à un seul palio par jour.

15. Cf. annonces des courses, Arch. Vat., Miscellanea, Armoire IV, Livre 60, fol. 96-114, « Notificazioni dei Palii e giorni destinati ».

16. Bibl. Vat., Avvisi di Roma, Cod. Ou., Parte II, 3338, 21 février.

17. Bibl. Vat., Avvisi di Roma, Cod. Ott., Parte I, 3339, 5 février.

18. Bakhtine, Mikhail, L'œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Age et sous la Renaissance, Paris, 1970, p. 148 ssGoogle Scholar.

19. Pola Palletti di Villafeletto, G. C., « Le associazioni giovanili a Roma nel Lazio », Lares, XVI, n° 1-4, 1950, pp. 4047 Google Scholar et Lares, XVII, n° 1-4, 1951, pp. 149-150.

20. Cf. Rodocanachi, E., Les corporations ouvrières à Rome depuis la chute de l'Empire romain, Paris, 1894, p. XXV Google Scholar, note 1.

21. Cité par Ademollo, A., Il Carnevale di Roma nei secoli XVII-XVIII, 2e éd., Rome, 1967, pp. 1617 Google Scholar.

22. Bragaglia, A. G., Storia del teatro popolare, Rome, 1958, pp. 4849 Google Scholar.

23. G. B. Spada, Giornale di, 1635-1643, Bibl. Casanatense, X-V, 34 (21-24), p. 79 Google Scholar.

24. Cités par Ademollo, A., teatri di Roma nel secolo decimossettimo, 2e éd., Rome, 1969, pp. 4447 Google Scholar.

25. Ademollo, A., op. cit., pp. 14 Google Scholar.

26. Arch. Stato Roma, Camerale, IV, busta 2140, Demandes d'autorisation. En France on peut trouver une équivalence dans la formule : « Une charretée d'injures. » 27.

27. Bragaglia, A. G., op. cit., pp. 586613 Google Scholar; Toschi, Paolo, Le origini del teatro italiano, Turin, 1955, p. 87 ssGoogle Scholar.

28. Bragaglia, A. G., op. cit., p. 49 Google Scholar ss.

29. Bragaglia, A. G., op. cit., p. 247 Google Scholar ss. ; Toschi, P., op. cit., pp. 333340 Google Scholar.

30. Registres de comptes du card. Antonio Barberini, juin, cité par Pecchiai, P., « Spassi Carnavaleschi di un giovanne cardinale », Strenna dei Romanisti, 1962, p. 261 Google Scholar.

31. Cette coutume, décrite par J.-J. Bouchard, est bien connue en France sous le nom de « jeu de la figue de Marseille ».

32. Gerlini, Eisa, Piazza Navona, Rome, 1943, p. 47 Google Scholar : «Cocagne en usage depuis 1523. » L'actuel vicolo délia Cucagna, au débouché sud de la place, semble l'attester.

33. Avvisi di Roma, Cod. Urb., 1097, 13 février 1627.

34. Bando circa il Corso dei Palii, 18 février 1634, Casanatense, Editti, vol. VI, p. 19 : ce bando aggrave les peines prévues par les autres.

35. Le quartier situé entre la Piazza di Spagna et le Corso est le lieu des tavernes et des auberges.

36. Fiorani, F., Mantovano, G., Pecchiai, P., Martini, A., Orioli, G., Riti, ceremonie, feste e vita di popolo nella Roma dei papi, Bologne, 1970, p. 168 Google Scholar.

37. Terme emprunté à M. Grinbero, Le Carnaval dans les villes du nord et de l'est de la France à la fin du Moyen Age, thèse de 3e cycle manuscrite, Paris-I et VIe Section de l'E.P.H.E, 1974.

38. Selon les définitions de P. Toschi, op. cit.

39. Toschi, P., op. cit., p. 632 Google Scholar, note que le mois de février est le mois du pêcheur dans le Latium.

40. d'Ancona, A., Origini del teatro, Florence, 1891, vol. I, pp. 293294 Google Scholar, en atteste un en 1490 pour la Saint-Jean.

41. Expression de M. Bakhtine, op. cit., p. 366 ss.

42. Cf. le sens du détrônement carnavalesque mis en évidence par Bakhtine, M., op. cit., p. 198 Google Scholar ss.

43. Les avvisi cités ; Gazette de France, 25 février 1634, p. 113.

44. Clementi, F., op. cit., pp. 418 Google Scholar, 369, 477.

45. Chiffres cités par Pecchiai, P., op. cit., pp. 259264 Google Scholar.

46. Gazette de France, 4 mars 1634, p. 125.

47. Cf. Registro dei Mandati B dell'anno 1632 a l'anno 1635 del card. Antonio Barberini junior.

48. Arch. Stato Roma, Caméra Urbis, busta 92.

49. Testi, F., op. cit., vol. I, pp. 432433 Google Scholar, lettre 403, du 29 janvier 1633. Il serait intéressant de préciser la question des rapports entre les académies et les discussions carnavalesques.

50. Testi, F., op. cit., vol. II, pp. 82 Google Scholar, 86, lettre du 25 février 1634.

51. Cf. Gualdo-Priorato, Scena d'huomini illustri, 1659.

52. Povoledo, E., Enciclopedia dello spettacolo, vol. VI, col. 6870 Google Scholar.

53. Lavin, Irvin, « Lettres de Parme (1618-1627, 1628) et débuts du théâtre baroque », dans Le Lieu théâtral à la Renaissance, 1968, pp. 110158 Google Scholar.

54. Actuellement au Museo di Roma, peint d'après la gravure dessinée par Collignon.

55. Incisa Della Rochetta, G., « Notizie inédite su Andréa Sacchi », dans Arte, 1924, pp. 6076 Google Scholar.

56. Cf. Da Giov. Baglione, Le vite de'pittori, scultori, architetti ed intagliatori dal pontificato di Gregorio XIII del 1572 ai tempi di Papa Urbano VIII nel 1642, Naples, 1732, pp. 169-170.

57. En 1623, lors de la prise de possession d'Urbain VIII, est attestée la part spéciale prise dans les festivités par la « nation florentine de Rome », cf. Cancellieri, Possessi de Sommi Pontefici, Rome, p. 204.

58. Cf. Pecchiai, P., « Nani e buffoni in Roma nel seicento », dans Strenna dei Romanisti, 1948, pp. 101106 Google Scholar.

59. Cf. le tableau d'Andréa Sacchi.

60. Cf. Registres comptables, cités par Pecchiai, P., Spassi carnevaleschi…, op. cit., p. 264 Google Scholar.

61. Gazette de France, 18 mars 1634, p. 145.

62. Peut-être peut-on voir en ceci un souvenir du moment où les femmes circulaient en Carnaval, temps des fiançailles, où se concluait le potlatch.

63. Archivio di Stato Modena, Cancelleria ducale, Dispacci da Roma, 4 mars 1634, cité par Ademollo, A., Il Carnevale, op. cit., p. 48 Google Scholar.

64. La mère d'Antonio est Costanza Magalotti.

65. E. Rodocanachi, Les corporations…, op. cit.

66. Cf. «La Grande affaire de la Cecca Buffona en 1637 », dans Diario del governatore Spada, op. cit.

67. Bragaglia, A. G., op. cit., pp. 83, 185 Google Scholar.

68. Toutes ces spéculations sont à la mode ; en 1611 est publiée une Description du site du Mont-Gibel, par Fr. Amadei, peut-être parent de l'un des jouteurs.

69. Duvignaud, J., Fêtes et Civilisations, Genève, 1973, p. 78 Google Scholar.

70. Le Saraceno, c'est « la tête de turc » ; n'y a-t-il pas dans l'expression même une équivalence du bouc émissaire ?

71. Toschi, P., op. cit., p. 440 Google Scholar, cite une coutume connue à Rome, qui a pu inspirer les auteurs de la Giostra : en Egypte, à Memphis, tous les ans durant la fête de Sokar, se déroulait un combat présenté comme une dispute entre factions rivales dans la cité de Buto, la capitale prédynastique.

72. Encore en septembre 1634 un duel a lieu au Corso opposant un Colonna et un Caetani, cf. P. Pecchiai, L'ultimo scontro fra due case principesche Romane, Rome, 1957.

73. J.-J. Bouchard tente désespérément d'obtenir un évêché, sollicite toute place à l'ambassade de France ou chez les Barbermi et doit se contenter d'être secrétaire des lettres latines du cardinal Francesco Barberini, content et vexé de n'obtenir de lui que des passe-droits pour entrer au théâtre.

74. Roger Caillois, Les jeux et les hommes, Paris, 1958.

75. Un rite peut se transformer en spectacle, ainsi le charivari représenté sur scène auquel assiste J.-J. Bouchard en 1632 ; la coutume populaire, absente du Latium, fait son entrée à Rome par le théâtre aristocratique.

76. Duvignaud, J., op. cit., p. 36 Google Scholar.

77. Duvignaud, J., op. cit., p. 33 Google Scholar, rappelant M. Mauss.

78. Cf. Ozouf, Mona, « La fête et son espace », Annales E.S.C., sept.-cet. 1971, pp. 889916 Google Scholar.

79. Portoghesi, P., Roma barocca, Rome, 1966, p. 17 Google Scholar, emploie cette expression à propos de l'architecture.

80. De même le tableau (et sa copie) commandé à A. Sacchi pour commémorer la visite d'Urbain VIII au Gesù, le 27 septembre 1639, pour le centenaire de la Compagnie de Jésus (Museo di Roma).

81. Teti, G., Aedes Barberinae ad Quirinalem, Rome, Masardi, 1632, p. 163 Google Scholar ss.

82. Pio Pecchiai, I Barberini, Rome, 1959, p. 159 ss. ; Ameyden, T., La storia délie famiglie Romane, Bologne, 1967, pp. 113 Google Scholar ss ; Lino Montalto, Un Mecenate in Roma barocca, Florence, 1955.

83. Cf. Labrot, G., «Le Carnaval des reliques», Arte, 19, 1970, pp. 2848 Google Scholar.

84. Cf. l'analyse de P. Francastel à propos de Laurent de Medicis dans « La Fête mythologique du Quattrocento», Revue d'Esthétique, 1952, p. 293, repris dans La réalité figurative, 1965, pp. 241-272.

85. J.-P. Vernant, P. Vidal-Naquet, Mythe et tragédie en Grèce ancienne, Paris, 1973, préface.