Published online by Cambridge University Press: 26 July 2017
L'analyse des structures fondamentales de l'idéologie juridique de l'Ancien Régime constitue un chapitre inédit des vicissitudes de l'État moderne, bien qu'apparaisse dans l'historiographie de ces dernières années un intérêt toujours plus évident pour un sujet dont les ramifications s'étendent dans l'histoire des doctrines et des institutions politiques, dans la sociologie historique et dans l'histoire comparée du droit européen continental.
Les principaux aspects de la forma mentis complexe qui caractérisait les grands magistrats ont été depuis longtemps définis par une littérature désormais classique, particulièrement dans quelques pays, comme la France, l'Espagne et le royaume de Naples. Toutefois, de vastes terrains restent à mieux explorer, principalement pour reconstituer les traits communs aux milieux judiciaires des pays de culture et de tradition juridique voisines.
This article proposes a structural analysis of the foundations of legal ideology under the Ancien Regime and gives particular emphasis to its final critical period. It considers how “patriarchalmediation” was revivedthrough the jurist'saffirmation of the indispensable ro of the magistracy as the very buttress of the Absolutist State's institutional structure.
Faced with the subversive influence of the Enlightenment, the judicial body 's response can be found in the attempt to oppose a credible legal discourse (capable of being put into effect politically) to the abstract discourse characteristic of modem thinkers. The essential elements of the parliamentary magistrate 's program are summed up in an epistolary exchange between L.-A. Le Paige and A.-F. de Murard. The most significant passages of the unpublished correspondance are used in the article to show that the respublica perfecta of the jurists was one directed by a government founded on the symbolic and formai supremacy of the monarchy and the real sovereignty of the courts.
This explains the paradoxical thought of the jurists who had never abandoned the absolutist cause, but rather defended it with an attitude which was even more royalist than the king 's. The basis of this "juridical constitutionalism " was the arcana juris. This ideology was not opposed to the theory of absolutism, but simply to its pratical implementation. The person who best exemplifies the crisis of this légal and political theory was C.-L. Chanlaire, an obscure Parisian lawyer whose ideas can be distinguished quite easily from Le Paige 's program. He considered the underground power of the judges as the principal cause of judicial confusion and of the gênerai uncertainty of law. Mably would carry the conflict to its logical and radical conclusion several years later.
1. Aux célèbres travaux de Mousnier, R., entre autres Les institutions de la France sous la monarchie absolue, 2 vols, Paris, Puf, 1974-1980,Google Scholar pleins d'idées et d'indications de première importance, sont venus s'ajouter une quantité de travaux dont on ne peut donner ici qu'un résumé sommaire limitant les citations aux oeuvres les plus récentes, en particulier : Richet, D., LA France moderne: l'esprit des institutions, Paris, Flammarion, 1992 Google Scholar (lre édition 1973); Descimon, K., Guery, A., Un Etat des temps modernes ?, dans Histoire de la France, Burguière, A. et Revel, J. (sous la direction de), II, Goff, J. Le (sous la direction de), Paris, Le Seuil, 1989;Google Scholar Troper, M., La séparation des pouvoirs et l'histoire constitutionnelle française, Paris, Lgdj, 1980 ; O. Beaud, La puissance de l'État, Paris, Puf, 1994;Google Scholar Senellart, M., Les arts de gouverner — Du regimen médiéval au concept de gouvernement, Paris, Le Seuil, 1995;Google Scholar Swann, J., Politics and the Parlement of Paris under LouisXV, 1754-1774, Cambridge, Cambridge University Press, 1995.Google Scholar Pour les aspects liés au thème du constitutionnalisme, cf. (). Beaud, Constitution et constitutionnalisme, dans Raynaud, Philippe et Rials, Stéphane éds, Dictionnaire de philosophie politique, Paris, Puf, 1996.Google Scholar
2. Cf., pour l'Espagne J.-M. Pelorson, Les « Letrados ». Juristes castillans sous Philippe Iii. Recherches sur leur place dans la société, la culture et l'État, Université de Poitiers, s. 1. [Le Puy-en-Velay], 1980 ; pour le Portugal les études de A.-M. Hespanha (en particulier As vésperas do Leviathan. Instituiçôes e Poder Politico. Portugal. Sec. 17, 2 vols, Artes Grâficas Jorge Castilho, s. 1. 1986), et, plus récemment, J.-F. Schaub, La vice-royauté espagnole au Portugal au temps du comte-duc d'Olivares (1621-1640). Le conflit de juridiction comme exercice de la politique, 2 vols, thèse soutenue à l'EHESS, 4 avril 1995 ; pour l'Allemagne les travaux dirigés par E. Hinrichs (en particulier Absolutismus, Francfort, Suhrkamp, 1986 ; Alteuropa — Ancien Régime — Friihe Neuzeit — Problème und Methoden der Forschung, Stuttgart, Frommann-Holzboog, 1991) ; pour l'Italie la grande activité de recherche réalisée par Ajello, R. (en particulier les derniers travaux : Il problema storico del Mezzogiorno. L'anomalia socioistituzionale napoletana dal Cinquecento al Settecento, Naples, Jovene, 1994;Google Scholar et Una società anomala, 1542-1734, Fridericiana Historia, Naples, Université de Naples, Esi., 1996) et par son équipe (A. Cernigliaro, A. De Martino, R. Feola, G. Alessi, P.-L. Rovito, O. Abbamonte, F. Cammisa, D. Luongo, M. Miletti, R. Pilati, I. Ascione) dont les essais sont publiés maintenant dans la nouvelle revue Frontiera d'Europa.
3. Cf. Levinger, M., «La rhétorique protestataire du parlement de Rouen (1753-1763)», Annales Esc, 1990, n° 3, pp. 589–613.Google Scholar
4. Donato, F. Di, Esperienza e ideologia ministeriale nella crisi dell'Ancicn Régime. Niccolô Fraggianni tra diritto, istituzioni e politica (1725-1763), 2 vols, Naples, Jovene, 1996.Google Scholar
5. Cf. Baczko, B., « Lumières et utopie. Problèmes de recherches », Annales Esc, 1971, n° 2, pp. 355-386 ; et, plus diffusément, id., Lumières de l'utopie, Paris, Payot, 1978,Google Scholar surtout le chap. IV, pp. 151-232 ; Trousson, R., Voyages aux pays de nulle part. Histoire littéraire de la pensée utopique, Bruxelles, Editions de l'Université, 1975,Google Scholar surtout pp. 119-181. Il suffit de rappeler ici l'affaire bien connue des « cacouacs », un peuple imaginaire de « sauvages » décrit par Odet Giry DE Saint-Cyr et par J.-N. Moreau dans son Mémoire sur l'histoire des Cacouacs ; les deux utilisèrent la fable pour polémiquer ironiquement contre les encyclopédistes, coupables d'avoir théorisé une (fausse) société sans respect pour « aucune liaison » ; Diaz, F., Filosofia e politica nel Settecento francese, Turin, Einaudi, 1962,Google Scholar chap. Iii et en particulier les pp. 137-138 et 156-158 ; cf. aussi Gembicki, D., Histoire et politique à la fin de l'Ancien Régime. Jacob-Nicolas Moreau, 1717-1803, Paris, Nizet, 1979, pp. 71–84. Google Scholar
6. Sur le thème de la « civilisation » s'est développée dans les dernières décennies une confrontation qui a eu son épicentre en France, cf. Chaunu, P., La civilisation de l'Europe classique, Paris, Arthaud, 1966;Google Scholar id., La civilisation de l'Europe des Lumières, Paris, Arthaud, 1971 ; Braudel, F., Civilisation matérielle, économie et capitalisme (15e-18e siècle), Paris, Armand Colin, 1967 Google Scholar (2e édition 1979); Soboul, A., La civilisation et la Révolution française, 3 vols, surtout vol. I, La crise de l'Ancien Régime, Paris, Arthaud, 1970,Google Scholar en particulier les pp. 18-19 et 241-251. Sur le débat philosophique, cf. Elias, N., Uber den Prozess der Zivilisation, Francfort, Suhrkamp, 1969,Google Scholar passim.
7. Sur la valeur civile de la lex, unique instrument capable « de faire voir à l'homme [les] desordres » causés par sa « conduite déréglée », comparable seulement « avec la régularité des bêtes », voir N. Fraggianni dans son Promptuarium Excerptorum (= Biblioteca Nazionale, Naples, ms. ID 58), c. 34r. Pour Fraggianni le plus grand mérite de la société organisée selon des règles juridiques était d'« apprendre son devoir » à l'intérieur du maximum d'expériences capable de tendre à la justice. En dehors de la civilisation juridique il y avait en fait seulement « l'école des animaux » dans laquelle on apprenait « à soumettre le droit à la force » (ibid.) et à vivre comme « bruti, senza famiglia, senza società, senza amore, senza pietà » (ibid., c. 34v) ; l'homme, au contraire, «è il modello délia organizzazione per allogiarvi un'Anima” (ibid.). Du reste, sur le monde animal, Fraggianni ne renonce pas à exercer son scepticisme : « En vérité les actions des bêtes sont peut-être un des plus profonds abîmes sur quoi notre raison se puisse exercer, et je suis surpris que si peu de gens s'en aperçoivent » (ibid.).
8. Cf. A. Cocatre-Zilgien, Les doctrines politiques des milieux parlementaires dans la seconde moitié du 18e siècle ou les avocats dans la bataille idéologique prérévolutionnaire, Annales de la Faculté de Droit et des Sciences économiques de Lille, 1963, pp. 29-154 ; Kley, D. Van, The Jansenists and the Expulsion of the Jesuits from France 1757-1765, New Haven- Londres, Yale University Press, 1975;Google Scholar id., The Damiens Affair and the Unraveling of the «Ancien Régime" 1750-1770, Princeton, NJ, Princeton University Press, 1984; Rogister, J.-M.-G., Louis XV and the Parlement of Paris, 1737-1755, Cambridge, Cambridge University Press, 1995;Google Scholar et depuis peu J. Swann, Politics…, op. cit.
9. En ces années décisives du milieu du siècle, la culture des Lumières évolue vers les idées héritées du positivisme critique et de la révolution scientifique. Fondée sur une interprétation « naturaliste » du cartésianisme (complexité de la nature et incertitude des sciences), cette ligne théorique avait caractérisé la modernité, corrigeant avec son réalisme empirique les « tendances idéalistes et spirituelles » d'origine médiévale. Ce moment se situe entre 1748 et 1770, ou bien entre Y Esprit des Lois et le Système de la nature, selon la datation de Vernière, P., « Peut-on parler d'une crise de la conscience européenne ? », dans Ajello, R., Guerci, L., Ricuperati, G. éds, L'età dei Lumi. Studi storici sul Settecento europeo in onore di Franco Venturi, 2 vols, Naples, Jovene, 1985, I, pp. 57–78,Google Scholar surtout p. 76 ; cf. aussi Ajello, R., « L'estasi délia ragione — Dall'Illuminismo all'Idealismo », dans id., Formalismo médiévale e moderno, Naples, Jovene, 1990, pp. 37–184 Google Scholar (l'essai est publié aussi dans L. D'Alessandro éd., Gaetano Filangieri e VIlluminismo europeo, Naples, Guida, 1991, pp. 13-145), respectivement pp. 79, 92 et 100.
10. Foucault, M., Les mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966.Google Scholar
11. Cf. R. Ajello, L'estasi, op. cit., p. 101.
12. Ibid, p. 104.
13. Cf. Cavanna, A., Storia del diritto moderno inEuropa, 1. Le fonde il pensiero giuridico, Milan, Giuffrè, 1982 Google Scholar passim, mais spécialement, pp. 201-213, 225-227 et 309.
14. Cf. Gazier, C., Histoire de la société et de la Bibliothèque de Port-Royal, Paris, Puf, 1966, p. 25.Google Scholar
15. Sur Alexandre François Murard, fils d'un célèbre robin (François II Murard) et appartenant à une famille, originaire du Dauphiné, d'ancienne tradition philoparlementaire, cf. Bluche, F., L'origine des magistrats du Parlement de Paris au 18'’ siècle (1715-1771 ). Dictionnaire généalogique, Paris, Faculté de Lettres de l'Université de Paris, 1956, p. 324.Google Scholar
16. Sur le parti janséniste, cf. Hildesheimer, F., Le jansénisme en France aux 17’ et 18e siècles, Paris, Éditions Publisud, 1991, chap. IV, surtout pp. 140–145,Google Scholar qui calcule qu'« un peu moins du quart des effectifs de la cour souveraine » des magistrats adhèrent au parti janséniste (p. 144) ; l'avocat Barbier, en 1732, en donne le nombre de « soixante personnes » ; id., Le jansénisme. L'histoire et l'héritage, Paris, Desclée de Brouwer, 1992, pp. 68-76 ; J.Swann, Politics…, op. cit., pp. 87-121. Pour les origines du rapport jansénisme-idéologie des robins, cf. Goldmann, L., Le Dieu caché. Étude sur la vision tragique dans les Pensées de Pascal et dans le théâtre de Racine, Paris, Gallimard, 1955;Google Scholar Hamscher, A.-N., The Parlement of Paris after the Fronde, 1653-1673, Londres, University of Pittsburgh Press, 1976, pp. 109– 118 Google Scholar et, pour les développements politico-institutionnels J.Swann, «Fauteurs de toutes les maximes qui sont contraires à la monarchie : le gouvernement face aux magistrats jansénistes sous Louis XV», dans Jansénisme et révolution, op. cit., pp. 163-172, surtout p. 165; Bell, D.-A., Lawyers and Citizens. The Making of a Political Elite in Old Régime France, New York-Oxford, Oxford University Press, 1994, pp. 68 Google Scholar ss, 112-115 et passim. Sur le jansénisme comme mentalité d'opposition, cf. A. Cobban, « The Parlements of France in the Eighteenth Century », History, XXXV, n” 123-124, févr.-juin. 1950, pp. 64-80, surtout p. 69 ; Delumeau, J., Le catholicisme entre Luther et Voltaire, Paris, Puf, 1971;Google Scholar Keohane, N.-O., Philosophy and the State in France. The Renaissance to the Enlightenment, Princeton, NJ, Princeton University Press, 1980, pp. 262–266;Google Scholar P. Campbell, « Aux origines d'une forme de lutte politique : avocats, magistrats et évêques. Les crises parlementaires et les jansénistes (1727-1740) », dans Jansénisme et révolution, op. cit., pp. 147-161 ; Roche D., des Lumières La France, Paris, Fayard, 1993, pp. 335–339. Pour le rapport entre jansénisme et constitutionnalisme parlementaire, cf. D. Van Kley, « Church, State, and the Ideological Origins of the French Révolution : The Debate over the General Assembly of the Gallican Clergy in 1765 », Journal of Modem History, 51, n° 4, déc. 1979, pp. 629-666, surtout pp. 635-645 ; et maintenant, plus diffusément, la thèse de C.-L. Maire, De la cause de Dieu à la cause de la Nation. Le jansénisme au 18e siècle, 5 vols, surtout vol. Iii (t.1 et t 2), Le combat parlementaire, soutenue à l'EHESS, 1995.
17. Cf. Flammermont, J., « Introduction », dans id., Remontrances du Parlement de Paris au 18e siècle, I, Paris, Imprimerie nationale, 1888, surtout pp. XXVII–Xxx Google Scholar et passim; Rogister, J.-M.- G., « The Crisis of 1753-1754 in France and the Debate on the Nature of the Monarchy and of the Fundamental Laws », dans Studies presented to the International Commission for the History of Représentative and Parliamentary Institutions, Lix, Louvain, 1977, pp. 105–120;Google Scholar J. Swann, Politics…, op. cit., p. 87 ss, qui considérait pourtant comme cruciales les années 1754 à 1756.
18. Sur la « réforme » ou le « coup d'État », de Maupeou, cf. Flammermont, J., Le chancelier Maupeou et les parlements, Paris, Picard, 1883;Google Scholar Villers, R., L'organisation du parlement de Paris et des Conseils supérieurs d'après la réforme de Maupeou (1771-1774), Paris, Sirey, 1937;Google Scholar Shennan, J.-H., The Parlement of Paris, Ithaca-New York, Cornell University Press, 1968, p. 318ss;Google Scholar R. Mousnier, , Les institutions, op. cit., II, pp. 619–626;Google Scholar Alatri, P., Parlamenti e lotta politica nella Francia del ‘700, Bari, Laterza, 1977, pp. 400–419;Google Scholar Echeverria, D., The Maupeou Révolution. France 1770-1774, Bâton Rouge-Londres, Louisiana State University Press, 1985;Google Scholar Félix, J., Les magistrats du Parlement de Paris 1771-1790, Sedopols, Dioudomat, 1990;Google Scholar D. Van Kley, « D U parti janséniste au parti patriote: l'ultime sécularisation d'une tradition religieuse à l'époque du chancelier Maupeou, 1770-1775 », dans Maire, C. éd., Jansénisme et révolution, «Actes du colloque de Versailles», 13–14 oct. 1989, Chroniques de Port-Royal, Paris 1990;Google Scholar D.-A. Bell, « Lawyers into Démagogues : Chancellor Maupeou and the Transformation of Légal Practice in France 1771-1789 », Past and Présent, n° 130, 1991, pp. 107-141 ; depuis peu J. Swann, Politics…, op. cit., pp. 352-368. Sur le rapport entre l'activité des parlementaires et la crise du système institutionnel de l'Ancien Régime, cf. Doyle, W., « The Parlements of France and the Breakdown of the Old Régime », French Historical Studies, n° 6, 1970, pp. 415–458.Google Scholar
19. Lettre du Président Murard à Monsieur Le Paige avocat au Parlement, Enclos du Temple à Paris, 1 mars 1772, (= Bpr, LP, 571, n° 25).
20. Id.
21. Id.
22. Paige, L.-A. Le, Lettres historiques sur les fonctions essentielles du Parlement ; sur le droit des Pairs, et sur les loix fondamentales du Royaume, 2 vols, Amsterdam [mais Paris, linclos du Temple], 1753–1754 (= Bnp, Ld4 2563).Google Scholar L'oeuvre est publiée avec une fausse indication de lieu pour échapper à la censure et pour des motifs d'évidente opportunité politique.
23. Parmi lesquels seront rappelés au moins les suivants : L.-A. LE Paige, Recueil des lettres pacifiques, s. 1. [Paris, Enclos du Temple] 1753 (= Bnp, 4°Ld4. 2443) ; le texte est publié déjà l'année précédente sous un titre différent : Lettres adressées à MM. les commissaires nommés par le Roi pour délibérer sur l'affaire présente du Parlement, au sujet du refus des sacrements (=Bnp, 4°Ld4. 2442) ; id., Annales pour servir d'étrennes aux amis de la vérité — Le protheisme de l'erreur ou Annales historiques contenant les faits qui ont précédé la Bulle Unigenitus, et qui y ont rapport depuis l'année 1540, s. 1. ni d. (= Bnp, Ld3 144) ; id., Lettre d'un François aux victimes d'Ebroin, s. 1. (= Bpr, LP 817, n° 29) ; id., Lettre apologétique critique et politique, écrite par un Seigneur de la Cour, à Mr. le Maréchal de*** sur l'Affaire du Parlement, s. 1. [mais probab. Paris, Enclos du Temple] 1754 (= Bpr, Let 329) ; id., Lettre sur les lits de justice, s. 1. ni d. [mais probab. Paris, Enclos du Temple 1756] (= Bnp, 4° Lb38. 693) ; le texte est plus tard republié sous le titre Réflexions d'un citoyen sur les Lits de justice par L.-A. Le Paige, s. 1. ni d. [probab. Paris, Enclos du Temple 1787].
24. Lettre de L.-A. Le Paige à l'ami le P[résident] Murard, 20 mars 1772, (= Bpr, LP, 571, n°26).
25. Id.
26. Id.
27. Id. A ces grandes catégories-cadres, relatives à la configuration générale des rapports institutionnels, Le Paige ajoute quelques « abus généraux » (« la reforme du luxe et des moeurs, le rétablissement de l'esprit national, l'honneur, le désintéressement, l'amour du vrai, l'ingénuité ») et une quantité en l'occurrence plus détaillée d'« abus plus particuliers » : (« Abus des ministres, dont chacun seul avec un secrétaire d'État, ordon[n]e, décide, rend des arrêts ; enregistrement par la Grande Chambre seule ; apointement à met[t]re ; arrêts […] jugés par le Rap[pJorteur seul avec le p[remier] président] ; arrêts […] rendu sur le seul plaidoyer de l'avocat General ; abus des Epices ; abus des vacations comptées quoique non employées ; abus des secrétaires payés par les parties, au lieu qui le doivent être par le juge seul ; abus des vexations pour obtenir tel rap[p]orteur, tel rang sur le rôle ; abus au parquet, abus au chatelet. Ce sont surtout ces abus de la Grande Chambre qui ont tant indisposé et aliéné les esprits dans la crise actuel[le] »).
28. Id.
29. Id.
30. Sur l'émergence des concepts de « base populaire » et d'« opinion publique » comme éléments importants de la lutte politique, outre le classique de Carré, H., La noblesse de France et l'opinion publique au 18e siècle, Paris, Champion, 1920,Google Scholar réimprimé Genève, Slatkine, 1977, surtout le chap. II, pp. 133-322, cf. Farge, A., Revel, J., Logiques de la foule. L'affaire des enlèvements d'enfants, Paris 1750, Paris, Hachette, 1988;Google Scholar Farge, A., Dire et mal dire. L'opinion publique au 18” siècle, Paris, Le Seuil, 1992;Google Scholar Baker, K.-M., AU tribunal de l'opinion. Essais sur l'imaginaire politique au 18e siècle, Paris, Payot, 1993;Google Scholar Blanco, L., Stato e funzionari nella Francia del Settecento : gli « ingénieurs des ponts et chaussées », Bologne, Il Mulino, 1991, p. 11.Google Scholar
31. L.-A. LE Paige, Lettre…, op. cit.
32. Id. La préoccupation de Le Paige pour une grande « révolution » est constante dans la décennie 1770 ; le mot se trouva utilisé dans plusieurs lettres de cette période cf., par ex., Bpr, LP571, n°101.
33. Elle se retrouve, par exemple à Naples dans Fraggianni. Pour distinguer la « réforme » des mesures nécessaires pour apporter des améliorations au système, Fraggianni préférait utiliser, à la suite de Leibniz, le terme « emenda ».
34. L.-A. LE Paige, Lettre apologétique, op. cit., p. 142.
35. Id.
36. Ibid, p. 55.
37. L.-A. LE Paige, Lettre…, op. cit.
38. Id.
39. Id.
40. Id.
41. Id.
42. Id.
43. Id.
44. Id.
45. Id.
46. Sur les mesures adoptées dans le lit de justice de sept. 1770, cf. J.-H. Shennan, The Parlement of Paris…, op. cit., p. 317.
47. L.-A. LE Paige, Lettre…, op. cit.
49. Id. (C'est moi qui souligne).
50. Sur l'influence de la philosophie des Lumières sur les milieux judiciaires, cf. Bourde, A., « Les “Lumières”, 1715-1789 », dans Georges Duby éd., Histoire de la France. Dynasties et révolutions de 1348 à 1852, II, Paris, Larousse, 19912, pp. 211–256, surtout p. 222, col. II.Google Scholar
51. L.-A. LE Paige, Lettre apologétique, op. cit., p. 143.
52. Bpr, LP 468 (8).
53. Pour l'influence de Le Paige sur la production « pamphlétaire du constitutionnalisme patriotique » proche de la doctrine juridico-politique du milieu parlementaire, cf. D. Van Kley, « Du parti janséniste », art. cité, p. 119 ; et maintenant, plus amplement, C. Maire, op. cit., passim (surtout dans le vol. Iii).
54. S. 1. ni d. [mais vraisemblablement, imprimé dans l'imprimerie de l'Enclos du Temple gérée par Le Paige] (= Bpr, Br. Pasc. 94).
55. Ibid., p. 3.
56. Ibid., p. 5.
57. Ibid., p. 67.
58. Ibid., pp. 88-89.
59. Ibid.
60. Ibid., p. 90.
61. Ibid, p. 92.
62. Ibid, pp. 92-93.
63. Ibid.
64. Ibid.
65. Ibid., pp. 95-96.
66. Ibid., p. 94.
67. Pour l'exploitation des idées de Boulainvilliers de la part des robins du parti de Le Paige, cf. F. Di Donato, Esperienza, op. cit., pp. 403-457.
68. Lettre à un ami, op. cit., p. 95 (en note on signale que les paroles en italique étaient citées par Boulainvilliers).
69. Ibid., p. 98 (la phrase est entièrement en majuscule dans le texte original).
70. Ibid., p. 95.
71. Ibid., p. 109.
72. Cf. Delamare, N., Traité de la police, chez Michel Brunet, Paris, 1722, f. 275, col. I.Google Scholar
73. Sur ce point cf. Arnaud, A.-J., Les juristes face à la société du Xixe siècle à nos jours, Paris, Puf, 1975.Google Scholar
74. De la législation ou principes des loix, dans OEuvres complètes de l'abbé de Mably, IX, s. e., Londres, 1789, p. 170 ; le passage est dans le second livre, chap. Iii, intitulé : « Caractère des loix nécessaires pour réprimer et régler l'ambition dans l'état et dans les magistrats ».
75. L'oeuvre de V. Alfieri, Délia tirannide, composée en 1777, paraît pour la première fois seulement douze ans après, en plein climat révolutionnaire.
76. Chanlaire, C.-L., L'ami de la concorde ou Essai sur les Motifs d'éviter les Procès, et sur les Moyens d'en tarir la source, Londres, 1765;Google Scholar une seconde édition est publiée, plus diffusée, chez Monory, Londres et Paris, 1779. Du texte de Chanlaire il ne se trouve pas mention dans la solide bibliographie du travail le plus complet qui ait été fait sur le thème des avocats au 18e siècle, la thèse de Ph.-D. de D.-A. Bell, Lawyers and Politics in Eighteenth- Century Paris (1700-1790), University Microfilms International, 1991 (un exemplaire est conservé à la Bpr) ; au contraire, une intéressante information est reportée dans id., Lawyers, op. cit., p. 145 : déçu par le comportement de Maupeou, qui cependant l'avait dans un premier temps soutenu, Chanlaire projeta un attentat (qui fut découvert) contre le chancelier, finissant ainsi aux arrêts.
77. L'ami de la concorde… (édition 1779), p. 3.
78. Ibid., pp. 4-5.
79. Ibid., p. 5.
80. Ibid., pp. 5-6.
81. Ibid., p. 19.
82. Ibid., p. 32.
83. Ibid., p. 33.
84. Ibid. p. 38.
85. Ibid. p. 65.
86. Ibid. p. 66.
87. Ibid. pp. 74-75.
88. Id
89. Ibid p. 85.
90. Ibid., pp. 85-86.
91. Ibid., p. 86.
92. Ibid., p. 89.
93. Ibid., pp. 90-91 : Il fallait donc «proscrire ce qu'on appelle la scolastique », comme l'avait suggéré un autre fameux juriste, « M. Guyton de Morveau, Avocat Général du Roi au Parlement de Bourgogne. Mémoire sur l'éducation publique ».
94. Ibid., p. 91.
95. Ibid., p. 93.
96. Ibid., p. 94.
97. Chez les Marchands de Nouveautés, Paris et Versailles 1789 (= Bnp, L P 69).
98. Ibid, p. 122.
99. Id.
100. Id.
101. Ibid., p. 123.
102. Abbé de Mably, De la législation, op. cit., p. 254 (livre troisième, chap. Iii : « Des règles générales que la puissance législative doit se prescrire à elle-même pour ne pas s'égarer. Principes généraux par lesquels elle doit juger de l'importance et de la nécessité de chaque loi »).
103. Cf. Cappellini, P., Systema iuris, 2 vols, I, Genesi del sistema e nascita délia « scienza » délie Pandette ; II, Dal sistema alla teoria générale, Milan, Giuffrè, respectivement 1984 et 1985.Google Scholar
104. Abbé de Mably, De la législation, op. cit., p. 170 ; le concept est contredit à la p. 248 : « Toutes mes loix, devoit dire le législateur, se prêtent un secours mutuel ».
105. Cf. Arnaud, op. cit., pp. 116-121 et passim.
106. L'expression est de Barcellona, P., « L'educazione del giurista », dans L'educazione del giurista, Bari, De Donato, 1973, p. 57,Google Scholar et de Ajello, R., « Cartesianismo e cultura oltremontana al tempo deH'“Istoria Civile” », dans id. éd., Pietro Giannone e il suo tempo, Actes du Congrès d'étude du tricentenaire de la naissance, 2 vols, Foggia-Ischitella, 22-24 oct. 1976, Naples, Jovene, 1980, pp. 1-181, surtout p. 18.Google Scholar
107. Cette formule efficace est de A.-J. Arnaud, op. cit., p. 70.
108. Abbé de Mably, De l'étude de l'histoire (1778, mais déjà paru, sans le nom de l'auteur, en 1775), dans le Cours d'étude pour l'instruction du Prince de Parme, Xii, par M. l'abbé de Condillac, Genève, Villard et Nouffer, 1780, p. 227 (il est significatif que tout le chapitre IV, d'où sont extraites les citations qui suivent, soit intitulé : « De la méthode avec laquelle un prince doit procéder dans la réforme du gouvernement et des lois ») : « La sagesse d'un règne ne sert jamais de leçon au règne qui lui succède ».
109. Abbé de Mably, De l'étude de l'histoire, op. cit., p. 234 : dans le moment où change un régime en vain s'y feraient « des remontrances » et inutilement s'y pourrait implorer « le secours des tribunaux », parce que « les lois se taisent devant la force ».
110. Cf. P. VerniÈRE, Peut-on parler…, op. cit., p. 76 ; R. Ajello, L'estasi, op. cit., p. 80.
111. Ces expressions reviennent par exemple dans l'oeuvre de Paolo Mattia Doria, qui les utilise pour opposer les avantages séculiers apportés à la collectivité par la morale des anciens à la « stérilité » de la culture des modernes.
112. De l'histoire, op. cit., p. 228. Le même concept est repris dans De la législation, op. cit., p. 247 : « Si je ne sais quelle routine, qu'on appelle jurisprudence, n'a pris la place des loix, les juges embarrassés prononceront des jugemens arbitraires ».
113. Abbé de Mably, De l'étude de l'histoire, op. cit., pp. 231-232. Le thème de l'ambition des magistrats comme danger gravement menaçant pour la stabilité de l'Etat est très présent dans l'oeuvre de Mably : cf. De la législation, op. cit., pp. 253-254.
114. Abbé de Mably, De l'étude de l'histoire, op. cit., p. 238.
115. Ibid., p. 229.
116. Furet, F., Ozouf, M., « Deux légitimations historiques de la société française au 18e siècle : Mably et Boulainvilliers », Annales Esc, 1979, n° 3,Google Scholar republié dans Furet, F., L'atelier de l'histoire, Paris, 1982, pp. 165–183,Google Scholar surtout pp. 179 et 181.
117. Cf. Descimon, R., « Les fonctions de la métaphore du mariage politique du Roi et de la République. France, 15e-18e siècles», Annales Esc, 1992, n° 6, pp. 1127–1147;Google Scholar cf. aussi Bercé, Y.-M., Le roi caché. Sauveurs et imposteurs. Mythes politiques populaires dans l'Europe moderne, Paris, Fayard, 1990, p. 386;Google Scholar Mannoni, S., Une et indivisible. Storia dell'accentramento amministrativo in Francia, I. La formazione del sistema, Milan, Giuffrè, 1994, surtout p. 28.Google Scholar
118. Abbé de Mably, De l'étude de l'histoire, op. cit. Le même concept est confirmé dans De la législation, op. cit., pp. 243-244.
119. Ibid., pp. 229-230.
120. Cf. Roels, J., Le concept de représentation politique au dix-huitième siècle français, « Études présentées à la Commission internationale pour l'histoire des Assemblées d'Etats », Xlv, Louvain-Paris, Nauwelaerts, 1969, p. 89ss;Google Scholar S. Mannoni, Une et indivisible, op. cit., p. 259 ss.
121. Dans le langage révolutionnaire ce passage est rendu par la substitution du terme « nation » au terme « peuple », le seul utilisé légitimement précédemment, pour indiquer la source de la représentation politique : cf. J. Roels, op. cit., p. 97.
122. 2 Cf. S.Mannoni, Une et indivisible, op. cit., pp. 261-330 et 393-403. Pour cet argument, il faut se référer à l'oeuvre de Walter Ullmann.
123. Baker, K.-M., «Scénario pour une révolution française: la conscience politique de l'abbé de Mably », Eighteenth-Century Studies, 14, 1980-1981, pp. 235–263,Google Scholar maintenant dans id., Au tribunal de l'opinion, op. cit., pp. 123-153, surtout pp. 134 et 143.
124. Ibid., p. 124.
125. Abbé de Mably, De la législation, op. cit., pp. 230-231.
126. Ricuperati, G., Il pensiero politico degli illuministi, dans Firpo, L. éd., Storia délie idée politiche economiche e sociali, IV, 2, Turin, Utet, 1975, pp. 245–402, p. 338.Google Scholar
127. Sur cet aspect, voir Donato, F. Dl, Esperienza, op. cit., chap. Iii 2, surtout pp. 642– 647.Google Scholar
128. S. Mannoni, Une et indivisible, op. cit., p. 175.
129. Ibid., p. 176.
130. F. Furet, M. Ozouf, Deux légitimations, op. cit., p. 182, soulignant comme Boulainvilliers et Mably sont respectivement la version nobiliaire et roturière de la même histoire. Le triomphe de la « thèse démocratique » de Mably sur la « thèse aristocratique » de Boulainvilliers signa le trépas de l'Ancien Régime.
131. Je me sers du terme « raison classique » dans le sens indiqué par M. Foucault, Les mots, op. cit. Avec cette expression, Foucault voulait résumer trois phénomènes considérés comme distincts : le « mécanisme » (Descartes) ; la « mathématisation de l'empirique » (Newton) ; le rapport du savoir avec la mathesis.