Published online by Cambridge University Press: 25 May 2018
Les monographies sur les modèles d'organisation villageoise sont encore trop rares pour permettre une étude des structures sociales et des causes de conflit, à la veille de la Guerre des Paysans en Allemagne. Dans un récent mémoire soutenu à l'Université du Wisconsin, j'ai examiné en détail l'insurrection de la région sud de la Haute Souabe. Dans le présent essai, j'aimerais indiquer quelques directions qui permettront de reconsidérer dans son ensemble l'interprétation de cette guerre.
La région considérée est la Haute Souabe, centre du premier grand mouvement qui ait eu lieu durant la guerre. Les révoltés, s'organisant en trois « bandes » (Haufen), s'allièrent dans le but de former une ligue qui appuierait leurs revendications. C'est pour cette ligue que furent écrits les fameux « Douze articles » qui résument les buts politiques des paysans.
1. J'ai discuté d'un grand nombre des problèmes traités dans cette étude, avec le docteur George Bond et le docteur Christopher Turner. Je veux ici les remercier pour l'aide et l'encouragement qu'ils m'ont apportés,
2. « Social Background to the Peasaats’ War of 1525 in Southern Upper Swabia ». University of Wisconsin (Madison, 1969). Mon mémoire a été rédigé sous la direction du professeur George Mosse. La traduction en a été publiée dans la série « Quellen und Forschungen zur Agrargeschichte », sous le titre Landbesitz und Gesellschaft am Vorabenddes Bauernkriegs. Stuttgart,1972.
3. La meilleure information sur les objectifs politiques contenus dans les « Douze articles » se trouve dans Walder, Ernst : « Der politische Gehalt der Zwölf Artikel der deutschent Bauerschaft von 1525 », in Schweizer Beitrâge zur Allgemeinen Geschichte (1954), pp. 5–22 Google Scholar. Sur les conditions de la paysannerie durant la période, on doit encore consulter Gothein, E. : « Die Lage des Bauernstandes am Ende des Mittelalters, vornehmlich in Sudwestdeutschland », in Westdeutsche Zeitschrift für Geschichte und Kunst, IV (1885), pp. 1–22 Google Scholar. Gunther Franz fournit encore la meilleure introduction à la guerre elle-même : Der deutsche Bauernkrieg (4e édition, Darmstadt, 1956). Pour une interprétation marxiste, consulter M. M. Smirin, Die Volksreformation des Thomas Müntzer und der grosse Bauernkrieg (Berlin 1956). Malheureusement, il traite surtout de l'idéologie et rarement de la société. Je doute que ce soit là une manière satisfaisante de faire une histoire de la guerre. Une importante ré-interprétation de la situation de la commune (Gemeinde) villageoise dans l'Allemagne du Sud, est fournie par Karl S. Bader, Studien zur Rechtsgeschichte des mittelalterlichen Dorfes (2 volumes. Weimar. 1967 et Köln, 1962). Le recueil de sources le plus utile, comprenant les « Douze articles » est : Günther Franz, éd., Quellen zur Geschichte des Bauernkrieges (Munich. 1963).
4. Un Seldner (en anglais cottager) est un journalier possédant une petite maison et parfois un lopin de terre.
5. Barack, K. A., éd., « Zimmerische Chronik », in Bibliothek des litterarischen Vereins à Stuttgart (Tübingen, 1869), II, 197 p.Google Scholar
6. Sebastian Franck, Germanie (n.p., 1539). « Vorrede ».
7. Barack, K. A., Zimmerische Chronik, IV, pp. 303–304 Google Scholar.
8. Werner Schnyder, « Die Bevölkerung von Stadt und Landschaft Zürich vom 14. bis 17. Jahrhundert », in Schweizer Studien zur Geschichtswissenschaft, XIV (1925-26), 108. Consulter aussi Beier, Hermann, « Zur Bevölkerungs-und Vermögensstatistik des Salemer Gebiets im 16. und 17. Jahrhundert », in Zeitschrifi für die Geschichte des Oberrheins, LXVIII (1914), pp, 196–216 Google Scholar. Beier donne des chiffres extraits de deux registres sur les « fouages » (1488 et 1505), mais il ne pense pas qu'ils soient complets (pp. 196-197). Dans dix-sept villages figurant dans les volumes, 566 personnes étaient obligées de payer l'impôt en 1488 et 671 en 1505. Dans un autre registre des impôts (datant de 1478, pp. 200 et 206), il apparaît que le nombre de ces familles représentait 97 % de celles qui étaient astreintes à payer l'impôt. La population totale divisée par le nombre des familles donnait 4.9. En utilisant ces chiffres, nous trouvons pour 1428 une population de 2 700 personnes, de 3 279 personnes pour 1505. Ceci reflète une augmentation de 579 personnes, soit 21 % en 17 ans, un taux d'accroissement à peine supérieur à celui de la population de Zurich. Un bon résumé des démonstrations qui ont été faites sur l'accroissement de la population pendant cette période est fourni par Karl F. Helleiner, « The population of Europe from the Black Death to the Eve of the Vital Revolution », in Cambridge Economie History of Europe, IV. chap. I (Cambridge, 1967).
9. Württembergisches Hauptstaatsarchiv, Stuttgart (W.H.S.A.), B 198, Urkunden, pp. 445-461.
10. W.H.S.A., B 198, Urkunde, 514.
11. W.H.S.A., B 198, Urkunden, 517-523.
12. D'après Jeremy Kemp, le même problème surgit de nos jours en Thallande. Le village qu'il a étudié, Hua Kok, fournit un exemple-type, montrant que les aînés des enfants quittent les hameaux où ils sont nés, lorsque les ressources sont abondantes. Lorsque les terres utilisables deviennent rares, la tendance à l'ultimogéniture se raréfie. Voir son « Report of Field Work in Phitsanulok Province Thailand », miméographié. London-Cornell. Projet pour les Études concernant l'Est et le Sud-Est asiatique, (L.S.E., s.d.), pp. 25-26.
13. Wolfegger Archive, Urkunden 14 :2123-2133.
14. Pour les changements du régime de la tenure survenus au monastère de Weingarten, consulter W.H.S.A., B 521 : contrats pour les villages de Reute bei Fronhofen, Blönried, Esenhausen, Blitzenreute, Schlier et Bergatreute.
15. W.H.S.A., B 523, Urkunden, 1611, 2678, 2664, 2669.
16. Goody, Jack. Death, Property and the Ancestors (London, 1962), 324 p.Google Scholar Kemp, « Report », 26, montre qu'en Thailande les aînés atteignent la majorité alors que leurs parents sont encore vigoureux. En conséquence, ils cherchent du travail ailleurs. Le plus jeune fils atteint l'âge adulte à peu près au moment où ses parents déclinent. Une très bonne analyse de ce problème se trouve dans Chie Nakane. Kinship and Economie Organisation in Rural Japon (London 1967), 10 ss. Elle montre que l'héritage ultimogéniture et primogéniture existe dans différentes régions du Japon. La première règle est présente « là où la situation économique permet à tous les enfants de se rendre indépendants, cependant que la production domestique peut être assurée par le travail d'une famille très réduite ». La succession par ordre de primogéniture domine là où la concurrence économique est forte. Dans ce cas, le travail du fils aine est indispensable alors que celui des garçons plus jeunes est superflu, compte tenu de la dimension de la propriété exploitée.
17. Franz, , Quellen, pp. 28–35 Google Scholar.
18. Beschreibung des Oberamts Ravensburg (Stuttgart 1836), p. 30.
19. Les fermes appartenant à Weingarten sont étudiées dans le chapitre 4 de mon mémoire, op. cit.
20. Julian Pitt-Rivers. dans l'introduction des Paysans méditerranéens (Paris et La Haye, 1963) montre qu'un régime d'héritage indivis menace de céder lorsque la pression démographique s'accroît. Il en résulte une situation nouvelle qui provoque l'émigration ou le célibat. Une certaine émigration fut enregistrée en Haute Souabe lorsque les hommes furent enrôlés comme lansquenets. Mais si les ressources avaient été plus réduites, le conflit aurait pu aussi bien se produire, à mesure que la succession par ordre de primogéniture tendait à s'établir. Nakane, , Kinship in Japon, p. 10 Google Scholar.
21. Le prêtre pouvait aussi bien être appelé à arbitrer des conflits locaux, particulièrement entre parents. Il était important pour les tenanciers de le contrôler lorsque les conflits se développèrent au sein des villages. Le prêtre joua un rôle comparable dans l'Irlande rurale : Arensberg, Conrad et Kimball, Solon T., Family and community in Ireland (Cambridge, Mass., 1940), p, 124 Google Scholar.
22. Franz, Quellen, 28-35, pour le traité de 1502. Les articles présentés en 1525 sont imprimés dans Wilhelm Vogt, éd., Die Correspondenz des Bundeshauptmannes Ulrich Artzt von Augsburg aus d. J. 1524-1527 (Augsburg, s.d.), n° 891.
23. Gautier, Étienne et Henry, Louis, La Population de Crulai (Paris, 1958), pp. 71 Google Scholar ss., 91 ss., 176 ss.
24. Pour le cas où une mère devient chef de famille après la mort du père, comparer avec Arensberg, Conrad, Family in Ireland, p. 57 Google Scholar ss.
25. Sur ce point voir Kemp, « Report », pp. 25, 26.
26. Ma connaissance du cycle de développement de la famille est fondée sur Jack Goody, éd., The Development Cycle in Domestic Groups (Cambridge, 1962). Voir spécialement l’ « Introduction » de Meyer Fortes.
27. Sur ce point, comparer avec le débat de Nakane sur le groupe domestique au Japon : Nakane, , Kinship in Rural Japon, p. 5 Google Scholar ss,.
28. Schneider, Eugen. « Das Kloster Weingarten und die Landvogtei » dans Württembergische Vierteljahrshefie für Landesgeschichte, N.F. 9 (1900), pp. 421–437 Google Scholar.
29. La meilleure description politique de la Haute Souabe est de Karl S. Bader, dans Deutsche Südwesten in seiner territorialstaatlichen Entwicklung (Stuttgart, 1950).
30. W.H.S.A., B 523, Urkunde 2672.
31. Par exemple W.H.S.A., B 523, Urkunden 2679, 2680, 2681, 2682.
32. Sur les difficultés d'assurer des dots, voir le témoignage des tenanciers de Weingarten : W.H.S.A., H 14/15 266, folio 62.
33. Pour un accord réciproque autorisant les Leibeigene d'un seigneur à hériter des Leibeigene d'un autre seigneur, voir : W.H.S.A., B 470 Büschel 4.
34. Gonner, Eberhard et Miller, Max, « Die Landvogtei Schwaben », dans Vorderosterreich : einer geschichtliche Landeskunde (Freiburg im Br., 1959), II, pp. 654–676 Google Scholar.
35. Sur la politique des Habsbourg dans la région, consulter Karl S. Bader, Deutsche Südwesten, passim.
36. W.H.S.A., B 517, Missivband, 41, pp. 40-46.
37. W.H.S.A., H 235, pp. 29-33.
38. Arensberg, Conrad, Family in Ireland, p. 153 Google Scholar ss.
39. J. F. Autenrieth soutient que, dans des régions comme la Haute Souabe à système d'héritage indivis, il n'y avait qu'un seul fils qui se mariait : Die uneingeschränkte Vertrennung der Bauern-Güter oder Bauern-Lehen (Stuttgart 1779), pp. 30-34. Voir aussi Johannes J. Schnitzer, Ueber freizugebende Zerstücklung der Bauerngüter (Tübingen, 1833), passim.
40. W.H.S.A., H 14/15 266, folio 62 ss.
41. Reinhardt, Rudolph, Restauration, Visitation, Inspiration. Die Reformbestrebungen in der Benediktinerabtei Weingarten von 1567 bis 1627 (Stuttgart, 1960), pp. 169–171 Google Scholar.