Published online by Cambridge University Press: 04 May 2017
L’interrogation relative aux structures sociales coloniales n’a cessé de proposer, de longue date, une orientation de réflexion particulièrement féconde. Pourtant, si l’objet d’enquête n’a pas été radicalement modifié, la manière de l’aborder a, depuis une quinzaine d’années, profondément changé. L’approche en termes de structures a été progressivement abandonnée au profit de nouveaux questionnements provenant de la microanalyse du social. Dans cette démarche, le recours à de nouveaux outils – liens, réseaux sociaux, configurations, à même de restituer les dynamismes sociaux et non plus seulement les structures – s’est imposé. C’est cette optique méthodologique qui est appliquée ici au monde des élites sociales de la ville de Guatemala à l’extrême fin du xviiie siècle. A la suite de l’imposition des réformes administratives, processus qui s’accéléra avec la décennie 1780, les élites cherchèrent à s’adapter aux nouvelles règles du jeu politique. Les années ultérieures, faites de tensions, de conflits et de crises, se révèlent alors comme un moment particulièrement propice pour repenser les modalités de structuration sociale.
Questioning colonial social structures has never ceased to produce, for many years, a particularly fruitful body of reflection. However, if the object under scrutiny hasn’t been radically altered, the ways of addressing it have experienced profound changes. The structural approach has been increasingly replaced by new questions originating in social micro-analysis. In this perspective, new tools have become essential – links, social networks, configurations – that enable to understand the social dynamics at work and to go beyond structures.
This methodology is applied here to the world of the social elites in the city of Guatemala at the very end of the 18th century. In a background of imposed administrative reforms, which gained momentum in the 1780s, these elites sought to adapt themselves to the new rules of the political game. The following years, full of tensions, conflicts and crises, prove particularly relevant if we are to assess the modalities of social structures from a new perspective.
Je tiens à remercier Natividad Planas et Richard Marin pour leur relecture critique de ce texte.
1 - On y retrouve en effet de longue date toutes les institutions qui, dans un contexte colonial ibérique, identifiaient une ville « capitale »: une Audience, un archevêché, une caisse royale, une université, un cabildo et enfin un jeune consulat des marchands dont la fondation datait de 1792.
2 - Lee Woodward, Ralf, « Las repúblicas centroamericanas », in Bethell, L. (dir.), Historia de América latina, Barcelone, Editorial Crítica, 1990, vol. 6, chap. 4, p. 144-174, ici p. 150 Google Scholar.
3 - Luján Muñoz, Jorge, Breve historia contemporánea de Guatemala, Mexico, Fondo de Cultura Económica, 1998, p. 71 Google Scholar; Lutz, Christopher H., Historia sociodemográfica de Santiago de Guatemala, 1541-1773, Guatemala, CIRMA, 1984, p. 15 Google Scholar; George Lovell, William et Lutz, Christopher H., Demography and empire: A guide to the population history of Spanish Central America, 1500-1821, Boulder, Westview Press, 1995, p. 14 Google Scholar.
4 - Zúñiga, Jean-Paul, « La voix du sang: du métis à l’idée de métissage en Amérique espagnole », Annales HSS, 54-2, 1999, p. 425-452 CrossRefGoogle Scholar.
5 - L’abondante bibliographie relative aux élites coloniales est très représentative de cette approche fondamentalement socio-économique. Parmi les nombreux ouvrages et en tenant compte des divers secteurs socio-économiques considérés, on peut citer pour l’espace méso-américain les travaux de Brading, David A., Mineros y comerciantes en el México borbónico, 1763-1810, Mexico, Fondo de Cultura Económica, [1971] 1975 Google Scholar; De La Peña, José F., Oligarquía y propiedad en la Nueva España, Mexico, Fondo de Cultura Económica, 1983 Google Scholar; Burkholder, Mark A. et Chandler, Dewitt S., De la impotencia a la autoridad, la Corona espanõla y las Audiencias en América, 1687-1808, Mexico, Fondo de Cultura Económica, [1977] 1984 Google Scholar.
6 - Un vecino est propriétaire d’une parcelle sur laquelle est construite sa maison. Dans la ville où il réside, il jouit des droits associés à l’autonomie municipale.
7 - Herzog, Tamar, Defining nations: Immigrants and citizens in early modern Spain and Spanish America, New Haven, Yale University Press, 2003 CrossRefGoogle Scholar.
8 - Nous renvoyons ici à la réflexion menée par Gribaudi, Maurizio sur « les racines du concept de configuration », développée dans l’avant-propos de Espaces, temporalités, stratifications, exercices sur les réseaux sociaux, Paris, Éditions de l’EHESS, 1998, p. 22-29 Google Scholar.
9 - Cerruti, Simona, « La construction des catégories sociales », in Boutier, J. et Julia, D. (dir.), Passés recomposés, champs et chantiers de l’Histoire, Paris, Autrement, 1992, p. 224-235 Google Scholar.
10 - Pour la ville de Guatemala, un excellent exemple de cet état d’esprit se trouve dans Antoniode Fuentesy Guzmán, Francisco, « Recordación florida » [1690], in Sáenz De Santa María, C. (éd.), Obras históricas de don Francisco Antonio de Fuentes y Guzmán, Madrid, Editiciones Atlas, « BAE », t. CCXXX et CCXXXI, 1969 Google Scholar. Cette narration sert de source principale à l’étude de la conscience créole dans cette ville que propose Martínez Peláez, Severo, La patria del Criollo. Ensayo de interpretación de la realidad colonial guatemalteca, Costa Rica, Editorial Universitaria, 1971 Google Scholar.
11 - Cet enracinement des élites créoles au sein des cabildos coloniaux a été mis en relation avec l’instauration de la vénalité des charges, notamment municipales, dès 1558 et sa confirmation en 1606. Tomás Y Valiente, Francisco, La venta de oficios en Indias (1492-1606), Madrid, Instituto de Estudios Administrativos, 1972 Google Scholar et Parry, John H., The sale of public office in the Spanish Indies under Habsburg, Berkeley, University of California Press, 1953 Google Scholar.
12 - Molina Martínez, Miguel, Los cabildos y la independencia de Iberoamérica, Grenade, CEMCI, 2002 Google Scholar, propose une synthèse récente de cette abondante littérature fondée inévitablement sur une multiplication d’études de cas dont il souligne cependant quelques divergences. Il n’en reprend pas moins l’hypothèse d’une « revitalisation de la conscience politique créole » à la fin du xviiie siècle (chap. I, p. 69-70).
13 - Cette réforme s’était traduite par la création de quatre intendances dans la capitainerie – San Salvador, Ciudad Real, León et Comayagua –, la région du Costa Rica gardant à sa tête un gouverneur siégeant à Cartago. Sur cette réforme administrative, voir Samayoa, Héctor H., Implantación del régimen de intendencias en el reino de Guatemala, Guatemala, Ministerio de Educación Pública, 1960 Google Scholar.
14 - Jordana Dym, après une analyse minutieuse des débats suscités par cette réforme entre le cabildo, le capitaine général, l’Audience et le Conseil des Indes, met en évidence le compromis obtenu: Dym, Jordana, « A Sovereign State of every village: City, State and nation in independance-era Central America, ca. 1760-1850 », Ann Arbor, UMI Dissertation Service, 2004, p. 195-207 Google Scholar.
15 - Archivo General de Centro América (par la suite AGCA), A1-2-3, leg. 43, exp. 1082.
16 - Ibid. Ils écrivent à ce propos: « Obtuvo la primera vara, que soltó Don Christóbal de Galvez, Don Cayetano Pabón, ambos naturales de esta ciudad. »
17 - Ibid. Il s’agissait de Don Martín Valdés qui succédait à Don Juan Marticorena, tous deux péninsulaires.
18 - Ibid.
19 - Ibid.
20 - De La Peña, José F. et Teresa López Díaz, María, « Comercio y poder: Los mercaderes y el Cabildo de Guatemala, 1592-1623 », Historia mexicana, 4, 1981, p. 469-505 Google Scholar.
21 - Webre, Stephen, « The social and economic bases of Cabildo membership in seventeenth-century Santiago de Guatemala », Ph.D. Tulane University, 1980 Google Scholar, et « ¿Una oligarquía criolla, cerrada y hereditaria? », Mesoamérica, 2, 1981, p. 1-19.
22 - Enrique Palma Murga, Gustavo, « Nucleos de poder local y relaciones familiares en Guatemala a finales del siglo 18 », Mesoamérica, 12, 1986, p. 241-308 Google Scholar.
23 - Comme le montre le maintien de liens toujours opérationnels entre les composantes américaine et espagnole de ce lignage au cours de la seconde moitié du xixe siècle, voir Ballet, Adeline, « Les relations culturelles entre la Navarre et le Guatemala à travers l’étude d’une famille: les Aycinena », mémoire de maîtrise, Université de Toulouse, 1998, p. 123-124 Google Scholar.
24 - Conformément à ce que les études sur les élites coloniales américaines ont confirmé depuis D. A. BRADING, Mineros y comerciantes..., op. cit.
25 - C’est cette capacité d’intégration des familles de membres du cabildo vis-à-vis de nouveaux venus que confirme l’étude de leurs stratégies matrimoniales effectuées par Manuel Santos Pérez, José, Élites, poder local y régimen colonial: El cabildo y los regidores de Santiago de Guatemala, 1700-1787, Cadix, Servicio de Publicaciones, Universidad de Cádiz, 1999, p. 137 Google Scholar sq.
26 - Une récente synthèse sur les consulats de commerçants dans l’Amérique espagnole vient le confirmer: Hausberger, Bernd et Ibarra, Antonio (éd.), Comercio y poder en América colonial, Los consulados de comerciantes, siglos xvii-xix, Madrid/Francfort/Mexico, Ibero-americana/Vervuert/Instituto Mora, 2003 Google Scholar. Comme le montrent les auteurs de cet ouvrage collectif, on peut en effet considérer que même si les consulats ne constituaient des ensembles ni homogènes ni cohérents, les principaux motifs de conflits internes résultaient la plupart du temps d’affrontements extérieurs à l’institution elle-même. En ce sens, notamment avec J. M. Santos Pérez et x. Avendanõ Rojas, nous nuançons l’appréciation portée par J. Dym sur les conséquences, qu’elle estime secondaires, de la création de ce consulat dans le cadre guatémaltèque. Compte tenu du poids acquis au cours du siècle par la corporation des grands commerçants au sein même du cabildo, ils tendirent, tout particulièrement dans les décennies précédant la création du consulat en 1792, à faire fonctionner l’institution municipale comme un consulat de marchands.
27 - Il s’agit là d’un long processus qui est loin d’être spécifiquement guatémaltèque, tant l’historiographie a souligné la difficulté de trouver des candidats à l’achat des offices – regimientos – municipaux allant de pair avec une perte ou une stagnation de la valeur marchande de ces offices. A Guatemala, de telles demandes se succèdent à partir des années 1790 et se multiplient après 1821. Pour les années antérieures à l’Indépendance, voir AGCA, A1-2-3, leg. 2821, ex. 15834; leg. 25, exp. 717; leg. 2214, exp. 15862 et leg. 3090, exp. 29592; leg. 2830, exp. 25208.
28 - Bertrand, Michel, « ‘Esta audiencia es toda una sodoma y sicarismo’. Complots, trahisons et crise politique fin de siècle à Guatemala », Trace, 37, 2000, p. 74-85 Google Scholar.
29 - Burkholder, Mark A. et Chandler, Dewitt S., Biographical dictionary of audiencia ministers in the Americas, 1687-1821, Wesport, Greenwood Press, 1982, p. 244 Google Scholar.
30 - Les investissements de Juan B. Yrizarri dans ces affaires sont détaillés par Browning, John B., Vidaeideologia de Antonio Joséde Irisarri, Guatemala, Editorial Universitaria de Guatemala, 1986, p. 7-12 Google Scholar.
31 - Parmi les adversaires qui mobilisèrent leurs forces contre lui, on trouve Estaban Gerónimo Malagancha, Bias Rodríguez et Manuel Remacha, voir J. B. BROWNING, Vida e ideología..., op. cit., p. 9.
32 - Nous employons le terme au sens que lui accorde Luc Boltanski dans ses travaux relatifs à la dé-singularisation des dénonciations publiques. Voir notamment Boltanski, Luc, Darré, Yann et Schiltz, Marie-Ange, « La dénonciation », Actes de la recherche en sciences sociales, 51, 1984, p. 3-40 CrossRefGoogle Scholar. Cette problématique a été transposée dans le champ de l’histoire par Boltanski, L. et al. (dir.), Affaires, scandales et grandes causes: de Socrate à Pinochet, Paris, Stock, 2007 Google Scholar.
33 - Belaubre, Christophe, « Élus du monde et élus de Dieu. Les familles de pouvoir et le haut clergé en Amérique centrale, 1753-1829 », thèse de l’université de Toulouse, 2001, t. 2, p. 483 Google Scholar.
34 - AGCA, A1-5, leg. 2391, exp. 18134, « José de Isasi, como syndico del Real Consulado, solicita testimonio de cierto expediente », 1797.
35 - M. A. BURKHOLDER et D. S. CHANDLER, Biographical dictionary..., op. cit., p. 361-362.
36 - Il réussit à établir des liens étroits avec quelques familles parmi les plus importantes de l’élite de la Nouvelle-Espagne, telles que les Fagoaga ou les Sánchez de Tagle. Chandler, Dewitt S., « Jacobo Villaurrutia and the Audiencia of Guatemala, 1794-1804 », The Americas, 32, 3, 1976, p. 402-417 CrossRefGoogle Scholar.
37 - M. A. BURKHOLDER et D. S. CHANDLER, Biographical dictionary..., op. cit., p. 361.
38 - Il occupa sa charge en janvier 1799. Ibid., p. 290.
39 - Selon l’auditeur Cerdán, A., Piloña appartenait à un vaste réseau de contrebande comme il l’en accusa ultérieurement, dans une lettre du 3 1802 mars Google Scholar adressée à Miguel Cayetano Soler, secrétaire d’État et du Despacho Universal. Il y affirmait: No sera violento de sospechar se comprenda al fiscal Diego Piloña en tantos años como fué asesor teniente de aquella intendencia y después de la contratación de dos matrimonios, su calidad de hacendado y comerciante notoria entonces, a más de golpe de indicios vehement?´sssimos que arroja su manera de fiscal en todas las anterriores occurrencias de trato con extranjeros (il n’est pas abusif d’inclure le fiscal Diego Piloña quand on sait qu’il a été asesor teniente de l’Intendance et que ses deux mariages en ont fait un grand propriétaire et un commerçant notoire. A cela viennent s’ajouter des indices particulière-ment éclairants fournis par sa manière d’exercer ses fonctions lorsque l’Audience a eu à traiter de dossiers de contrebande), Archivo General de Indias (par la suite AGI), Audiencia de Guatemala, leg. 514. D. Piloña lui-même rappelle dans sa déclaration de pureté de sang, établie en 1789, les services rendus par sa famille, tout spécialement ceux de son oncle, asesor de l’intendance de Guatemala, AGCA, A1, 3 leg 1754, f. 417.
40 - AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 413, A1 leg 6056, exp. 53668 et M. A. BURKHOLDER et D. S. CHANDLER, Biographical dictionary..., op. cit., p. 263.
41 - Ibid., p. 290-291.
42 - Sur l’étroite relation entre les deux hommes, voir M. BERTRAND, « ‘Esta audiencia es toda una sodoma... », art. cit., p. 78.
43 - AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 452, « Carta del oidor de la audiencia de Guatemala, Ambrosio Cerdán Portero contra el presidente González, A. Saravia y su entorno, dirigida a Miguel Cayetano Soler», 3 novembre 1801 Google Scholar.
44 - AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 514, « Carta del oidor de la audiencia de Guatemala, Ambrosio Cerdán a Miguel Cayetano Soler », 22 1802 avril.
45 - AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 514, « Carta del oidor de la audiencia de Guatemala, Cerdán, A. al secretario de Estado y Despacho Universal, Cayetano Soler », 3 1802 mars Google Scholar.
46 - Ibid. Les informations sur Pedro Vidaurre sont assez rares. Au moment de sa mise en cause, indépendamment de sa charge dans le secrétariat du capitaine général, il administrait au nom de sa mère, María Inés de Medina, de son beau-père Miguel de Medina et de ses oncles, les prêtres Pablo et José Domingo de Medina, l’hacienda Candelaria de Lampa dans l’Alcaldía Mayor de Sacatepequez. Marié à une cousine germaine de J. B. Yrizarri, il s’adonnait au grand commerce, notamment dans le cadre de compagnies établies avec ce dernier et Francisco Galín. Membre du consulat des mar-chands, il ne semble pas avoir intégré la municipalité. AGCA, A1-43, leg. 22, exp. 620. En revanche, en 1824, on retrouve un parent, prénommé Joaquín, aux fonctions de regidor de la cité aux côtés de Estevan Quiroz et Quirino Flores, AGCA, B 78-2, leg. 590, exp. 10613, f. 1.
47 - AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 514, «Carta de la audiencia de Guatemala a S. M. sobre los u´ltimos pasos que ha dado con el Presidente para la observancia de las leyes en quanto a comercio con estrangeros », 23 août 1800. José del Barrio, de Vélez-Málaga en Andalousie, avait suivi son père nommé directeur général du monopole du tabac à Guatemala. Juriste issu de l’université de Guatemala, il obtint plusieurs postes subalternes dans le cadre de l’Audience entre 1785 et 1801. A cette date, il fut nommé alcalde mayor de Chimaltenango avant d’être promu en 1819 à la charge d’auditeur qu’il réclamait depuis longtemps. Entre-temps, en 1795, il avait épousé Mariana Gertrudis de Larrazabal Arrivillaga, sœur d’Antonio, chanoine de la cathédrale et futur député aux Cortès de Cadiz, et cousine germaine de l’épouse du Navarrais. Ses liens très étroits avec les principales familles de la ville expliquent le retard avec lequel il obtint sa nomination à l’Audience. M. A. BURKHOLDER et D. S. CHANDLER, Biographical dictionary..., op. cit., p. 5, et base de données « Réseaux et pouvoir en Amérique latine: les élites latino-américaines » (http://www.reseau-amerique-latine.fr).
48 - J. DYM, A sovereign State of every village..., op. cit., p. 508. Un parent à lui, Juan del Barrio, exerça à Guatemala, jusqu’à sa mort en 1799, la responsabilité du monopole du tabac (AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 677).
49 - Tel était le cas de Cayetano Pabón, l’un des personnages clés dans l’institution avec son frère Manuel, marié à María Manuela Arrivillaga y Castilla, une des sœurs de l’épouse de Juan Bautista Yrizarri, et à ce titre tous deux très proches de ce dernier (AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 514, « Carta del oidor de la audiencia de Guatemala, Ambrosio Cerdán a Cayetano Soler », 3 1802 juin, et base de données «Réseaux et pouvoir en Amérique latine... », op. cit.).
50 - Ce lignage, originaire des Asturies, était arrivé dans la capitainerie vers le milieu du xviie siècle. Depuis le début du xviiie siècle, il était solidement installé dans le cabildo. Il avait établi de fortes relations familiales avec les González Batres et les Asturias. À la fin du xviiie siècle, par le biais de ces alliances matrimoniales, au moins quatre cousins des frères Pabón Muñoz siégeaient au cabildo comme regidores: Gonzalez Batres, Arrivillaga, Delgado de Nájera y Palomo. MICHEL BERTRAND, « Identités et configurations sociales à Guatemala à la fin du xviiie siècle », in Arnauld, M. C., Breton, A. et Fauvet-Berthelot, M. F. (coord.), Misceláneas... en honor a Alain Ichon, Mexico/ Guatemala, Centro Francés de Estudios Mexicanos y Centroamericanos/Asociación Tikal, 2003, p. 151-165 Google Scholar; J. M. SANTOS PéREZ, Élites, poder local..., op. cit., p. 138-139; et base de données « Réseaux et pouvoir en Amérique latine... », op. cit.
51 - G. PALMA MURGA, « Nucleos de poder local y relaciones... », art. cit., p. 269-274.
52 - J. DYM, A sovereign State of every village..., op. cit., p. 505.
53 - Son épouse n’était autre que l’une des sœurs de Vicente Anastasio, second marquis de Aycinena dont il était donc le beau-frère, ainsi que de Juan Bautista Marticorena, deux des membres les plus puissants de la municipalité à cette époque. Le frère de Cayetano Pabón avait épousé quant à lui en 1796 María Micaela Aycinena y Nájera, une autre sœur de Vicente Anastasio. Il était donc aussi beau-frère de Juan Bautista Yrizarri. Base de données « Réseaux et pouvoir en Amérique latine... », op. cit.
54 - Il était par ailleurs membre du cabildo et officier de finances de la caisse royale de la cité.
55 - AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 452, « Carta del oidor de la audiencia de Guatemala, Ambrosio Cerdán Portero contra el presidente A. González Saravia y su entorno, dirigida a Miguel Cayetano Soler », 3 1801 novembre.
56 - AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 514, « Carta del oidor de la audiencia de Guatemala, Ambrosio Cerdán a Cayetano Soler », 22 1802 avril.
57 - J. Villaurrutia explique que Ramírez, A. était venu d’Espagne à sa demande pour « ayudarle en la instrucción y educación de [sus] hijos ». AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 480A, « Carta del oidor J. Villaurrutia al presidente de la audiencia, José Domás y Valle », 18 1800 mars Google Scholar. Cette proximité se prolongea un peu plus tard lorsque A. Ramírez épousa María de las Mercedes Villaurrutia de la Puente, née du premier mariage de l’auditeur. M. A. BURKHOLDER et D. S. CHANDLER, Biographical dictionary..., op. cit., p. 361.
58 - AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 452, op. cit., 3 novembre 1801.
59 - Ibid.
60 - AGCA, A2-2, leg. 33, exp. 1673, « Autos relativos al expolio del arzobispo de Guatemala, José Felix de Villegas »; leg. 34, exp. 1680 y 1683, « Autos relativos a la denuncia presentada por J. F. de Aycinena contra el testamento de J. Domás y Valle »; AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 924, ff. 5-17, « Autos hechos a pedimiento del presidente A. González Saravia después de la muerte de José Felix de Villegas ». La dette de José Domás y Valle auprès de l’archevêque fut partiellement remboursée avec un autre prêt de 11 000 pesos obtenu auprès de Juan Fermin de Aycinena, le solde ayant été annulé par l’archevêque juste avant sa mort. AGCA, A2-2, leg. 33, exp. 1673.
61 - Voir à ce sujet M. BERTRAND, « ‘Esta audiencia es toda una sodoma... », art. cit.
62 - Il est vrai qu’ici nous ne disposons malheureusement pas de la correspondance privée qui permettrait de révéler l’entretien des sentiments amicaux par le biais de cette source à bien des égards exceptionnelle. Beaurepaire, Pierre-Yves et Taurisson, Dominique (éd.), Les égo-documents à l’heure de l’électronique. Nouvelles approches des espaces et réseaux relationnels, Montpellier, CNRS-Université Paul-Valéry, 2003 Google Scholar et Mary Trojani, Cécile, L’écriture de l’amitié dans l’Espagne des Lumières. La Real sociedad bascongada de los Amigos del pais, d’après la source épistolaire, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2004 Google Scholar.
63 - Kettering, Sharon, Patronage in sixteenth- and seventeenth-century France, Aldershot, Ashgate, 2002 Google Scholar; Luis Castellano, Juan et Dedieu, Jean-Pierre (dir.), Réseaux, familles et pouvoirs dans le monde ibérique à la fin de l’Ancien Régime, Paris, CNRS Éditions, 1998 Google Scholar.
64 - La structure du réseau rappelle ce que l’on a pu mettre au jour, dans d’autres contextes, pour des officiers coloniaux. Bertrand, Michel, Grandeur et misères de l’office, les officiers de finances de Nouvelle-Espagne, xviie-xviiie siècles, Paris, Publications de la Sorbonne, 1999 Google Scholar.
65 - AGI, Audienca de Guatemala, leg. 514, « Carta de A. Cerdán al secretario de Estado y Despacho Universal, Miguel Cayetano Soler », 3 1802 mars.
66 - Le premier correspond au corregidor de Chiquimula, Tomás Mollinedo, aux étroites relations avec les « comandantes del Golfo » et les commerçants de Truxillo. Le second était un des fils de Juan Ortiz de Letona, officier de finances de Guatemala, prénommé Pascasio et installé à Omoa où il exerçait les fonctions d’agent commercial. AGI, Audienca de Guatemala, legs 889 et 514, « Cartas del oidor de la audiencia de Guatemala, Ambrosio Cerdán a Miguel Cayetano Soler », 3 et 23 août 1800. Il est cependant possible que A. Cerdán confonde avec un autre fils de cet officier, Francisco, qui exerçait précisément ses talents comme commerçant dans le port de Truxillo. Leur père, appelé Pedro, avait acquis un siège de regidor en 1730 et est encore désigné comme premier alcalde en 1755. Ultérieurement, on ne retrouve plus de représentants de ce lignage dans l’institution, ses membres ayant manifestement choisi l’administration royale des finances, incompatible avec une charge municipale, et l’activité commerciale. Information orale fournie par A. Taracena Arriola et confirmée par J. M. SANTOS PÉREZ, Élites, poder local..., op. cit., p. 331.
67 - AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 452, « Carta del Presidente de la Audiencia Antonio González Saravia al ministro de Gracia y Justicia », 3 octobre 1801.
68 - Ibid. Ce commerçant semble n’avoir appartenu à aucune des instances dirigeantes de la ville de Guatemala, tant dans le consulat qu’au cabildo. Son engagement aux côtés du Basque résulte probablement d’un conflit commercial avec le président Domás auprès duquel il s’était porté garant pour une créance de 2 193 pesos garantie sur les biens de sa fille.
69 - Forrest Brown, Richmond, Juan Fermín de Aycinena. Central American colonial entrepreneur, 1729-1796, Norman, University of Oklahoma Press, 1997 Google Scholar.
70 - La dépendance des agents économiques régionaux de la capitainerie vis-à-vis des grands commerçants de la ville de Guatemala et ses conséquences politiques centrifuges à l’echelle de la région constituent l’hypothèse centrale de l’etude de Wortman, Miles L., Government and society in colonial Central America, 1680-1840, New York, Columbia University Press, 1982 Google Scholar. Arturo Taracena Arriola la reprend et l’illustre pour une région qui tenta, sans le réussir, le passage du statut de province à celui d'Etat: Aracena Arriola, Arturo, Invención criolla, sueño ladino, pesadilla indígena. Los Altos de Guatemala: de región a Estado, 1740-1850, Antigua/San José, CIRMA/Porvenir, 1997 Google Scholar. Enfin, Xiomara Avendaño Rojas a revisité cette question du processus autonomiste centre américain en soulignant, au-delà du rôle des nouvelles institutions mises en place par les réformes de la seconde moitié du xviiie siècle, l’importance jouée par les institutions locales, essentiellement municipales, appelées à devenir avec l’lndépendance les véritables nouveaux sujets politiques. Or ces institutions municipales restaient sous le contrôle des mêmes groupes familiaux et d’intérêts que ceux des décennies antérieures: Avendano Rojas, Xiomara, « El gobierno provincial en el reino de Guatemala, 1821-1823 », in Guedea, V. et al. (coord.), La Independencia de México y elproceso auto-nomista novohispano, 1808-1824, Mexico, UNAM/Instituto Mora, 2001, p. 321-354 Google Scholar.
71 - AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 452, « Carta del Presidente de la Audiencia Antonio González Saravia al ministro de Gracia y Justicia », 3 octobre 1801.
72 - C’est ce même constat que formule Zacarias Moutoukias au moment d’étudier les jeux politiques et sociaux dans une autre périphérie impériale de la fin du xviiie siècle. Moutoukias, Zacarias, « Las formas complejas de la acción política: Justicia corporativa, faccionalismo y redes sociales (Buenos Aires, 1750-1760) », Jahrbuch für Geschichte Latein-amerikas, 39, 2002, p. 70-102 Google Scholar.
73 - Soit comme agent, soit comme prêteur, soit comme associé.
74 - Sur cette situation économique de crise, voir AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 887, « Estado de los precios a que corren los principales efectos comerciales », 1796; AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 889, « Carta de Ambrosio Cerdán sobre embarcaciones que han llegado ultimamente », 3 août 1800.
75 - De fait, dès juin 1798, il ne pouvait empêcher le consulat de rédiger un texte qui, sous couvert de défense du monopole, condamnait la nouvelle politique commerciale dont les bénéficiaires s’identifiaient au clan du Navarrais. AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 895, « El consulado de Guatemala evacua el informe que se le pidió por R. O. de 1ro de mayo de 1797 ».
76 - AGCA, A1-5-7, leg. 2403, exp. 18249, « Autos sobre la competencia entre el Real Consulado y la Audiencia en el conocimiento de la causa contra J. de Isasi, 1802 ».
77 - AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 452, « Carta del Presidente de la audiencia Antonio González Saravia al ministro de Gracia y Justicia », 3 octobre 1801.
78 - Ibid.
79 - AGCA, A1-2-3, leg. 2594, exp. 21245, « Real Carta que contesta a una solicitud del coronel José Antonio Molina », 25 août 1801. Vers 1798, le couple se sépara, l’épouse retournant vivre chez son père avec ses trois enfants. Le colonel sollicita l’intervention de l’archevêque pour obtenir l’enfermement de son épouse dans un couvent et l’annulation de leur mariage.
80 - AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 452, « Carta del Presidente de la audiencia Antonio González Saravia al ministro de Gracia y Justicia », 3 octobre 1801.
81 - AGCA, A1-15, legs 2528 et 2529, exps 20135 et 20141, « Documentos reservados respectivos al recurso de fuerza interpuesto por el coronel José Antonio Molina ».
82 - AGI, Audiencia de Guatemala, leg. 452, « Carta del Presidente de la audiencia A. González Saravia al ministro de la Real Hacienda », 31 décembre 1801.
83 - M. BERTRAND, « ‘Esta audiencia es toda una sodoma... », art. cit.
84 - AGCA, leg. 1536, f. 332.
85 - Dedieu, Jean-Pierre et Windler, Christian, « La familia: ¿Una clave para entender la historia política? », Studia historica. Historia moderna, 18, 1998, p. 201-237 Google Scholar.
86 - Voir à ce propos les apports de l’approche en termes d’histoire des genres. Pour le monde colonial, Lopez Beltrán, Clara, Alianzas familiares, élite, género y negocios en La Paz, siglo 17, Lima, Instituto de Estudios Peruanos, 1998 Google Scholar; Gonzalbo Aizpuru, Pilar, Familia y orden colonial, Mexico, El Colegio de México, 1998 Google Scholar.
87 - Levi, Giovani, Le pouvoir au village. Histoire d’un exorciste dans le Piémont du xviie siècle, Paris, Gallimard, 1989 Google Scholar, chap. 2.
88 - À partir de prémisses bien différentes, c’est sur les mêmes conclusions que débouche la réflexion de Zacarias Moutoukias au moment de reconstituer les réseaux construits par des commerçants de Buenos Aires. Il y souligne tout à la fois la place primordiale des liens familiaux et la nécessité d’inscrire ces derniers dans leur voisinage: Moutoukias, Zacarias (éd.), « Réseaux égocentrés, ressources spécifiques et médiations politiques (Buenos Aires dans la seconde moitié du xviiie siècle) Google Scholar », à paraître.
89 - Bertrand, Michel, « Pouvoir disputé, pouvoir partagé: familles et État monarchique dans l’Amérique espagnole », in Vincent, B. et Schaub, J.-F. (éd.), La monarchie hispanique, 16e-18e siècles Google Scholar, à paraître.
90 - Situation conforme à ce que l’on sait des réseaux commerçants qui, très majoritairement, s’appuient sur une base familiale, comme l’a souligné depuis longtemps D. Brading pour les commerçants de la Nouvelle-Espagne. Les reconstitutions plus complètes ou systématiques de ces réseaux commerciaux confirment cette importance familiale chez les commerçants basques, Priotti, Jean-Philippe, « Réseaux sociaux, commerce international et pouvoir aux xvie et xviie siècles », Trace, 37, 2000, p. 86-97 Google Scholar, ou catalans, Dalla Corte, Gabriela, Vida i mort d’una aventura al riu de La Plata, Jaime Alsina i Verjés, 1770-1836, Barcelone, Biblioteca Serra d’Or/Publicacions de l’Abadia de Monserrat, 2000 Google Scholar. Cela n’empêche pas que la confiance assise sur ces liens familiaux puisse être trahie, comme le démontrent les procès opposant des membres d’un même réseau: Barriera, Dario et Tarragó, Griselda, « Elogio de la incertidumbre, la construcción de la confianza, entre la previsión y el desemparo, Santa Fe y el Río de la Plata, siglo xviii », in Vaázquez, B. et Dalla Corte, G. (éd.), Empresarios y empresas en América latina (siglos 18-20), Maracaibo, EDILUZ, 2005 Google Scholar.
91 - Il est particulièrement significatif que la ligne de fracture observée à la fin du xviiie siècle au sein de l’élite polítique continua à opérer, quelques années plus tard, alors que l’« affaire Yrizarri » était bien ancienne. En 1812, alors que se tenaient les élections destinées à désigner le représentant guatémaltèque aux Cortès de Cadix, José Ysasi mobilisa son réseau et devint le porte-parole des adversaires du projet libéral défendu par tous ceux qui dominaient alors dans le cabildo, à savoir J. F. de Aycinena, A. de Larrázabal ou les frères Pabón. Ferme sur ses positions, en 1815, il se retrouva aux côtés du président de la capitainerie générale Bustamente lorsque ce dernier orchestra la suspension de la Constitution décidée par le monarque espagnol. C’est dire la force de la fracture surgie à l’extrême fin du xviiie siècle dont nous avons retracé la genèse.
92 - M. BERTRAND, « Esta audiencia es toda una sodoma... », art. cit.
93 - Cette position politique trouve sa meilleure expression dans la correspondance échangée entre le régent de l’Audience, A. Cerdán Pontero, et Cayetano Soler, le secrétaire d’État et du Despacho Universal à Madrid. L’auditeur souligne systématiquement que tous les adversaires du commerce avec les pays neutres se comportaient en défenseurs du monopole.
94 - JOSÉ MARÍA IMIZCOZ, « Communauté, réseau social, élites, l’armature sociale de l’Ancien Régime », in J. L. CASTELLANO et J.-P. DEDIEU, Réseaux, familles et pouvoirs..., op. cit., p. 31-66.