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Écrire la nature

De l’histoire sociale à la question environnementale?

Published online by Cambridge University Press:  20 January 2017

Résumé

Cet article analyse comment s’élabore le gouvernement des eaux courantes dans la première moitié du XIXe siècle, en combinant leur inscription dans la catégorie des choses communes, une extension du droit de police de l’administration et des garanties nouvelles apportées aux usages. L’enquête porte sur la tentative des ingénieurs des Ponts et Chaussées de concevoir une « gestion intégrée » des eaux d’une vallée. Comment cette politique ouvret- elle une réflexion sur le droit qui pourrait la soutenir, sur le rôle de l’administration dans sa mise en oeuvre et sur les savoirs qui pourraient la fonder ? La conflictualité de cette politique est observée à partir de l’analyse d’une controverse scientifique et technique qui se déploie en Roussillon puis enrôle l’Académie des sciences et la Société centrale d’agriculture. On y observe comment l’administration tente de faire prévaloir une définition unifiée du cours d’eau, visant à la fois à hiérarchiser les différents acteurs d’un bassin, particulièrement les anciens usagers et les nouveaux entrants, et à défendre un espace d’intervention indépendant de celui de la justice. La mesure des eaux occupe une place centrale, au travers de la discussion de la notion de pénurie, et engage des conflits entre administration et justice pour la régulation des eaux. Les savoirs déployés par les ingénieurs, savoirs naturalistes et savoirs de la mesure, renvoient à leur capacité à rendre compatibles des usages, des pratiques et des savoirs concurrents de la rivière. Ils se heurtent en même temps à la capacité pratique du droit à trancher des conflits.

Abstract

Abstract

This article analyses how a government of running waters was constructed in France in the first half of the 19th century by declaring them a “common property”, regulated under the administration's police powers offering new guarantees for access and use. The investigation focuses on the attempt by state engineers to conceive an “integrated management” of the running waters of a whole valley. It opened up a reflection on the legal framework necessary, on the role of the state administration, and on the scientific knowledge it could be based on. Yet such a policy could but spark controversies, as in the Roussillon where a local dispute reached national proportions, with the interventions of the Académie des sciences and the Société centrale d’agriculture. State administrators pushed for a unified vision of rationalised management of the waters of the whole basin, with a hierarchy between old and new users, and tried to keep it outside of the judiciary's purview. Scientific knowledge, based on measure, was key in their argument: they claimed a better capacity especially to determine shortage, and thus to regulate water consumption between the many uses of the river. But the justice system proved much more apt to practically arbiter conflicts.

Type
Environnement
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 2011

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Footnotes

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Je remercie pour leur lecture d’une première version de ce texte, leurs questions et leurs commentaires Marie-Angèle Hermitte, Alain Mahé, Jacques Revel et Silvia Sebastiani.

References

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2- Avec la notion d’effondrement d’une société, qui réactualise et radicalise celle de décadence, le biologiste Jared Diamond accorde un rôle central au facteur écologique dans l’histoire des civilisations, tout en ancrant dans la mondialisation le caractère inédit de la crise écologique contemporaine, qui ne peut plus être circonscrite à des espaces périphériques ou isolés, mais gagne l’ensemble des espaces, comme dans un jeu de domino : Diamond, Jared, Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Paris, Gallimard, [2005] 2006.Google Scholar

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5- Saluons les propositions visant à mieux historiciser la réflexivité écologique des sociétés passées, en reconsidérant les catégories avec lesquelles ces dernières ont pensé leur environnement : Jean-Baptiste FRESSOZ et Fabien LOCHER, « Le climat fragile de la modernité. Petite histoire climatique de la réflexivité environnementale », La vie des idées, 20 avril 2010, http://www.laviedesidees.fr/Le-climat-fragile-de-la-modernite.html.

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10- Cette diversité est amplifiée par les effets d’une demande sociale et politique, se traduisant par des opportunités institutionnelles de postes et de financements, qui conduisent à calibrer ou requalifier de nombreux travaux sous le label des études environnementales. L’hétérogénéité des propositions est diversement évaluée selon les auteurs. Une visée exhaustive, qui coïncide souvent avec le désir de « se compter » et d’affirmer l’importance d’un domaine en expansion, tend à ne pas rendre compte des divergences : John R.MCNEILL, « Observations on the nature and culture of environmental history », History and Theory, 42-4, 2003, p. 5-43. La majorité des bilans historiographiques continuent à se structurer autour de l’idée d’un développement inégal des études environnementales selon les pays et à en chercher les motifs, posture qui conforte la discussion d’un « modèle » américain des études environnementales. Pour une mise en oeuvre nuancée de cette perspective : Grégory QUENET et Fabien LOCHER, « L’histoire environnementale : origines, enjeux et perspectives d’un nouveau chantier », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 56-4, 2009, p. 7-32.

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13- L’expression dirt est utilisée par W. Crosby, Alfred, « The past and present of environmental history », The American Historical Review, 100-4, 1995, p. 11771189,Google Scholar ici p. 1188 ; et reprise par Ellen STROUD, « Does nature always matter? Following dirt through history », History and Theory, 42-4, 2003, p. 75-81. Celle de nature itself par Donald WORSTER, « Doing environmental history », in Worster, D. (dir.), The ends of the Earth: Perspectives on modern environmental history, New York, Cambridge University Press, 1989, p. 289307.CrossRefGoogle Scholar Pour une position nuancée dans ce débat : Caroline FORD, « Nature's fortune: New directions in the writing of European environmental history », Journal of Modern History, 79-1, 2007, p. 112-133.

14- D. Worster, « Doing environmental history », art. cit., p. 296.

15- En France, une réflexivité sur les conditions d’un travail interdisciplinaire en matière d’environnement s’est affirmée à la suite d’une série d’expériences de recherché menées à partir du début des années 1970 : Mathieu, Nicole et Jollivet, Marcel (dir.), Du rural à l’environnement. La question de la nature aujourd’hui, Paris, L’Harmattan, 1989;Google Scholar Jollivet, Marcel (dir.), Sciences de la nature. Sciences de la société. Les passeurs de frontières, Paris, CNRS Éditions, 1992.CrossRefGoogle Scholar En 1994, la création de la revue Natures, Sciences, Sociétés poursuit et prolonge ces pratiques interdisciplinaires. Les historiens sont en partie absents de ces entreprises ; ils engagent à la même période une réflexion méthodologique à la suite des propositions du médiéviste Robert Delort en faveur d’une éco-histoire : Corinne BECK et Robert Delort (dir.), Pour une histoire de l’environnement, Paris, CNRS Éditions, 1993 ; François Walter, « Une histoire de l’environnement, pour quoi faire ? », in Mornet, É. etMorenzoni, F. (dir.), Milieux naturels, espaces sociaux. Études offertes àRobert Delort, Paris, Publications de la Sorbonne, 1997, p. 3342.Google Scholar

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17- La démarche prolonge celle des travaux engagés sur les minorités, les races et le genre, qui appellent à montrer l’envers d’une histoire écrite par les vainqueurs. Cette reconfiguration du sujet de l’histoire constitue une opération constante dans l’histoire de la discipline, elle avait été au fondement de la méthode historique « moderne » au XIXe siècle, qui appelait, avec les mots de Jules MICHELET, Histoire du XIXe siècle, Paris, G. Baillière, 1872, t. II, p. II, à entendre « les murmures de tant d’âmes étouffées » et à donner une voix au peuple, anonyme et silencieux.

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19- La « théorie des climats » continue ainsi de jouer un rôle de cadre conceptuel pour une histoire des théories environnementales : voir par exemple Brian FAY, «Environmental history: Nature at work », History and Theory, 42-4, 2003, p. 1-4. Le travail pionnier de Clarence J. Glacken avait pourtant permis de rendre compte de l’historicité de cette théorie, déployée dans une perspective de philosophie politique puis d’économie politique : Clarence J.GLACKEN, Traces on the Rhodian shore: Nature and culture in western thought from Ancient times to the end of eighteenth century, Berkeley, University of California Press, 1967.

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21- L’interprétation, développée par l’historien de l’environnement J. R. McNeill, selon laquelle l’émergence de l’environmental history aux États-Unis s’y explique aussi par une faiblesse de la géographie historique, s’inscrit et se trouve relayée dans un débat, récurrentmais stérile, sur les early ou late comers à la construction des études environnementales : J. R.MCNEILL, « Observations on the nature and culture… », art. cit. Cette interprétation est d’ailleurs avancée sans aucune référence à des travaux de géographie historique. Sur cette « totale ignorance », voir aussi SimonNAYLOR, « Historical geography: Natures, landscapes, environments », Progress in Human Geography, 30-6, 2006, p. 792-802.

22- Un débat sur les risques d’une méconnaissance des travaux de géographie ayant contribué à une critique du naturalisme se développe dès les années 1980 en réponse aux premiers travaux d’histoire environnementale, notamment en Italie : Moreno, Diego, « A proposito di storia delle risorse ambientali. Dal terreno al documento », Quadernistorici, 72, 1989, p. 883896;Google Scholar Paola SERENO, « Ambiente e storia », in Cazzola, F. (dir.), Nei cantieri della ricerca. Incontri con Lucio Gambi, Bologne, Clueb, 1997, p. 33-56.Google Scholar

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28- Parmi les indices d’une « capture » du projet géographique par d’autres disciplines, Denise PUMAIN, «L’espace, médium d’une construction spiralaire de la géographie, entre société et environnement », in B.WALLISER (dir.), La cumulativité du savoir en sciences sociales, Paris, Éd. de l’EHESS, 2009, p. 163-197, identifie la transformation du genre des « géographies universelles ». Leur projet de rendre compte des inégalités de développement dans le monde à partir d’une analyse croisée des conditions environnementales « initiales » et de l’histoire des sociétés, auparavant pris en charge par les géographes, est aujourd’hui développé par des biologistes ou des historiens ; pour n’en citer que deux exemples : Jared DIAMOND, De l’inégalité parmi les sociétés. Essai sur l’homme et l’environnement dans l’histoire, Paris, Gallimard, [1997] 2000, et Kenneth POMMERANZ, The great divergence: China, Europe and the making of modern world economy, Princeton, Princeton University Press, 2000.

29- Depuis les années 1970, ils étaient requis, pour leurs compétences techniques parfois très spécialisées, dans des programmes interdisciplinaires sur l’environnement (voir note 15) : Nicole Mathieu, « Géographie et interdisciplinarité : rapport naturel ou rapport interdit ? », in M. Jollivet (dir.), Sciences de la nature…, op. cit., p. 129-154.

30- La thèse est soutenue par Dipesh CHAKARBARTY, « Le climat de l’histoire : quatre thèses », La Revue Internationale des Livres & des Idées, janvier-février 2010, p. 22-31, qui ancre la nécessité d’un renouvellement des agendas historiens dans la prise en comptedes théories anthropogéniques du changement climatique : la critique postcoloniale à laquelle il a participé demande, à ses yeux, à être prolongée pour comprendre comment se conjuguent mondialisation et réchauffement climatique. On accorde notamment à Benedetto Croce d’avoir thématisé le plus clairement la disjonction entre histoire humaine et histoire naturelle, qu’il avait effectivement qualifiée de « pseudo-histoire » ou de « métahistoire ». La leçon qu’en avait tirée Robert Collingwood était que l’historien n’a pas à s’intéresser au versant naturel de la vie des hommes, mais à son seul versant social. Ces lectures de Croce oublient cependant que, pour ce dernier, la disqualification de l’histoire naturelle ne signifiait pas pour autant que la nature n’ait pas d’histoire, mais plutôt qu’il n’y a pas deux sujets disjoints de l’histoire, l’homme et la nature, chacun relevant de méthodes différentes, mais une seule histoire : Benedetto CROCE, « La ‘storia delle natura’ e la storia », Teoria e storia della storiografia, Milan, Adelphi, [1916] 1989, p. 141-148.

31- Voir entre autres deux numéros thématiques : « Chassez le naturel… Écologisme, naturalisme et constructivisme », Revue du MAUSS, 17, 2001 ; « La nature n’est plus ce qu’elle était », Cosmopolitiques, 1, 2002.

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36- Un des marqueurs de l’ethnocentrisme résidait justement dans la définition des sociétés au regard de leur rapport à la nature, le manque d’« empire » sur les éléments et les animaux étant considéré comme l’indice de sociétés sans « histoire ».

37- Voir en particulier la forte lecture de P. Descola par François HÉRAN, « Vers une sociologie des relations avec la nature », Revue française de sociologie, 48-4, 2007, p. 795-806.

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40- La bibliographie est abondante et la présentation n’en saurait être exhaustive. Pour ne citer que quelques-unes de ces expériences collectives en France : Bravard, Jean-Paul et Magny, Michel (dir.), Les fleuves ont une histoire. Paléo-environnement des rivières et deslacs français depuis 15 000 ans, Paris, Errance, 2002;Google Scholar Burnouf, Joëlle et Leveau, Philippe (dir.), Fleuves et marais, une histoire au croisement de la nature et de la culture, Paris, Éd. du CTHS, 2004;Google Scholar Beck, Corinne, Luginbühl, Yves et Muxart, Tatiana (dir.), Temps et espaces des crises de l’environnement, Paris, Éd. Quae, 2006;Google Scholar Antoine, Annie et Marguerie, Dominique (dir.), Bocages et sociétés, Rennes, PUR, 2008.Google Scholar

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42- Une réflexion porte spécifiquement sur les difficultés d’articuler des sources écrites et des sources issues des traces laissées dans le territoire par les pratiques, ou sources « sédimentaires » pour reprendre l’expression d’Emily W. B. RUSSEL, People and the land through time: Linking ecology and history, New Heaven, Yale University Press, 1997. L’équipe, qui se dessine autour de la revue Études rurales, s’est ainsi attachée à interroger le rôle de « discipline cadre » trop souvent accordé à l’histoire : Gérard CHOUQUER,« Nature, environnement et paysage au carrefour des théories », Études rurales, 157-158,2001, p. 236-252.

43- À l’université de Gênes, le laboratoire d’archéologie et d’histoire environnementale a formalisé depuis les années 1990 un programme de recherche original sur le territoire, invitant à croiser des sources à la fois archivistiques et cartographiques, mais aussi archéologiques et de terrain, à partir d’un dialogue avec l’English Local History et avec l’écologie historique. L’impulsion a notamment été donnée avec l’ouvrage de Diego MORENO, Dal documento al terreno. Storia e archeologia dei sistemi agro-silvo-pastorali, Bologne, Il Mulino, 1990. Cette initiative s’est déployée dans la revue Quaderni storici, où elle croisait l’orientation sociale de la micro-histoire, tout particulièrement les recherches attentives à la dimension territoriale des systèmes politiques locaux. Sur cette expérience : Roberta CEVASCO et Vittorio TIGRINO, « Lo spazio geografico: una discussione tra storia politicosociale ed ecologia storica », Quaderni storici, 127, 2008, p. 207-242.

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45- Examiner les sources à partir de la dimension conflictuelle et négociée de leur production permettrait de reconsidérer les critiques internes à l’histoire environnementale sur son caractère trop stato-centré. D. Moreno et O. Raggio examinent ainsi de façon critique les tentatives menées pour restituer un changement global des conditions environnementales (global change) à partir de l’usage des sols (land use). Cette échelle d’observation locale, grâce à laquelle l’historien environnementaliste entend reconstruire des dynamiques écologiques de longue durée, d’une catégorie descriptive de nature fiscale qui s’est imposée à la fin de la période moderne et véhiculant avec elle une certaine conception de la productivité des sols, de la spécialisation fonctionnelle des espaces et du partage inculte/cultivé. Cette notion est à la fois anachronique pour analyser les sociétés d’Ancien Régime et inadaptée pour décrire les agricultures extraeuropéennes.Seule une réflexivité méthodologique permettrait de discuter de façon sérieuse le constat récurrent d’une histoire environnementale trop centrée sur l’&eacutechelle des États-nation, alors même qu’elle en reconduit souvent les catégories archivistiques, administratives ou fiscales. Cette hypothèse n’est pas systématiquement levée par les études d’histoire globale, qui peuvent s’exposer, dans leur usage des sources, à la même critique.

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54- La question environnementale invite à regarder autrement les savoirs des acteurs et ceux produits par les chercheurs de sciences sociales, entre lesquels une barrière a longtemps été dressée. C’est moins leur nature et leurs procédés qui diffèrent, car les acteurs sont eux-mêmes pris dans des exigences de description et d’analyse des situations dans lesquelles ils sont engagés et doivent agir, que l’impératif pragmatique auxquels acteurs et chercheurs sont confrontés qui les distingue. Si les premiers doivent considérer des visions différentes et concurrentes dans le but pratique de réaliser un accord ou de relancer un conflit, ce sont les exigences de la dynamique propre de l’enquête des seconds qui les portent à maintenir la compatibilité entre elles des perspectives des enquêtés : Alain MAHÉ, L’action collective à l’échelle localeSaint-Denis, Bouchène, 2011(à paraître).

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56- Ibid., p. 82.

57- Ibid., p. 48-49.

58- Voir notamment les travaux de Tim Ingold, qui s’intéresse aux pratiques d’engagement, du chasseur comme du chercheur, et opère un retour critique sur l’idée d’un seuil entre une sphère d’action et une sphère des relations sociales et des représentations culturelles : TimIngold, «Human worlds are culturally constructed. Against the motion », in Ingold, T. (dir.), Key debates in anthropology, Londres, Routledge, 1996, p. 112118 ;Google Scholar Id., « Eight themes in anthropology of technology », Social Analysis, 4, 1997, p. 106- 138 ; Id., « Hunting and gathering as ways of perceiving the environment » et « Building, dwelling, living : How animals and people make themselves at home in the world », The perception of the environment: Essays in livelihood, dwelling and skill, Londres, Routledge, 2000, chap. 3 et 10.

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60- Ibid., p. 25-26 et 33-34.